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Date : 20060410

Dossier : T-2207-03

Référence : 2006 CF 464

Ottawa (Ontario), le 10 avril 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE JOHANNE GAUTHIER

 

ENTRE :

MERCURY LAUNCH & TUG LTD.

demanderesse

et

 

TEXADA QUARRYING LTD.

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le 15 décembre 2002, la barge MLT HWY (la barge) s’est détachée de ses amarres; elle s’est échouée sur des rochers situés à proximité et elle a été fortement endommagée.

 

[2]               Le temps était très mauvais ce jour‑là. Un témoin a déclaré que c’était le pire temps qu’il avait vu en 29 ans. La demanderesse affirme notamment que le poste de mouillage n’était pas sûr, mais on ne sait pas trop si une négligence de la part de la défenderesse a causé l’accident ou y a contribué. Comme cela se produit souvent dans les cas de ce genre, le résultat final de l’action dépendra de la détermination de la question de savoir qui a la charge de la preuve.

 

[3]               Cela explique dans une certaine mesure pourquoi la demanderesse a allégué que la défenderesse était dépositaire de la barge.

 

[4]               Avant d’examiner plus à fond les questions à trancher, il importe de souligner que les parties ont convenu que l’instruction porterait uniquement sur des questions de responsabilité et que la question des dommages‑intérêts serait au besoin tranchée par renvoi.

 

[5]               Les parties ont également déposé un long exposé conjoint des faits. Presque toute la preuve documentaire a été produite sur consentement. Chaque partie a cité cinq témoins des faits ainsi que deux témoins experts.

 

LE CONTEXTE

 

[6]               Les faits mentionnés dans ce bref résumé ne sont pas contestés.

 

[7]               Texada Quarrying Ltd. (Texada) exploite une carrière de pierre concassée sur l’île Texada, à cent kilomètres au nord‑ouest de Vancouver. Une société connue sous le nom de Holnam West Materials Ltd. (Holnam) et son prédécesseur, Ideal Cement Company (Ideal Cement), exploitaient activement la carrière située à cet endroit depuis 1957. Les agrégats sont transportés par barge jusqu’à la vallée du bas Fraser, en Colombie‑Britannique, et jusqu’à la côte ouest des États-Unis.

 

[8]               En 1998, Holnam a vendu la carrière et son équipement à Lafarge Canada Inc., qui a ensuite constitué la société exploitante appelée Texada.

 

[9]               Avant cette vente et plus particulièrement le 1er avril 1994, Holnam a conclu avec Chemical Lime Company of Canada Inc. (CLC) une [Traduction] « Entente concernant la roche calcaire » qui porte sur l’achat de roche calcaire par CLC pour son installation, à Langley (Colombie‑Britannique). Le prix convenu fixé dans ce contrat est FAB barge. Il comprend le chargement dans la barge désignée par CLC (clause 4c).

 

[10]           Aux fins qui nous occupent, la seule autre disposition pertinente de cette entente est rédigée comme suit :

[Traduction]

 

10.           La roche calcaire sera chargée par Holnam à bord de barges fournies par CLC aux points de chargement de Holnam, sur l’île Texada. Ces barges seront munies de parois latérales et d’un pont de protection appropriés; elles seront en état de navigabilité et elles seront amarrées d’une façon appropriée aux points de chargement de Holnam.

                La cadence moyenne de chargement sera de 750 tonnes à l’heure et le chargement sera effectué d’une façon continue. L’horaire sera établi de façon à être aussi conforme que possible aux heures normales d’exploitation sur l’île Texada. Aucun chargement ne sera effectué les samedis, les dimanches ou les jours fériés, sauf sur consentement mutuel des parties aux présentes.

                Holnam s’engage à coopérer avec CLC ou avec le mandataire de cette dernière aux fins du chargement et de l’acheminement rapides des barges. La responsabilité de Holnam, à l’égard des barges chargées, cessera lorsque CLC ou son mandataire aura été avisé que le chargement est terminé et que les connaissements auront été signés par les deux parties ou par leurs mandataires. Les risques de perte, la responsabilité et le titre afférent à la roche calcaire seront alors transmis de Holnam à CLC.

CLC sera responsable du fret, des droits et des autres charges. CLC demandera à l’exploitant de la barge de désigner Holnam à titre d’assuré supplémentaire dans les polices d’assurance maritime délivrées pour la coque et les garanties complémentaires.

                CLC indemnisera Holnam pour les dommages subis par les installations de Holnam ainsi que pour les lésions corporelles subies par les invités, les mandataires et le personnel de Holnam qui auront été causés par CLC ou par ses mandataires.

                Holnam indemnisera CLC pour les dommages subis par les installations de CLC ainsi que pour les lésions corporelles subies par les invités, les mandataires et le personnel de CLC qui auront été causés par Holnam.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[11]           Avant que la barge s’échoue le 15 décembre 2002, Texada était devenue partie à cette entente.

 

[12]           Texada exploite également une installation de chargement des barges qui est située du côté ouest de l’emplacement de la carrière, à Beale Cove. Cette installation a été construite en 1973 pour Ideal Cement. Elle est composée de trois ducs d’Albe en béton reliés par des passerelles. Un chargeur de barge composé d’un convoyeur à courroie supporté par une armature en acier est monté sur des roues, sur des rails et sur un quadrant. On peut faire tourner le chargeur vers l’est et vers l’ouest le long des rails ainsi que vers l’extérieur et vers l’intérieur afin de permettre le chargement de la barge sans qu’il soit nécessaire de la déplacer.

 

[13]           Cette installation de chargement est décrite dans un dessin technique intitulé [traduction] « Aménagement du poste de mouillage pour barges », sur lequel figure la note suivante, dans le coin inférieur droit :

[Traduction

Critères applicables à l’aménagement du poste de mouillage :

1) barge

    a) barge chargée 12 300 tonnes (courtes) – 0,5 pied par seconde

    b) barge vide 2 400 tonnes (courtes) – 1,0 pied par seconde.

2) vent

les barges doivent être retirées du poste de mouillage lorsqu’il y a des rafales de vent de 45 milles à l’heure.

 

3) vagues

les barges doivent être retirées du poste de mouillage dans les conditions suivantes :

    a) mer de travers, lorsque les vagues atteignent une hauteur de 4 pieds;

    b) mer avant, lorsque les vagues atteignent une hauteur de 6 pieds.

 

 

 

[14]           Le jour fatidique, le personnel de Texada n’avait pas expressément connaissance de cette note ou des critères d’aménagement du poste de mouillage, et ce, même si le dessin était en la possession de M. Diggon, directeur de l’exploitation de la carrière.

[15]           La barge mesure 76,08 mètres de long (à peu près 260 pieds), 21,94 mètres de large (environ 72 pieds) et 4,88 mètres de haut (16 pieds). Sa capacité de transport est de 6 000 tonnes métriques. La barge appartient à Mercury Launch & Tug Ltd. (Mercury), qui est également propriétaire de l’Ocean Monarch, un remorqueur de 1 300 chevaux‑vapeur, muni d’hélices jumelles et de tuyères Kort.

 

[16]           Étant donné qu’on a tiré parti des règlements qui étaient en vigueur au moment où il a été construit, le remorqueur a une jauge brute de 9,81 tonneaux seulement; il sera ci‑dessous décrit comme un [Traduction] « remorqueur de jauge inférieure ». Il n’est donc pas assujetti aux divers règlements, et notamment aux règlements exigeant que tous les navires de plus de 10 tonneaux de jauge brute soient pilotés par un capitaine breveté.

 

[17]           Pendant la période pertinente, l’Ocean Monarch était utilisé d’une façon continue et il était doté d’un équipage de trois hommes, à savoir un capitaine (Alan Milcak), un capitaine en second (Gerrit Keizer) et un homme de pont (Paul Williams).

 

[18]           Le 18 juillet 2001, CLC a conclu avec Mercury un contrat en vue du transport de sa roche calcaire depuis l’installation de chargement des barges, à Texada, jusqu’à son installation, à Langley, sur le Fraser.

 

[19]           Les parties ont convenu que les seules dispositions pertinentes de ce contrat sont les suivantes :

[Traduction

4. c. Barges qui peuvent transporter au moins 4 000 MT de roche calcaire et qui sont munies de panneaux latéraux, d’un pont en béton ou en asphalte et de cordages destinés à retenir la barge.

 

5. La Tour aura le soin, la garde et le contrôle de la barge en tout temps, y compris pendant le chargement, entre le moment où la barge est amarrée par l’équipage du remorqueur de la Tour et le moment où l’équipage du remorqueur de la Tour fera en sorte que le cordage soit placé à bord de la barge en vue du touage; toutefois, elle n’en aura pas le soin, la garde ou le contrôle pendant que la barge est à l’installation du client à Langley.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[20]           Malgré la clause 10 de l’entente conclue avec Texada, CLC n’a jamais en fait demandé à Mercury de désigner Texada à titre d’assuré supplémentaire dans la police d’assurance maritime couvrant la barge.

 

[21]           Le 15 décembre 2002, conformément au contrat que Mercury avait conclu avec CLC, l’Ocean Monarch a amené la barge le long de l’installation de chargement des barges, à Beale Cove, pour qu’elle soit chargée, avec l’avant vers le duc d’Albe est et l’arrière vers le duc d’Albe ouest. La barge a initialement été immobilisée vers 6 h 30 par l’équipage de l’Ocean Monarch à l’aide de cinq cordages de polypropylène et de deux câbles d’acier fournis par Texada à cette fin.

 

[22]           Avant l’arrivée de l’Ocean Monarch, c’est‑à‑dire à 4 h le 15 décembre 2002, le Centre météorologique du Pacifique d’Environnement Canada a émis les prévisions suivantes pour le détroit de Georgie, où est située l’île Texada (Beale Cove) :

[Traduction]

DÉTROIT DE GEORGIE.

