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Date : 20050125

Dossier : IMM-10384-03

Référence : 2005 CF 118

Toronto (Ontario), le 25 janvier 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

ENTRE :

                                                MANUEL JOSE CABRAL RAPOSO

NELIA DA CONCEICAO ALVES DE MEDEIROS RAPOSO

JESSICA MEDEIROS RAPOSO

BIANCA MEDEIROS RAPOSO

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision d'une agente de l'immigration (l'agente), en date du 4 décembre 2003, par laquelle elle déterminait qu'il n'y avait pas suffisamment de motifs d'ordre humanitaire (CH) pour justifier le traitement de la demande de résidence permanente des demandeurs de l'intérieur du Canada et pour ainsi accorder la dispense prévue au paragraphe 11(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).

[2]                Les demandeurs sollicitent une déclaration annulant la décision et renvoyant l'affaire afin qu'une nouvelle décision soit rendue conformément à toute directive que la Cour pourrait considérer comme appropriée, ainsi qu'à toute autre réparation que la Cour pourrait considérer comme appropriée, y compris les dépens.

Le contexte

[3]                Les demandeurs sont citoyens du Portugal. Lors de l'examen de la demande CH, M. Cabral Raposo (le demandeur principal) avait 33 ans, son épouse avait 30 ans et leurs filles, Jessica et Bianca, dix ans et six ans.

[4]                Le demandeur principal est arrivé au Canada le 12 juin 1999 en tant que touriste.

[5]                En juillet 2001, le troisième enfant des Cabral Raposo, Brandon, est né au Canada. Par conséquent, il est citoyen canadien.


[6]                Les demandeurs ont déjà présenté une demande de droit d'établissement pour motifs d'ordre humanitaire, demande qui a été rejetée. Ils ont alors présenté une revendication de statut de réfugié, qui a été rejetée. Le 22 juillet 2002, les demandeurs ont présenté une deuxième demande de droit d'établissement fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. Cette demande a été rejetée le 4 décembre 2003.

[7]                Le demandeur principal travaille comme couvreur. Son épouse est une ménagère qui travaille à temps partiel à son domicile comme couturière. Le dossier fait ressortir que la famille participe aux activités de son église. Les deux demanderesses mineures vont à la même école à Toronto.

[8]                Les demandeurs et l'enfant né au Canada vivent tous avec les parents du demandeur principal, qui ont le statut de résidents permanents du Canada. De plus, il y a une famille élargie constituée des quatre frères et soeurs du demandeur principal, qui sont aussi résidents permanents du Canada, ainsi que leurs familles respectives. Bien que le demandeur principal ne semble plus avoir de famille au Portugal, son épouse y a toujours de la famille.

[9]                La LIPR est entrée en vigueur le 28 juin 2002.


[10]            Dans une lettre datée du 23 octobre 2003, l'agente a informé le demandeur principal que sa demande CH serait évaluée en vertu de la LIPR. Par la même occasion, elle invitait les demandeurs à présenter, dans les 30 jours, une demande CH mise à jour et tout autre renseignement qu'ils souhaitaient être pris en compte. En réponse, les demandeurs ont présenté une demande mise à jour et leurs allégations à l'appui. Dans une lettre datée du 4 décembre 2003, l'agente a informé les demandeurs que leur demande CH était rejetée.

La décision de l'agente d'immigration

[11]            L'agente n'était pas convaincue que les demandeurs subiraient un préjudice excessif, disproportionné ou non mérité s'ils devaient présenter leur demande de résidence permanente de l'extérieur du Canada, pour les motifs suivants :

1.          Bien que le demandeur principal ait plusieurs membres de sa famille au Canada et qu'il n'ait pas indiqué avoir des parents aux Açores, les demandeurs proviennent d'un pays où ils ne sont pas soumis à l'obligation d'obtenir un visa. L'agente a donc conclu qu'il était raisonnable de s'attendre à ce que les demandeurs puissent venir en visite au Canada s'ils le désiraient.

2.          Même si la séparation d'avec les grands-parents, oncles, tantes et cousins aurait un caractère émotif, l'agente de CH a conclu de la même façon qu'il était raisonnable que les parents puissent aller aux Açores pour rendre visite aux demandeurs.

