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                                                                                                                               Date : 20050617

                                                                                                                    Dossier : IMM-9274-04

                                                                                                                 Référence : 2005 CF 866

ENTRE :

                                                       BUNGA DODY LUMINGU

                                                                                                                    Partie demanderesse

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                      Partie défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR) rendue le 1er octobre 2004, statuant que le demandeur, un citoyen de la République démocratique du Congo, n'est pas un « réfugié » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » selon les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi).

[2]         La CISR n'a pas cru l'histoire du demandeur pour les raisons suivantes :


-          Il est incohérent que le demandeur ait pu décrocher un emploi comme « informaticien-chef » dans la même entreprise étatique où son père avait fait carrière, si on a supposément porté des accusations aussi graves contre lui, qui lui ont valu, selon l'histoire du demandeur, six ans de détention.

-           Le demandeur ne sait pas à quel jour de la semaine corrrespondait le 31 octobre 2003, bien qu'il avait supposément pris des vacances durant cette période et qu'il était convié à une veille de prières, ce qui étonne, compte tenu de l'importance de lvénement.

-           Malgré leurs méthodes sophistiquées et à la fine pointe de la technologie alleguées, et malgré le fait que les militaires connaissaient le lieu de résidence du demandeur depuis au moins 1998, ils ont attendu la nuit du 1er au 2 novembre, soit plus de 24 heures plus tard, pour venir le chercher chez sa grand-mère.

-           Le demandeur n'a pas demontré que la descente des militaires à son travail le 31 octobre 2003 a réellement eu lieu, ni que son père a vécu les problèmes allégués. Il en découle que le tribunal ne croit pas non plus que deux de ses soeurs ont été violées et que sa grand-mère a été brutalisée, ni que sa soeur Bibiche a été amenée de force par des militaires.

-           Puisque le tribunal n'a pas cru l'histoire de persécution et de menace à la vie du demandeur, le tribunal conclut que le document soumis par le pasteur, qui corrobore l'histoire du demandeur, est un document de complaisance. Le demandeur n'a pas déposé l'original et on ne trouve que la date de transmission, sans mention du nom de l'expéditeur.

[3]         Le demandeur soumet deux arguments, l'un relié à lquité de la procédure, et l'autre, à l'appréciation des faits.

[4]         En ce qui concerne lquité de la procédure, le demandeur soumet que la CISR y a fait offense du fait que c'est la commissaire qui a commencé son interrogatoire. Cet argument doit être considéré dans le contexte du paragraphe 162(2) de la Loi qui indique que la CISR est maître de sa procédure et qu'elle doit fonctionner avec célérité et sans formalisme. En l'espèce, les questions posées par la commissaire, tant dans leur substance que dans leur forme, étaient tout à fait appropriées. L'avocate du demandeur a par la suite eu pleine opportunité de poser ses questions et faire valoir ses moyens. Non seulement aucune objection n'a-t-elle alors été formulée en regard de la procédure suivie, mais à la fin de l'audience, en réponse aux questions de la commissaire, le demandeur a expressément confirmé avoir tout dit, tel qu'il appert de l'extrait suivant de la transcription :


Q.            Avez-vous quelque chose à ajouter, Monsieur, avant de terminer l'audience?

R.            Non, bien je crois tout simplement que je me suis bien, j'ai répondu à toutes vos questions. J'ai rien à ajouter.

Q.            Vous avez bien répondu aux questions, mais est-ce que vous avez tout dit ce que vous vouliez dire?

R.            Oui, je pense que tout dit.

-               C'est ça qui est important. Merci.

[5]         Ainsi, non seulement la procédure suivie ntait-elle pas prohibée, s'apparentant au contraire à celle prévue aux « Directives no 7 - Directives concernant la préparation et la tenue des audiences à la Section de la protection des réfugiés » adoptées sous l'autorité de l'alinéa 159(1)h) de la Loi, mais le demandeur n'a pas cru nécessaire de s'y objecter et n'a démontré l'existence d'aucun préjudice.

[6]         Vu les circonstances particulières du présent cas, l'argument maintenant invoqué par le demandeur relativement à l'inéquité de la procédure est tout à fait dénué de fondement.

[7]         En ce qui concerne le second argument, celui reliéà l'appréciation des faits faite par la CISR, je ne suis pas convaincu, après révision de la preuve et audition des procureurs des parties, que les inférences tirées par ce tribunal spécialisé ne pouvaient pas raisonnablement ltre (voir Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)). De façon générale, les invraisemblances et incohérences soulignées par le tribunal sont bien supportées par la preuve. Dans les circonstances, il n'appartient pas à cette Cour de substituer sa propre appréciation des faits à celle faite par la CISR. Le demandeur est loin d'avoir rencontré le lourd fardeau à lui imposé de démontrer une appréciation des faits manifestement déraisonnable ou clairement irrationnelle.


[8]         Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[9]         La partie demanderesse soumet la question suivante pour fin de certification :

Est-ce qu'un Commissaire qui impose et/ou assume lui-même l'interrogatoire principal du demandeur d'asile quitte son rôle judiciaire commettant ainsi un excès de compétence ou une violation des règles de justice naturelles ou dquité?

[10]       Vu les faits particuliers du présent cas, je suis d'avis, sur la base des observations écrites de la partie défenderesse, que la question n'est pas déterminante quant à la demande de contrôle judiciaire. Il n'y a donc pas certification.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 juin 2005


                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-9274-04

INTITULÉ :                                                       BUNGA DODY LUMINGU c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 19 mai 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                 Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                                   Le 17 juin 2005         

COMPARUTIONS :

Me Johanne Doyon                                        POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Martine Valois                                          POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Doyon & Morin                                               POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

John H. Sims, c.r.                                           POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada


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