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Date : 19990331


Dossier : T-4-98

ENTRE :


HUGH V. BRACELAND,


demandeur,

et


REVENUE CANADA FAIRNESS GROUP APPEALS,


défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

INTRODUCTION

[1]      Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision en date du 9 décembre 1997 par laquelle M. Harvey Beaulac, directeur du Bureau de services fiscaux d'Ottawa, ministère du Revenu national, annule les intérêts accumulés après la nouvelle cotisation établie en date du 21 juillet 1997, au montant de 314,40 $, et refuse d'annuler le reste des intérêts que doit le demandeur.


LES FAITS

[2]      Tel qu'il ressort de l'affidavit de M. McKenzie (dossier de demande du défendeur, onglet 1), le ministre du Revenu national (le ministre) a établi des cotisations à l'égard des déclarations du demandeur pour les années 1994, 1995 et 1996, les 8 juin 1995, 17 juin 1996 et 29 mai 1997, respectivement. Dans des avis de nouvelle cotisation en date du 21 juillet 1997, le ministre a refusé la déduction pour amortissement sollicitée relativement à des biens locatifs qui créait ou majorait une perte pour les années 1994, 1995 et 1996.

[3]      Dans une lettre en date du 23 juillet 1997, le demandeur a sollicité une annulation des intérêts accumulés sur le montant d'impôt payable pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi). M. McKenzie du Bureau de services fiscaux d'Ottawa, ministère du Revenu national, a examiné la demande et fait une recommandation à M. Malhotra. Dans une lettre en date du 6 novembre 1997, M. Malhotra a informé le demandeur qu'il ne convenait pas en l'espèce d'annuler les intérêts.

[4]      Par lettre en date du 17 novembre 1997, le demandeur a déposé une deuxième demande d'annulation des intérêts. M. Young a examiné la demande et fait une recommandation à M. Beaulac, directeur du Bureau de services fiscaux d'Ottawa, ministère du Revenu national. Par lettre en date du 9 décembre 1997, M. Beaulac a informé le demandeur que les arrérages d'intérêts accumulés après les nouvelles cotisations établies en date du 21 juillet 1997, au montant de 314,40 $, étaient annulés, mais que le reste de ces arrérages d'intérêts était toujours en souffrance étant donné que la situation du demandeur ne justifiait pas une annulation des intérêts ou une renonciation à ceux-ci.

LES ARGUMENTS

Les arguments du demandeur

[5]      Le demandeur, qui se représente lui-même, soutient essentiellement que le ministre a commis une erreur en appliquant les critères établis aux paragraphes 5 et 6 de la Circulaire d'information 92-2 (IC 92-2) et qu'il n'a pas tenu compte de tous les renseignements soumis par le demandeur en prenant sa décision en application du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les arguments du demandeur peuvent être divisés en trois catégories :

