Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050531

Dossier : IMM-6007-04

Référence : 2005 CF 772

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O=KEEFE

ENTRE:

MARCELA PAZ CORREA ROJAS

LUIS EDUARDO PACHECO BALMACEDA

et THYARE PAULINA PACHECO CORREA

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L=IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L=ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O=KEEFE

1)          Il s=agit d=une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l=immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), d=une décision datée du 16 juin 2004 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l=immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.


2)          Les demandeurs sollicitent une ordonnance de certiorari annulant la décision de la Commission selon laquelle ils ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention et une ordonnance portant que l=affaire doit être renvoyée à la Commission pour nouvelle décision par un tribunal différemment constitué.

Contexte

3)         Les demandeurs, Marcela Paz Correa Rojas (la demanderesse principale), Luis Eduardo Pacheco Balmaceda et Thyare Paulina Pacheco Correa (son mari et sa fille) sont citoyens du Chili. La demanderesse principale a soutenu qu=elle craignait avec raison d=être persécutée du fait de ses opinions politiques. Son mari et sa fille affirment qu=ils craignent avec raison d=être persécutés du fait de leur appartenance à un groupe social, soit les membres de la famille de la demanderesse principale.

4)         La demanderesse principale a commencé à travailler en octobre 1993 à titre de technicienne administrative s=occupant de la saisie de données à l=Instituto de Normalizacion Previsional (INP) et à la Direccion del Trabajo (DDT) du gouvernement du Chili. Le 30 décembre 2002, on lui a demandé de se présenter à l=administration centrale de l=INP afin d=y occuper un nouveau poste au service du personnel de la DDT. Elle a commencé à y travailler le 2 janvier 2003.

5)          Le 3 janvier 2003, elle a demandé à être mutée à un endroit situé plus près de son domicile, mais on lui a répondu qu=elle devrait attendre un an. Elle a appris que son travail comprendrait la saisie de renseignements personnels sur des fonctionnaires à partir de leurs dossiers. Ces dossiers étaient gardés sous clé. Elle avait accès à des renseignements personnels confidentiels et devait déclarer toute information concernant des actes de nature criminelle qui pouvait se trouver dans les dossiers. Son travail était lié à une campagne de lutte contre la corruption. Elle traitait des renseignements concernant des vols, des pots-de-vin et des détournements de fonds.


6)         En février 2003, à son arrivée au travail, la demanderesse principale a constaté que les tiroirs de sa table de travail avaient été fracturés, que son ordinateur ne fonctionnait pas et que son agenda de même que les disques de sauvegarde des fichiers informatiques étaient disparus. Elle a signalé l=incident à son patron, M. Vera.

7)          Le 10 mars 2003, au moment où la demanderesse principale quittait son travail plus tard que d=habitude, deux hommes armés d=un couteau l=ont forcée à monter dans un taxi, après lui avoir recouvert la tête d=une cagoule. Les hommes lui ont fait des attouchements et lui dit de quitter son emploi. Ils l=ont ensuite abandonnée presque nue dans un secteur dangereux de la ville. Une femme plus âgée lui est venue en aide; la demanderesse s=est rendue à un poste de police et a déclaré l=incident. La police a établi un rapport, mais a cru à un simple vol et agression; elle a demandé à la demanderesse principale de revenir au poste si quelque chose de grave se produisait.

8)         Le 14 mars 2003, la demanderesse principale est retournée travailler après avoir pris quelques jours de congé de maladie. Elle ne pouvait pas se résoudre à quitter son emploi, car il lui aurait été impossible d=en trouver un autre. Elle a raconté l=agression à son patron, sans ajouter qu=on lui a intimé de quitter son emploi.

9)         Le 22 avril 2003, elle a reçu un appel de menaces : son interlocuteur l=a avertie que son mari et ses enfants seraient assassinés si elle ne quittait pas son emploi. Elle a signalé l=incident à un autre poste de police où les agents ont considéré qu=il s=agissait d=un appel de menaces.


10)        Le 23 avril 2003, elle a parlé de l=appel à son patron qui lui a donné une lettre à remettre aux autorités policières afin de demander leur protection. Elle a remis la lettre à la police, mais aucune protection ne lui a été fournie.

