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Date :20010129

Dossier : IMM-6462-00

ENTRE :

KALIM RAHMAN, IMELDA RAHMAN,

SAMUEL RAHMAN ET AARON RAHMAN

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                             MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

[1]    Kalim Rahman, Imelda Rahman, Samuel Rahman et Aaron (les demandeurs) ont déposé des avis de requête visant à obtenir qu'il soit sursis à l'exécution d'une convocation qui prévoit que leur renvoi du Canada doit avoir lieu le 30 janvier 2001.


[2]    Les demandeurs sont des citoyens du Bangladesh. Ils vivent présentement à London (Ontario). Ils sont légalement entrés au Canada en 1992/1993 munis d'un visa de visiteur au Canada valide. Ils vivent au pays sans statut depuis 1996. Monsieur Kalim Rahman possède et exploite une entreprise, et les enfants, Samuel et Aaron, fréquentent à temps plein des écoles ontariennes.

[3]    Les demandeurs ont revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention en 1998, soutenant qu'il craignaient d'être persécutés dans leur pays en raison de leur religion et nationalité. En particulier, les demandeurs adultes estimaient qu'ils auraient des problèmes dans leur pays vu qu'ils étaient des époux ne pratiquant pas la même religion, le mari étant musulman et son épouse, catholique, et vu que les deux enfants étaient élevés dans la religion catholique.

[4]    Leur revendication a été rejetée par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dans une décision qu'elle a rendue le 21 juin 1999. Par la suite, les demandeurs ont présenté une demande d'examen de leur cas dans le cadre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada. Cette demande a été examinée et tranchée par M. Mayhew, une agente de révision des revendications refusées. Dans sa décision datée du 7 septembre 2000, elle a conclu que les demandeurs n'appartenaient pas à cette catégorie.


[5]                Les demandeurs ont ensuite présenté une demande fondée sur le paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, le 29 septembre 2000. Cette demande n'a toujours pas été tranchée.

[6]                Le 19 décembre 2000, les demandeurs ont présenté une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de M. Mayhew. Cette demande porte le numéro de dossier IMM-6462-00. Les demandeurs ont déposé une requête en sursis dans le contexte de l'instance.

[7]                Le 29 décembre 2000, les demandeurs ont présenté une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire contre la convocation datée du 15 décembre 2000 qu'a émise Harris Adamidis, un agent d'exécution, qui prévoyait que les demandeurs seraient renvoyés du pays le 1er février 2001. Cette convocation fait l'objet du dossier qui porte le numéro IMM-6622-00. Les demandeurs ont aussi produit un avis de requête en sursis dans le cadre de cette instance.


[8]                Les demandeurs ont présenté des arguments fondés sur le critère en trois volets énoncé par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 123, 86 N.R. 302 (C.A.F.). Le demandeur qui cherche à obtenir qu'il soit sursis à l'exécution d'une mesure prise contre lui doit établir que les demandes de contrôle judiciaire sous-jacentes soulèvent une question grave, qu'il subira un préjudice irréparable s'il n'obtient pas la réparation en cause et, enfin, que la prépondérance des inconvénients lui est favorable.

[9]                En l'espèce, les demandeurs soutiennent que les deux demandes de contrôle judiciaire sont fondées sur des questions graves. En ce qui concerne la contestation de la décision dans laquelle M. Mayhew a conclu qu'ils n'appartiennent pas à la catégorie des DNRSRC, les demandeurs soutiennent que l'agente a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inéquitable et inconvenante en se fondant démesurément sur la décision de la SSR et en omettant d'apprécier la portée des conditions qui règnent au Bangladesh.


[10]            Pour ce qui est de la contestation de la décision de l'agent d'exécution Harry Adamidis, les demandeurs soutiennent qu'il a lui aussi exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inéquitable et inconvenante en refusant d'entendre les observations des demandeurs au sujet de leur situation, notamment du risque qu'ils courraient s'ils retournaient au Bangladesh. Les demandeurs font également valoir que l'agent d'exécution a omis de tenir compte de considérations pertinentes, notamment du fait qu'ils ont présenté une demande de droit d'établissement fondée sur des motifs d'ordre humanitaire qui n'a toujours pas été tranchée. Troisièmement, les demandeurs avancent que l'agent d'exécution a commis une erreur en refusant de surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi jusqu'à ce que le demandeur Kalim Rahman ait témoigné dans le cadre d'un procès au criminel qui doit avoir lieu en Ontario au cours de l'année 2001.

