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Date : 2005 0601

Dossier : IMM-3703-04

Référence : 2005 CF 787

Ottawa (Ontario), le 1er juin 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

RAJA FAZAL DAD KHAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]         Il s'agit ici d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de M. James C. Simeon, de la Section de protection des réfugiés (la Section) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 10 mars 2004 selon laquelle le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention ou une personne àprotéger.

Historique

[2]         Raja Fazal Dad Khan (le demandeur) est un ressortissant pakistanais qui a quitté le Pakistan au mois de juillet 2001 parce qu'il aurait été pris pour cible et molesté par le


Sipah-e-Sehab (le SSP). Le requérant a dit qu'il avait été lui-même pris pour cible parce qu'il s'est converti du sunnisme au chiisme, qu'il est devenu très actif et visible au sein de la communauté chiite et qu'il était un avocat. Il est demeuréaux États-Unis pendant 16 mois, mais n'y a pas demandé l'asile. En février 2003, il est entré au Canada et a demandé la protection internationale à titre de réfugié. À cette époque, le demandeur a observé l'absence de répression sérieuse contre les extrémistes au Pakistan. Il a déclaré qu'il sait être toujours pris pour cible par le SSP étant donné qu'il a été inscrit sur leur liste de victimes. Le demandeur prétend également que son épouse et sa fille demeurent au Pakistan et ont toutes deux été menacées par le SSP.

Les motifs de la décision de la Commission

[3]         La Commission a décidé que le demandeur n'était pas un témoin crédible ou digne de foi. Elle a noté que le demandeur s'était rendu aux États-Unis en juillet 2001 et qu'il était demeuré dans ce pays pendant plus d'une année et demie sans y demander l'asile. La Commission a conclu que ce fait indiquait une absence de crainte subjective justifiée de persécution. La Commission a pris note de la prétention du demandeur selon laquelle celui-ci serait incapable d'obtenir la protection de l'État s'il devait rentrer au Pakistan immédiatement. Cependant, la preuve documentaire objective indique que le gouvernement du Pakistan a interdit un certain nombre d'organisations terroristes, y compris le SSP, et que le gouvernement fait des efforts sérieux pour protéger ses citoyens contre la violence confessionnelle.


[4]         La commission a également noté l'existence de faits essentiels que le demandeur n'avait pas mentionnés dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) mais qui ont été révélés au cours de sa déposition verbale. Il s'agit de la communication entre le demandeur et des avocats américains concernant la présentation aux États-Unis d'une demande d'asile; la communication avec l'ambassade du Canada aux États-Unis concernant l'obtention d'un visa de visiteur au Canada; la notification qu'il a reçue au sujet de l'impossibilitépour l'ambassade du Canada de délivrer un visa de visiteur aux personnes qui se trouvent dans sa situation. La Commission a conclu que le demandeur n'avait pas donné d'explication satisfaisante en ce qui concerne l'absence de ces renseignements dans son FRP, laquelle dénotait une absence de crédibilité.

[5]        La Commission a noté les prétentions du demandeur selon lesquelles des partisans du SSP avaient tiré des coups de feu en direction de sa voiture au mois de juin 2001, ce qui l'avait obligé à quitter Sahiwal et à se cacher à Chakwal en juin et juillet 2001. L'exposé des faits dans son FRP indiquait qu'il avait demandé un visa de visiteur aux États-Unis après s'être caché à Chakwal. Toutefois, son passeport indiquait qu'il devait avoir une entrevue avec des fonctionnaires de l'ambassade des États-Unis à Islamabad le 7 juin 2001. La Commission a jugé qu'il était raisonnable de déduire que le demandeur aurait été obligé de demander une entrevue avant le 7 juin 2001 pour qu'on lui fixe cette date d'entrevue. Elle a aussi jugé que le demandeur avait demandé un visa de visiteur aux États-Unis bien avant le mois de juin 2001 et, par conséquent, avant la prétendue fusillade du SSP. La Commission a conclu que la preuve déposée par le demandeur relativement à la fusillade du SSP n'était pas plausible et elle n'a pas voulu reconnaître que les partisans du SSP à Sahiwal aient jamais tiré en direction du demandeur.