11)        Le 24 avril 2003, la demanderesse principale a commencé à recevoir au bureau des appels d=un interlocuteur qui raccrochait dès qu=elle répondait.

12)        Le 25 avril 2003, un jour où elle n=était pas allée travailler parce qu=elle était malade, elle est allée chercher sa fille à l=école. Elle a été suivie par une personne qui, à la pointe du couteau, a menacé de la tuer et de tuer les membres de sa famille si elle ne quittait pas son emploi.

13)        Elle est retournée au travail le 28 avril 2003 et a décidé qu=elle devait quitter le Chili. Elle a pris des vacances et a demandé des visas de visiteurs au Canada pour elle-même et les membres de sa famille.

14)        Le 19 mai 2003, elle a reçu un nouvel appel de menaces. La famille a emménagé temporairement dans un autre logement. Le 23 mai 2003, la demanderesse principale a reçu un autre appel de menaces; son interlocuteur l=a menacée de mort si elle parlait à la police. Elle s=est rendue au poste de police et a fait établir un autre rapport, sans toutefois fournir toute l=information pertinente parce qu=elle avait trop peur.

15)        Les demandeurs ont quitté le Chili le 25 mai 2003. La demanderesse principale a soutenu être en danger parce qu=elle possède des renseignements sur les méfaits et les actes illicites de fonctionnaires de haut niveau. La police refuse de la protéger.


Motifs de la Commission

16)        La Commission a estimé qu=étant donné que la demanderesse ne faisait que saisir des données, qu=elle ne travaille plus pour le gouvernement chilien et qu=elle a quitté le Chili depuis un certain temps, il n=existe pas plus qu=une simple possibilité, si elle retourne au Chili, qu=elle soit persécutée pour avoir entré des renseignements confidentiels dans le cadre de son travail dans ce pays quelques années auparavant.

17)        En ce qui concerne la protection de l=État, la Commission a souligné que, d=après la demanderesse principale, personne au Chili n=est au courant du lien entre les menaces reçues et son travail. Dans chaque cas, après avoir été agressée ou menacée et s=être rendue à un poste de police, elle n=a fourni aux autorités policières aucun élément de preuve au sujet des auteurs des agressions et des menaces, si elle les connaissait, ni de renseignements au sujet du motif des incidents. Malgré cela, elle s=attendait à obtenir une protection de la police.

18)        Sauf dans un cas, la demanderesse principale n=a pas non plus informé son employeur du lien entre son travail et les incidents.

19)        La Commission a souligné que, d=après la preuve documentaire, le Chili est une démocratie constitutionnelle dont le gouvernement est élu démocratiquement et le système judiciaire est indépendant; elle a ajouté ce qui suit :

Le tribunal remarque aussi que, bien qu'elle se soit adressée à la police relativement au préjudice subi, la demandeure ne pouvait en identifier les auteurs. Selon ses dires, elle n'avait aucune preuve. Au Chili, personne sauf la demandeure et son mari à l'époque n'était au courant du lien entre ces menaces et le travail de la demandeure. Compte tenu de ces facteurs, le tribunal estime qu'il n'existe pas de preuve claire et convaincante démontrant l'incapacité de l'État d'assurer la protection de la demandeure contre des agents de persécution inconnus.


20)        La Commission a souligné que la demanderesse principale avait soutenu qu=elle ne pouvait pas s=installer ailleurs qu=à Santiago, car la corruption sévit partout dans le pays et les gens qu=elle craint pourraient la retrouver n=importe où au Chili. La Commission a estimé que les menaces proférées à l=endroit de la demanderesse principale étaient circonscrites et liées à son emploi au gouvernement. La demanderesse principale n=occupe plus cet emploi depuis longtemps et elle ne travaille plus pour le gouvernement. En outre, le risque de préjudice serait encore réduit si la demanderesse principale, après son retour au Chili, s=installait ailleurs qu=à Santiago. La Commission a considéré qu=il n=y a aucun empêchement d=ordre linguistique, culturel ou autre, à ce que la demanderesse principale s=installe ailleurs qu=à Santiago.