AVIS DE TEMPÊTE TOUJOURS EN VIGUEUR.

VENTS DU SUD‑EST DE 15 À 25 NŒUDS, S’ÉLEVANT À 25, ET COUPS DE VENT DE 35 NŒUDS PLUS TARD CE MATIN AVEC COUPS DE VENT DE 40 NŒUDS ET VENT DE TEMPÊTE DE 50 NŒUDS CET APRÈS‑MIDI. VENTS TOURNANT VERS LE SUD À 25 NŒUDS ET COUPS DE VENT DE 35 NŒUDS PENDANT LA NUIT. PÉRIODES DE PLUIE. APERÇU. VENTS REVENANT À DES VENTS LÉGERS À MODÉRÉS EST SUD‑EST.

 

 

[23]           Après avoir immobilisé la barge, l’Ocean Monarch et son équipage ont jeté l’ancre à une bouée située à environ trois quarts de mille de l’installation de chargement des barges. Le capitaine et le capitaine en second sont ensuite allés se coucher pendant que l’homme de pont faisait le quart[1].

 

[24]           À 10 h 30, la prévision maritime émise plus tôt a de nouveau été confirmée et émise de nouveau. De nouvelles prévisions ont été émises à 16 h et à 20 h 30.

 

[25]           De véritables bulletins météorologiques ont également été diffusés sur une base continue depuis diverses stations météorologiques d’Environnement Canada de la région. Les bulletins les plus pertinents étaient les suivants, en provenance de Chrome Island, de Sisters Island[2] et de Ballenas Island :

[Traduction

 

Chrome Island, dimanche 15 décembre 2002

 

06 h 40        vents du sud‑est de 18 nœuds avec houle de l’est modérée à faible de 3 pieds

12 h39         vents du sud‑est de 30 nœuds avec houle de l’est modérée à faible de 5 pieds

15 h 40        vents du sud‑est de 35 nœuds avec mer de 6 pieds – houle modérée de l’est

 

Sisters Island, dimanche 15 décembre 2002

 

06 h 00        vents de 22 nœuds de 120o, dernière pointe maximale à 5 h 24, vents de 29 nœuds de 120o.

09 h 00        vents de 22 nœuds de 120o, dernière pointe maximale à 08 h 11, vents de 27 nœuds de 120o.

10 h 00        vents de 33 nœuds de 120o avec rafales atteignant 39 nœuds, dernière pointe maximale à 9 h 54, vents de 39 nœuds de 130o.

12 h 00        vents de 37 nœuds de 120o avec rafales atteignant 42 nœuds, dernière pointe maximale à 11 h 56, vents de 42 nœuds de 120o.

13 h 00        vents de 37 nœuds de 120o avec rafales atteignant 43 nœuds, dernière pointe maximale à 12 h 31, vents de 43 nœuds de 120o.

14 h 00        vents de 38 nœuds de 120o avec rafales atteignant 47 nœuds, dernière pointe maximale à 13 h 55, vents de 47 nœuds de 120o.

15 h 00        vents de 45 nœuds de 110o avec rafales atteignant 58 nœuds, dernière pointe maximale à 14 h 53, vents de 58 nœuds de 110o.

16 h 00        vents de 48 nœuds de 120o avec rafales atteignant 55 nœuds, dernière pointe maximale à 15 h 16, vents de 58 nœuds de 120o.

 

Ballenas Island, dimanche 15 décembre 2002

 

06 h 00        vents de 12 nœuds de 120o, dernière pointe maximale à 5 h 03, vents de 19 nœuds de 130o.

09 h 00        vents de 23 nœuds de 140o avec rafales atteignant 28 nœuds, dernière pointe maximale à 8 56, vents de 28 nœuds de 140o.

10 h 00        vents de 24 nœuds de 140o, dernière pointe maximale à 9 h 34, vents de 33 nœuds de 130o.

12 h 00        vents de 27 nœuds de 130o avec rafales atteignant 32 nœuds, dernière pointe maximale à 11 h 42, vents de 35 nœuds de 140o.

13 h 00        vents de 30 nœuds de 130o avec rafales atteignant 35 nœuds, dernière pointe maximale à 12 h 48, vents de 37 nœuds de 120o.

14 h 00        vents de 32 nœuds de 130o avec rafales atteignant 41 nœuds, dernière pointe maximale à 13 h 50, vents de 41 nœuds de 120o.

15 h 00        vents de 38 nœuds de 120o avec rafales atteignant 45 nœuds, dernière pointe maximale à 14 h 55, vents de 45 nœuds de 120o.

16 h 00        vents de 40 nœuds de 140o avec rafales atteignant 48 nœuds, dernière pointe maximale à 15 h 55, vents de 48 nœuds de 130o.

 

[26]           À son arrivée à l’installation de chargement vers 7 h 15, M. Staaf, le conducteur de chargeur de navires travaillant pour Texada, a ajusté l’amarre de poste de 2 pouces et demi pour que sa tension soit à peu près la même que celle de l’amarre de poste avant[3]. Le chargement de la roche calcaire a en fait commencé entre 7 h 30 et 8 h et il s’est poursuivi jusqu’à environ 14 h; on a alors arrêté le convoyeur à cause d’un problème de pallier. Les amarres ont de nouveau été ajustées au cours de l’après-midi étant donné que la marée avait changé et que le tirant d’eau de la barge avait augmenté pendant le chargement[4].

 

[27]           Après que l’on eut arrêté le convoyeur à courroie, M. Staaf a appelé l’Ocean Monarch sur le canal VHF (canal 6) afin de faire savoir qu’il y aurait une interruption pendant une heure ou deux pour que les réparations puissent être effectuées et qu’une fois les réparations achevées, on recommencerait le chargement pendant encore une heure ou deux. Il existe un certain désaccord au sujet de ce qui a en outre été dit pendant la conversation. Il en sera question plus loin dans les présents motifs. M. Staaf et M. Schrœder, un conducteur de chargeur monté sur roues travaillant pour Texada, ont ensuite attaché deux cordages de polypropylène additionnels à la barge[5].

 

[28]           Vers 17 h 30, après que l’amarre de l’avant se fut brisée, on a de nouveau communiqué avec le remorqueur. Le remorqueur s’est rendu jusqu’à la barge, mais l’équipage n’a pas pu monter à bord de la barge à cause de la hauteur de la mer et des vents. On a fait descendre le capitaine en second et l’homme de pont plus loin sur le rivage et ils se sont ensuite rendus à l’installation de chargement pour aider à attacher la barge avec des amarres additionnelles appartenant à Texada. Les amarres qui étaient à bord de l’Ocean Monarch n’ont pas été utilisées. L’équipage est ensuite resté à l’installation pendant que deux employés de Texada sont allés chercher des amarres additionnelles à l’entrepôt.

 

[29]           Entre 20 h et 20 h 10, toutes les amarres de la barge ont cédé (sauf l’amarre de l’arrière) et, comme il en a été fait mention, la barge a dérivé sur les rochers et a été fortement endommagée.

 

[30]           Les parties reconnaissent que le dommage à la hanche bâbord a résulté du contact avec le duc d’Albe ouest[6] et que le dommage du côté bâbord de la barge était attribuable à l’échouement.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[31]           À l’audience, la demanderesse a résumé les questions à trancher comme suit :

 

a)         Texada est‑elle un dépositaire de la barge et, dans l’affirmative, a‑t‑elle établi que la barge a été perdue sans que ce soit sa faute (charge inversée de la preuve)?

b)         Texada avait‑elle une obligation de diligence envers Mercury comme il est allégué au paragraphe 9 de la déclaration et, dans l’affirmative, Mercury a‑t‑elle établi un manquement à cette obligation?

c)         Plus particulièrement, Texada a‑t‑elle manqué à l’obligation qui lui incombait de fournir un poste de mouillage sûr auquel la barge pouvait être attachée?

 

[32]           De toute évidence, Texada nie qu’un contrat de dépôt a été créé lorsque l’Ocean Monarch a apporté la barge à son installation de chargement.

 

[33]           Texada soutient également que la demanderesse n’a aucunement établi que, pour une raison ou une autre, son poste de mouillage était dangereux et qu’elle n’était donc pas tenue d’avertir Mercury.

 

[34]           Texada fait également valoir que, de toute façon, elle a établi que l’incident était attribuable à la négligence de l’équipage de l’Ocean Monarch.

 

[35]           Sur ce point, Texada soutient que le capitaine Milcak a notamment commis les actes négligents suivants :

 

a)     il a permis que son équipage et lui‑même soient fatigués au point qu’il a fallu que le capitaine en second et lui‑même se reposent le matin, et peut‑être pendant l’après‑midi du 15 décembre 2005;

 

b)    il n’a pas indiqué à l’homme de pont de bien surveiller le temps et de communiquer avec le terminal;

 

c)     il a décidé de procéder au chargement de la barge pendant une période de dix heures, et ce, même si selon les prévisions émises par Environnement Canada, les conditions météorologiques ne seraient favorables que pendant cinq heures;

 

d)    il n’a pas surveillé les conditions météorologiques ou il ne s’est pas rendu compte du changement des conditions, telles qu’elles ont été révélées dans les prévisions météorologiques locales, en particulier dans les bulletins météorologiques provenant de Sisters Island, qui était située à proximité de l’installation de Texada;

 

e)     il n’a pas obtenu du terminal les renseignements nécessaires pour prendre les décisions appropriées au sujet du moment où il fallait déplacer la barge;

 

f)     il n’a pas évalué de façon appropriée les vents et l’état de la mer dans le secteur de la bouée cylindrique qui, le savait‑on, se trouvait dans un lieu partiellement protégé ou, subsidiairement, il n’en a pas tenu compte;

 

g)     compte tenu des prévisions météorologiques sortant de l’ordinaire, il n’a pas pris de mesures pour évaluer l’état de la barge à l’installation de chargement des barges.