[6]         La commission a aussi fait mention de la prétention du demandeur selon laquelle celui-ci avait été attaqué par le SSP en avril 2001. Le demandeur a allégué qu'il avait été battu et grièvement blessé au cours de cette attaque et qu'il avait été [Traduction] « admis à l'hôpital pour une semaine afin d'obtenir des traitements médicaux » . Toutefois, les rapports médicaux indiquaient que le demandeur avait étéhospitalisé pendant deux ou trois jours. La Commission a conclu que les documents médicaux ne soutenaient pas la prétention du demandeur selon laquelle ce dernier avait été grièvement battu par quelqu'un au mois d'avril 2001.

[7]         Le demandeur a déposé plusieurs lettres de sources diverses situées au Pakistan qui, selon ses dires, corroboraient sa déposition. Toutefois, la Commission a conclu que nombre de ces lettres étaient soit incompatibles avec la déposition du demandeur, soit non corroborées par la documentation médicale déposée. Compte tenu de ses conclusions négatives en matière de crédibilité, la Commission a conclu que le demandeur n'avait pas prouvé de manière crédible ou digne de foi qu'il a eu, à quelque moment que ce soit, des problèmes avec le SSP au Pakistan.

[8]         La commission a noté qu'en réponse à une question concernant les motifs pour lesquels il n'avait pas demandé l'asile aux États-Unis, le demandeur a affirmé avoir consulté des avocats d'immigration qui lui avaient dit qu'aucune demande d'asile n'était acceptée aux États-Unis. Toutefois, la Commission n'a pas cru que le requérant aurait reçu ces conseils s'il avait effectivement subi ce qu'il prétend avoir vécu au Pakistan. La Commission a conclu également que le retard pris par le demandeur dans sa venue au Canada pour demander l'asile était symptomatique de son absence de crainte subjective de préjudice grave s'il rentrait au Pakistan.


[9]         Le demandeur a reconnu que depuis son départ du Pakistan au mois de juillet 2001, le gouvernement de ce pays a interdit le SSP. Le demandeur a déclaré savoir qu'en janvier 2002, le gouvernement a interdit le SSP ainsi que d'autres groupes religieux terroristes. Toutefois, il a prétendu que le Pakistan serait incapable de lui fournir une protection suffisante s'il rentrait maintenant. Toutefois, la Commission a conclu que, selon la preuve documentaire, le Pakistan tentait depuis de nombreuses années de régler le problème posé par les groupes terroristes confessionnels comme le SSP. Par conséquent, la Commission a conclu que le demandeur n'avait pas réfuté d'une manière claire et convaincante la présomption de protection de l'État. En conséquence, la Commission n'a pas reconnu que le demandeur serait incapable d'obtenir une protection suffisante et efficace de l'État s'il rentrait immédiatement au Pakistan. La Commission a noté également qu'il n'était pas nécessaire que la protection offerte au demandeur par ltat au Pakistan soit parfaite.

Les prétentions du demandeur

La norme de contrôle

[10]       Le demandeur a prétendu que la Cour devait faire preuve d'une grande retenue à l'égard des conclusions de la Commission concernant la crédibilité et les faits, mais que la Cour devait intervenir si la Commission tirait des conclusions de faits essentielles sans fournir de preuves claires à cet effet.

L'absence de fourniture par la Commission de preuves claires à l'appui de conclusions essentielles


[11]       Le demandeur a prétendu que la Commission a tiré des conclusions de faits essentielles qui ne reposent sur aucune preuve crédible. La Commission a conclu que le Pakistan avait interdit un certain nombre d'organisations terroristes, notamment le SSP. Toutefois, aucune preuve n'a été fournie àl'appui de cette conclusion, et même si le gouvernement a pris des engagements verbaux visant à interdire les groupes terroristes au sein du pays, la plus grande partie de ces engagements n'ont pas été remplis adéquatement. En faits, des groupes comme le SSP ont changé de nom, leurs dirigeants se sont cachés, les comptes en banque ont été virés sur des comptes clandestins, et les actes terroristes ont continué sans arrêt.