21)        Pour tous les motifs susmentionnés, la Commission a aussi conclu que les demandeurs n=étaient pas des personnes à protéger.

Questions en litige

22)        Les questions en litige formulées par les demandeurs sont les suivantes :

1.          La décision de la Commission selon laquelle la demanderesse principale ne craignait pas avec raison d=être persécutée au Chili est-elle fondée sur des considérations non pertinentes et sur une conclusion de fait erronée?

2.          La décision de la Commission selon laquelle la demanderesse principale n=a pas fourni une preuve claire et convaincante de l=incapacité de l=État de la protéger est-elle manifestement déraisonnable?

3.          La Commission a-t-elle conclu à tort que la demanderesse principale avait une possibilité de refuge intérieur au Chili?


Observations des demandeurs

23)        Question 1

Les demandeurs ont soutenu que la Commission a commis une erreur en concluant qu=il n=existait pas plus qu=une simple possibilité que la demanderesse principale soit persécutée si elle retournait au Chili, notamment parce qu=elle ne travaillait plus pour le gouvernement chilien. Ils ont fait valoir que cela n=a rien à voir avec la question de savoir si elle craint avec raison d=être persécutée. En effet, elle dispose encore de renseignements sur l=identité de fonctionnaires qui ont commis des actes criminels au Chili et représente donc une menace pour les gens visés par des enquêtes.

24)        Les demandeurs ont aussi soutenu que la Commission avait commis une erreur en concluant que la demanderesse principale ne s=exposerait à rien de plus qu=une simple possibilité de persécution étant donné qu=elle a vécu à l=extérieur du pays pendant plus de trois ans. En fait, la preuve a démontré qu=elle avait été persécutée au Chili entre la fin de février 2003 et mai 2003 et que, au moment de l=audience sur la détermination du statut de réfugié, elle n=avait été à l=extérieur du Chili que pendant dix mois.

25)        Question 2

Les demandeurs ont soutenu que la demanderesse principale avait demandé la protection de l=État à huit occasions différentes entre la fin de février 2003 et mai 2003 et que ce dernier a été incapable d=empêcher d=autres agressions. La demanderesse principale a mentionné dans son affidavit quatre occasions différentes lors desquelles elle a demandé à son employeur (le gouvernement) de la protéger :

1.          Elle a dit à M. Vera que des cambrioleurs avaient pris des objets dans les tiroirs de sa table de travail et volé des disques d=ordinateur. Il lui a dit qu=il s=en occuperait.


2.          Elle a dit à M. Vera qu=elle avait été enlevée et agressée. Il lui a répondu qu=il s=agissait à son avis d=un simple vol commis au hasard et lui a reproché de ne pas être plus vigilante.

3.                      Elle a parlé à M. Vera des menaces reçues par téléphone le 22 avril 2003. Il lui a répondu d=un ton hautain que ce qui lui arrivait était * vraiment terrible +.

4.                      M. Vera lui a remis une lettre dans laquelle il sollicitait une protection policière pour elle. Mais, dans les faits, aucune protection ne lui a été offerte.

26)        La demanderesse principale a aussi mentionné les quatre occasions où elle s=est rendue à la police sans obtenir de résultats :

1.                      Elle a déclaré à la police avoir été enlevée et agressée sexuellement. Les policiers ont établi un rapport, lui ont remis une attestation et lui ont demandé de communiquer avec eux si quelque chose de * grave + se produisait.

2.                      Elle a déclaré à la police les menaces reçues par téléphone le 22 avril 2003. Encore une fois, les policiers ont noté dans un registre qu=elle avait été menacée et lui ont dit de retourner chez elle et de ne pas s=inquiéter à ce sujet.

3.                      Elle a apporté la lettre de M. Vera au poste de police. La police a classé la lettre et lui a dit de les appeler si quelque chose de grave se produisait.

4.                      Elle a signalé à la police les menaces reçues par téléphone le 23 mai 2003. Les policiers lui ont simplement remis une attestation à et n=ont pris aucune mesure pour la protéger.

