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Date: 20010711

Dossier : T-1345-00

Référence neutre : 2001 CFPI 785

ENTRE :

                                                           ELIZABETH CHALIFOUX

demanderesse

                                                                              - et -

                                             PREMIÈRE NATION DE DRIFTPILE et

                                                           THOMAS W. WAKELING

défendeurs

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]                 Les présents motifs découlent d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision arbitrale prise en vertu de la Division XIV, Partie III du Code canadien du travail[1] par laquelle l'arbitre a en partie conclu ce qui suit :

[Traduction] « [e]n tenant compte de tous les facteurs favorables et défavorables à la réintégration [de Mme Chalifoux], y compris une évaluation de la nature de la relation qui existe entre [Mme Chalifoux] et [la Première Nation de Driftpile] en fonction du dossier dont je suis saisi » , comme l'a imposé le juge Campbell, je refuse d'ordonner à la Première Nation de Driftpile de réintégrer Mme Chalifoux.


[2]                 L'histoire de la présente affaire s'étale sur une période assez longue. La décision examinée est la deuxième rendue dans ce dossier par le même arbitre relativement au refus par la Première Nation de Driftpile (la « défenderesse » ) de renouveler le contrat de travail de Mme Chalifoux (la « demanderesse » ) comme institutrice à la fin de l'année scolaire 1995-96. La première décision arbitrale a donné lieu à une demande de contrôle judiciaire devant notre Cour. Le juge Campbell a entendu la demande. L'ordonnance qu'il a rendue le 21 mai 1999[2] reprend le paragraphe 14 de ses motifs, également déposés ce jour-là :

Par conséquent, j'annule la décision de l'arbitre Wakeling concernant la réintégration seulement et je lui renvoie la question pour qu'il procède à un nouvel examen en tenant compte de tous les facteurs favorables et défavorables à une réintégration, y compris une évaluation de la nature de la relation qui existe entre la demanderesse et la défenderesse en fonction du dossier dont il a été saisi.

Dans une note en bas de page rattachée à ce paragraphe, il fait l'observation suivante :

Au cours de l'audience, l'avocat de la défenderesse a fait valoir que l'octroi d'une indemnité est un facteur important en ce qui concerne une réintégration. Je souscris à cet argument.        

[3]                 Dans ses motifs, le juge Campbell présente l'historique de la première décision et, partant celui de la deuxième dont je suis saisi, et décrit la première décision arbitrale. Plutôt que de reprendre cette historique, j'annexe aux présents motifs ceux du juge Campbell.


[4]                 Comme le juge Campbell l'indique dans ses motifs, le démarche qu'il convient de suivre pour exercer le pouvoir discrétionnaire d'accorder une réintégration en vertu de l'alinéa 242(4) du Code canadien du travail ne fait pas l'unanimité parmi les juges et les universitaires. De plus, comme l'indique le juge Campbell, l'arrêt Énergie atomique du Canada c. Sheikholeslami[3], qui constitue un précédent impératif, fait ressortir cette divergence de vues. Le juge Marceau, s'exprimant au nom de la majorité, écrit aux paragraphes 11 et 12 de ses motifs :

[...] À mon sens, la réintégration n'est pas un droit qu'un employé congédié injustement possède au même titre qu'un droit de la personne. Selon un principe bien établi en common law et en droit civil, les tribunaux n'exigeront pas l'exécution intégrale d'un contrat de louage de services lorsque cette exécution est fondée à tout instant sur une bonne dose de dévouement et de bonne volonté de la part de l'une des parties ou des deux. Dans le cas d'un contrat d'emploi, la règle a été appliquée à l'origine à l'employé qui ne pouvait être contraint d'exécuter les travaux prévus sans faire l'objet d'une surveillance constante et être réduit pour ainsi dire à l'esclavage, mais les tribunaux n'ont pas tardé à l'appliquer à l'employeur au motif que les obligations étaient réciproques et supposaient l'existence d'un rapport de confiance qui ne peut être exigé ou imposé de force.