[12]       La Commission a noté que la consultation du demandeur avec deux avocats américains ne figurait pas dans son FRP. Le demandeur a témoigné que son FRP ne comprenait que de brèves notes concernant l'ensemble de sa revendication, mais la Commission n'a pas étésatisfaite de cette explication. Toutefois, la Commission n'a pas motivé ce rejet, qui contredit sa propre conclusion immédiatement suivante selon laquelle [Traduction] « le demandeur a consulté des avocats aux États-Unis » . Par conséquent, la Commission semble avoir reconnu la véracité de la preuve tout en contestant la crédibilité du demandeur sur ce point.


[13]       La Commission a conclu que le requérant ne pouvait avoir demandé et reçu un visa de visiteur aux États-Unis tandis qu'il se cachait à Chakwal. Cependant, la Commission n'a fourni aucune preuve justifiant cette conclusion. Elle n'a jamais demandé au demandeur si celui-ci stait présenté àl'ambassade des États-Unis à Islamabad pour obtenir le visa, ni les circonstances et le moment de cette présence. La Commission a plutôt fait une analyse a posteriori des faits sans donner au demandeur la possibilité de commenter ses faits et gestes (voir Aden c. Canada, (Ministre de la Citoyennetéet de l'immigration), [1993] A.C.F. n0 416 (CAF)). Enfin, étant donné que l'agent persécuteur était le SSP au lieu de l'État, il est possible que même pendant qu'il se cachait du SSP à Chakwal, le demandeur se soit aventuré à Islamabad pour se rendre à l'ambassade des États-Unis afin d'obtenir un visa de visiteur.

[14]       La commission a fait état d'une lettre d'un médecin et déclaré que ce document ne corroborait pas la prétention concernant l'attaque de groupes extrémistes sunnites contre le demandeur en avril 2001, faute de détail dans la lettre en ce qui concerne cette attaque. Pour tirer cette conclusion, la commission se fondait sur ce que la lettre ne disait pas, au lieu de ce que la lettre disait, et, ce faisant, ignorait la cohérence entre la lettre et le témoignage verbal du requérant. Le demandeur a noté que la Commission n'avait pas rejeté l'explication qu'il avait fournie à l'égard de l'attaque du SSP en avril 2001. Le demandeur a prétendu également que la Commission avait rejeté la déclaration assermentée de Maulana Muhammad Hussein parce que celle-ci ne disait pas ce que la Commission croyait qu'elle aurait dû dire. La Commission a tiré une conclusion semblable à l'égard des lettres et des déclarations assermentées de membres de la famille du demandeur. Celui-ci a prétendu que la commission n'avait fourni aucune preuve pour justifier son rejet de ces documents.


[15]       Le demandeur a prétendu que la Commission avait rejeté un reportage qui faisait précisément état de son nom et des problèmes qu'il a eus avec le SSP. La Commission a noté la contradiction entre la déclaration figurant dans le rapport selon laquelle le requérant avait passé [Traduction] « de nombreux jours » à l'hôpital, d'une part, et la documentation médicale indiquant que le demandeur avait été hospitalisé pendant trois jours, d'autre part. Le demandeur a prétendu qu'il ne s'agissait guère là d'une contradiction frappante et significative et que la Commission n'avait pas tenu compte des autres renseignements figurant dans le reportage qui corroboraient l'essentiel de la revendication.

[16]       Le demandeur a noté la conclusion à laquelle la Commission en est arrivée, selon laquelle il n'aurait pas été avisé par un avocat américain de ne pas demander l'asile dans ce pays. Bien que la commission ait conclu précédemment que ce renseignement avait été omis du FRP et qu'il n'était donc pas crédible, celle-ci semblait maintenant reconnaître que le demandeur avait demandé à un avocat américain des conseils sur ce qu'il convenait de faire pour demander l'asile aux États-Unis. En outre, la Commission n'a pas commenté ce que l'avocat américain aurait dit, ou n'aurait pas dit, au demandeur.


[17]       Pour ce qui est de la question de la protection de l'État, le demandeur a prétendu que la Commission aurait dû rechercher et évaluer des preuves récentes et crédibles au sujet du traitement des avocats chiites par le SSP (voir Sivabalaretnam c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1999] A.C.F. n0 224 (1re inst.) (QL)). En fait, de nombreuses sources dont la Commission est saisie indiquent que les membres chiites des professions, comme les avocats, sont parmi les cibles les plus menacées par le SSP. De plus, la Commission n'a pas justifié sa conclusion selon laquelle l'État avait fait des [Traduction] « effort sérieux » pour s'attaquer au SSP, sinon par renvoi à certains renseignements qui n'ont pas été fournis. Effectivement, le gouvernement a pris des engagements verbaux qui n'ont pas été remplis correctement. En janvier 2002, le gouvernement a arrêté environ 2 270 extrémistes, qui ont tous étés libérés - à l'exception de 250 - dans les jours ou les semaines suivants.