 

ANALYSE

[36]           Même si elle a soutenu que Texada a, en sa qualité de dépositaire, la charge d’établir que le dommage n’était pas attribuable à une négligence ou à un manque de diligence de sa part, Mercury énumère, au paragraphe 8 de la déclaration, plusieurs manquements allégués de la part de Texada en sa qualité de dépositaire. Ces actes de négligence sont également énumérés au paragraphe 9 de la déclaration en tant que manquements à l’obligation générale de diligence qui incombait à Texada.

[37]           Il s’agit des actes suivants :

            a)         l’omission de Texada de prendre soin de la barge pendant qu’elle était en sa possession;

b)         l’omission de fournir un poste de mouillage sûr;

c)         l’omission d’utiliser des amarres appropriées pour immobiliser la barge;

d)         l’omission d’aménager de manière appropriée le poste de mouillage, de façon que la barge puisse y demeurer par mauvais temps;

e)         l’omission de fournir un système de défense approprié pour protéger la barge pendant qu’elle était immobilisée au poste de mouillage;

f)          l’omission de surveiller de façon appropriée les conditions météorologiques et l’état de la mer au poste de mouillage;

g)         l’omission de donner un avertissement au sujet du danger qui allait se présenter au poste de mouillage ou l’omission de donner un tel avertissement dans un délai suffisant.

[38]           Pour les motifs qui seront énoncés dans le cadre de l’examen de la preuve relative aux manquements susmentionnés, je ne suis pas convaincue que Mercury a réussi à établir, selon la prépondérance de la preuve, que Texada a commis une négligence donnant ouverture à une poursuite. Par contre, je conclus qu’eu égard aux circonstances particulières de l’affaire et compte tenu des renseignements qu’il avait à sa disposition, le capitaine de l’Ocean Monarch aurait dû se renseigner sur les conditions qui existaient réellement (vents et vagues) au poste de mouillage et qu’il aurait dû savoir qu’il devait faire sortir la barge du poste de mouillage bien avant 17 h 30 lorsque la barge a subi des dommages à bâbord. Cela veut dire qu’il faut en fait examiner les allégations que Mercury a faites au sujet du dépôt et de la charge inversée de la preuve, laquelle incombe à son avis à Texada, pour décider si Texada doit également être tenue responsable de l’accident ou d’une partie des dommages.

a) Le dépôt

[39]           Les parties s’entendent pour dire que l’obligation de Texada en sa qualité de propriétaire du quai ne serait pas vraiment différente en l’espèce, que la relation existant entre les deux parties soit considérée comme découlant d’une licence ou d’un dépôt. La Cour croit comprendre que le seul avantage, s’il est conclu que cette relation est liée à un dépôt, se rapporte à l’inversion de la charge de la preuve.

[40]           La Cour convient avec Mercury que l’absence de relation contractuelle entre les parties ainsi que le fait que Mercury n’a pas directement versé de contrepartie à Texada n’empêchent pas de conclure que Texada agissait à titre de dépositaire de la barge.

[41]           Mercury a clairement dit que, dans ce cas‑ci, la détermination de la question de savoir si Texada agissait comme dépositaire à titre gratuit ou comme dépositaire rémunéré n’entre pas en ligne de compte.

[42]           L’essence du dépôt est la possession; en effet, s’il n’y a pas possession, il ne peut pas y avoir dépôt.

[43]           La détermination de la question de savoir si Texada était suffisamment en possession de la barge pour en être dépositaire est une question de fait. Mercury a la charge de la preuve sur ce point.

[44]           Il n’y a aucune définition exhaustive de la possession nécessaire pour créer un dépôt. Pour qu’il y ait possession, il faut normalement prouver le contrôle physique. Il est souvent difficile de faire une distinction entre les divers rapports, comme les dépôts et les licences, en particulier lorsque la licence est accompagnée d’engagements additionnels de la part du donneur de licence.

[45]           L’intention des parties est pertinente.

[46]           Il est également généralement reconnu que, pour avoir possession d’un bien, il peut être nécessaire de prouver non seulement la livraison, ou un certain accès autorisé, mais aussi que la possession a entraîné un contrôle physique étroit du bien en question, à l’exclusion du déposant[7]. Il y a de toute évidence des exceptions à ce principe; sur ce point, la Cour examinera plus loin dans les présents motifs la décision The « Ruapehu » (1925), 21 L1.L. Rep. 310.

[47]           Étant donné qu’elle s’était engagée à charger la barge pour CLC, Texada a accepté la barge à son poste de mouillage et elle s’est chargée de fournir les amarres afin d’attacher la barge[8] et d’ajuster ces amarres[9] pendant le chargement en vue de répondre aux changements de tirant (le poids de la cargaison chargée) et aux changements de marée. Elle s’est également engagée à équilibrer le navire conformément aux instructions reçues de Mercury lorsqu’elle a entrepris l’exécution de son contrat avec CLC.

[48]                 Mercury affirme qu’il existe un nombre suffisant d’éléments indiquant la possession pour permettre à la Cour de conclure que la défenderesse agissait comme dépositaire.

[49]                 Aux alinéas 5a) à s) de son argumentation écrite, Mercury a énuméré les éléments qui sont à son avis pertinents. La plupart se rapportent au fait que Texada a fourni les lignes d’amarre, qu’elle les a ajustées pendant toute la durée du chargement et qu’une fois celui‑ci terminé, elle a approuvé la position de la barge le long de son installation, qu’elle a déterminé après que la barge eut été amarrée, le matin, par l’équipage de l’Ocean Monarch et avant le retour de l’équipage à la fin de l’après‑midi, le nombre d’amarres que l’on utiliserait pour attacher la barge ainsi que le mou à donner aux amarres, et qu’elle a laissé le conducteur de chargeur au poste de mouillage pour surveiller la barge après que l’on eut cessé de le charger. Mercury affirme également que Texada avait assumé, conformément au contrat qu’elle avait conclu avec CLC, la responsabilité de la barge chargée jusqu’à ce que le chargement soit terminé.

[50]           En outre, Mercury invoque le fait qu’elle n’avait pas de représentant à bord de la barge lorsque les événements se sont produits et qu’il était reconnu et convenu que, pendant le chargement, son remorqueur attendrait à la bouée cylindrique. Mercury affirme que la présence du remorqueur à la bouée cylindrique n’avait pas pour effet de retirer la barge de la possession physique de la défenderesse.

[51]           Se fondant sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada Fraser River Pile & Dredge Ltd. c. Can-Dive Services Ltd., [1999] 3 R.C.S. 108, Texada affirme qu’elle devrait pouvoir invoquer la clause 5 du contrat conclu entre Mercury et CLC, laquelle stipule clairement que Mercury a la garde et le contrôle de la barge pendant que la barge se trouve à l’installation de Texada.

[52]           Dans l’arrêt Fraser River Pile & Dredge Ltd., l’intimée a été autorisée à invoquer, en sa qualité de tiers bénéficiaire, une clause de renonciation à la subrogation incorporée dans la police d’assurance de Fraser River Pile & Dredge Ltd., bien qu’elle eût été mise au courant de l’existence de cette renonciation après l’accident seulement. La police d’assurance stipulait expressément que la renonciation s’appliquait aux affréteurs. Or, l’intimée était un affréteur.

[53]           La Cour ne croit pas que cette exception à la règle du lien contractuel s’applique en l’espèce. Il est clairement possible de faire une distinction avec les arrêts Fraser River Pile & Dredge Ltd., précité, et London Drugs Ltd. c. Kuehne & Bagel International Ltd., [1992] 3 R.C.S. 299. La Cour n’est pas convaincue que cette clause devait être une « stipulation pour autrui » ou une stipulation en faveur de Texada et qu’elle crée un droit que Texada peut invoquer en défense à la présente action.

[54]           Les conditions du contrat liant Mercury et CLC sont néanmoins pertinentes. Il est certain qu’elles font partie du contexte général dont la Cour peut tenir compte en déterminant l’intention de Mercury à l’égard du présumé dépôt. Elles expliquent également pourquoi l’Ocean Monarch est demeuré en poste pendant toute la durée du chargement de la barge avec son équipage en service, alors que cet équipage n’aurait pas été de service ou que le remorqueur aurait pris d’autres engagements pendant les 18 à 24 heures nécessaires pour effectuer le déchargement à Langley, où la barge était sous les soins, la garde et le contrôle de CLC.

[55]           Le capitaine de l’Ocean Monarch n’était pas au courant des conditions de ce contrat, mais il savait fort bien que l’équipage était de service pendant que le remorqueur était à la bouée cylindrique et que la barge était chargée.

[56]           Je conclus que le capitaine savait également que c’était à lui qu’il incombait de décider si la barge devait rester au poste de mouillage ou le quitter à cause du temps qu’il faisait. C’est la seule question sur laquelle tous les témoins des deux parties s’entendent. Le capitaine du remorqueur a toujours le contrôle pour ce qui est du moment où il fait entrer la barge et du moment où elle doit partir, et ce, peu importe que le chargement soit terminé ou non.

[57]           Il est également clair que Texada n’avait pas d’autres remorqueurs à sa disposition. Tous les intéressés savaient fort bien que Texada ne pouvait pas faire sortir la barge du poste de mouillage sans l’Ocean Monarch et sans que son capitaine y consente.

[58]           De toute évidence, la Cour doit également tenir compte de la nature du bien et de la nature des services fournis par Texada, lesquels étaient fort différents de ceux du radoubeur dans la décision Ruapehu (précitée et sur laquelle nous reviendrons plus loin).

[59]           En sa qualité de propriétaire de la cargaison tant que le chargement n’était pas achevé, Texada avait un intérêt direct à assurer la sécurité de la cargaison ainsi qu’un intérêt indirect à assurer la sécurité de la barge.