[11]            Les demandeurs soutiennent qu'ils subiront un préjudice irréparable si on les oblige à quitter le Canada à ce moment-ci. Ce préjudice est surtout de la nature d'une perte économique, car ils seront obligés de vendre leur demeure et leur entreprise. Les demandeurs font également valoir que l'interruption des études de leurs enfants mineurs constitue un préjudice irréparable qui remplit la norme énoncée dans l'arrêt Toth, précité.

[12]            Enfin, les demandeurs soutiennent que compte tenu de l'ensemble des circonstances, la prépondérance des inconvénients leur est favorable pour ce qui est de la question du sursis de l'exécution de la mesure de renvoi du Canada prise contre eux.

[13]            Le défendeur fait valoir que la demande de contrôle judiciaire sous-jacente ne soulève pas de questions graves à trancher. En outre, il avance que la preuve ne saurait étayer les prétentions des demandeurs qu'ils ont été traités de façon inéquitable ou que les décideurs en cause, soit l'agent d'exécution et l'agente de révision des revendications refusées, n'ont pas convenablement exercé leurs fonctions et qu'ils ont omis d'exercer convenablement leur pouvoir discrétionnaire.


[14]            Le défendeur soutient également qu'aucune preuve n'étaye la prétention des demandeurs qu'ils subiraient un préjudice irréparable, qu'il s'agisse d'un préjudice économique ou encore d'un préjudice sur le plan des études à venir de leurs enfants mineurs. Enfin, le défendeur avance que la prépondérance des inconvénients lui est favorable.

[15]            Après avoir entendu les arguments des demandeurs et du défendeur et examiné la preuve, je ne suis pas convaincue que les demandeurs ont satisfait au premier volet du critère. En effet, je ne suis pas convaincue qu'ils ont établi, compte tenu de la preuve, que l'affaire soulève une question grave à trancher relativement à la décision de l'agent d'exécution ou à celle de l'agente de révision des revendications refusées. Bien que la norme à laquelle on doit satisfaire pour établir l'existence d'une « question grave » ne soit pas exigeante, il incombe néanmoins à la personne qui présente une demande de contrôle judiciaire un fardeau de preuve minimal en vertu duquel elle doit établir que les questions qui sous-tendent la demande de contrôle judiciaire établissent à tout le moins l'existence d'une cause défendable.


[16]            De la même façon, je ne suis pas convaincue que les demandeurs ont établi qu'ils subiront un préjudice irréparable s'ils sont renvoyés du Canada à ce moment-ci. Aucune preuve n'étaye leur argument selon lequel leur renvoi du Canada à ce moment-ci et la vente de leur maison et leur entreprise au Canada qui en découlerait leur feraient perdre l'ensemble de leur actif au Canada ou les empêcheraient de s'établir de nouveau dans notre pays, dans le cas où la demande fondée sur le paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration était accueillie.

[17]            Comme j'ai conclu que les demandeurs n'ont pas satisfait aux exigences des premier et deuxième volets du critère de l'arrêt Toth, il n'est pas nécessaire que j'aborde la question de la prépondérance des inconvénients.

[18]            Les requêtes en sursis de l'exécution de la mesure d'expulsion sont rejetées.

[19]            Les présents motifs seront versés au dossier IMM-6462-00 et ils s'appliqueront également au dossier IMM-6622-00 comme s'ils y avaient été versés.

                                                                                   « E. Heneghan »                   

                                                                                               J.C.F.C.                     

Ottawa (Ontario)

Le 29 janvier 2001.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                              IMM-6462-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                             KALIM RAHMAN et autres c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                               LE 25 JANVIER 2001

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE HENEGHAN

EN DATE DU :                                                 29 JANVIER 2001

ONT COMPARU :                

M. MICHAEL ENG                                                                  POUR LE DEMANDEUR

MME CATHERINE LAWRENCE                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

M. MICHAEL ENG                                                                  POUR LE DEMANDEUR

OTTAWA (ONTARIO)

M. Morris Rosenberg                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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