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Date : 20050719

Dossier : IMM-7418-04

Référence : 2005 CF 1004

Toronto (Ontario), le 19 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

DANIEL WAHOME KIMOTHO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L' IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Dans le présent contrôle judiciaire d'une décision concernant une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, la question au coeur du litige est l'intérêt supérieur d'un enfant né au Canada. Le critère pertinent est énoncé dans l'arrêt Hawthorne c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] 2 C.F. 555 (C.A.), au paragraphe 32 :

Il y a eu également consensus sur le fait qu'une agente ne peut démontrer qu'elle a été « récepti[ve], attenti[ve] et sensible » à l'intérêt supérieur d'un enfant touché par la simple mention dans ses motifs qu'elle a pris en compte l'intérêt de l'enfant d'un demandeur CH (Legault, paragraphe 12). L'intérêt de l'enfant doit plutôt être « bien identifié et défini » (Legault, paragraphe 12) et « examiné avec beaucoup d'attention » (Legault, paragraphe 31) car, ainsi que l'a affirmé clairement la Cour suprême, l'intérêt supérieur de l'enfant constitue « un facteur important » auquel on doit accorder un « poids considerable » (Baker, paragraphe 75) dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire sous le régime du paragraphe 114(2).

[2]                Le passage déterminant de la décision concernant la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire est rédigé comme suit :

[TRADUCTION] M. Kimotho prétend que les soins de son fils de cinq ans né au Canada sont à sa charge. Il n'a pas produit suffisamment de preuves pour établir ses liens avec l'enfant. Celui-ci vit avec l'intéressé depuis sa naissance et il y a lieu de supposer qu'un lien réel existe. J'ai examiné l'évaluation psychologique de l'enfant Andrew qui expose en détail son développement et un rapport d'évaluation des communications. Il semble que l'enfant ait besoin de certains soins, notamment de certains soins à domicile. J'ai examiné l'affidavit au dossier émanant de T. W. Gathenya, qui comprend aussi une copie du plan directeur sur l'éducation et la formation pour la république du Kenya pour les années 1997 à 2010. Il semble qu'il y a au Kenya les ressources permettant de répondre aux besoins de l'enfant. J'ai pris en compte l'intérêt supérieur de l'enfant et je conviens que, comme dans la plupart des cas, l'intérêt supérieur de l'enfant veut qu'il reste avec ses parents. Vu la preuve produite, je ne peux conclure qu'on ne pourrait pas répondre aux besoins de l'enfant Andrew s'il devait rester avec ses parents. Il semble qu'il y a les structures nécessaires au Kenya et que ses parents soient motivés à prendre soin de l'enfant.

(dossier de demande des demandeurs, page 11)

Je suis d'avis que ce trop bref passage ne satisfait pas au critère de l'arrêt Hawthorne. La preuve produite montre que l'enfant en question a des besoins spéciaux qui appellent un examen et une analyse des plus attentifs. Cela n'a pas été fait.

[3]                En outre, si on se penche de près sur les déclarations figurant dans l'affidavit de M. Gathenya, il est tout à fait évident que la conclusion selon laquelle « [i]l semble qu'il y a au Kenya les ressources permettant de répondre aux besoins de l'enfant » est tellement en décalage par rapport à la preuve qu'elle en est arbitraire. L'affidavit en question fournit les preuves pertinentes relatives à la situation au Kenya au moment où la décision visée par la présente demande de contrôle judiciaire a été rendue (dossier de demande des demandeurs, aux pages 72 et 73) :

·         Dans la plupart des collectivités kényanes, les personnes atteintes de handicaps sont considérées comme une malédiction pour la société. Elles sont donc souvent maltraitées et il leur est rarement accordé les soins et la dignité qu'elles méritent (paragraphe 8);

·         La politique du gouvernement en matière d'éducation des personnes atteintes de handicaps est embryonnaire, et il n'a pas de politiques officielles de financement à long terme en ce qui a trait aux programmes d'éducation spéciale (paragraphe 10);

·         Même lorsque des programmes d'éducation spéciale destinés aux enfants et aux personnes atteints de handicaps existent, il y a d'autres facteurs qui nuisent à leur efficacité et à leur succès et aux possibilités d'accès à ces programmes par les enfants handicapés (paragraphe 11);

·         Les personnes atteintes de handicaps, plus précisément les enfants ayant des problèmes de développement, continuent à faire face à des difficultés disproportionnées d'accès aux programmes d'éducation spécialisée et aux autres programmes d'intervention utiles (paragraphe 14).

[4]                Je conclus donc que la décision faisant l'objet du contrôle est manifestement déraisonnable.


ORDONNANCE

Par conséquent, j'annule la décision faisant l'objet du contrôle et renvoie l'affaire à un autre agent pour qu'il réexamine les raisons d'ordre humanitaire invoquées.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-7418-04

INTITULÉ :                                        DANIEL WAHOME KIMOTHO

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 19 JUILLET 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :                       LE 19 JUILLET 2005

COMPARUTIONS:

Waikwa Wanyoike                                                                    POUR LE DEMANDEUR

Anshumala Juyal                                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Waikwa Wanyoike

Avocat

Toronto (Ontario)                                                                      POUR LE DEMANDEUR

                                                                                                                                                John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                            POUR LE DÉFENDEUR


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