[60]           Si la barge avait été dotée d’un équipage, il ne me serait pas difficile de conclure que Texada n’agissait pas à titre de dépositaire. Je serais également arrivée facilement à la même conclusion si l’Ocean Monarch était resté au poste de mouillage avec la barge non propulsée.

[61]           La conclusion devrait‑elle être différente parce que l’Ocean Monarch s’est immobilisé à la bouée cylindrique?

[62]           La Cour comprend bien qu’il était commode pour les remorqueurs qui se trouvaient à cet endroit de mouiller à cette bouée à cause de la poussière et des morceaux de roche calcaire qui tombent parfois dans l’eau pendant le chargement. Il semble également que lorsque la mer est agitée, il est assez difficile pour les remorqueurs de rester près de la barge sans la heurter ou sans heurter l’installation de chargement. Toutefois, les remorqueurs ne sont pas obligés d’utiliser la bouée et la Cour conclut, compte tenu de l’opinion exprimée par le capitaine Rose, que le capitaine d’un remorqueur peut toujours décider de rester au poste de mouillage.

[63]           Si la bouée avait été située juste un peu plus loin devant le poste de mouillage, là où l’équipage aurait pu surveiller la barge en tout temps, j’aurais également conclu que Texada n’était pas dépositaire de la barge.

[64]           Ma conclusion devrait‑elle être différente parce que la bouée était située à une distance de trois quarts de mille et que l’équipage ne voyait pas clairement la barge depuis cet endroit?

[65]           Je ne le crois pas parce que Mercury s’attendait à ce que son capitaine surveille le temps qu’il faisait au poste de mouillage et à ce que ce soit lui qui décide du moment où il fallait déplacer la barge en vue d’éviter des dommages au poste de mouillage, et ce, peu importe que Texada eût fini de charger la cargaison.

[66]           Pour reprendre les mots du juge Mahoney dans la décision Northland Navigation Co. c. Finning Tractor & Equipment Co., [1976] A.C.F. no 407 (1re inst.) (QL), au paragraphe 24, je conclus que « les clés de la barge n’ont pas été remises à Texada ». C’est particulièrement important si on tient compte de l’emplacement et des caractéristiques du poste de mouillage.

[67]           La situation générale en l’espèce se situe entre celle qui avait été portée à l’attention de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Seaspan International Ltd. c. « Kostis Prois » (Le), [1974] R.C.S. 920, et celle dont la Cour d’appel anglaise avait été saisie dans l’affaire Ruapehu, précitée. Dans l’arrêt Kostis, précité, la Cour a conclu qu’il n’y avait pas de relation déposant‑dépositaire entre les propriétaires d’un chaland chargé et les propriétaires du navire auquel le chaland était attaché et dans lequel la cargaison devait être chargée par l’affréteur à temps. Dans cette affaire, le remorqueur qui touait initialement le chaland était parti après avoir installé une amarre à bord du navire. Dans l’affaire Ruapehu, précitée, le navire était dans la cale sèche du radoubeur, mais le propriétaire du navire avait laissé quelques membres d’équipage à bord pendant que les réparations étaient effectuées. Après avoir longuement hésité, lord Atkin a conclu que, même si l’équipage était présent, le radoubeur agissait comme dépositaire.

[68]           La Cour a examiné tous les éléments mentionnés par les parties et elle conclut que Texada n’avait pas une possession et un contrôle suffisants pour créer un dépôt.

[69]           En outre, même si j’avais estimé que Texada avait une possession suffisante pour créer un dépôt, j’aurais conclu qu’elle n’avait néanmoins pas la charge de prouver que le dommage subi par la barge était survenu sans que ce soit sa faute.

[70]           Dans l’affaire Ruapehu, précitée, lord Atkin a dit que même s’il y avait dépôt dans ce cas‑là, il ne s’agissait pas d’un [traduction] « dépôt pur » et que la règle relative à l’inversion de la charge de la preuve ne pouvait pas s’appliquer sans que des modifications quelconques soient apportées. Cela voulait dire dans cette espèce que le radoubeur avait la charge de prouver que l’incendie était survenu sans qu’il soit fautif uniquement si le propriétaire du navire (le déposant) avait d’abord établi que l’incendie avait pris naissance pendant les heures de travail, à un moment où l’équipage du radoubeur avait le degré de possession requis.

[71]           Le président Thorson a adopté la même approche dans la décision The Queen c. Halifax Shipyards Ltd., [1956] 4 D.L.R. (2d) 566[10].

[72]           Dans l’arrêt Taylor Estate c. Wong Aviation Ltd., [1969] R.C.S. 481, la Cour suprême du Canada a examiné la jurisprudence relative à la charge de preuve applicable au dépositaire. À la page 6, elle a cité les remarques que le juge Laidlaw, de la Cour d’appel de l’Ontario, avait faites dans l’arrêt McCreary c. Therrien Construction Co. Ltd. and Therrien, [1951] O.R. 735 :

[traduction] Le juge Laidlaw a dit :

 

Lord Atkin[11] explique le fondement du principe et je le cite : « Le dépositaire est parfaitement au courant de toute l'affaire; il doit fournir des explications. Lui et ses préposés sont les personnes responsables; le déposant n'a pas eu la possibilité de savoir ce qui est arrivé. Ces considérations, jumelées à l'obligation de diligence, donnent naissance à l'obligation du dépositaire de démontrer qu’il s’est acquitté de cette obligation.

 

Bien que le juge Laidlaw et lord Atkin aient dit qu’il s’agissait d’« un principe », il serait, à mon avis, peut‑être plus exact de parler de règle de preuve et, comme elle a en pratique pour effet d’imposer au dépositaire la lourde charge de prouver une chose négative (c’est‑à‑dire qu'il n'a pas été négligent), elle devrait selon moi n'être invoquée que dans les cas où toutes les considérations mentionnées par lord Atkin sont présentes.

 

 

[73]           Dans l’arrêt Taylor, précité, la Cour avait devant elle un cas dans lequel le pilote (le dépositaire) avait péri pendant l’écrasement de l’aéronef (le bien remis en dépôt), mais les conclusions qu’elle a tirées étaient clairement destinées à s’appliquer à d’autres situations. La Cour a également dit à la page 7 :

[traduction] Je ne crois pas qu’il soit souhaitable, sauf dans les cas les plus clairs, de trancher une question de responsabilité en se fondant sur le seul motif que les règles strictes de la preuve concernant le déplacement de la charge de la preuve n’ont pas été respectées. À mon avis, dans des cas comme celui‑ci, il faut examiner la preuve dans son ensemble [...]

 

 

 

[74]           En l’espèce, le dommage a été causé à la barge bien après que le chargement eut cessé et après que le capitaine eut omis de faire sortir la barge à cause de la tempête qui s’annonçait.

[75]           En ce qui concerne le dommage causé au côté tribord, ce dommage a été subi après que la barge se fut détachée de ses amarres à 20 h, à un moment où elle n’était plus en la seule possession et sous le seul contrôle de Texada puisque l’équipage de l’Ocean Monarch s’était activement occupé de l’attacher au quai. Par conséquent, il n’est pas clair que le dommage ait été subi pendant la période où le bien aurait pu faire l’objet d’un dépôt; de plus, on ne saurait dire que seul le dépositaire sait ce qui est arrivé au bien.

[76]           J’examinerai maintenant la preuve afin de déterminer si Mercury a établi les manquements précis énumérés au paragraphe 9 de sa déclaration (voir le paragraphe 37 ci‑dessus). J’examinerai ensuite les allégations de négligence avancées par Texada et j’arriverai ensuite à ma décision après avoir examiné la preuve dans son ensemble quant à la cause ou aux causes de l’accident et des dommages.

B) Négligence de Texada

[77]           Comme il a été indiqué plus haut, même s’il n’y a pas dépôt, Texada avait clairement assumé, en sus de son obligation à titre de propriétaire du poste de mouillage, l’obligation de fournir des amarres appropriées pour attacher la barge et d’ajuster ces amarres pendant le chargement.

[78]           Il existe un désaccord au sujet de la question de savoir si Texada était tenue ou avait assumé l’obligation de garder la barge immobilisée d’une façon appropriée au poste de mouillage même lorsque l’on n’était pas en train de la charger. Ayant examiné l’ensemble de la preuve sur ce point, je conclus que Texada a assumé la responsabilité d’ajouter des amarres au fur et à mesure qu’il s’avérait nécessaire de le faire pendant toute la journée et, en particulier après 14 h, jusqu’à ce que l’équipage de l’Ocean Monarch arrive sur les lieux.

[79]           Cela ne veut pas dire pour autant que Texada a assuré ou déclaré à Mercury de quelque façon que ce soit que la barge pouvait demeurer attachée en toute sécurité à cet endroit fort exposé, peu importe le temps.

[80]           En fait, M. Errington, propriétaire et directeur de Mercury, le capitaine Rose et le capitaine Stirling, soit les deux marins experts qui ont témoigné pour Texada et pour Mercury respectivement, ont tous reconnu que l’utilisation de cette installation de chargement ainsi que de toute installation de chargement sur un rivage sous le vent comporte nécessairement le déplacement du navire lorsque certaines conditions météorologiques sont présentes.

[81]           M. Errington a déclaré lors de son témoignage qu’il s’attendait à ce que le capitaine Milcak surveille le temps et décide s’il fallait enlever la barge de l’installation à cause du mauvais temps. Ce témoin avait visité l’emplacement de Texada à deux reprises pour le connaître et il a dit qu’il savait fort bien que l’emplacement n’offrait pas beaucoup de protection et qu’il [traduction] « était d’une certaine façon ouvert sur le golfe pour ainsi dire ». Il a également reconnu qu’il s’attendrait, lorsque la barge est attachée, à ce qu’un marin prudent à son service sache jusqu’à quel point la barge peut supporter les vents et les vagues avant que l’on puisse raisonnablement s’attendre à ce qu’elle subisse des dommages[12].

