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Date : 20050919

Dossier : T-2081-04

Référence : 2005 CF 1276

Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

TIFFANY GOOD

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

1.         Introduction

[1]                La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 20 octobre 2004 par la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission), qui a conclu que la plainte de la demanderesse était prescrite et que la Commission n'avait pas la compétence voulue pour trancher certaines des questions soulevées dans la plainte.

[2]                La demanderesse demande à la Cour ce qui suit :

(1)        une ordonnance annulant la décision de la Commission;

(2)        une ordonnance enjoignant à la Commission d'examiner la plainte déposée par la demanderesse à l'encontre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de Codiac, pour discrimination fondée sur l'état matrimonial et la situation de famille;

(3)         de rendre toute autre ordonnance proposée par son avocat et jugée appropriée par la Cour.

2.         Les faits

[3]                En 1998, la demanderesse est devenue gendarme auxiliaire à la GRC. Elle a travaillé à plein temps à titre de répartitrice d'ambulances provinciales jusqu'au moment de devenir membre civil de la GRC en mars 2001. Elle a ensuite été recrutée au poste de répartitrice à la ville de Moncton, en coopération avec la GRC, et a travaillé à la station de transmissions opérationnelles (STO) du détachement de la GRC à Codiac (Nouveau-Brunswick). À l'époque de sa cessation d'emploi, elle était membre d'un syndicat, la City Hall Employees Association.

[4]                La GRC a procédé à un contrôle de sécurité et à une évaluation des capacités personnelles de la demanderesse avant son recrutement et au cours de sa période de service à la GRC.

[5]                Le 19 décembre 2001, la demanderesse a été congédiée par suite de l'évaluation de son statut de sécurité par la GRC, cette dernière ayant jugé qu'elle n'était pas apte à travailler comme répartitrice. La GRC avait obtenu de nouveaux renseignements selon lesquels la demanderesse n'avait pas été honnête quant à la nature de sa relation avec son ancien conjoint de fait, incarcéré depuis une date antérieure à 1998. La GRC l'a également obligée à quitter le programme de gendarmes auxiliaires. Le 14 février 2002, la demanderesse a écrit au surintendant Woods pour lui demander de réévaluer cette décision.

[6]                La demanderesse a téléphoné au bureau régional de la Commission de l'Atlantique, le 14 mars 2002. La Commission lui a ensuite envoyé un questionnaire à remplir. La demanderesse a renvoyé le questionnaire le 24 septembre 2003, affirmant que son congédiement constituait de la discrimination fondée sur sa situation de famille et son état matrimonial.

[7]                Le 20 octobre 2003, la demanderesse a reçu un appel de la Commission qui souhaitait connaître les raisons du retard qu'elle avait pris à déposer sa plainte; le même jour, la Commission a écrit à la demanderesse pour l'informer qu'elle jugeait les raisons de son retard insuffisantes pour justifier la prorogation du délai de dépôt d'un an. Le 23 octobre 2003, la demanderesse a déposé de nouveau sa plainte du 24 septembre 2003, demandant à la Commission de se prononcer sur la prescription, ajoutant de nouvelles allégations de discrimination et faisant état des raisons de son retard à porter plainte. Dans sa nouvelle plainte, la demanderesse allègue plusieurs incidents de discrimination.

[8]                La demanderesse a fourni les raisons suivantes, pour expliquer son retard à porter plainte :

-         elle pensait que le délai de prescription pour le dépôt d'une plainte était de deux ans à compter des derniers agissements discriminatoires présumés;

-         la Commission a soulevé la question de compétence dès sa première communication;

-         la Commission l'a invitée à poursuivre d'autres avenues, en mars 2002, ce qu'elle a fait depuis son congédiement;

-         elle espérait que sa plainte serait réglée par d'autres moyens, mais elle a réalisé en septembre 2003 qu'il n'en serait rien;

-         elle espérait éviter le dépôt d'une plainte parce que le défendeur était chargé de lui accorder l'autorisation de sécurité dont elle avait besoin pour exercer sa profession (services d'urgence), alors qu'elle est l'unique soutien de sa famille;

-        les questions relatives à la compétence de la Commission et à l'état de service de la demanderesse ont été débattues avec le défendeur et le syndicat tout au long de 2002 et de 2003, ce qui a retardé le dépôt d'un grief par le syndicat.

