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Date : 20060306

Dossier : T-2728-96

Référence : 2006 CF 286

ENTRE :

ROBERT CHÂTEAUNEUF, en son nom personnel et

en qualité de représentant de toutes les personnes physiques

qui, employées de la compagnie Singer, se sont enregistrées

au contrat collectif de rentes G-522 et ont acquis et conservé,

au 12 décembre 1966 ou après, le droit de recevoir du service

des Rentes sur l'État du gouvernement fédéral canadien,

une rente viagère composée de leurs contributions

et de celles de leur employeur, ainsi que les ayants droit

ayant pu naître à ces personnes physiques en raison de leur décès.

partie demanderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE

partie défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

JUGE TREMBLAY-LAMER :

[1]                Il s'agit d'une requête présentée par M. Robert Châteauneuf, représentant du groupe, en accord avec la partie défenderesse, en vue d'obtenir l'approbation de cette Cour d'un règlement d'un recours collectif conformément à la règle 299.31 des Règles de la Cour fédérale, 1998, DORS/98-106.

[2]                La partie demanderesse a intenté un recours collectif le 12 décembre 1996 et M. Robert Châteauneuf a été désigné à titre de représentant du groupe composé des personnes suivantes :

Toutes les personnes physiques qui, employées de la compagnie Singer, se sont enregistrées au contrat collectif de rentes G-522 et ont acquis et conservé, au 12 décembre 1966 ou après, le droit de recevoir du service des Rentes sur l'État du gouvernement fédéral canadien, une rente viagère composée de leurs contributions et de celles de leur employeur, ainsi que les ayants droit ayant pu naître à ces personnes physiques en raison de leur décès.

[3]                Les faits qui ont donné lieu au litige se sont produits de 1947 à 1986. En substance, la question en litige était de savoir si les « ristournes » , « surplus » ou « crédits d'expérience » dégagés sous la police collective de rentes G-522 du service des Rentes sur l'État du gouvernement canadien auraient dû ou non être attribués aux membres du groupe de façon à augmenter leurs rentes.

[4]                J'ai accueilli la requête en approbation du règlement en tenant compte des représentations des procureurs des parties et à la lumière des critères établis par la jurisprudence et de l'ensemble des circonstances du présent dossier.

[5]                Dans l'affaire Dabbs v. Sun Life Assurance Co. of Canada, [1998] O.J. No. 1598 (Ont. Ct. J. (Gen. Div.)(QL)), le juge Sharpe, en s'appuyant sur un texte américain, Herbert B. Newberg & Alba Conte, Newberg on Class Actions, 3d ed. (St. Paul, Minn : West Publishing, 1992), proposait les facteurs suivants qui peuvent être considérés :

1)             les probabilités de succès du recours;

2)             l'importance et la nature de la preuve administrée;

3)             les termes et conditions du règlement;

4)             les recommandations et l'expérience des procureurs;

5)             les frais éventuels et la durée probable du litige;

6)             la recommandation de toute partie neutre, le cas échéant;

7)             le nombre et la nature des objections;

8)             la bonne foi et l'absence de collusion.

[6]                Le juge Winkler dans l'affaire Parsons v. Canadian Red Cross Society, [1999] O.J. No. 3572 (Ont. Sup. Ct. J.)(QL) ajoutait deux facteurs à considérer dans l'approbation d'un règlement d'un recours collectif : (i) le degré et la nature de communications par les procureurs du représentant et le représentant avec les membres du groupe pendant le litige; et (ii) les renseignements donnés à la Cour décrivant les dynamiques et les positions prises par les parties pendant la négociation. Dans l'affaire Ontario New Home Warranty Program v. Chevron Chemical Co. (1999), 46 O.R. (3d) 130 (Ont. Sup. Ct. J.), le juge Winkler notait que les cours reconnaissaient également la valeur d'un recouvrement expédié.

[7]                La Cour saisie d'un règlement d'un recours collectif n'y cherche pas la perfection, mais plutôt que le règlement soit raisonnable, un bon compromis entre les deux parties. Le but d'un règlement est d'éviter les risques d'un procès. Même imparfait, le règlement peut être dans les meilleurs intérêts de ceux qui sont affectés, particulièrement si on le compare aux risques et au coût d'un procès. Il faut toujours tenir compte qu'un règlement proposé signifie le désir des parties de régler le dossier hors cour sans aucune admission de part et d'autre ni quant aux faits ni quant au droit.