L'importance excessive accordée par la Commission à une contradiction mineure

[18]       Le demandeur a prétendu qu'à l'origine, l'exposé des faits figurant dans son FRP indiquait qu'il avait passé une semaine à l'hôpital, mais que ce renseignement a été modifié avant le début de l'audience pour indiquer trois jours. La Commission a accepté cette modification au début de l'audience mais, dans ses motifs, elle a déclaré que le demandeur avait témoigné qu'il avait été hospitalisé pendant une semaine. Il semble que la Commission se soit fondée sur l'exposé des fait initial plutôt que sur les renseignements modifiés. Ceci a conduit la Commission à déclarer plus loin dans ses motifs que la preuve médicale ne corroborait pas la déposition du demandeur selon laquelle celui-ci avait été hospitalisé pendant une semaine. La Commission a utilisécette preuve inexacte pour attaquer la crédibilité du demandeur.

Les prétentions du défendeur

Les conclusions en matière de crédibilité


[19]       Le défendeur a prétendu que la Cour d'appel fédérale a jugé que des conclusions négatives en matière de crédibilité sont correctes pour autant que le tribunal ait fourni des motifs « en termes clairs et explicites » (voir Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. n0 228 (CAF) (QL)). Les conclusions devraient être soutenues par des exemples. La conclusion de la Commission quant à l'absence de crédibilité de la preuve fournie par le demandeur a été donnée en termes clairs et explicites, puis justifiée par des renvois précis à la preuve.

[20]       En ce qui concerne la prétention du demandeur que la Commission ne l'a jamais interrogé au sujet de sa présence à l'ambassade des États-Unis àIslamabad, la Section n'est pas tenue juridiquement de confronter un témoin à ses propres contradictions (voir Matarage c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1998] A.C.F. n0 460 (1re inst.)(QL)).

[21]       En réponse aux prétentions du demandeur, le défendeur a fait valoir que la Commission n'avait pas obligé le demandeur à produire un rapport médical détaillant l'attaque et les coups subis par le demandeur aux mains d'un des groupes extrémistes sunnites du pays en avril 2001. La Commission a plutôt noté que les documents déposés par le demandeur n'indiquaient pas que celui-ci avait été hospitalisé pendant une semaine et ne détaillaient pas ses blessures alléguées.

La protection de l'État

[22]       Le défendeur a prétendu que le revendicateur du statut de réfugié qui est incapable de réfuter par des éléments de preuve clairs et convaincants la présomption de capacité de l'État de le protéger ne peut être qualifié de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger (voir Sarfraz c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'immigration), [2003] A.C.F. n0 1974 (1re inst.) (QL)). Le défendeur a prétendu qu'en raison de la preuve dont la Commission avait été


saisie, il était raisonnable qu'elle ait conclu que le demandeur n'avait pas réfuté cette présomption.

[23]       Le défendeur a noté que, dans d'autres demandes de contrôle judiciaire, la Cour s'est déjà penchée sur l'évaluation de la protection offerte par l'État au Pakistan. Dans la décision Javaid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 205, la Commission a conclu que la prépondérance de la preuve - mais pas l'ensemble de celle-ci - suggérait fortement que les autorités prenaient des mesures sérieuses pour combattre la violence confessionnelle et que le SSP ne fonctionnait plus dans l'impunité. Madame la juge MacTavish a déclaré qu'il n'entrait pas dans les fonctions de la Cour de réévaluer la totalité de la preuve en ce qui concerne la disponibilité de la protection de l'État.

[24]       Dans Sultan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1339, la Commission a fondé sa décision sur des preuves documentaires montrant la volonté du gouvernement de régler la question de la violence à caractère religieux. Le juge Beaudry a conclu que la commission avait étudié régulièrement la disponibilité de la protection de l'État, et rejeté la demande de contrôle judiciaire.