[9]                La Commission a chargé une personne d'enquêter sur la plainte, conformément à l'article 43 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la Loi), et a obtenu un rapport d'enquête.

[10]            La Commission a informé la demanderesse, par lettre du 9 juin 2004, que sa plainte ne serait pas examinée au motif qu'elle avait été déposée après le délai de prescription. La demanderesse a demandé une révision de cette décision le 27 juin 2004. Elle a reçu la décision finale, aujourd'hui contestée, le 26 octobre 2004.

3.         La décision contestée

[11]            Après avoir examiné le rapport d'enquête et l'information versée au dossier, la Commission a décidé de ne pas poursuivre l'examen de la plainte de la demanderesse.

[12]            Le dossier dont disposait la Commission au moment où elle a rendu sa décision contenait les éléments suivants : résumé de la plainte en date du 24 octobre 2003, lettre de la demanderesse en date du 23 octobre 2003, lettre de la demanderesse en date du 22 septembre 2003, questionnaire signé par la demanderesse le 24 septembre 2003, lettre de la demanderesse au surintendant Woods, portant la date du 14 février 2002, rapport d'enquête, arguments de la demanderesse en réponse au rapport d'enquête, arguments du défendeur en réponse au rapport d'enquête.

[13]            Dans son rapport, l'enquêteur fait remarquer que deux des allégations de la demanderesse concernent des incidents qui se sont produits au cours de l'année précédant le dépôt de sa plainte, le 24 octobre 2003. En voici le texte :

(1)      le 20 octobre 2003, le défendeur a fait des déclarations discriminatoires à l'égard de la plaignante qui ont nuit à ses perspectives de carrière;

(2)      les détails concernant le congédiement de la plaignante ont été divulgués à tort aux anciens collègues de la plaignante au bureau du défendeur, à Codiac, avant le 18 octobre 2003.

[14]            La Commission a jugé que, aux termes de l'alinéa 41(1)c) de la Loi, ces allégations n'étaient pas prescrites mais qu'elles ne relevaient pas de sa compétence.

[15]            Le rapport d'enquête mentionne en outre que les autres allégations concernent des agissements discriminatoires qui se seraient produits avant le 24 octobre 2002. Il s'agit des allégations suivantes :

(3)      le défendeur a congédié la plaignante le 18 décembre 2001 en raison de sa situation de famille ou de son état matrimonial;

(4)      entre février et décembre 2001, un superviseur qui travaillait à la STO du défendeur, à Codiac, avait nui aux perspectives de carrière de la plaignante en raison de la situation de famille ou de l'état matrimonial de cette dernière;

(5)      le défendeur n'a pas communiqué les motifs du rejet de la plainte à la plaignante et à la ville de Moncton avant le 17 janvier 2002;

(6)      le défendeur a continué à enquêter sur la plaignante après son congédiement et a annulé le statut de sécurité de cette dernière le 6 mars 2002 ou vers cette date.

[16]            La Commission a décidé, conformément à l'alinéa 41(1)e) de la Loi, de ne pas poursuivre l'examen de ces allégations au motif que la demanderesse avait omis de déposer une plainte dans le délai prévu et de fournir des motifs impératifs justifiant ce retard. Les raisons soulevées par la demanderesse pour expliquer son retard ont été jugées insuffisantes pour justifier la poursuite de l'examen de la plainte.

4.         Les questions en litige

[17]            La demanderesse ne conteste pas la conclusion de la Commission voulant que les deux premières allégations ne relèvent pas de sa compétence. Elle concentre plutôt ses arguments sur la conclusion selon laquelle les raisons qu'elle a fournies pour expliquer son retard ne sont pas suffisantes pour justifier la poursuite de l'examen de sa plainte.

[18]            En conséquence, la question pertinente à trancher en l'espèce est la suivante : la Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que les allégations 3 à 6 sont prescrites, aux termes de l'alinéa 41(1)e) de la Loi, et que les raisons soulevées par la demanderesse pour expliquer son retard sont insuffisantes pour justifier la poursuite de l'examen de la plainte?