27)        Les demandeurs ont soutenu que la demanderesse principale avait fourni une preuve claire et convaincante de l=incapacité de l=État de la protéger contre les préjudices et la menace de préjudices. La conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse principale n=a pas réussi à en fournir la preuve est donc manifestement déraisonnable.


28)        Selon les demandeurs, M. Vera, lui-même un fonctionnaire, a dit à la demanderesse principale qu=elle devrait préserver la confidentialité de tous les renseignements dont elle prenait connaissance.

29)        Les demandeurs ont ajouté que la demanderesse principale s=était fait dire par ses agresseurs de ne pas parler à la police ni à qui que ce soit des agressions et des menaces. Selon son affidavit, la demanderesse principale a reçu ces directives lorsqu=elle a été enlevée et agressée sexuellement le 10 mars 2003 et lorsqu=elle a reçu un appel de menaces le 19 mai 2003 et, encore une fois, le 23 mai 2003.

30)        Les demandeurs ont fait valoir qu=il est manifestement déraisonnable de reprocher à la demanderesse principale de ne pas avoir divulgué à M. Vera ou aux autorités policières ce qui lui était arrivé. En effet, si elle avait révélé à la police le lien entre, d=une part, les agressions et les menaces et, d=autre part, le fait qu=elle était au courant d=actes criminels commis par des employés du gouvernement, elle aurait divulgué des renseignements confidentiels, contrevenant ainsi aux directives de l=État. Par ailleurs, si elle avait expliqué à M. Vera et à la police ce que ses agresseurs avaient fait, elle aurait risqué de subir les foudres de ses agresseurs qui l=avaient menacée.

31)        Les demandeurs ont ajouté que lorsqu=elle a examiné la preuve documentaire, la Commission n=a pas tenu compte des éléments concernant la question de savoir si l=État protège les femmes victimes d=agression sexuelle, ce qui était pertinent étant donné que la demanderesse principale avait été victime d=agression sexuelle au Chili. En l=espèce, la demanderesse principale risquait d=être persécutée du fait de son sexe. Le tribunal était donc tenu de s=informer au sujet de la possibilité d=obtenir la protection de l=État.


32)        Les demandeurs ont souligné de plus que, selon le US Department of State Report on Human Rights Practices in Chili - 2002 (rapport du Département d=État sur la situation des droits de la personne au Chili), la discrimination et la violence contre les femmes et les enfants demeurent un problème et il n=y a pas de lois contre le harcèlement sexuel, même si on reconnaît de façon générale qu=il s=agit d=un problème. D=autres éléments de la preuve documentaire indiquaient aussi ce qui suit : (i) des policiers ont commis des violations des droits de la personne contre des femmes chiliennes, (ii) au Chili, les autorités policières ont commis des crimes en toute impunité et (iii) il est fort possible que, dans ce pays, les personnes reconnues coupables d=un crime restent en liberté.

33)        L=omission par la Commission de tenir compte d=éléments pertinents de la preuve documentaire constitue une erreur susceptible de révision.

34)        Question 3

La demanderesse principale croyait que des agents de l=État la persécutaient. Par exemple, à part la famille de la demanderesse principale, seul M. Vera savait qu=elle allait chercher sa fille le 25 avril 2003 mais, à son arrivée à l=école de sa fille, elle a été agressée et menacée.

35)        Les demandeurs ont soutenu que la demanderesse principale avait des motifs raisonnables de croire qu=elle était persécutée par l=État. À partir du moment où une personne a été persécutée par des agents du gouvernement central, la crainte d=être persécuté par les mêmes agents est valable pour tout le pays parce qu=il est déraisonnable de déduire que la persécution est circonscrite dans une région. La Commission a commis une erreur en concluant que la menace visant la demanderesse principale existait seulement à Santiago.


Observations du défendeur

36)        Norme de contrôle

Le défendeur a soutenu que les questions soulevées par les demandeurs en l=espèce ont toute un caractère factuel. La conclusion de la Commission selon laquelle il existe une protection adéquate de l=État fait partie de sa conclusion plus large portant qu=il n=y a pas une possibilité sérieuse que les demandeurs soient persécutés. La norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable (voir Chorny c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration), [2003] A.C.F. no 1263 (QL)).