[25]       Dans la décision Razzaq c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration), 2003 CF 864, le demandeur prétendait que les changements au Pakistan étaient récents et que la situation ne s'était pas stabilisée. Madame la juge Snider a jugé que le changement de circonstances est une question de fait est qu'il existait des preuves documentaires à l'appui de la conclusion de la Commission que, selon la prépondérance des probabilités, le Pakistan faisait des efforts sérieux pour fournir une protection suffisante à ses citoyens de confession chiite.

[26]       Dans la décision Ali c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration), les demandeurs, tous musulmans de confession chiite, ont déposé à l'égard de plusieurs incidents de persécution par le SSP et de l'absence d'intervention de la police à la suite de ces incidents. La Commission a conclu qu'en dépit de la violence confessionnelle au Pakistan, le gouvernement avait fait un effort sérieux pour réduire cette violence. Les demandeurs avaient soutenu que la Commission avait fait erreur en se fondant sur des déclarations du président et général Musharaff annonçant des tentatives de réduire la violence confessionnelle, mais ces conclusions n'ont pas été infirmées en contrôle judiciaire.

[27]       Enfin, dans Akhtar c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration), 2003 CFPI 541, la Commission a reconnu : i) l'existence de violences entre extrémistes chiites et sunnites; ii) les difficultés rencontrées par le Pakistan dans l'élimination de cette violence; iii) les mesures prises par le Pakistan pour lutter contre l'extrémisme religieux; iv) l'interdiction du SSP; v) la répression de la violence confessionnelle par le maintien de l'ordre. En contrôle judiciaire, le requérant a prétendu que la Commission n'avait pas traité équitablement la preuve concernant la protection. La Cour a confirmé les conclusions de la Commission et le juge Lemieux a fait observer que le tribunal avait décrit exactement la preuve documentaire, notamment compte tenu de son appréciation de la protection imparfaite contre la violence confessionnelle ou le terrorisme confessionnel au Pakistan.


Les questions en litige

[28]       Les questions suivantes ont été débattues devant moi :

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur en tirant ses conclusions relatives à la crédibilité?

2.          La Commission a-t-elle commis une erreur en tirant ses conclusions relatives à la disponibilité de la protection de l'État pour le demandeur?

Les dispositions législatives pertinentes

[29]       Les articles 96 et le paragraphe 97(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, précitée, définissent respectivement comme suit les expressions « réfugié au sens de la Convention » et « personne à protéger » :




96. A qualité de réfugié au sens de la Convention - le réfugié - la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée:

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes - sauf celles infligées au mépris des normes internationales - et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l'incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Analyse et décision

[30]       La première question en litige.

La commission a-t-elle commis une erreur en tirant ses conclusions relatives à la      crédibilité?

La commission a jugé pour plusieurs motifs que le demandeur manquait de crédibilité. Je vais étudier maintenant quelques-uns de ces motifs.


[31]       La consultation d'avocats aux États-Unis

Le requérant a déposé qu'il avait consulté des avocats tandis qu'il se trouvait aux États-Unis, afin d'essayer de demeurer légalement dans ce pays. Ce renseignement ne figurait pas dans son FRP et la commission a conclu à l'absence de motif satisfaisant pour justifier cette omission dans le FRP. La Commission a reconnu qu'il avait pris contact avec les avocats américains.

[32]       La présence du demandeur à l'ambassade des États-Unis

Le demandeur a prétendu qu'on avait tiré sur lui en juin 2000, ce qui l'avait obligé à quitter Sahiwal et à se cacher à Chakwal. Il a dit avoir demandé un visa américain après s'être caché. Toutefois, son passeport indiquait qu'il avait une entrevue prévue avec des fonctionnaires de l'ambassade des États-Unis à Islamabad le 7 juin 2001. La Commission a conclu que le demandeur aurait dû faire avant le 7 juin 2001 la demande nécessaire pour obtenir la date d'entrevue. La Commission a conclu également que le demandeur avait demandé l'entrevue bien avant juin 2001 et, par conséquent, avant la fusillade alléguée de juin 2001. Elle a conclu, à juste titre, que la déposition du demandeur concernant la fusillade de juin était peue plausible.