5.         Analyse

A.          La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que les allégations 3 à 6 sont prescrites, aux termes de l'alinéa 41(1)e) de la Loi, et que les raisons soulevées par la demanderesse pour expliquer son retard sont insuffisantes pour justifier la poursuite de l'examen de la plainte?

[19]            L'alinéa 41(1)e) de la Loi est libellé comme suit :

41. Irrecevabilité

(1) Sous réserve de l'article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu'elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

e) la plainte a été déposée après l'expiration d'un délai d'un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée, ou de tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances.

41. Commission to deal with complaint

(1) Subject to section 40, the Commission shall deal with any complaint filed with it unless in respect of that complaint it appears to the Commission that

(e) the complaint is based on acts or omissions the last of which occurred more than one year, or such longer period of time as the Commission considers appropriate in the circumstances, before receipt of the complaint.

[20]            La décision contestée a été rendue à l'étape préliminaire ou d'évaluation préalable de l'enquête. La Cour d'appel fédérale, dans Société canadienne des postes c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1997] A.C.F. n ° 578 (QL), confirmé par [1999] A.C.F. n ° 705 (QL), a jugé que la Commission ne devrait rejeter une plainte, à l'étape préliminaire de l'examen effectué en vertu du paragraphe 41(1) de la Loi, que dans les cas simples et évidents, car une telle décision met sommairement fin à l'enquête.

[21]            Lors de l'évaluation préliminaire d'une plainte, la Commission n'examine ni les questions de fond ni le bien-fondé du dossier. L'alinéa 41(1)e) de la Loi oblige plutôt la Commission à examiner la plainte, à moins qu'elle ne soit prescrite. Si la Commission parvient à la conclusion que la plainte est prescrite, elle peut toujours exercer son pouvoir discrétionnaire et décider d'examiner la plainte : Tse c. Federal Express Canada Ltée, 2005 CF 598.

[22]            Lorsque les tribunaux sont appelés à réviser une décision administrative d'une telle nature discrétionnaire, ils font preuve d'une grande retenue à l'égard de la Commission et n'interviennent pas à la légère. Dans Cape Breton Development Corp. c. Hynes (1999), 164 F.T.R. 32, la Cour fédérale définit le critère applicable comme suit, au paragraphe 15 de ses motifs :

Il est établi, et les parties en conviennent, que les décisions prises par la Commission en vertu du paragraphe 41e) sont un exercice discrétionnaire de compétence administrative. On n'écarte pas facilement de telles décisions, et la Cour n'interviendra pas si le pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne foi, conformément aux principes de justice naturelle et d'équité procédurale, et si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la Loi. Ceci est vrai même alors que la Cour aurait exercé différemment ledit pouvoir discrétionnaire.

[23]            Selon la jurisprudence, la norme de contrôle applicable aux décisions prises en vertu de l'alinéa 41(1)e) de la Loi est celle de la décision manifestement déraisonnable : Price c. Concord Transportation Inc., 2003 CF 946; Zavery c. Canada (Développement des ressources humaines), 2004 CF 929; Johnston c. Société canadienne d'hypothèques et de logement, 2004 CF 918; Tse, précité.

[24]            La demanderesse fait valoir qu'elle a laissé s'écouler le délai pour déposer sa plainte parce qu'elle a épuisé tous les recours de grief et de révision. Elle soutient en outre que les circonstances en l'espèce sont telles qu'elles justifient l'exercice, par la Commission, de son pouvoir discrétionnaire et la prorogation du délai de prescription prévu par la loi : Société canadienne des postes c. Barrette, [2000] 4 C.F. 145.

[25]            Première question à trancher : la plainte a-t-elle été déposée dans le délai de prescription d'un an prévu à l'alinéa 41(1)e) de la Loi? Il n'est pas contesté que c'est seulement le 14 mars 2002 que la demanderesse a communiqué avec la Commission pour l'informer de son intention de porter plainte, qu'elle a retourné le questionnaire le 24 septembre 2003 et que la Commission a reçu une plainte officielle le 24 octobre 2003.

