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Date : 20050510

Dossier : IMM-4920-04

Référence : 2005 CF 658

Toronto (Ontario), le 10 mai 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                                   ARUNTHATHY RAJENDRAN

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Mme Rajendran est arrivée au Canada, en provenance du Sri Lanka, en 1991. Elle est aujourd'hui citoyenne canadienne. Elle a parrainé la demande de résidence permanente de ses parents, mais il a été jugé que sa mère était interdite de territoire pour motifs sanitaires. Mme Rajendran ne conteste pas cette conclusion. Elle a interjeté appel devant la Section d'appel de l'immigration (SAI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) en faisant valoir qu'il existe des motifs d'ordre humanitaire d'accueillir la demande. La SAI a rejeté l'appel, et Mme Rajendran sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.


CONTEXTE

[2]                En 1998, les parents de Mme Rajendran ont quitté le Sri Lanka pour s'installer en Inde afin d'échapper à la situation politique. Ils se disent toujours dans l'impossibilité de retourner dans leur pays d'origine. La soeur mariée de Mme Rajendran et ses enfants vivent au Canada. L'un de ses frères vit en Norvège et l'autre, atteint d'un handicap résultant de la poliomyélite, marié et père d'un enfant, vit en Inde. L'agent d'immigration a conclu que la mère de Mme Rajendran était interdite de territoire parce que la démence dont elle souffre risque d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.

LA DÉCISION

[3]                Après avoir examiné et décrit l'état de santé de la mère de Mme Rajendran, la SAI a analysé les motifs invoqués par la demanderesse. Elle s'est appuyée sur le critère formulé dans Chirwa c. Canada (Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration)(1970), 4 I.A.C. 351 (CAI) :

... des faits établis par la preuve, de nature à inciter tout homme raisonnable d'une société civilisée à soulager les malheurs d'une autre personne - dans la mesure où ses malheurs « justifient l'octroi d'un redressement spécial » aux fins des dispositions de la Loi [sur l'immigration et la protection des réfugiés].

[4]                La SAI a ensuite soupesé les divers facteurs et jugé que les motifs d'ordre humanitaire étaient insuffisants. Elle a donc rejeté l'appel.

QUESTIONS EN LITIGE

[5]                Mme Rajendran soutient que la SAI a commis trois erreurs :

a)          Elle a commis une erreur en ne concluant pas que les motifs d'ordre humanitaire invoqués par la demanderesse étaient « de nature à inciter tout homme raisonnable d'une société civilisée à soulager les malheurs » de sa mère.

b)          Elle n'a pas fourni de motifs suffisants pour expliquer pourquoi elle n'a pas cru que Mme Rajendran n'avait pas pu aller voir ses parents depuis qu'elle avait quitté le Sri Lanka en 1991.

c)          Elle a entravé son pouvoir discrétionnaire en examinant à tort l'absence de « difficultés » pour la mère en Inde, alors qu'elle aurait dû tenir compte de ses « malheurs » comme l'exigeait la décision Chirwa. Elle a de plus omis de tenir compte du principe de la réunification des familles lorsqu'elle a évalué ces « difficultés » et elle n'a pas tenu compte de motifs d'ordre humanitaire concernant le père de Mme Rajendran.


ANALYSE

[6]                Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable à un appel fondé sur des motifs d'ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable pour la décision dans son ensemble et celle de la décision manifestement déraisonnable en ce qui concerne les conclusions de fait de la SAI. Je suis d'accord avec cette approche étant donné l'absence d'une clause privative, l'importante expertise de la SAI, le caractère discrétionnaire de la décision et le fait que la décision a trait aux droits et intérêts d'une personne : voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

[7]                Malgré les observations éloquentes de l'avocate de Mme Rajendran, je ne suis pas convaincue que la SAI a fait abstraction d'éléments de preuve pertinents ou qu'elle a tenu compte d'éléments non pertinents dans sa décision. Elle était justifiée de soupeser tous les éléments dont elle avait été saisie, y compris l'absence de difficultés pour la mère de Mme Rajendran en Inde. Il n'était pas déraisonnable, compte tenu de la décision Chirwa, précitée, de parler de difficultés ou de malheurs et de tenir compte du fait que la mère de la demanderesse avait accès à des soins médicaux en Inde. Pour résumer, la question des « difficultés » n'était pas un facteur non pertinent.


[8]                Pour ce qui est de l'incapacité de Mme Rajendran de rendre visite à ses parents, c'est elle qui en a fait un motif d'ordre humanitaire, et la SAI était donc justifiée d'évaluer la crédibilité de cette affirmation. La SAI a tenu compte de la situation de Mme Rajendran lorsqu'elle a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve attestant qu'elle n'avait eu ni les congés ni les ressources financières nécessaires pour aller voir ses parents depuis qu'elle avait quitté le Sri Lanka en 1991.

[9]                La SAI n'a pas omis de tenir compte du principe de la réunification des familles. Elle a explicitement fait état du désir de Mme Rajendran d'être réunie à ses parents, du sentiment qu'elle était tenue par sa religion et par sa culture de prendre soin de ses parents âgés et de l'éparpillement des frères et soeurs de Mme Rajendran dans différents pays du monde. Quant à la situation du père, la transcription révèle que les éléments de preuve et les observations concernaient principalement la mère de Mme Rajendran, et c'est à cela que la SAI a répondu. Elle n'ignorait pas que sa décision aurait nécessairement des répercussions sur le père de la demanderesse également.

[10]            Les arguments visent, sur le fond, à m'amener à évaluer les éléments de preuve et à substituer mon opinion à celle de la SAI. Mais tel n'est pas mon rôle. Il était raisonnablement loisible à la SAI de parvenir à cette décision et mon intervention n'est pas justifiée. Les avocats ne m'ont pas proposé de question à certifier, et aucune n'est suscitée par les faits.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de contrôle judiciaire.

       « Carolyn Layden-Stevenson »

                                                                                                     Juge                      

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                         IMM-4920-04

INTITULÉ :                                        ARUNTHATHY RAJENDRAN

                                                                                  demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 9 MAI 2005

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                       LE 10 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Jackie Esmonde                                     POUR LA DEMANDERESSE

Mary Mattews                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Roach Schwartz & Associates

Toronto (Ontario)                                  POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ont.)                           POUR LE DÉFENDEUR

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