     1)      Les intérêts découlaient de situations indépendantes de sa volonté. Le demandeur prétend qu'il a toujours satisfait à temps aux demandes de Revenu Canada, soit celles de produire les déclarations de revenus pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 et de faire au complet les paiements qui s'y rapportent.                 
     2)      Les retards de traitement ont eu pour effet que le demandeur n'a pas été informé dans un délai raisonnable de l'existence d'une somme en souffrance. Il est allégué que le demandeur n'a été informé du solde dû que le 21 juillet 1997 bien que les déclarations de revenus aient été produites à temps, c.-à.-d. les 30 avril 1994, 1995 et 1996. Depuis le 25 mars 1997, le demandeur avait de la difficulté à joindre l'agent des impôts de la Division de la vérification, ce qui a occasionné des retards supplémentaires avant que M. Beaulac ne rende sa décision en date du 9 décembre 1997.                 
     3)      La documentation mise à la disposition du public renfermait des erreurs, ce qui a amené le demandeur à soumettre des déclarations ou à faire des paiements en se fondant sur des renseignements erronés.                 
         a) Le demandeur prétend que l'affirmation de M. Beaulac, dans sa lettre en date du 9 décembre 1997, selon laquelle il n'est pas permis de faire une déduction pour amortissement relativement à des logements locatifs qualifiés d'immeubles résidentiels à logements multiples (IRLM), en vue d'accroître une perte locative, contredit les renseignements contenus dans une lettre en date du 27 juin 1997 reçue plus tôt, dans laquelle il est affirmé que les immeubles du demandeur étaient reclassifiés dans la catégorie 3 en application de l'annexe 11 du Règlement de l'impôt sur le revenu et que la déduction pour amortissement était uniquement utilisable pour réduire un revenu de location net à zéro.                 
         b) On soutient également que, contrairement aux renseignements mis à la disposition du public, Revenu Canada n'a pas admis : la peinture extérieure en tant que dépense courante; les réparations en tant que dépenses en immobilisations, dans le cas où il s'agit d'une condition de la vente; le prélèvement sur le produit de disposition des frais juridiques, des frais de services financiers et des dépenses effectuées pour préparer les déclarations de revenus; les frais d'aménagement paysager du bien locatif; l'utilisation de l'année civile pour la réclamation de la déduction pour amortissement des biens locatifs; la nécessité de fournir un numéro d'identification d'abri fiscal uniquement après le 1er août 1989; le report d'un gain en capital; la récupération de la déduction pour amortissement; la fraction non amortie du coût en capital (FNACC); de même que le calcul du gain en capital et de la perte en capital.                 

Les arguments du défendeur

[6]      Le défendeur soulève des questions préliminaires. Il est allégué que le demandeur a à tort désigné le " Revenue Canada Fairness Group Appeals " comme étant le défendeur et que l'intitulé de la cause devrait être modifié de façon à ce que le ministre du Revenu porte cette désignation, étant donné que la décision a été prise par le représentant du ministre en application de l'alinéa 900(2)b ) du Règlement de l'impôt sur le revenu. En outre, il est allégué que le demandeur a indûment inclu dans son exposé des points d'argument relatif à la demande de contrôle judiciaire des faits qui n'ont pas été déclarés sous serment et que ces renseignements sont à tort soumis à la Cour.

[7]      En ce qui a trait à la question de compétence, le défendeur prétend que la Cour fédérale du Canada n'a pas compétence pour modifier ou annuler les avis de nouvelle cotisation datés du 21 juillet 1997 et que la seule question à trancher est de savoir si le ministre s'est acquitté de son obligation d'agir équitablement en refusant d'exercer son pouvoir discrétionnaire d'annuler les intérêts que doit le demandeur, en application du paragraphe 220(3.1) de la Loi.

[8]      Le ministre soutient que l'objet du paragraphe 220(3.1) de la Loi est de permettre à Revenu Canada de gérer plus équitablement le régime fiscal en tenant compte des contribuables qui, en raison d'une infortune ou de situations indépendantes de leur volonté, sont incapables de respecter les délais ou d'observer les dispositions des lois fiscales. Dans ce contexte, le ministre doit, compte tenu de son obligation d'agir équitablement, donner au contribuable la possibilité de présenter des observations et prendre en considération l'ensemble des éléments de preuve présentés. Pour parvenir à sa décision d'annuler les intérêts, M. Beaulac a tenu compte des critères énoncés dans la IC 92-2, de même que du fait que le défendeur n'a pas donné des renseignements erronés au demandeur, que l'accumulation des intérêts n'était pas attribuable à la négligence, à la faute ou à la représentation erronée du défendeur et que le demandeur n'a pas démontré une difficulté financière indue justifiant l'annulation des intérêts. De plus, les cotisations à l'égard des déclarations de revenus du demandeur pour les années 1994, 1995 et 1996 ont été établies au cours de la période normale pour leur établissement et l'accumulation des intérêts ne découle pas d'actions attribuables au ministre.

[9]      Par conséquent, il est allégué que la Cour ne devrait pas modifier la décision du représentant du ministre vu qu'il était saisi de tous les facteurs pertinents sur lesquels il doit fonder sa décision d'exercer ou de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire à l'égard du demandeur et qu'il a agi en conformité avec les principes de justice naturelle en refusant d'annuler les arrérages d'intérêts ou de renoncer à ceux-ci en application du paragraphe 220(3.1) de la Loi.