3.          S'agissant des deux demanderesses mineures, l'agente de CH déclare ceci :

[TRADUCTION]

Les deux filles vont à l'école au Canada, où elles résident depuis leur tendre enfance. Ces deux filles sont jeunes et, bien qu'elles puissent ne pas parler couramment le portugais, elles ont été en contact avec cette langue pendant toute leur vie. L'avocat a même déclaré que leurs grands-parents leur parlent en portugais et qu'elles répondent en anglais; on peut donc raisonnablement dire qu'elles comprennent le portugais. Ces deux filles auront aussi droit à la présence et à l'appui de leurs parents à leur retour au Portugal.


4.          S'agissant de l'enfant né au Canada, l'agente déclare ceci :

[TRADUCTION]

Brandon Raposo n'a que deux ans et il devrait s'adapter facilement. Il n'y a pas suffisamment de preuve au dossier indiquant qu'il reçoit des services particuliers (médicaux ou autres) qui ne seraient pas disponibles au Portugal. Ce jeune garçon aura aussi l'appui de ses parents.

5.          Le demandeur principal n'a présenté aucune preuve de revenu ou autre documentation pour appuyer sa déclaration de revenu.

6.          Il n'y avait pas assez de renseignements au dossier pour indiquer que le demandeur principal ne pourrait être protégé par la police dans le cadre de ses [traduction] « questions de harcèlement » .

[12]            L'agente conclut comme suit, à la page 3 de ses motifs :

[TRADUCTION]

Après examen de toute la preuve présentée et compte tenu de l'intérêt supérieur des enfants, je ne suis pas convaincue que les demandeurs subiraient un préjudice excessif, disproportionné ou non mérité s'ils devaient quitter le Canada et faire leur demande de visa d'immigrants de l'extérieur du Canada de la manière normale. La demande de dispense en vertu du paragraphe 11(1) de la LIPR est rejetée.

Les prétentions des demandeurs


[13]            Les demandeurs soumettent que le fait que l'agente n'a pas procédé à un examen de « l'intérêt supérieur » constitue un manquement à son obligation en vertu de l'article 25 de la LIPR. Les demandeurs soutiennent que l'agente a omis de traiter clairement du critère exigeant qu'elle soit réceptive, attentive et sensible à l'intérêt supérieur des enfants, comme l'exige l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. Les demandeurs soutiennent que comme l'agente n'a pas examiné attentivement l'intérêt supérieur des enfants, elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable. Les demandeurs renvoient à l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies qui exige que l'intérêt supérieur de l'enfant soit une considération primordiale.

[14]            Les demandeurs soutiennent que la décision de l'agente n'a pas tenu compte de l'intérêt supérieur des enfants, ou ne lui a pas accordé assez de poids, sous quatre aspects différents :

1.          La famille élargie

Les demandeurs soutiennent que l'intérêt supérieur des enfants fait qu'ils doivent être autorisés à demeurer au Canada, où ils auront l'appui de leur famille élargie. Le fait de renvoyer les enfants du Canada viendrait miner leur sentiment de sécurité. Les demandeurs soutiennent que l'agente a traité le rôle de la famille élargie dans la vie des enfants comme un rôle peu important. Les demandeurs soutiennent que l'agente a commis une erreur en suggérant que les demandeurs pourraient revenir en visite au Canada s'ils étaient tenus de présenter leur demande de droit d'établissement de l'extérieur du Canada. Les demandeurs soutiennent qu'au vu de leurs tentatives antérieures pour demeurer au Canada, il est très peu probable qu'on les autoriserait à revenir au Canada en tant que visiteurs.

2.          La scolarité des demanderesses mineures


Les demandeurs soutiennent que l'agente a fait peu de cas des conséquences négatives qu'un renvoi du Canada aurait sur les études et le développement des enfants. Les demandeurs soutiennent que les demanderesses mineures parlent, lisent et écrivent l'anglais, et que leur connaissance du portugais est limitée. En conséquence, elles seraient réellement désavantagées sur le plan scolaire si elles retournaient au Portugal et devaient poursuivre leurs études en portugais plutôt qu'en anglais. Les demandeurs soutiennent que l'agente n'a pas examiné comme elle l'aurait dû les conséquences du renvoi des enfants sur leurs études, après que la question a été soulevée. Les demandeurs soutiennent que l'agente ne disposait d'aucune preuve pour appuyer sa conclusion selon laquelle les enfants pourraient s'adapter s'ils étaient renvoyés au Portugal.