[26]            Dans Latif c. Commission canadienne des droits de la personne, [1980] 1 C.F. 687, au paragraphe 28, la Cour d'appel fédérale a conclu que le congédiement est un acte qui intervient, et s'achève, à un moment précis. La Cour d'appel fédérale a réitéré ce point de vue dans Lever c. Canada (Commission des droits de la personne), [1988] A.C.F. n ° 1062 (QL). Dans Johnston, précité, au paragraphe 7, la Cour a précisé que le plaignant disposait d'un délai d'un an à compter du congédiement pour déposer une plainte écrite officielle. La date à laquelle la demanderesse a communiqué pour la première fois avec la Commission pour l'informer de son éventuelle intention de porter plainte, n'empêche pas le délai d'un an de continuer à courir.

M. Johnston prétend également que la plainte devrait être évaluée à partir de la date à laquelle il a pour la première fois communiqué avec la Commission relativement au dépôt d'une plainte, soit janvier 2001. Cet argument est sans fondement. La Commission doit recevoir des milliers de demande de renseignements quant à des plaintes possibles. Il serait difficile et peut-être impossible pour la Commission de garder la trace de chacun de ces appels. La Commission a sagement et équitablement, à mon avis, interprété sa loi en considérant que le délai d'un an commençait à courir à partir de la date du dépôt d'une plainte écrite. Il peut y avoir des circonstances où la Commission peut déterminer que la date à partir de laquelle le délai commence à courir devrait être différente, mais ce n'est pas le cas en l'espèce.

[27]            À mon avis, le principe établi dans Johnston, précité, s'applique aux circonstances de l'espèce. La demanderesse a été congédiée le 19 décembre 2001. Elle disposait d'un délai d'un an pour déposer une plainte écrite officielle auprès de la Commission. Elle a omis de respecter ce délai. La Commission n'a reçu une plainte officielle que le 24 octobre 2003. La Commission n'a commis aucune erreur en concluant que la plainte était prescrite. Toutefois, la Commission a la compétence voulue pour examiner une plainte déposée après l'expiration du délai d'un an. En dépit du pouvoir discrétionnaire dont elle est dotée, la Commission a choisi de ne pas examiner la plainte de la demanderesse. La seule question qui reste à trancher consiste à déterminer si la décision de la Commission de ne pas examiner la plainte était manifestement déraisonnable.

[28]            La demanderesse soutient que la Commission a omis de prendre en compte toutes les raisons justifiant son retard et qu'en conséquence, sa décision doit être annulée : Société Radio-Canada c. Paul, [2001] A.C.F. n ° 542 (QL). La demanderesse prétend qu'elle a clairement expliqué à la Commission les raisons pour lesquelles elle n'a pas déposé sa plainte dans le délai d'un an suivant l'incident présumé, que son retard ne portera pas préjudice à la GRC et que les documents et les témoins sont toujours facilement disponibles. Elle soutient que son premier grief auprès de la ville de Moncton était fondé sur la même question de discrimination que celle visée dans la plainte qu'elle a subséquemment déposée auprès de la Commission.

[29]            Le défendeur répond que la conclusion de la Commission voulant que les allégations 3 à 6 étaient prescrites est raisonnable et que les raisons soulevées par la demanderesse pour expliquer son retard étaient insuffisantes pour justifier la poursuite de l'examen de la plainte. L'objet de l'alinéa 41(1)e) de la Loi est de faire en sorte que les plaintes soient déposées sans retard inutile. Le défendeur fait valoir que, dans les circonstances, la Commission pouvait valablement décider de rejeter la plainte au motif que le délai de prescription n'a pas été respecté.

[30]            La demanderesse a été priée de fournir des raisons suffisantes pour convaincre la Commission que son retard n'était pas injustifié. Des éléments de preuve ont été versés au dossier de la Commission concernant ce retard, à savoir différentes lettres de la demanderesse et des documents se rapportant à la plainte. Toutefois, comme l'indique le rapport d'enquête, ces éléments de preuve ont bel et bien été pris en compte. Voici certains passages de ce rapport d'enquête :

[Traduction] La plaignante a été congédiée par le défendeur le 19 décembre 2001; elle a communiqué avec la Commission à propos de son congédiement dans un délai acceptable, soit le 14 mars 2002. Elle n'a pas recommuniqué avec la Commission avant le 24 septembre 2003 et elle n'a pas déposé sa plainte avant le 24 octobre 2003.