[33]       L'absence de revendication aux États-Unis

Le demandeur est arrivé aux États-Unis au mois de juillet 2001 et il y est resté jusqu'au mois de février 2003, lorsqu'il est venu au Canada. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il n'avait pas demandé l'asile aux États-Unis, le demandeur a déclaré que les avocats lui avaient dit qu'aucune demande d'asile n'était acceptée. La commission a conclu qu'il était peu plausible qu'on ait dit au demandeur qu'aucune demande d'asile n'était accueillie aux États-Unis. La Commission était en droit de tirer une telle conclusion.


[34]       Les rapports médicaux

Pour corroborer ses prétentions concernant les blessures qu'il aurait subies lors de son attaque par le SSP au mois d'avril 2001, le demandeur a déposé deux rapports médicaux. La Commission a conclu que, selon les rapports médicaux, le demandeur avait subi une quelconque intervention chirurgicale, mais ne corroboraient pas sa déposition selon laquelle il avait été hospitalisé en raison de blessures découlant de coups. La commission a conclu que le rapport médical faisait état de trois journées d'hospitalisation, alors que le FRP du requérant indiquait qu'il était resté à l'hôpital pendant une semaine. Le demandeur a soutenu que le FRP avait été modifié avant le début de l'audience afin d'indiquer qu'il avait été hospitalisé pendant trois jours. Je note que le FRP qui figure au dossier du tribunal ne fait état d'aucune modification, et il en va de même de la transcription des débats. À mon avis, même s'il y avait eu une modification, la Commission n'a pas commis d'erreur susceptible de révision, puisque d'autres documents indiquaient que le demandeur avait été hospitalisé pendant « de nombreux jours » . Il me semble raisonnable de conclure que « de nombreux jours » sont davantage que trois jours. Je conclus donc que la commission n'a pas commis à cet égard d'erreur susceptible de révision.

[35]       Les conclusions relatives aux lettres et à la déclaration assermentée

Les conclusions de la Commission à cet égard étaient raisonnables.


[36]       Je conclus que les conclusions de la commission étaient raisonnables et qu'aucune erreur susceptible de révision n'a été commise à cet égard. La commission n'aurait pas dû tirer une conclusion négative en matière de crédibilité du silence du demandeur, dans son FRP, en ce qui concerne son contact avec les avocats aux États-Unis, vu qu'elle avait reconnu la véracité de ce contact. À mon avis, cela n'aide aucunement la cause du demandeur, étant donné l'existence d'autres motifs de refuser de croire à l'enchaînement d'événements qu'il a raconté.

[37]       La deuxième question en litige

La Commission a-t-elle commis une erreur en tirant ses conclusions relatives à la disponibilitéde la protection de l'État pour le demandeur?

Après avoir étudié l'analyse faite par la Commission de la disponibilité de la protection de l'État, je ne peux conclure à l'existence d'une erreur susceptible de révision dans la conclusion selon laquelle le requérant avait été incapable d'établir [Traduction] « au moyen d'une preuve claire et convaincante que l'État pakistanais ne pouvait pas lui fournir une protection suffisante contre le SSP interdit... » Toutefois, les renvois du demandeur à la preuve documentaire montraient l'existence de problèmes concernant les chiites, et la preuve documentaire montrait également la prise, par le gouvernement pakistanais, de mesures concrètes pour régler les problèmes. Comme il était écrit dans l' arrêt Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca, [1992] A.C.F. no 1189 (CAF) (QL), le critère applicable à la protection de l'État n'est pas la perfection. Il suffit que l'État fournisse une protection suffisante.

[38]       Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[39]       Aucune des parties n'a souhaité me soumettre pour certification une question grave d'importance générale.


ORDONNANCE

[40]       LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de contrôle judiciaire.

« John A. O'Keefe »

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Juge          

Ottawa (Ontario)

Le 1er juin 2005

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                       IMM-3703-04

INTITULÉ:                                        RAJA FAZAL DAD KHAN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDITION :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDITION :                LE 23 FÉVRIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                      LE 1ER JUIN 2005

COMPARUTIONS :

Lani Gozlan                                                     POUR LE DEMANDEUR

Jamie Todd                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Max Berger et associés                                POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

John Sims, c.r.                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

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