37)        Le défendeur a soutenu que la Commission a appliqué, pour déterminer l=existence de la protection de l=État, la norme correcte définie dans les arrêts Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, et Villafranca c. Canada (Ministre de l=Emploi et de l=Immigration), [1992] A.C.F. no 1189 (C.A.), en relation avec le témoignage de la demanderesse principale. La Commission a tenu compte du fait qu=elle a déclaré dans son témoignage avoir signalé certains incidents à la fois à la police et à son patron, mais elle a aussi noté qu=elle avait caché certains renseignements à la police. En effet, la demanderesse principale n=a pas déclaré à la police que les agressions avaient un lien avec son travail. Elle a omis de fournir aux autorités l=information permettant d=établir un lien entre les incidents. L=omission de fournir les renseignements adéquats à la police a empêché cette dernière de mener une enquête en bonne et due forme.

38)        La Commission a aussi tenu compte de la preuve documentaire selon laquelle le Chili est une démocratie constitutionnelle dont le gouvernement est élu démocratiquement et le système judiciaire est indépendant. En réponse à l=affirmation des demandeurs selon laquelle la Commission n=a pas tenu compte de certains éléments de la preuve documentaire, le défendeur a déclaré ce qui suit :


a) Le mauvais dossier du Chili en matière de droits de la personne pour ce qui est du traitement réservé aux femmes

Il ressort de la lecture complète du US Department of State Report on Human Practices in Chile B 2002 que, même si la discrimination et la violence contre les femmes demeurent préoccupantes, le gouvernement chilien a commencé à s=attaquer au problème et continue de le faire.

b) Violation des droits des femmes chiliennes par la police

Les exemples cités par les demandeurs montrant que la police chilienne utilise une force excessive contre les femmes ont trait à des manifestations à caractère politique et n=ont rien à voir avec la présente affaire.

c) La police commet des crimes en toute impunité

Même si le document du 30 août 1999 de la CISR indiquait que la police chilienne commet des crimes en toute impunité, rien ne prouve que des crimes ont été commis contre les demandeurs par la police de ce pays. Par conséquent, il n=y a pas de lien entre l=affirmation que des crimes sont commis par la police et les faits de la présente espèce. Cela ne constitue pas un motif suffisant pour que les demandeurs ne se réclament pas de la protection de l=État. D=autres éléments de preuve présentés à la Commission montrent que les policiers sont soumis aux mêmes procédures judiciaires criminelles et civiles que les simples citoyens.

d) Des personnes reconnues coupables d=un crime restent en liberté

Le document invoqué par les demandeurs de même que les exemples qui en sont tirés ne sont pas pertinents en l=espèce.


39)        Le défendeur a soutenu que, compte tenu de l=ensemble de la preuve, les demandeurs n=ont pas réussi à réfuter la présomption de la protection de l=État. Les observations des demandeurs qui mettent en cause l=analyse qu=a faite la Commission de la preuve sur la protection offerte par l=État reviennent en réalité à demander à la Cour de faire une nouvelle appréciation de la preuve.

40)        Selon le défendeur, puisque la Commission a conclu à l=existence d=une protection adéquate de l=État, les demandeurs ne peuvent pas satisfaire aux critères de la définition de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger. Par conséquent, toute erreur de la Commission à l=égard de ses autres conclusions est sans effet parce que la conclusion ultime de la Commission n=aurait pas été différente, même si ces erreurs n=avaient pas été commises (voir Sarfraz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration), [2003] A.C.F. no 1974, et Smith c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration), [2004] A.C.F. no 2190).

Dispositions législatives pertinentes

41)        L=article 96 et le paragraphe 97(1) de la LIPR définissent comme suit les expressions * réfugié au sens de la Convention + et * personne à protéger + :




96. A qualité de réfugié au sens de la Convention C le réfugié C la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques:

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

. . .

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée:

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant:

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes C sauf celles infligées au mépris des normes internationales C et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l'incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d'une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

. . .