3.          Le fait que le demandeur principal assure le soutien financier

Les demandeurs soutiennent que l'agente n'a pas examiné avec soin les conséquences négatives que le renvoi du demandeur principal aurait sur sa capacité de subvenir aux besoins de ses enfants. Les demandeurs soutiennent que s'il est renvoyé, le demandeur principal perdra le revenu qu'il tient de son emploi actuel et qui lui permet de subvenir aux besoins de ses enfants. Les demandeurs soutiennent qu'il s'agit d'une question fondamentale dans l'analyse de l'intérêt supérieur des enfants.

4.          Le fait que Brandon Raposo est un citoyen canadien

Les demandeurs soutiennent que l'agente a commis une erreur en ne reconnaissant pas qu'en sa qualité de citoyen canadien, Brandon a le droit de grandir au Canada et d'y être élevé par ses parents, en vertu de l'article 7 de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies.

[15]            En bref, les demandeurs soutiennent que l'agente n'a pas tenu compte de l'intérêt supérieur des enfants, n'a pas utilisé le critère approprié pour examiner les circonstances applicables aux enfants et qu'elle n'a pas, ou pas assez, tenu compte du préjudice que leur causerait leur renvoi du Canada. Les demandeurs soutiennent que l'évaluation de l'agente était déficiente et que, par conséquent, il y a lieu d'accueillir la demande de contrôle judiciaire.

Les prétentions du défendeur

[16]            Le défendeur soutient que la norme de contrôle appropriée de la décision portant sur une demande CH est la décision raisonnable simpliciter.

[17]            Le défendeur soutient qu'en vertu de l'article 25 de la LIPR, les agents d'immigration sont tenus d'être réceptifs et sensibles à l'intérêt supérieur des enfants lorsqu'ils examinent une demande CH. Le défendeur soutient que l'intérêt supérieur des enfants doit faire l'objet d'un examen soigneux et être pondéré avec tous les autres facteurs soulevés par la demande. Ceci ne veut pas dire que l'intérêt supérieur des enfants l'emportera toujours sur d'autres considérations ou qu'il est le seul facteur permettant de trancher la demande. L'intérêt supérieur des enfants n'est qu'un facteur parmi d'autres que les agents d'immigration doivent examiner pour arriver à leur décision.

[18]            Le défendeur soutient que l'agente a examiné de façon appropriée l'intérêt supérieur des enfants dans son évaluation. Le défendeur soutient que l'agente a expressément tenu compte de tous les facteurs invoqués par les demandeurs.

[19]            Le défendeur soutient que, contrairement aux prétentions des demandeurs, il n'existe pas d'obligation pour un agent d'arriver à une conclusion distincte au sujet de l'intérêt supérieur des enfants. S'appuyant sur l'arrêt Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 1687 (C.A.) (QL), le défendeur soutient qu'un agent n'a pas à déclarer expressément qu'il a tenu compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. L'agent doit plutôt pondérer l'avantage pour l'enfant de demeurer au Canada et le désavantage pour l'enfant de quitter le Canada, au vu d'autres facteurs. L'agent a satisfait à son obligation si l'intérêt supérieur de l'enfant est « bien identifié et défini » dans le cadre de son analyse. Le défendeur soutient que l'agente a en fait tiré une conclusion précise au sujet de l'intérêt supérieur des enfants.

[20]            Le défendeur soutient que les demandeurs n'ont pas présenté de prétentions détaillées au sujet de l'intérêt supérieur des enfants ni de documentation à l'appui du peu de prétentions qu'ils ont présentées. L'agente n'a pas commis d'erreur en arrivant à sa décision, au vu des éléments qui lui étaient présentés. L'agente a tenu compte de la durée du séjour des enfants au Canada, de leur âge, de leurs parents au Canada, de leur intégration à la société canadienne, et de leur capacité de se réadapter à la société portugaise.