Les dispositions du Code canadien du travail qui concernent le congédiement injuste des employés non syndiqués ont sans doute pour effet de modifier la règle traditionnelle selon laquelle l'exécution intégrale d'un contrat d'emploi ne peut en aucun cas être exigée. Cependant, elles ne créent certainement pas un droit en faveur de l'employé injustement congédié et ne pourraient d'ailleurs aller aussi loin. Ce droit irait à l'encontre du bon sens qui constitue précisément le fondement de la règle traditionnelle. Les dispositions en question énoncent simplement que la réintégration est une réparation pouvant être accordée dans les cas opportuns. En pratique, il s'agit de la réparation que les arbitres préfèrent le plus souvent accorder pour dédommager pleinement l'employé des préjudices réels qu'il a subis par suite de son congédiement. Cependant, une simple lecture du paragraphe 242(4) du Code indique sans conteste que l'arbitre est pleinement autorisé à ordonner le paiement d'une indemnité en remplacement de la réintégration s'il estime que le lien de confiance qui existait entre les parties ne peut être rétabli.

[5]                 Le juge Létourneau, concordant quant au résultat, a fait remarquer au paragraphe 17 qu'[...][il] aimerai[t] formuler certaines préoccupations au sujet de la conclusion de l'arbitre selon laquelle la relation de travail n'était plus viable et la confiance qui doit exister entre l'employeur et l'employée avait disparu. » Au paragraphe 31 de ses motifs, le juge Létourneau précise :


Il est vrai que la réintégration n'est pas un droit, même lorsque le congédiement est jugé injuste; cependant, comme les auteurs I. Christie et al. le soulignent une très grande prudence s'impose au moment d'invoquer l'exception à la réintégration, faute de quoi l'employé congédié injustement risque d'être pénalisé en perdant son emploi. En fait, une conclusion de congédiement injuste signifie que la relation de travail n'aurait pas dû être rompue au départ. En pareil cas, il existe nettement une présomption en faveur de la réintégration, sauf lorsque la preuve indique manifestement le contraire.

[6]                 Ces extraits me convainquent que, même si le juge Létourneau considérait clairement qu'il existait un droit présumé à la réintégration « [...] sauf lorsque la preuve indique manifestement le contraire » , le juge Marceau, à l'avis du quel a souscrit le juge Strayer, a adopté une opinion différente : la réintégration est simplement une autre réparation lorsqu'il y a eu congédiement injuste et ne constitue pas une réparation à laquelle un employé injustement congédié possède un droit présumé. Je ne suis pas convaincu que la dernière phrase de l'extrait cité des motifs du juge Marceau devrait être interprétée comme établissant que la réintégration constitue un droit dans tous les cas où un arbitre est d'avis que le lien de confiance entre les parties peut être rétabli. Je suis convaincu qu'une telle interprétation serait tout à fait incompatible avec le contexte à l'intérieur duquel se situe l'extrait en question.

[7]                 Je suis également convaincu que l'arbitre, dans les deux décisions qu'il a rendues, partage clairement le point de vue du juge Marceau selon laquelle la réintégration ne constitue pas un droit ni même un droit présumé.

[8]                 Relativement à la demande de contrôle judiciaire dont il était saisi, le juge Campbell a formulé la question suivante :

L'arbitre a-t-il commis une erreur de droit manifestement déraisonnable?


Il tire la conclusion suivante :

Je suis toutefois d'avis que l'analyse de l'arbitre est complètement défectueuse et est mal fondée en droit parce que, ainsi que je viens de le dire, la condition énoncée dans l'arrêt Énergie atomique du Canada c. Sheikholeslami voulant que les facteurs relatifs à une réintégration soient examinés n'a pas été remplie. De plus, comme la réintégration est un élément fondamental des mesures de redressement demandées par la demanderesse, je conclus qu'il convient de répondre par l'affirmative à la question en litige : s'abstenir de faire l'analyse requise constitue une erreur de droit manifestement déraisonnable.

Le juge Campbell avait alors renvoyé la question à l'arbitre pour qu'il procède à un nouvel examen suivant le mandat spécifique que j'ai déjà mentionné.

[9]                 Dans la décision visée par le présent contrôle, l'arbitre s'est étendu sur l'opinion que, selon lui, la réintégration à la suite d'un congédiement injuste ne constitue ni un droit ni un droit présumé. À mon avis, cette partie de la décision de l'arbitre est tout à fait incidente compte tenu du mandat que lui avait confié le juge Campbell. Même si l'avocat de la demanderesse a avancé que l'arbitre avait commis une erreur relativement à cet aspect de sa décision, il a quand même reconnu le caractère incident de cet aspect de la décision. Dans les circonstances, je n'examinerai pas le bien-fondé ou la faiblesse de cette partie de la décision de l'arbitre.                         

[10]            La partie de la décision de l'arbitre portant sur le mandat spécifique que lui avait confié le juge Campbell est plutôt brève et rédigée en ces termes :

[Traduction] Je réexaminerai maintenant la question de la réintégration en tenant compte de « tous les facteurs favorables et défavorables à une réintégration » .