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

           


Analyse et décision

42)      Norme de contrôle judiciaire

On estime généralement que si les conclusions de fait sous-jacentes sont assujetties à la norme de la décision manifestement déraisonnable, les conclusions de la Commission concernant le caractère adéquat de la protection de l=État constituent une question mixte de fait et de droit à laquelle s=applique la norme de la décision raisonnable simpliciter (voir Machedon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration), [2004] A.C.F. no 1331, et Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l=Immigration), [2005] A.C.F. no 232).

43)        Je me propose d=examiner d=abord la question 2.

La décision de la Commission selon laquelle la demanderesse principale n=a pas fourni une preuve claire et convaincante de l=incapacité de l=État de la protéger est-elle manifestement déraisonnable?

Puisque les demandeurs doivent établir une crainte objective et subjective de persécution, il faut examiner la question de la possibilité pour les demandeurs d=obtenir la protection de l=État. Les demandeurs doivent réfuter la présomption de protection de l=État (voir Ward, précité).

44)        Même si la demanderesse principale a dénoncé les incidents à la police, elle ne lui a pas expliqué qu=elle croyait que les agressions étaient liées à son travail. La police a enregistré ses déclarations, mais n=a pu trouver les agresseurs car la demanderesse principale a été incapable de les identifier. La Commission a souligné que, à ce moment-là, seuls la demanderesse principale et son mari savaient que les menaces reçues par la demanderesse principale étaient liées à son emploi.


45)        Il incombe aux demandeurs de fournir une preuve claire et convaincante de l=incapacité de l=État de les protéger. En l=espèce, la demanderesse principale n=a pas fourni à la police toute l=information existante. Si elle avait disposé de plus de renseignements pertinents, la police aurait peut-être pu en faire davantage pour la demanderesse principale.

46)        Je ne suis pas convaincu que la décision de la Commission selon laquelle les demandeurs n=ont pas fourni une preuve claire et convaincante de l=incapacité de l=État de la protéger était manifestement déraisonnable. La Commission a souligné que le Chili est une démocratie constitutionnelle dont le gouvernement est élu démocratiquement et le système judiciaire est indépendant.

47)        La Commission a commis une erreur en concluant que les demandeurs ne feraient pas face à plus qu=une simple possibilité d=être persécutés s=ils retournaient au Chili parce que la demanderesse principale avait vécu à l=extérieur du pays pendant plus de trois ans. C=était une erreur, car la demanderesse principale a quitté le pays en mai 2003. Cependant, puisque j=ai statué que la demanderesse principale n=a pas réussi à prouver qu=elle ne pouvait pas se prévaloir de la protection de l=État, cette erreur de la Commission n=aide pas la demanderesse principale dans sa cause.

48)        Les demandeurs ont aussi raison de souligner que la Commission n=a pas examiné la demande eu égard à la persécution fondée sur le sexe. Cependant, cette constatation n=est d=aucune utilité pour la demande d=asile de la demanderesse principale. Comme dans le cas où la demanderesse principale a été enlevée et agressée sexuellement, c=est l=emploi qu=elle occupait, et non son sexe, qui constitue le fondement de sa demande d=asile et l=explication de cet incident. J=aimerais aussi souligner qu=il n=est nullement question dans le formulaire de renseignements personnels de la demanderesse principale d=une demande fondée sur le sexe.


49)        Après avoir examiné la preuve au dossier, je ne peux pas conclure que la décision de la Commission relativement à la possibilité d=obtenir la protection de l=État est déraisonnable. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

50)        Aucune des parties ne m=a soumis une question grave de portée générale en vue de sa certification.

ORDONNANCE

51)        LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

John A. O=Keefe

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 31 mai 2005

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :     IMM-6007-04

INTITULÉ :    MARCELA PAZ CORREA ROJAS

LUIS EDUARDO PACHECO BALMACEDA et THYARE PAULINA PACHECO CORREA

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L=IMMIGRATION

LIEU DE L=AUDIENCE :    WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L=AUDIENCE : LE 10 FÉVRIER 2005

MOTIFS DE L=ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :            LE JUGE O=KEEFE

DATE DES MOTIFS :           LE 31 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Gary Stern         POUR LES DEMANDEURS

Chris Bernier     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Wilder Wilder & Langtry           POUR LES DEMANDEURS

Winnipeg (Manitoba)    

John H. Sims, c.r.          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.