[82]           Quant aux limitations du poste de mouillage mentionnées dans le plan général d’aménagement de l’installation de chargement, la Cour croit comprendre que ces limitations ont été énoncées par le concepteur de l’installation, qui se préoccupait surtout des dommages que la structure elle‑même pourrait subir. Les dommages subis par les barges qui se rendaient à l’installation constitueraient une considération secondaire et il se pouvait même que la chose n’ait pas été prise en considération.

[83]           Même M. Johansen, que la Cour reconnaît à titre d’expert dans la construction d’installations de chargement, ne pouvait pas facilement déterminer les limitations du poste de mouillage pour une barge de 6 000 tonneaux (chargée) par opposition à la barge de 12 300 tonneaux (chargée) mentionnée dans le dessin. Toutefois, la Cour croit comprendre, selon le témoignage de cet expert (et la chose est sensée), que dans le cas d’une barge plus petite, on devrait s’attendre à ce que la force du vent et la hauteur des vagues soient supérieures à ce qui était mentionné dans la note.

[84]           Compte tenu des témoignages du capitaine Stirling et de M. Johansen, la Cour conclut qu’un marin prudent n’aurait pas été en mesure de convertir les renseignements figurant dans la note et de comprendre ce que cela voulait dire exactement pour la barge.

[85]           Quoi qu’il en soit, le capitaine Milcak a déclaré que pour faire sortir la barge du poste de mouillage, il croyait lui‑même qu’il faudrait des vents de 40 à 45 milles à l’heure et des vagues de six pieds de haut.

[86]           Lorsqu’il a été contre‑interrogé, le capitaine Milcak a également reconnu que dans ce cas‑ci, la zone de sécurité pour lui coïncidait avec les forces indiquées dans la note relative aux limitations du poste de mouillage.

[87]           Contre‑interrogé, le capitaine Stirling a convenu que la note relative aux limitations du poste de mouillage n’est pertinente ou utile que si ces limites sont inférieures à celles fixées par le capitaine du remorqueur.

[88]           La Cour convient avec Texada que dans ces conditions, il n’est plus pertinent de savoir si Texada devait formellement avoir informé le capitaine des limitations du poste de mouillage notées sur le dessin et si, de toute façon, il pouvait comprendre ce que ces limitations signifiaient pour cette barge; en effet, le capitaine savait déjà que lorsque des vents du sud‑est de 50 nœuds étaient prévus, la barge devait quitter les lieux avant que ce qui constituait pour lui la zone de sécurité soit dépassée.

[89]           Je conclus également, en m’appuyant sur les témoignages de M. Errington, du capitaine Milcak, du capitaine Stirling et du capitaine Rose, que même si la barge était attachée de façon appropriée à l’installation de chargement, il fallait néanmoins la faire sortir du poste de mouillage lorsque certaines conditions météorologiques étaient présentes et que cela ne constituait pas un vice ou un danger caché. Ce n’était pas une limitation ou un danger attribuable au fait que l’installation de chargement n’était pas maintenue d’une façon appropriée par Texada. Tous les intéressés le savaient fort bien, compte tenu des caractéristiques du poste de mouillage et de son emplacement[13].

[90]           Il ressort en outre clairement du témoignage du capitaine Milcak que s’il avait su qu’il y avait des vagues de six pieds au poste de mouillage, il se serait inquiété. Dans son argumentation écrite, Mercury a dit que [traduction] « le capitaine aurait été inquiet parce que les amarres qui sautent risquent de poser un problème et que la barge risque de heurter les ducs d’Albe ».

[91]           La Cour estime que la seule raison pour laquelle le capitaine Milcak n’a pas fait sortir la barge du poste de mouillage avant qu’on l’appelle à 17 h 30 est qu’il supposait que les vents et les vagues à l’installation de chargement étaient les mêmes que ceux qu’il devait affronter à la bouée cylindrique, lesquels selon son témoignage et ceux du capitaine en second et de l’homme de pont, étaient moins graves qu’au poste de mouillage, du moins jusqu’à 16 h.

[92]           Le capitaine Milcak a admis qu’il savait que des vents bien supérieurs à ce qui constituait sa zone de sécurité étaient prévus par Environnement Canada cet après‑midi‑là et que les bulletins eux‑mêmes des stations météorologiques confirmaient que les prévisions météorologiques allaient se concrétiser. Il a également déclaré qu’il ne supposait pas que Texada assurait une veille météorologique.

[93]           La Cour retient l’avis exprimé par le capitaine Rose, que le capitaine Stirling n’a pas contredit sur ce point, à savoir qu’un marin prudent aurait su qu’il ne pouvait pas laisser la barge au poste de mouillage compte tenu des prévisions. Le véritable désaccord qui oppose ces experts se rapporte à la question de savoir si un marin prudent aurait amené la barge pour la faire charger ce matin‑là et si le remorqueur aurait dû rester avec la barge au poste de mouillage.

[94]           La Cour conclut que le capitaine Milcak ne s’est pas fondé sur des déclarations de Texada, selon lesquelles la barge serait en sécurité au poste de mouillage pendant une tempête aussi violente que celle qui était prévue, tempête qui est de fait survenue ce jour‑là.

[95]           De l’avis de la Cour, Texada n’était pas tenue de construire un poste de chargement où la barge pouvait rester par mauvais temps (voir l’alinéa 37c) ci‑dessus). M. Johansen a indiqué dans son rapport qu’à un endroit exposé, il faut envisager de fournir un abri artificiel comme un brise‑lame ou un système d’amarrage différent. À son avis, il aurait été préférable d’avoir des points d’amarrage éloignés du poste de mouillage plutôt que des ducs d’Albe.

[96]           Il était illogique pour Mercury d’amener la barge à un endroit qui, de toute évidence, n’était pas protégé par un brise‑lame et d’alléguer ensuite que la barge avait été endommagée parce qu’une telle protection n’existait pas. Il en va de même pour l’allégation selon laquelle le système d’amarrage était inadéquat à cause de l’endroit où étaient situés les points d’amarrage. L’emplacement des points d’amarrage à l’installation de Texada devait être évident pour Mercury.

[97]           Selon les règles de bonne navigation, il est essentiel de bien attacher ou de bien amarrer la barge. Mercury était sans aucun doute en mesure d’évaluer le caractère approprié ou les lacunes, le cas échéant, du système à l’installation de Texada.

[98]           En outre, peu importe que l’on examine l’obligation qui incombe au propriétaire de quai en vertu de la common law dans le contexte d’une licence ou d’un dépôt, la sécurité du poste de mouillage doit être évaluée [traduction] « pour un navire doté de l’équipage et du matériel appropriés, conduit et manœuvré sans négligence et conformément aux règles de bonne navigation ».

[99]           Ce principe a été énoncé par la Cour d’appel anglaise dans l’arrêt The Eastern City, [1957] 2 Lloyd’s Rep. 153, dans un contexte différent (il s’agissait d’une affaire opposant le propriétaire d’un navire et un affréteur dans laquelle le poste de mouillage était dangereux), mais à mon avis il est tout a fait applicable dans tous les cas où il est allégué que « le poste de mouillage ou le port est dangereux ». L’obligation du propriétaire d’un poste de mouillage ou d’un quai n’est pas absolue, et Mercury ne peut pas ignorer ce qui lui sautait aux yeux et ce qui était évident pour tout marin compétent.

[100]           Il n’y a aucun doute que Texada avait l’habitude de charger des barges de cette taille pendant l’hiver lorsqu’il y a normalement de forts vents et des mers agitées. Selon certains éléments de preuve, Texada n’a jamais été obligée de mettre fin à un chargement à cause des conditions météorologiques, sauf lorsqu’un capitaine décidait de faire sortir la barge parce qu’il se préoccupait de sa sécurité. De plus, au cours de toutes les années où cette installation a été utilisée, aucune barge n’a brisé ses amarres. Depuis 1980, Texada charge chaque année plus de 400 barges[14]. Toutefois, il faut se rappeler que c’était la pire tempête que M. Staaf et M. Poulin avaient vue pendant toutes les années où ils avaient travaillé pour Texada.

[101]       M. Poulin, l’autre chargeur de barge qui travaillait pour Texada, a déclaré utiliser [traduction] « une configuration d’amarrage de jour de tempête ». Si je comprends bien ce dispositif (six cordages de polypropylène (quatre amarres de poste, une amarre de l’arrière et une amarre de l’avant) et deux câbles d’acier), il n’est pas différent ni meilleur que le dispositif utilisé pour la barge après que M. Staaf eut ajouté deux amarres (une amarre de poste et une amarre additionnelle à l’avant) à 14 h avec l’aide de M. Schrœder. La barge était immobilisée au moyen de sept cordages de polypropylène et de deux câbles d’acier. La Cour est convaincue que c’est exactement ce que M. Staaf voulait dire lorsqu’il a affirmé que, normalement, ils [traduction] « doublent les cordages » par mauvais temps.

[102]       Aucun des témoins n’a déclaré que cette configuration particulière n’était pas satisfaisante. En fait, le capitaine Milcak était satisfait des dispositifs d’amarrage utilisés par son équipage lorsqu’il est arrivé, le matin, et ce, malgré les prévisions météorologiques émises à 4 h ce matin‑là et même si cinq cordages de polypropylène seulement ont été utilisés avec les deux câbles d’acier. Rien dans la preuve n’indique qu’il savait que Texada ajouterait un plus grand nombre de cordages si le temps se gâtait[15].

[103]       Le capitaine en second de l’Ocean Monarch était également convaincu que rien de plus ne pouvait être fait après que deux amarres de l’avant eurent été ajoutées par l’homme de pont pour remplacer celles qui s’étaient brisées à 17 h 30.

[104]       Rien n’indique que les cordages utilisés par Texada n’étaient pas en bon état. En fait, certains éléments de preuve montrent que tous ces cordages étaient neufs ou passablement neufs et en bon état.