Je tiens tout d'abord à préciser que l'on n'a pas présenté, lors de l'audition du 6 mars 1998, d'éléments de preuve qui permettraient de conclure que Mme Chalifoux n'était pas une institutrice compétente. En fait, Mme Chalifoux a reçu une excellente cote lors de sa dernière évaluation en date du 28 février 1996. En faisant cette affirmation, je n'ignore pas pour autant que Mme Chalifoux a, lors du contre-interrogatoire, qualifié l'année scolaire 1995-96 d'année « tumultueuse » ou encore que la personne occupant le poste de directeur de l'école n'avait pas recommandé que Mme Chalifoux soit nommée de nouveau. En supposant que le professeur England ait raison et qu'un employeur ne puisse mettre fin à un emploi que pour un motif valable et que la réintégration constitue le principal redressement, il s'ensuit que je n'aurais aucun motif valable, suivant la jurisprudence appuyant la thèse du professeur England, de refuser de faire droit à la demande de réintégration de Mme Chalifoux.

Cependant, pour les motifs mentionnés, je ne souscris pas à l'opinion du professeur England et j'estime que les principes applicables à la détermination d'un redressement approprié sont ceux exposés dans les arrêts Énergie atomique du Canada c. Sheikholeslami,, [1998] 3 C.F. 349, 357 & 363 n. 6 (C.A.), Chalifoux c. Première nation de Driftpile T-1738-98 (C.F.P.I. 21 mai 1999) et Knopp c. Westcan Bulk Transport Ltd. 15-16 (22 févr. 1994).

Voici une liste des facteurs appuyant raisonnablement l'argument que la réintégration ne constitue pas une réparation convenable dans les circonstances :

                1.             Mme Chalifoux n'a perdu aucun revenu d'emploi ou revenu après impôt lorsqu'elle a perdu son emploi auprès de la Première Nation de Driftpile le 31 août 1996.

                2.             Le redressement accordé le 6 mars 1998 tenait compte du loyer que Mme Chalifoux avait dû payer lorsqu'elle a enseigné au sein de la réserve de Whitefish au cours de l'année scolaire 1996-1997.

                3.             Le 6 mars 1996, Mme Chalifoux exerçait la profession de son choix.

                4.             Mme Chalifoux enseignait à une école située à seulement un quart de mille de la réserve de Driftpile au cours de l'année scolaire 1997-1998. Au cours de cette période, elle vivait avec son époux dans la réserve de Driftpile.

                5.             À l'époque de l'audition, les deux enfants de Mme Chalifoux étaient âgés de vingt et de vingt-et-un ans. Rien n'indique que ces adultes dépendaient d'elles.


                6.             Mme Chalifoux était la tutrice légale de deux enfants âgés de huit et neuf ans lors de l'audition de la présente affaire. Ces jeunes habitaient avec Mme Chalifoux et son époux. L'époux de Mme Chalifoux n'avait pas d'emploi et Mme Chalifoux n'a pas soutenu que son époux n'était pas capable de s'occuper de ces deux jeunes enfants pendant qu'elle allait enseigner à une école du voisinage. Je ne sais pas si Mme Chalifoux aurait plus de temps à consacrer aux jeunes enfants si elle enseignait à l'école de la bande. La preuve ne révèle pas si la distance entre le foyer de Mme Chalifoux et l'école située juste à l'extérieur de la réserve est supérieure à celle qu'il y a entre ce foyer et l'école administrée par la Première Nation de Driftpile. Je ne sais pas si Mme Chalifoux prendrait plus de temps pour conduire jusqu'à l'école située juste à l'extérieur de la réserve ou jusqu'à celle sur la réserve. Cependant, je sais qu'il n'est pas difficile de se déplacer dans cette région. La plupart des routes dans cette région sont pavées. Certains des 700 résidents de la réserve travaillent ou étudient à High Prairie et au lac des Esclaves. La moitié des enseignants employés par la bande ne vivent pas sur la réserve. Trois ou quatre enseignants habitent à High Prairie.

                7.             Mme Chalifoux a déjà enseigné à l'extérieur d'une réserve. Elle a obtenu un baccalauréat ès arts de l'Université de la Colombie-Britannique et a enseigné en Colombie-Britannique dans des écoles administrées par les conseils des écoles publiques.