LES QUESTIONS LITIGIEUSES

[10]      Dans la présente demande de contrôle judiciaire, les questions suivantes sont soulevées :

     1)      Quelle est l'étendue de la compétence de la Cour pour annuler la décision du 9 décembre 1997 ou pour modifier la décision de Revenu Canada quant aux intérêts que doit le demandeur?                 
     2)      Le représentant du ministre a-t-il commis une erreur susceptible de révision justifiant l'intervention de la Cour?                 

ANALYSE

La compétence de la Cour     

[11]      Dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire de la décision que prend le ministre en application du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, la Cour fédérale s'interroge sur la régularité de cette décision et, notamment, sur le respect des principes de justice naturelle et d'équité. Il est clairement établi que la Cour n'a pas compétence pour modifier la cotisation établie par Revenu Canada à l'égard des intérêts que doit payer le demandeur : Floyd Estate c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.) (1993), 68 F.T.R. 157. Dans Floyd, précitée, qui a été citée avec approbation dans Bourgeois c. Canada (Revenu) (1996), 50 D.T.C. 6304, le juge Dubé affirme à la page 159 :

     Soulignons au départ qu'il n'appartient pas à la Cour de décider si les intérêts par ailleurs payables par la contribuable doivent faire l'objet d'une renonciation ou être annulés. Cela relève du pouvoir discrétionnaire du ministre. Tel que je le comprends, le rôle de la Cour dans le cadre de ce contrôle judiciaire consiste à déterminer si le ministre a manqué à l'obligation d'équité procédurale ou si sa décision est entachée d'une erreur de droit, cas qui sont prévus au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale.         

La décision du ministre

[12]      La décision contestée en l'espèce est fondée sur le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui est rédigé comme suit :

     220(3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.         

[13]      En vertu de l'alinéa 900(2)b) du Règlement de l'impôt sur le revenu, le directeur de l'Impôt auprès d'un bureau de district du ministère du Revenu national peut exercer les pouvoirs et fonctions du ministre.

[14]      Il est clairement établi que la décision que rend le ministre en application du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu est discrétionnaire et, à ce titre, la portée du contrôle est limitée. La norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision que rend le ministre en application du paragraphe 220(3.1) de la Loi fait l'objet d'une analyse dans Kaiser c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.) (C.F. 1re inst.) (1995), 93 F.T.R. 66, où le juge Rouleau affirme à la page 68

     L'objet de cette disposition législative est de permettre à Revenu Canada, Impôt, de gérer plus équitablement le régime fiscal, en faisant la place au bon sens dans le traitement des contribuables qui, en raison de leur infortune ou de situations indépendantes de leur volonté, sont incapables de respecter des délais ou de se conformer aux règles propres au régime fiscal. Le libellé de l'article confère au ministre un large pouvoir discrétionnaire de renoncer aux intérêts en tout temps. Pour le guider dans l'exercice de ce pouvoir, des lignes directrices ont été formulées; elles sont exposées dans la circulaire 92-2.         
     La jurisprudence a établi une norme que sont tenus d'appliquer les tribunaux lorsqu'ils doivent contrôler l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire comme celui dont il est question en l'espèce. Dans l'arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. p. 2, (1982), 137 D.L.R. (3d) 558 (C.S.C.), le juge McIntyre a dit aux pages 7 et 8 :         
         En interprétant des lois semblables à celles qui sont visées en l'espèce et qui mettent en place des arrangements administratifs souvent compliqués et importants, les tribunaux devraient, pour autant que les textes législatifs le permettent, donner effet à ces dispositions de manière à permettre aux organismes administratifs ainsi créés de fonctionner efficacement comme les textes le veulent. À mon avis, lorsqu'elles examinent des textes de ce genre, les cours devraient, si c'est possible, éviter les interprétations strictes et formalistes et essayer de donner effet à l'intention du législateur appliquée à l'arrangement administratif en cause. C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.                 