La plaignante a fourni des détails concernant ses tentatives de régler ses problèmes, entre le 21 décembre 2001 et le moment où elle a déposé sa plainte. Elle a fourni la preuve que les autres recours en vue d'obtenir réparation ont été compliqués et retardés par des questions de statut, de qualité et de compétence indépendantes de sa volonté. Elle affirme que la poursuite des autres recours était difficile parce qu'elle est mère monoparentale et qu'elle travaille à plein temps, qu'elle poursuit des études et qu'elle s'occupe de ses trois enfants ainsi que de sa mère souffrante, décédée depuis.

La plaignante a décidé, pour des raisons personnelles dépendant de sa volonté, de ne pas soumettre le questionnaire que lui avait fait parvenir la Commission, le 19 mars 2002, et ce n'est pas avant le 24 septembre 2003 qu'elle a décidé de communiquer de nouveau avec la Commission. Elle a plutôt choisi d'exercer un autre recours. Lorsqu'il est devenu évident que ce recours ne lui permettrait pas de régler sa plainte, elle a décidé de recommuniquer avec la Commission.

La plaignante croit que les répercussions des agissements discriminatoires présumés du défendeur (annulation de son statut de sécurité) sur elle et sur sa famille sont suffisamment graves pour justifier la prorogation du délai de prescription d'un an. Elle affirme qu'elle a décidé d'épuiser tous les autres recours avant de déposer une plainte contre le défendeur parce que ce dernier est en mesure de nuire à ses perspectives de carrière dans son domaine.

[31]            L'enquêteur et la Commission ont tous deux conclu, au vu de la preuve, que la demanderesse avait décidé, pour des raisons personnelles qui dépendaient entièrement d'elle, de ne pas soumettre le questionnaire que lui avait fait parvenir la Commission le 19 mars 2002 et de ne pas recommuniquer avec la Commission avant le 24 septembre 2003. Dans les circonstances, il n'était pas manifestement déraisonnable pour la Commission de refuser d'examiner la plainte de la demanderesse.

[32]            Je suis d'accord avec l'argument du défendeur que le libellé de la Loi est clair : l'alinéa 41(2)e) précise qu'une plainte doit être déposée dans un délai d'un an à compter de l'incident de discrimination présumé ou dans tout autre délai que la Commission juge approprié au vu des circonstances. Ce qui constitue un délai approprié dans les circonstances est une décision qui relève du pouvoir discrétionnaire de la Commission. En l'espèce, je suis convaincu que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi, conformément aux principes de la justice naturelle et de l'équité procédurale, et qu'elle n'a pas fondé sa décision sur des éléments sans pertinence.

6.         Conclusion

[33]            Je conclus, compte tenu de la preuve, qu'il n'était pas manifestement déraisonnable pour la Commission de refuser d'examiner la plainte au motif qu'elle était prescrite. À mon avis, la Commission a pris en compte l'ensemble des faits et des allégations au dossier, y compris les raisons soulevées par la demanderesse pour expliquer son retard. Le dossier contenait une preuve suffisante pour que la Commission puisse valablement conclure que la poursuite de l'examen de la plainte devant un tribunal n'était pas justifiée. Il n'appartient pas à la cour de révision de réévaluer la preuve. La Commission n'a pas commis d'erreur en exerçant son pouvoir discrétionnaire comme elle l'a fait.

[34]            Pour ces motifs, j'estime que l'intervention de la Cour n'est pas justifiée. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée et les dépens seront adjugés au défendeur.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée et les dépens sont adjugés au défendeur; les dépens seront taxés selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III du tableau du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/2004-283, article 2.

« Edmond P. Blanchard »

Juge

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-2081-04

INTITULÉ :                                                    TIFFANY GOOD C. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 12 JUILLET 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE BLANCHARD

DATE DES MOTIFS :                                   LE 19 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS:

Jack Haller                                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Dean Smith                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

LeBlanc McGrath Blair Boyd                                         POUR LA DEMANDERESSE

Moncton (N.-B.)

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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