[105]       Mercury n’a présenté aucun témoignage d’expert pour établir que si deux câbles de 3 pouces avaient été utilisés au lieu des câbles de deux pouces et demi décrits par M. Staaf, ces cordages ne se seraient pas brisés pendant la tempête. Toutefois, lors des plaidoiries, l’avocat de Mercury a signalé qu’au moins deux cordages de trois pouces se trouvaient sur la passerelle ce jour‑là et que M. Staaf ne les a pas utilisés. À ce stade, la Cour a souligné que la preuve relative à ces cordages de trois pouces n’était pas très claire.

[106]       Depuis lors, la Cour a eu la possibilité d’examiner la preuve, y compris des extraits de l’interrogatoire préalable déposé par Mercury (pièce P‑6) et les déclarations écrites des divers témoins. En réponse à la question 229, M. Schrœder a indiqué que l’amarre de poste orange était un cordage de trois pouces comme l’une des amarres de l’avant.

[107]       Enfin, dans sa déclaration (onglet 2, pièce P‑12), M Poulin indique qu’un cordage de trois pouces était étendu sur la passerelle. C’était peut‑être bien l’amarre de poste que M. Leclerc et M. Staaf ont essayé d’installer avant l’arrivée de M. Poulin au quai. On ne sait pas trop si c’est le cordage que M. Staaf a passé à M. Poulin et qu’il a fixé à la barge entre 18 h et 18 h 30.

[108]       M. Staaf a dit qu’il n’avait jamais personnellement commandé des cordages de trois pouces et que s’il y en avait, il s’agissait peut‑être de cordages plus anciens. Il se peut bien que ce soit M. Poulin qui ait commandé les cordages de trois pouces que M. Schrœder affirme avoir apportés au quai peu de temps avant l’incident.

[109]       Les parties n’ont pas éclairci ces questions pendant le témoignage de M. Poulin et la Cour n’est pas prête à conclure, compte tenu de la preuve versée au dossier, que des cordages de trois pouces qui étaient peut‑être disponibles n’ont pas été utilisés le jour de l’accident. En outre, la Cour n’est pas prête à inférer que, s’il y avait des cordages de trois pouces sur le quai, leur utilisation aurait empêché la barge de se détacher du poste de mouillage. Il faut considérer que les cordages de polypropylène de deux pouces et demi qui ont été ajoutés après que l’équipage du remorqueur fut arrivé à l’emplacement se sont brisés en moins d’une heure et que la tempête s’est poursuivie beaucoup plus longtemps.

[110]       Mercury a également présenté certains éléments de preuve pour établir que les amarres avaient trop de mou et que, selon le capitaine Stirling, cela met une tension additionnelle sur les amarres.

[111]       Dans son rapport, le capitaine Stirling dit que si les cordages avaient été tenus relativement tendus, les forces exercées sur ceux‑ci auraient été moindres. Cet expert n’est toutefois pas allé jusqu’à dire que s’il n’y avait pas eu de mou ou s’il y en avait eu moins, la barge aurait pu rester au poste de mouillage pendant cette tempête ou aurait dû y rester[16].

[112]       Compte tenu du témoignage du capitaine Stirling en contre‑interrogatoire, il semble que cette déclaration soit fondée sur certaines hypothèses. Le capitaine Stirling a également admis qu’étant donné le mauvais temps qui s’en venait et la baisse importante de la marée pendant l’après‑midi, on n’aurait peut‑être pas été en mesure de maintenir l’équilibre délicat nécessaire pour obtenir le degré de tension dont il faisait mention dans son rapport.

[113]       De plus, et ce qui est encore plus important, c’est l’homme de pont de l’Ocean Monarch avec l’aide du capitaine en second et de M. Staaf qui a de nouveau fixé les deux amarres de l’avant sur la barge après qu’elles se furent brisées. Le capitaine Stirling a indiqué qu’il s’attendrait à ce que le capitaine en second et l’homme de pont sachent comment fixer correctement ces cordages dans les circonstances.

[114]       M. Staaf a déclaré qu’à son avis, si les cordages avaient donné moins de mou, ils se seraient peut‑être cassés net. Son témoignage n’a pas été directement contesté sur ce point.

[115]       La Cour n’est pas convaincue que Mercury a établi qu’il y a eu négligence de la part de Texada en ce qui concerne l’ajustement des cordages, ni que cette négligence, le cas échéant, a contribué à l’accident qui est survenu bien après que l’équipage de l’Ocean Monarch fut arrivé à l’emplacement et eut commencé à immobiliser la barge.

[116]       Mercury a également soutenu que le système de défense à l’installation de chargement des barges était inadéquat (alinéa 9c) de la déclaration) et que le dommage causé au côté bâbord lui aurait été directement attribuable.

[117]       La preuve sur ce point a été fournie par M. Johansen, selon qui, initialement, l’installation de chargement était munie de pneus superposés protégeant les ducs d’Albe. De l’avis de cet expert, ce système n’était pas très efficace et les défenses en caoutchouc maintenant utilisées par Texada sont dans une certaine mesure meilleures, même si la protection qu’elles offrent est minimale.

[118]       M. Diggon, directeur de Texada, a déclaré qu’en fait, les pneus superposés exigeaient trop d’entretien et qu’ils se déplaçaient constamment. C’est pourquoi il a été décidé de les remplacer par le système de défense en caoutchouc en 1988‑1989.

[119]       Rien dans la preuve ne permet de penser que les défenses en caoutchouc devaient elles aussi être souvent remplacées. Pendant le contre‑interrogatoire, on n’a posé aucune question à ce témoin pour confirmer si, comme l’avait soutenu M. Johansen, ces défenses pouvaient facilement se déplacer. Rien ne montre que ce système ait posé des problèmes depuis 1989.

[120]       Il est vrai que le jour de l’accident, l’une des défenses s’est déplacée lorsque sa chaîne s’est rompue et que deux défenses ont glissé le long de leurs chaînes sur le poteau d’amarrage ouest. Aucun élément de preuve ne montre exactement à quel moment cela s’est produit. Nous savons que le dommage à la barge a été causé après 17 h 30, lorsque les vents et les vagues excédaient de beaucoup ce qui constitue la zone de sécurité pour un marin prudent.

[121]       M. Errington a déclaré avoir vu le système de défense et l’avoir jugé satisfaisant. Le capitaine Milcak est arrivé à la même conclusion que le capitaine Stirling. Lors de voyages antérieurs, les équipages de Mercury ne se sont jamais plaints de ces défenses en caoutchouc.

[122]       Le capitaine Rose a déclaré qu’un marin saurait que, dans les conditions qui avaient été prévues, la barge ne serait pas mieux protégée au poste de mouillage que si elle avait heurté l’île elle‑même.

[123]       La Cour estime qu’elle ne saurait conclure que ce système de défense était inadéquat pour les conditions dans lesquelles il devait être utilisé et que ses limitations constituaient un danger caché qu’un marin compétent n’aurait pas connu.

[124]       Après avoir examiné l’ensemble de la preuve et, notamment, le témoignage de M. Johansen, la Cour conclut également que l’installation de chargement de Texada était représentative des installations existant au moment où elle a été construite. C’était une installation qui ne coûtait pas grand‑chose, qui était plutôt sommaire compte tenu de la nature de la cargaison qui y était chargée, mais qui était pratique. Rien n’indique qu’elle a été mal entretenue et je ne suis pas convaincue que Mercury a établi que sa construction et son état présentaient un danger caché.

[125]             Quoi qu’il en soit, la Cour conclut, pour les motifs qui seront exposés ci‑dessous, qu’au moment où elle a été endommagée du côté bâbord, la barge n’aurait pas dû être au poste de mouillage.

[126]             La Cour conclut également que la preuve est insuffisante pour établir que Texada a été négligente comme il est allégué aux alinéas 9c), d) et e) de la déclaration et que cette négligence a causé ou a contribué à causer les dommages subis par la barge.

[127]             Enfin, quant aux allégations figurant aux alinéas 9f) et g), il est admis que Mercury, ainsi que tout marin compétent, savait que le poste de mouillage n’offrait aucune protection contre les vents du sud‑est. Il a été établi que la zone de sécurité d’un marin prudent est inférieure aux limitations énoncées dans le dessin.

[128]             Comme il a été indiqué plus haut, le mauvais temps, le 15 décembre, n’était pas inattendu. Il avait été prévu et le temps s’est gâté pendant plusieurs heures, conformément aux prévisions effectuées au poste de mouillage et aux stations météorologiques de la région. De plus, le capitaine Milcak a déclaré ne pas avoir discuté avec Texada de la veille des conditions météorologiques qu’ils assuraient et qu’il n’a pas fait de supposition sur ce point.

[129]             Le fait que le capitaine Stirling n’a pas déclaré qu’un marin prudent se serait attendu à ce que l’exploitant du quai le tienne au courant de la situation au poste de mouillage est révélateur.

[130]             Après avoir examiné les déclarations des divers marins qui ont témoigné, les dépositions des trois chargeurs de barge[17], qui ont tous indiqué que les capitaines de remorqueurs qui attendent à une bouée pendant que l’on charge leurs barges les appellent régulièrement pour se renseigner sur la situation au poste de mouillage, ainsi que le fait qu’il n’y avait pas lieu, à mon avis, pour Texada de soupçonner que le capitaine de l’Ocean Monarch n’était pas parfaitement au courant de la situation[18], je conclus que Texada n’a pas été négligente en ne donnant pas spontanément à l’Ocean Monarch de renseignements au sujet des conditions qui existaient au poste de mouillage en l’absence d’une demande à cet égard de la part du capitaine.

[131]             Il y a deux types différents de cas dans lesquels la notion de sécurité d’un poste de mouillage ou d’un port devient une question litigieuse. L’un de ces deux cas se produit dans le contexte de l’obligation contractuelle qui incombe à l’affréteur de désigner un port ou un poste de mouillage sûr. L’autre se rapporte à l’obligation générale de common law qui incombe aux propriétaires de quai envers les navires qui utilisent leurs installations.