                8.             Le directeur de l'école a recommandé au chef de la bande ou aux conseillers de ne pas nommer de nouveau Mme Chalifoux pour l'année scolaire de 1996-1997. Le chef et les conseillers ont accepté cette recommandation. En réponse aux questions que je lui ai posées, un conseiller de longue date a précisé que le conseil, avant de décider de renouveler le mandat d'un enseignant, tient compte d'un certain nombre de facteurs, dont les rapports de l'enseignant avec les élèves et la collectivité.

                9.             La bande est beaucoup mieux en mesure qu'un arbitre de décider qui enseignera aux enfants des membres de la collectivité. Un arbitre devrait se montrer extrêmement réticent à indiquer à une collectivité qui enseignera aux enfants.

                10.           La bande devrait congédier l'un de ses enseignants actuels si je lui ordonnais de réintégrer Mme Chalifoux.

À mon avis, les faits et facteurs qui viennent d'être mentionnés sont plus importants que les faits énumérés ci-après qui militeraient raisonnablement en faveur de la réintégration :

                1.             Mme Chalifoux est une enseignante compétente et est disposée à travailler avec les administrateurs et les enseignants de l'école de la bande. Je lui ai expressément demandé si elle pouvait travailler avec les enseignants de l'école de la bande pour l'année scolaire 1997-1998.

                2.             Si Mme Chalifoux avait enseigné à l'école de la bande, elle n'aurait pas payé d'impôt sur le revenu et n'aurait pas eu à travailler à l'extérieur de la réserve. Mme Chalifoux a indiqué qu'elle avait besoin de temps pour s'occuper des deux jeunes enfants dont elle était la tutrice légale. Comme je l'ai indiqué, je ne sais pas exactement jusqu'à quel point elle aurait pu consacrer plus de temps à ses responsabilités si elle avait enseigné à l'école de Driftpile.


                3.             Mme Chalifoux est une indienne inscrite et préférerait vivre et travailler au sein de la réserve de la Première Nation de Driftpile.

                4.             Mme Chalifoux a enseigné à l'école de la Première Nation de Driftpile pendant onze années scolaires.

[11]            Après ce qui précède, l'arbitre a immédiatement formulé la conclusion que j'ai déjà mentionnée. Je la reprends par souci de commodité :

[Traduction] « [e]n tenant compte de tous les facteurs favorables et défavorables à une réintégration [de Mme Chalifoux], y compris une évaluation de la nature de la relation qui existe entre [Mme Chalifoux] et [la Première Nation de Driftpile] en fonction du dossier dont je suis saisi » , comme l'a imposé le juge Campbell, je refuse d'ordonner à la Première Nation de Driftpile de réintégrer Mme Chalifoux.

[12]            Compte tenu de tout ce qui précède, j'estime que la seule question dont je suis saisi est de savoir si la partie des motifs de l'arbitre que j'ai citée intégralement permet de soutenir qu'il a adéquatement « ten[u] compte » ou procédé à une analyse de tous les facteurs favorables et défavorables à une réintégration conformément à ce qu'avait exigé le juge Campbell. L'avocat de la défenderesse a reconnu qu'il y aurait erreur susceptible de révision si j'arrivais à la conclusion que l'arbitre n'a pas procédé de façon adéquate à ce qui lui avait été demandé.


[13]            L'arbitre a peu poussé son examen ou son analyse des facteurs. La partie que j'ai citée des motifs de l'arbitre constitue davantage une énumération de facteurs qu'une analyse. Cela dit, l'arbitre a procédé à une certaine analyse. Le premier facteur énuméré en faveur de la réintégration constitue simplement un exposé de fait de même que les facteurs 2 à 5. Le sixième facteur renferme un certain nombre de questions non tranchées et pertinentes qui sont quelque peu problématiques puisque le juge Campbell avait ordonné que l'arbitre procède à un nouvel examen en fonction du dossier dont il était saisi. Le septième facteur est également une reprise des éléments de preuve devant l'arbitre.

[14]            C'est le huitième facteur qui est le plus problématique. Le « conseiller de longue date » dont il y est question est apparemment un dénommé Hank Giroux. Dans son mémoire initial, la demanderesse avait indiqué que, dans son témoignage antérieur à la première décision de l'arbitre, M. Giroux (qui avait été membre du Conseil de la Première nation de Driftpile pendant de nombreuses années avant le congédiement ou le non-renouvellement du contrat de la demanderesse) avait précisé que la réintégration de la demanderesse présentait un seul problème, celui du congédiement d'un enseignant par la Première nation.