[15]      Le ministre a adopté les lignes directrices énoncées dans la IC 92-2 pour aider aux prises de décision quant aux demandes d'annulation des intérêts ou de renonciation à ceux-ci en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi. L'extrait pertinent de la IC 92-2 aux fins de la présente affaire se trouve aux articles 5, 6 et 10 :

     5. Il sera convenable d'annuler la totalité ou une partie des intérêts ou des pénalités, ou de renoncer à ceux-ci, si ces intérêts ou ces pénalités découlent de situations indépendantes de la volonté du contribuable ou de l'employeur. Voici des exemples de situations extraordinaires qui pourraient empêcher un contribuable, un agent d'un contribuable, l'exécuteur d'une succession ou un employeur de faire un paiement dans les délais exigés ou de se conformer à d'autres exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu :         
         a) une calamité naturelle ou une catastrophe provoquée par l'homme comme une inondation ou un incendie;         
         b) des troubles civils ou l'interruption de services comme une grève des postes;         
         c) [...];                              
         d) des troubles émotifs sérieux ou une souffrance morale grave comme un décès dans la famille immédiate.                 
     6. L'annulation des intérêts ou des pénalités ou la renonciation à ceux-ci peuvent également être justifiées si ces intérêts ou pénalités découlent principalement d'actions attribuables au Ministère comme dans les cas suivants :         
         a) des retards de traitement, ce qui a eu pour effet que le contribuable n'a pas été informé, dans un délai raisonnable, de l'existence d'une somme en souffrance;         
         b) des erreurs dans la documentation mise à la disposition du public, ce qui a amené des contribuables à soumettre des déclarations ou à faire des paiements en se fondant sur des renseignements erronés;                 
         c) une réponse erronée qu'un contribuable ou un employeur a reçue concernant une demande de renseignements comme dans le cas où le Ministère a informé par erreur un contribuable qu'aucun acompte provisionnel n'est nécessaire pour l'année en cours;                 
         d) des erreurs de traitement;                 
         e) des renseignements fournis en retard comme dans le cas où un contribuable n'a pu faire les paiements voulus d'acomptes provisionnels ou d'arriérés parce qu'il n'avait pas les renseignements nécessaires.                 
     10. Le Ministère tiendra compte des points suivants dans l'étude des demandes d'annulation des intérêts ou des pénalités ou de renonciation à ceux-ci :         
         a) si le contribuable ou l'employeur a respecté, par le passé, ses obligations fiscales;         
         b) si le contribuable ou l'employeur a, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des intérêts sur arriérés;         
         c) si le contribuable ou l'employeur a fait des efforts raisonnables et s'il n'a pas fait preuve de négligence ni d'imprudence dans la conduite de ses affaires en vertu du régime d'autocotisation;         
         d) si le contribuable ou l'employeur a agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission.         

[16]      En l'espèce, M. Beaulac, directeur du Bureau de services fiscaux d'Ottawa, ministère du Revenu national, a affirmé dans son affidavit (dossier de demande du défendeur, onglet 4) que, dans sa prise de décision, il a tenu compte des faits suivants :

     a)      la demande présentée par le demandeur dans sa lettre en date du 17 novembre 1997;                 
     b)      le dossier relatif aux demandes de renonciation aux intérêts soumises par le demandeur;                 
     c)      l'accumulation des intérêts pour la période précédant les avis de nouvelle cotisation en date du 21 juillet 1997 n'était ni attribuable à la négligence, à la faute ou à la représentation erronée du ministère ni le résultat de situations indépendantes de la volonté du demandeur;                 
     d)      il n'y avait pas suffisamment de renseignements pour établir une difficulté financière justifiant une renonciation aux intérêts;                 
     e)      les lignes directrices établies dans la Circulaire d'information no 92-2 n'étaient pas respectées en l'espèce;                 
     f)      ma décision était fondée en partie sur la recommandation de M. Dave Young, agent d'appels, Revenu Canada.                 

[17]      Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le représentant du ministre a de façon appropriée pris en considération la liste non exhaustive des critères indiqués dans la IC 92-2 de même que les renseignements brièvement mentionnés précédemment.