[21]            Le défendeur soutient que les demandeurs avaient le fardeau de présenter à l'agente les facteurs précis dont ils voulaient qu'elle tienne compte dans son analyse de l'intérêt supérieur des enfants. L'agente n'est pas tenue de demander qu'on lui fournisse d'autres renseignements.

[22]            Le défendeur soutient que la Cour a déjà statué que les demandeurs doivent démontrer que le préjudice qu'ils subiront sera plus grand que celui lié au coût prévisible de leur départ du Canada.

[23]            Le défendeur soutient que les demandeurs n'ont pas démontré que la décision de l'agente était déraisonnable. Par conséquent, il sollicite le rejet de la demande de contrôle judiciaire.

La question en litige

[24]            L'agente a-t-elle commis une erreur ouvrant droit à révision en n'examinant pas de façon appropriée et approfondie l'intérêt supérieur des enfants du demandeur principal, au vu des principes énoncés dans l'arrêt Baker, précité?

Les dispositions pertinentes de la loi

[25]            Le paragraphe 11(1) de la LIPR exige qu'un étranger fasse une demande de visa préalablement à son entrée au Canada.


11. (1) L'étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l'agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d'un contrôle, qu'il n'est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document shall be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

[26]            Le paragraphe 25(1) de la LIPR est rédigé comme suit :

25. (1) Le ministre doit, sur demande d'un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s'il estime que des circonstances d'ordre humanitaire relatives à l'étranger - compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché - ou l'intérêt public le justifient.

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister's own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

Analyse et décision

[27]            Au paragraphe 75 de l'arrêt Baker, précité, la juge L'Heureux-Dubé a fait le commentaire suivant au sujet de l'importance de tenir compte de l'intérêt supérieur des enfants :


Les principes susmentionnés montrent que, pour que l'exercice du pouvoir discrétionnaire respecte la norme du caractère raisonnable, le décideur devrait considérer l'intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt. Cela ne veut pas dire que l'intérêt supérieur des enfants l'emportera toujours sur d'autres considérations, ni qu'il n'y aura pas d'autres raisons de rejeter une demande d'ordre humanitaire même en tenant compte de l'intérêt des enfants. Toutefois, quand l'intérêt des enfants est minimisé, d'une manière incompatible avec la tradition humanitaire du Canada et les directives du ministre, la décision est déraisonnable.

[28]            Comme le déclare le juge Décary, dans l'arrêt Hawthorne, précité, aux pages 562 et 563 :

[...] insister en droit qu'une agente d'immigration indique expressément qu'elle a tenu compte de l'intérêt supérieur de l'enfant avant de se pencher sur le degré de difficultés auquel l'enfant serait exposé revient à privilégier la forme au détriment du fond.

On détermine l' « intérêt supérieur des enfants » en considérant le bénéfice que retirerait l'enfant si son parent n'était pas renvoyé du Canada ainsi que les difficultés que vivrait l'enfant, soit advenant le renvoi de l'un de ses parents du Canada, soit advenant qu'elle quitte le Canada volontairement si elle souhaite accompagner son parent à l'étranger. Ces bénéfices et difficultés constituent les deux côtés d'une même médaille, celle-ci étant l'intérêt supérieur de l'enfant.

L'agente n'examine pas l'intérêt supérieur de l'enfant dans l'abstrait. Elle peut être réputée savoir que la vie au Canada peut offrir à un enfant un éventail de possibilités et que, règle générale, un enfant qui vit au Canada avec son parent se trouve dans une meilleure position qu'un enfant vivant au Canada sans son parent. À mon sens, l'examen de l'agente repose sur la prémisse -- qu'elle n'a pas à exposer dans ses motifs -- qu'elle constatera en bout de ligne, en l'absence de circonstances exceptionnelles, que le facteur de « l'intérêt supérieur de l'enfant » penchera en faveur du non-renvoi du parent. Outre cette prémisse que je qualifierais d'implicite, il faut se rappeler que l'agente est saisie d'un dossier particulier dans lequel un parent, un enfant ou les deux, comme en l'occurrence, allèguent des raisons précises quant à savoir pourquoi le non-renvoi du parent est dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Il va de soi que l'agente doit examiner attentivement ces raisons précises.