[8]                Pour ce qui est du premier facteur, soit les probabilités de succès, le recours du représentant couvrait deux périodes. Pour la première période (1947-1964), le problème majeur résidait dans le texte de la police collective de rentes G-522 qui ne prévoyait pas explicitement que les ristournes doivent aller dans les comptes individuels des participants aux fins d'augmenter leurs rentes. Quant à la deuxième période, le représentant alléguait que les Rentes de l'État n'avaient pas le droit contractuel de payer avec les ristournes de la police G-522 des rentes d'un autre régime de retraite, soit le régime avec caisse de la compagnie Singer mis sur pied en 1964. De plus, les faits qui ont donné lieu au présent litige se sont produits de 1947 à 1986. Les procureurs du représentant reconnaissaient le risque en soi d'un procès puisqu'il n'y avait pas beaucoup de témoins en raison du temps écoulé et de l'âge avancé des participants. Il existait également un risque au niveau de l'établissement du quantum puisqu'il était incertain que le représentant pouvait réclamer tous les intérêts prévus contre la Couronne du chef du fédéral.

[9]                Quant à la partie défenderesse, elle prétendait que le recours était prescrit, que les ristournes avaient bel et bien été versées dans les comptes des participants, que dans un tel régime, les participants n'ont droit qu'à leurs rentes et rien d'autre et que le Service des rentes sur l'État avait respecté le contrat en agissant sur les directives de l'employeur. Il est certain que dans de telles circonstances le résultat du procès était incertain et qu'il est impossible pour la Cour à ce stade de présumer du résultat.

[10]            Pour ce qui est de l'importance de la preuve, les procureurs ont dû analyser tous les documents du régime de retraite depuis sa création en 1945 et toutes les pièces pertinentes. Ils ont procédé à des recherches juridiques, doctrinales et jurisprudentielles. Ils soutiennent avoir consacré environ 1820 heures de travail au dossier.

[11]            Quant aux négociations, celles-ci ont été longues (de novembre 2004 à décembre 2005). Puisque les termes du règlement sont confidentiels, il ne m'est pas permis d'élaborer sur cette question. Cependant, je peux affirmer que le règlement proposé est raisonnable et équitable compte tenu des risques d'un procès et du quantum recherché. La méthode d'indemnisation et de distribution a été élaborée conjointement entre les procureurs des deux parties et les actuaires de la partie défenderesse. Je retiens comme élément positif que la proratisation est modulée pour tenir compte des cotisations versées par chaque membre éligible ainsi que des années de participation. Je suis satisfaite que la distribution est rationnellement liée à l'intérêt de chaque membre.

[12]            Je note également que les procureurs du représentant sont des professionnels de grande expérience spécialisés en matière de régimes de retraite depuis 1988 et qu'ils ont recommandé l'acceptation du règlement.

[13]            Quant aux frais éventuels, le procès a été divisé en deux étapes (la responsabilité d'abord, le quantum ensuite) et il y a toujours le risque d'un appel. Étant donné que le recours a été institué il y a dix ans et l'âge très avancé des retraités, il était avantageux pour les membres de bénéficier d'un règlement vu les délais et les incertitudes que représentait la contestation. De plus, il ne fait aucun doute que le règlement représente une économie de coûts pour les membres à comparer à un recours contesté qui aurait pu se poursuivre encore plusieurs années si l'on considère les possibilités d'un appel. Le règlement constitue une résolution avantageuse de la réclamation qui permettra aux membres du groupe ainsi qu'aux Rentes de l'État d'obtenir une résolution définitive et rapide du dossier.

[14]            Quant au nombre et la nature des objections, puisque le contenu du règlement est confidentiel, ce critère est inapplicable en l'espèce.

[15]            Finalement, quant au dernier facteur rien ne me permet de douter de la bonne foi des parties et de celle de leurs procureurs.

[16]            Compte tenu de ce qui précède, la Cour a reconnu le caractère raisonnable et équitable du règlement signé par le représentant le 31 janvier 2006. Elle accueillait la requête en approbation de la transaction le 1er mars 2006.

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 6 mars 2006


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2728-96

INTITULÉ :                                        Robert Châteauneuf

                                                            et

                                                            Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 1er mars 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                       Le 6 mars 2006

COMPARUTIONS:

Me Marcel Rivest

Me Guy Desautels

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Carole Bureau

Me Linda Mercier

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Rivest Schmidt

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous -procureur general du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

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