[132]             Les remarques qui ont été faites au sujet de la notion de port sûr dans les cas mettant en cause un affréteur ou un propriétaire sont souvent aussi pertinentes que celles qui ont été faites dans les cas comportant l’obligation de common law incombant aux propriétaires de quai.

[133]             Ainsi, en ce qui concerne la sécurité d’un port par rapport aux conditions météorologiques, lord Denning a examiné un certain nombre de décisions pertinentes dans la décision Islander Shipping Enterprises S.A. c. Empresa Maritima Del Estado S.A. (The « Khian Sea »), [1979] 1 Lloyds’s Rep. 545, (une affaire mettant en cause un affréteur et un propriétaire) et il a dit ce qui suit à la page 557 :

[Traduction] Ces décisions montrent toutes qu’un port ou un poste de mouillage n’est pas nécessairement dangereux du simple fait qu’un navire doive peut‑être le quitter lorsque le temps se gâte. C’est ce que le juge Pearson a clairement dit dans la décision The Eastern City, à la page 172 :

 

[...] Je crois qu’en théorie, un port peut être sûr même si les navires doivent le quitter lorsque surviennent certaines conditions météorologiques, à condition que toutes les opérations, lorsqu’il s’agit d’y entrer, d’en sortir, d’y entrer de nouveau, de charger le navire et de quitter de nouveau le port, puissent être exécutées en toute sécurité, et à condition également qu’il n’y ait pas de risque appréciable que le navire se laisse surprendre par l’arrivée du mauvais temps. [Le juge a ajouté ce qui suit à la même page.] La thèse en cause dans la présente décision est simplement la suivante : à supposer qu’un port puisse être sûr même si le navire peut avoir à le quitter lorsque certaines conditions météorologiques sont sur le point de se produire, ce port n’est néanmoins pas sûr pour le navire à moins qu’il n’y ait des garanties raisonnables que l’arrivée de ces conditions sera reconnue à temps et que le navire sera en mesure de sortir du port en toute sécurité.

 

Appliquant cet énoncé du droit, les deux avocats qui ont comparu devant nous ont reconnu qu’il faut satisfaire aux exigences suivantes lorsqu’un navire doit quitter son poste de mouillage. Premièrement, il doit exister un système adéquat de prévision du temps. Deuxièmement, un nombre suffisant de pilotes et de remorqueurs doivent être disponibles. Troisièmement, il doit y avoir suffisamment de place pour manœuvrer. Et quatrièmement, il doit y avoir un système adéquat permettant de s’assurer qu’il y a toujours suffisamment de place pour manœuvrer.

 

 

 

[134]             Une approche similaire a été adoptée par le juge Dubé dans la décision A/S Ornen c. Duteous (Le), [1987] 1 C.F. 270, où un affréteur avait fait l’objet de poursuites pour avoir attribué au Duteous un poste de mouillage dangereux, le Conseil des ports nationaux ayant de son côté été poursuivi à cause de son omission d’avertir de façon appropriée ceux qui étaient à bord du Duteous du danger imminent attribuable à l’état des glaces dans le port.

[135]             Au paragraphe 28, le juge a dit ce qui suit :

Tous les postes à quai du port de Montréal sont sécuritaires dans des conditions normales. Mais, en cas de débâcle, les navires amarrés le long du chenal sont, de toute évidence, exposés à la pression phénoménale de l’eau et de la glace entraînées par le courant. Par contre, les navires à l’abri des jetées qui s’avancent dans le fleuve sont protégés et en sécurité.

 

 

 

[136]             Puis, au paragraphe 77, le juge a ajouté ce qui suit :

Il me semble que l’état des glaces et la débâcle qui s’en est suivie dans le port de Montréal n’étaient pas des dangers cachés. Comme je l’ai dit antérieurement, toute partie intéressée qui se tenait au fait des événements pouvait les prévoir. De plus, cet état de choses n’était pas attribuable aux installations portuaires mais à la nature et, manifestement, échappait à tout contrôle du capitaine du port.

 

 

 

[137]             La Cour a conclu que le capitaine du port n’avait pas été négligent en omettant d’avertir le Duteous de la débâcle imminente (paragraphes 65 à 81) et que le capitaine du navire avait fait preuve de négligence en omettant de s’informer de la façon appropriée des dangers et des exigences de la navigation hivernale et en omettant de se tenir au fait de l’état des glaces dans le port. Il aurait dû prévoir la possibilité d’une débâcle.

[138]             À mon avis, il s’agit d’une application claire du principe général énoncé dans des décisions classiques portant sur l’obligation qui incombe en common law au propriétaire d’un port ou d’un poste de mouillage, comme les décisions « The Moorcock » (1889) 14 PD 4, et « The Grit » (1924) P. 246. Il n’y a aucun doute qu’il ne s’agit pas d’une obligation absolue. Le propriétaire d’un quai doit faire preuve d’une diligence raisonnable pour rendre le poste de mouillage sûr ou il doit avertir le propriétaire du navire de toute défectuosité dont celui‑ci n’est pas au courant ou du fait qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour s’assurer que le poste de mouillage est sûr[19].

[139]             En l’espèce, la Cour est convaincue que l’emplacement du poste de mouillage et son aménagement indiquaient d’une façon suffisante ses limitations à l’égard, en particulier, des coups de vent ou des vents de tempête venant du sud‑est.

[140]             Si l’arrivée du mauvais temps avait été soudaine ou s’il n’avait pas été possible de le prédire à temps pour permettre à la barge de sortir, il y aurait peut‑être eu un danger caché. Toutefois, je n’ai pas à trancher cette question. Les conditions météorologiques, le 15 décembre, n’ont pas été soudaines. La houle à laquelle l’Ocean Monarch a dû faire face au poste de mouillage lorsqu’il y est arrivé à 17 h 30 s’annonçait clairement depuis plusieurs heures et était influencée par la hauteur de la marée. Comme dans l’affaire Duteous, précitée, le capitaine Milcak aurait pu et aurait dû prévoir ces conditions.

[141]             La Cour est convaincue qu’en l’espèce, le Mercury et ses employés disposaient de tous les moyens nécessaires pour se tenir au courant de la situation au poste de mouillage. Il est certain que la situation aurait pu être reconnue en temps suffisant pour permettre à la barge de sortir du poste de mouillage bien avant qu’elle subisse des dommages.

[142]             La Cour conclut qu’eu égard aux circonstances, Mercury a également omis d’établir l’allégation figurant aux alinéas 9a) et b) de sa déclaration.

[143]             Avant d’analyser l’allégation de Texada selon laquelle Mercury et le capitaine Milcak ont été négligents, je dirai quelques mots au sujet de la conversation qui a eu lieu entre M. Staaf et le capitaine Milcak, à 14 h, étant donné qu’à l’audience, les parties ont discuté pendant un certain temps des propos qui ont été échangés et de leur incidence générale.

[144]             Ayant examiné la preuve, la Cour ne croit pas que M. Staaf a demandé au capitaine Milcak d’emmener la barge, à 14 h. Lorsqu’il a témoigné, M. Staaf a uniquement dit qu’il avait peut‑être demandé au capitaine Milcak de le faire et il n’est pas question d’une telle demande dans les deux déclarations qu’il a faites par écrit. Toutefois, la Cour reconnaît qu’il n’a absolument pas été question du temps à ce moment‑là et elle conclut que le capitaine Milcak a effectivement dit à M. Staaf [traduction] qu’« il n’allait pas nulle part et qu’il serait à la bouée ».

[145]             Comme je l’ai déjà indiqué, il n’y avait aucune raison pour M. Staaf de croire que la situation, à la bouée, était différente de celle qui existait au poste de mouillage. M. Staaf croyait avoir vu le remorqueur tanguer et il savait qu’Environnement Canada avait prévu de façon exacte les vents très forts qui se sont élevés cet après‑midi‑là. Dans les circonstances, la Cour reconnaît que M. Staaf a interprété la remarque du capitaine Milcak comme voulant dire qu’il ne ferait pas sortir la barge à cause du mauvais temps. C’est certes le message qu’il a par la suite communiqué à son supérieur après cette conversation.

C) Négligence du Mercury ou du capitaine Milcak

[146]             La Cour va maintenant examiner les allégations de négligence avancées par Texada à l’endroit du capitaine Milcak et de Mercury.

[147]             La Cour ne reconnaît pas qu’un marin prudent ne serait pas entré dans l’installation de chargement à 6 h 15, compte tenu des prévisions météorologiques qui avaient été émises à ce moment‑là.

[148]             Même le capitaine Rose, qui a initialement exprimé cet avis, a convenu qu’il ne croit pas tant que la barge n’aurait pas dû accoster, mais plutôt qu’elle n’aurait pas dû demeurer au quai aussi longtemps qu’elle y est demeurée et certainement pas après que le bulletin de 12 h 39 eut été diffusé, depuis la station de Chrome Island. La Cour conclut que, même si l’on accepte que la mer était plus calme à la bouée cylindrique, la barge n’aurait pas dû être à ce poste de mouillage après que le bulletin eut été diffusé. De plus, il n’y avait aucune raison pour le capitaine de rester au poste de mouillage plutôt que d’être derrière l’île (comme le capitaine Milcak envisageait de le faire si la tempête frappait Beale Cove) après 14 h lorsque le chargement a cessé.

[149]             Le capitaine Milcak savait parfaitement que des vents de 50 nœuds étaient prévus cet après‑midi‑là. Selon les bulletins locaux, les vents avaient constamment augmenté. Rien ne montre que quelque chose aurait pu empêcher les vagues ou la houle de s’élever au poste de mouillage. De fait, le capitaine Milcak n’avait aucune raison de ne pas s’attendre à ce que la mer s’élève à cet endroit, qui était si exposé aux vents du sud‑est.