Il est quelque peu superficiel de simplement exiger de l'agente qu'elle décide si l'intérêt supérieur de l'enfant milite en faveur du non-renvoi -- c'est un fait qu'on arrivera à une telle conclusion, sauf dans de rares cas inhabituels. En pratique, l'agente est chargée de décider, selon les circonstances de chaque affaire, du degré vraisemblable de difficultés auquel le renvoi d'un parent exposera l'enfant et de pondérer ce degré de difficultés par rapport aux autres facteurs, y compris les considérations d'intérêt public, qui militent en faveur ou à l'encontre du renvoi du parent.


[29]            En évaluant l'intérêt supérieur des enfants, l'agent doit déterminer le degré probable de préjudice qui serait causé aux enfants par le renvoi de leurs parents et le bénéfice qu'ils tireraient si leurs parents restaient au Canada. On note que l'intérêt supérieur des enfants n'est que l'un des facteurs dont il faut tenir compte lorsqu'on doit décider s'il y a lieu d'autoriser la présentation d'une demande de l'intérieur du Canada.

[30]            Il y a deux facteurs importants à noter dans la décision de l'agente. Le premier est que l'agente a déclaré que les enfants pourraient rendre visite à leurs grands-parents au Canada, déclaration qui est probablement incorrecte étant donné que la revendication de statut de réfugié présentée par les demandeurs a été rejetée et qu'il leur serait difficile de revenir au Canada. Deuxièmement, le demandeur principal a déclaré qu'il avait un emploi et l'agente a déclaré qu'il n'avait présenté aucun talon de chèque ou preuve de revenu ou reçu d'impôt pour appuyer ses dires. Ces deux facteurs doivent être pris en compte dans toute évaluation de l'intérêt supérieur des enfants. Par exemple, l'enfant tirerait-il un plus grand bénéfice si ses parents vivent au Canada, tous les deux avec une certaine forme de revenu, que s'ils sont renvoyés aux Açores? L'analyse de l'intérêt supérieur des enfants a été conduite sur la base du fait qu'ils seraient autorisés à visiter leurs grands-parents et leurs autres parents au Canada.

[31]            L'autre inquiétude porte sur l'enfant né au Canada. Voici l'évaluation de l'agente de l'intérêt supérieur de celui-ci :

[TRADUCTION]

Brandon Raposo n'a que deux ans et il devrait s'adapter facilement. Il n'y a pas suffisamment de preuve au dossier indiquant qu'il reçoit des services particuliers (médicaux ou autres) qui ne seraient pas disponibles au Portugal. Ce jeune garçon aura aussi l'appui de ses parents.

[32]            L'analyse devrait porter sur le fait que Brandon Raposo est un citoyen canadien, pour ensuite déterminer quelles conséquences le renvoi de ses parents aurait sur lui. Quel effet ce renvoi aurait-il sur son intérêt supérieur? Par exemple, au Canada ses parents ont du travail et ils ont un revenu pour subvenir à ses besoins. En l'espèce, l'analyse traite de son adaptation à la vie aux Açores. Il ne s'agit pas là d'une évaluation adéquate de son intérêt supérieur.

[33]            Bien sûr, il va sans dire que l'analyse de l'intérêt supérieur des enfants incombe à l'agente.

[34]            Je ne suis pas convaincu qu'il y a eu une analyse complète de l'intérêt supérieur des enfants et, par conséquent, la décision doit être annulée.

[35]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un agent différent afin qu'il rende une nouvelle décision.

[36]            Aucune des deux parties ne désirait présenter une question grave de portée générale à certifier.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée à un agent différent afin qu'il rende une nouvelle décision.

                                                                            _ John A. O'Keefe _           

                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

D. Laberge, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-10384-03

INTITULÉ :                                       MANUEL JOSE CABRAL RAPOSO

NELIA DA CONCEICAO ALVES DE MEDEIROS RAPOSO

JESSICA MEDEIROS RAPOSO

BIANCA MEDEIROS RAPOSO

                                                                                          demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                             défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE : LE 21 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                      LE 25 JANVIER 2005

COMPARUTIONS :

Mark Rosenblatt                                                POUR LES DEMANDEURS

Rhonda Marquis                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mark Rosenblatt

Toronto (Ontario)                                             POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                   POUR LE DÉFENDEUR

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