[18]      À mon avis, l'argument du demandeur que le ministre n'a pas tenu compte de tous les renseignements soumis doit être rejeté. L'allégation du demandeur semble découler d'une série de désaccords quant aux montants et aux dépenses déductibles; à titre d'exemple, le demandeur prétend que la peinture extérieure n'a pas été admise en tant que dépense courante parce Revenu Canada n'a pas admis l'état détaillé et révisé des dépenses qu'a soumis le demandeur. Il appert que l'argument du demandeur se rapporte principalement à la cotisation relative à ses déclarations pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996. La cotisation à l'égard des déclarations de revenus du demandeur n'est pas remise en question en l'espèce. Je n'ai aucune compétence pour contrôler la nouvelle cotisation établie par le défendeur relativement aux déclarations de revenus du demandeur dans le présent litige.

[19]      Au surplus, le demandeur n'a fait ressortir ni renseignement ni document dont le représentant du ministre n'a pas tenu compte pour décider s'il convenait d'annuler les intérêts ou de renoncer à ceux-ci. En outre, le demandeur ne m'a soumis aucun élément de preuve selon lequel le ministre a pris en considération des renseignements ou des documents non pertinents lors de sa prise de décision.

[20]      Selon le demandeur, les intérêts découlent de situations indépendantes de sa volonté. La IC 92-2 peut fournir des exemples de telles situations : une calamité naturelle ou une catastrophe provoquée par l'homme, des troubles civils ou l'interruption de services comme une grève des postes, et des troubles émotifs sérieux ou une souffrance morale grave comme un décès dans la famille immédiate. Bien que la liste des situations indiquées dans la IC 92-2 ne soit pas exhaustive, rien n'indique que le demandeur a soumis à Revenu Canada des éléments de preuve selon lesquels il a connu de telles situations. L'allégation du demandeur n'est pas prouvée. Les circonstances sur lesquelles se fonde le demandeur, telles que le paiement intégral pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 et les retards pour l'informer de la somme en souffrance, ne constituent pas, à mon avis, des " situations indépendantes de la volonté du contribuable " au sens du paragraphe 220(3.1) de la Loi.

[21]      Deuxièmement, le demandeur prétend que les intérêts sont principalement attribuables aux retards de traitement, ce qui a eu pour effet que le demandeur n'a pas été informé dans un délai raisonnable de l'existence de la somme en souffrance. Le demandeur soutient que Revenu Canada l'a informé en 1997 des sommes en souffrance bien que les déclarations en cause aient été produites à temps en 1994, 1995 et 1996.

[22]      Cet argument doit également être rejeté. La Loi de l'impôt sur le revenu attribue au ministre le pouvoir d'établir une nouvelle cotisation à l'égard des déclarations du contribuable dans un délai de trois ans, délai qui ne peut être considéré comme étant un retard de traitement au sens du paragraphe 6 de la IC 92-2. Dans Floyd Estate, précitée, le juge Dubé affirme, à la page 160, que " comme le système de perception de l'impôt sur le revenu au Canada repose entièrement sur l'autocotisation, on ne peut tenir rigueur [aux] fonctionnaires [du ministre] de ne pas avoir décelé plus vite l'erreur de la contribuable elle-même ". Tout ce qui incombe au ministre c'est de prendre ses mesures dans un délai raisonnable.

[23]      En l'espèce, rien n'indique que les mesures qu'a prises Revenu Canada pour informer le demandeur des sommes qui demeuraient en souffrance n'ont pas été accomplies dans un délai raisonnable.

[24]      Le dernier argument du demandeur porte sur les nombreuses divergences entre la documentation mise à la disposition du public et les renseignements qui lui ont été donnés.

[25]      En l'espèce, le demandeur a tenté de mettre en évidence de nombreuses divergences mineures entre les renseignements mis à la disposition du public et ceux qui lui ont été donnés, de même que la manière dont Revenu Canada a traité ces renseignements. Toutefois, seuls les éléments de preuve dont était saisi le ministre sont pertinents quant au présent litige. Les autres renseignements auxquels s'est référé le demandeur ne sont pas pertinents quant au contrôle judiciaire.