[150]             La bouée cylindrique était protégée par une jetée en roches de 15 pieds. Cette jetée n’offrait pas beaucoup de protection, mais le capitaine Stirling confirme dans son rapport que cet emplacement est protégé lorsque les vents viennent du sud‑est. La Cour retient cette preuve, qui explique et corrobore dans une certaine mesure les témoignages de l’équipage quant aux conditions qui existaient à la bouée cylindrique jusqu’à 16 h[20].

[151]             Cela étant, la supposition du capitaine Milcak selon laquelle cet emplacement (à la bouée cylindrique) était plus sûr est peut‑être compréhensible étant donné que l’endroit était dans une certaine mesure protégé. Cependant, cela n’explique pas sa supposition selon laquelle la situation au poste de mouillage serait la même qu’à la bouée. Aucune raison justifiant cette dernière supposition n’a été donnée. M. Keizer, le capitaine en second, a certes reconnu lorsqu’il a été contre‑interrogé qu’il s’attendait à ce que les conditions soient pires au poste de mouillage.

[152]             Selon certains éléments de preuve, le capitaine Milcak a essayé de s’assurer des conditions au poste de mouillage en observant la barge à l’aide de ses jumelles, mais à cause de la pluie il n’a pas pu apprendre quoi que ce soit.

[153]             À mon avis, ce geste confirme que le capitaine Milcak savait qu’il devait s’assurer de la situation à cet endroit et qu’il ne pouvait pas simplement présumer qu’elle était la même qu’à la bouée cylindrique. Si les jumelles ne lui ont pas permis d’obtenir les renseignements nécessaires, il y avait d’autres solutions. Il pouvait se rendre à cet endroit et évaluer les conditions en quelques minutes, ou encore il pouvait tout simplement appeler Texada.

[154]             Étant donné que le capitaine Milcak a reconnu qu’il était tenu de s’assurer de la situation réelle signalée par les diverses stations météorologiques, il est difficile de comprendre pourquoi il n’a pas vérifié les conditions réelles au poste de mouillage puisque cela serait la station la plus pertinente dans son cas.

[155]             La Cour note qu’on n’a pas demandé à l’expert de Mercury, le capitaine Stirling, son opinion quant à savoir si un marin prudent se serait attendu à ce que Texada fournisse spontanément des renseignements au sujet des conditions réelles au poste de mouillage ou si l’on recevait habituellement de tels renseignements dans des installations similaires. À coup sûr, lorsque M. Errington, de chez Mercury, a témoigné, il n’a pas dit qu’il s’attendait à recevoir de tels renseignements de Texada.

[156]             La Cour n’est pas prête à conclure que l’omission du capitaine Milcak d’évaluer d’une façon appropriée la situation au poste de mouillage et la négligence qu’il a commise en omettant d’enlever la barge en temps suffisant pour empêcher le dommage étaient attribuables à la fatigue. Comme il en a été fait mention, la Cour conclut que le témoignage de M. Williams, à savoir que le capitaine Milcak a fait simplement une sieste de deux heures ce matin‑là, était crédible. Rien ne montre que le capitaine Milcak avait besoin de plus de repos. Le fait que ce remorqueur était doté d’un équipage de trois hommes plutôt que d’un équipage de quatre hommes n’est donc pas pertinent.

[157]             La Cour a examiné la preuve relative au contenu des cours et à l’examen qui auraient été nécessaires pour permettre au capitaine Milcak d’obtenir son brevet de capitaine, et elle n’est pas convaincue que si le capitaine Milcak avait franchi ces étapes et avait obtenu son brevet avant le 15 décembre 2002[21], il aurait réagi différemment devant la situation.

[158]             La Cour conclut que M. McAllister, l’expert qui a été appelé à donner son opinion au sujet des remorqueurs de jauge inférieure, était un témoin compétent et crédible. Toutefois, son témoignage n’est tout simplement pas pertinent.

[159]             La preuve dont dispose la Cour n’est pas suffisante pour lui permettre de tirer des conclusions au sujet des méthodes de formation employées par Mercury et pour décider si toute lacune existant à cet égard a contribué à la négligence du capitaine Milcak.

[160]             Aucune des autres allégations de faute n’a été suffisamment établie.

[161]             La Cour conclut que l’accident et le dommage causé à la barge étaient attribuables à la négligence du capitaine de l’Ocean Monarch.

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

            L’action est rejetée avec dépens.

 

« Johanne Gauthier »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-2207-03

 

INTITULÉ :                                                   MERCURY LAUNCH & TUG LTD.

                                                                        c.

                                                                        TEXADA QUARRYING LTD.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             VANCOUVER

 

DATES DE L’AUDIENCE :                         DU 5 AU 15 DÉCEMBRE 2005

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 10 AVRIL 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Shelly Chapelski

J. William Perrett

POUR LA DEMANDERESSE

 

Gary Wharton

David K. Jones

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

BROMLEY CHAPELSKI

Vancouver (C.-B.)

POUR LA DEMANDERESSE

 

BERNARD & PARTNERS

Vancouver (C.-B.)

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 



[1] La Cour reconnaît que le capitaine a uniquement fait une sieste pendant une heure ou deux.

[2] M. Keizer et le capitaine Rose ont indiqué qu’il est en fait possible de voir Sisters Island depuis la bouée cylindrique où l’Ocean Monarch était amarré.

[3] Paragraphe 14 de l’exposé conjoint des faits et réponse P‑6 aux questions 170 à 172a).

[4] Réponse P‑6 à la question 228.

[5] Extraits P‑6 de la transcription, questions 228 et 229.

 

[6] Ce dommage a été subi entre 17 h 30 et 18 h 30.

[7] Dans Palmer on Bailment (deuxième édition), 1991, page 103.

[8] Il en était ainsi même si le contrat conclu entre CLC et Mercury précisait, à la clause 4c, que Mercury devait fournir des cordages pour attacher la barge. Cette clause s’appliquait peut‑être au déchargement à Langley, mais il n’existe aucun élément de preuve sur ce point.

[9] Le contrat conclu entre CLC et Texada prévoit que la barge doit remplir les conditions de navigabilité et être amarrée de façon appropriée aux points de chargement de Texada.

[10] D’autres cas spéciaux sont examinés dans Palmer on Bailment, précité, pages 489 à 492.

[11] Dans la décision The Ruapehu, précitée.

 

[12] Page 117 de la transcription.

 

[13] Dans son rapport, M. Johansen a dit que, compte tenu de [traduction« son expérience », il s’attendrait à ce qu’une feuille de papier indiquant les limitations du poste de mouillage soit affichée quelque part dans la cabine du conducteur, mais il a reconnu pendant son témoignage qu’il n’avait jamais vu une telle feuille affichée. Il n’existe aucun élément de preuve montrant que les marins qui ont témoigné dans la présente affaire ont reçu ce type de renseignement lorsqu’ils se rendaient à d’autres installations similaires de chargement de barges en Colombie‑Britannique. Le capitaine Rose a expressément déclaré qu’il n’en avait jamais reçu et qu’il n’avait jamais vu de tels renseignements affichés dans les installations où il s’était rendu.

 

[14] La majorité d’entre elles étaient des barges de 6 000 tonneaux.

[15] Le capitaine Milcak avait une expérience restreinte pour ce qui est du chargement dans des installations de ce genre en hiver.

[16] Les prévisions météorologiques ont été modifiées vers 20 h afin d’inclure des vents d’ouragan.

[17] Cela comprend M. Wilkins, le chargeur de barge qui travaille dans une autre installation également exposée aux vents du sud‑est et qui a été appelé comme témoin par Mercury. Il a déclaré que lorsqu’il pouvait prédire que l’installation de chargement des barges serait frappée par le mauvais temps dans un délai de 30 à 45 minutes à cause de certains repères sur lesquels il pouvait se fonder (comme la fumée sortant d’une cheminée), il appelait le capitaine du remorqueur qui attendait à la bouée pour lui fournir ce renseignement. Malgré tout, M. Wilkins a reconnu que les capitaines l’appelaient néanmoins pour se renseigner sur les conditions réelles à l’installation de chargement. Rien dans la preuve n’indique qu’il existait de tels repères pour l’installation de Texada.

[18] Entre autres choses, le capitaine n’a pas demandé de renseignements au sujet de la situation au poste de mouillage lorsqu’il a parlé à M. Staaf à 14 h et la tempête a été connue à midi lorsque M. Staaf a écouté les prévisions météorologiques.

[19] Roscoe’s Admiralty Practice, 5e édition, page 85. Voir également Great Lakes Steamship Co. c. Maple Leaf Milling Co. Limited, [1924] 4 D.L.R. 1101, où le juge Meredith a dit ce qui suit à la page 176 : [traduction] « La personne qui en invite une autre dans ses locaux pour ses affaires ne garantit pas que cette dernière peut s’y rendre en toute sécurité, mais elle est uniquement tenue "de faire preuve d’une diligence raisonnable afin d’empêcher tout préjudice attribuable à un danger inhabituel qu’elle connaît ou qu’elle devrait connaître" ». [Non souligné dans l’original.]

[20] La Cour conclut que, jusqu’à 16 h 30, il y avait, à la bouée, des vents de 25 à 30 milles à l’heure et des vagues de deux à trois pieds. Toutefois, comme M. Williams l’a admis, vers 16 h 30, les vents ont augmenté à 30 milles à l’heure avec des rafales atteignant 50 milles à l’heure. Se fondant sur le témoignage de M. Staaf, la Cour conclut qu’au poste de mouillage, les vents étaient, à midi, de 20 à 30 milles à l’heure et les vagues de trois à cinq pieds. À 14 h, les vents étaient de 25 à 35 milles à l’heure avec des rafales atteignant 40 milles à l’heure. Les vagues étaient de quatre à six pieds.

[21] Il avait suivi presque tous les cours avant cette date.

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