[26]      Dans une lettre en date du 30 juillet 1997, le demandeur a présenté des arguments relatifs aux renseignements erronés sur lesquels il s'était fondé (dossier de demande du défendeur, onglet 3, affidavit de David Young, pièce C, à la page 28). M. Young a examiné ces arguments dans le contexte de la deuxième demande d'annulation des intérêts présentée par le demandeur. Tel qu'il l'a mentionné dans son affidavit, M. David Young, agent auprès du ministère du Revenu national, a examiné la lettre du demandeur en date du 23 juillet 1997 et fait à M. Beaulac la recommandation suivante :

     [TRADUCTION]         
     - Points 1, 2 et 4 - Toutes ces observations concernent les années d'imposition antérieures à 1994. Cependant, compte tenu du droit en vigueur pendant l'année d'imposition 1994 et les années subséquentes, une personne ne peut plus créer ou majorer une perte en réclamant une DPA sur un bien de catégorie 31 ou 32. Ces renseignements figuraient dans les guides de 1989 et de 1994 en matière de location. Des photocopies des pages pertinentes devraient être envoyées au client. En conséquence, la question de savoir si le bien locatif était un IRLM est non pertinente puisque depuis 1994, le client ne pouvait plus accroître sa perte locative en réclamant une DPA sur un bien de catégorie 32; en 1994 et en 1996, il a fait une telle réclamation. En 1995, dans l'annexe du client relative à la DPA, la catégorie 6 est indiquée. Le fait que ces renseignements figurent dans le guide de 1989 en matière de location indique qu'ils étaient à la disposition du client pendant au moins cinq ans avant 1994. Ces renseignements n'ont pas été fournis au client au cours de la vérification et de l'examen de l'équité.         
     - Les circonstances particulières entourant la nouvelle cotisation du 22 octobre 1996 indiquent que le rajustement n'avait rien à voir avec les activités de location du client. Plutôt, une somme de 23 350 a été effacée de la ligne 130 (autres revenus) étant donné qu'un revenu de pension de ce montant avait été inscrit par erreur deux fois, soit aux lignes 115 et 130. M. BRACELAND a discuté de cette question avec J.A. Proulx et non avec J.A. Delorme.         

[27]      Dans Sa Majesté la Reine c. Barron et autre (1997) 97 D.T.C. 5121 (C.A.F.), une affaire qui ressemble beaucoup à la présente espèce parce qu'elle concerne une décision discrétionnaire du ministre, le juge Pratte déclare à la page 5122 :

         Avant d"exposer les motifs pour lesquels nous estimons que ces conclusions sont erronées, il est peut-être utile de rappeler que le paragraphe 152(4.2) de la Loi de l"impôt sur le revenu confère un pouvoir discrétionnaire au ministre et que, à l"occasion d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision prise en vertu d"un tel pouvoir, le rôle de la cour de révision ne consiste pas à exercer ce pouvoir à la place de son titulaire. La cour pourra intervenir et annuler la décision visée seulement si celle-ci a été prise de mauvaise foi, si l"instance décisionnelle a manifestement omis de tenir compte de faits pertinents ou tenu compte de faits non pertinents, ou si la décision est erronée en droit.         

CONCLUSION

[28]      Le demandeur n'a pas démontré que le représentant du ministre avait commis une erreur dans son analyse de la preuve ou qu'il n'avait pas observé les principes de justice naturelle.

[29]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens que je fixe à 250,00 $.

                             " Max M. Teitelbaum "

                                                          J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 31 mars 1999

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-4-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      HUGH V. BRACELAND c. REVENU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE :      Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      le 30 mars 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE TEITELBAUM

DATE DES MOTIFS :          le 31 mars 1999

ONT COMPARU :

lui-même                              POUR L'APPELANT
Mme Sharlene Curtis-Macallef &          POUR L'INTIMÉ

Mme Dona Gilbertson

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

PAS D'AVOCAT                          POUR L'APPELANT
M. ROSENBERG, SOUS-PROCUREUR              POUR L'INTIMÉ

GÉNÉRAL DU CANADA

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