[15]            L'avocat de la demanderesse a fait valoir que le témoignage de M. Giroux étayait une conclusion que l'arbitre n'avait aucun motif d'inférer que le lien de confiance entre la Première nation et la demanderesse ne pouvait être rétabli ou, en d'autres termes, qu'il n'existait pas de « preuve [...] manifest[e] » infirmant la présomption en faveur de la réintégration comme l'a préconisée le juge Létourneau dans l'arrêt Énergie atomique du Canada c. Sheikholeslami, précité. Cela dit, au moment où fut rendue la deuxième décision examinée en l'espèce, il s'était écoulé presque quatre (4) ans depuis la mise à pied de la demanderesse et on peut conjecturer sur la pertinence qu'aurait présentée le témoignage de M. Giroux si la réintégration de la demanderesse avait été ordonnée lors de la deuxième décision arbitrale. Avec le recul du temps et malheureusement peut-être, le juge Campbell avait renvoyé l'affaire à l'arbitre et exigé de lui qu'il rende une deuxième décision en fonction du dossier dont il était saisi. En définitive, il n'incombait pas à l'arbitre et il n'était pas loisible aux parties, en l'absence d'une initiative de l'arbitre, d'examiner des éléments de preuve plus contemporains ayant trait à l'incidence que la réintégration de la demanderesse aurait eue d'une part sur le lien de confiance entre la demanderesse et la défenderesse, mais également entre l'ensemble de la collectivité et la demanderesse, et d'autre part sur les relations de travail qui auraient existé chez les quatre enseignants d'une école où l'une de ces personnes aurait dû être mise à pied pour permettre la réintégration de la demanderesse.

[16]            Le neuvième facteur à l'appui de l'argument que la réintégration ne constitue pas une réparation convenable indique que la défenderesse était beaucoup mieux en mesure que l'arbitre pour décider qui devait enseigner aux jeunes enfants de ses membres. L'arbitre écrit ce qui suit :

[Traduction] Un arbitre devrait se montrer extrêmement réticent à indiquer à une collectivité qui enseignera aux enfants.


Je considère qu'il s'agit d'un élément analytique approprié et pertinent, notamment compte tenu du temps écoulé depuis le congédiement de la demanderesse et de l'absence de preuve dont l'arbitre disposait relativement à l'état actuel des choses et à l'incidence que la réintégration de la demanderesse aurait eue sur la petite collectivité, sa petite association d'enseignants de niveau élémentaire, et, peut-être l'élément le plus important, sur les enfants fréquentant l'école en question.

[17]            Le dixième facteur contre la réintégration que l'arbitre examiné se rapporte étroitement aux huitième et neuvième facteurs.

[18]            La phrase suivante constitue un autre bref élément de l'analyse de l'arbitre :

[Traduction] À mon avis, les faits et facteurs qui viennent d'être mentionnés sont plus importants que les faits énumérés ci-après qui militeraient raisonnablement en faveur de la réintégration :

[19]            Le premier facteur en faveur de la réintégration est un exposé de fait accompagné d'une reconnaissance, qui pourrait être considérée comme un élément d'analyse, que la demanderesse avait indiqué qu'elle pouvait travailler avec les personnes qui enseignaient à l'école élémentaire de la défenderesse au cours de l'année scolaire 1997-1998.


[20]            Le deuxième facteur favorable à la réintégration est le fait que le revenu disponible de la demanderesse, si elle avait enseigné dans la réserve, serait sensiblement plus élevé que son revenu disponible actuel puisqu'elle travaille actuellement en dehors de la réserve et se trouve donc assujettie à l'impôt. L'arbitre paraît avoir minimisé l'importance de ce facteur puisqu'il le regroupe avec ce qui pourrait être considéré comme un facteur totalement distinct, soit l'incidence sur la demanderesse et les jeunes enfants dont elle et son époux étaient responsables, pour ce qui est du temps dont elle disposerait pour s'occuper de ces jeunes enfants si elle si elle enseignait au sein de la réserve plutôt qu'à l'école où elle travaille actuellement, à proximité de la réserve.

[21]            Les troisième et quatrième facteurs énumérés par l'arbitre à l'appui de la réintégration sont simplement des exposés de fait.

[22]            Comme je l'ai déjà indiqué, l'analyse des facteurs favorables et défavorables à la réintégration est peu poussée. Il existe certains éléments d'analyse, mais dans l'ensemble, les motifs de l'arbitre pourraient étayer la conclusion qu'il a seulement fait état de dix facteurs défavorables à la réintégration et de quatre autres qui y étaient favorables; il a ignoré en grande partie l'incidence de la réintégration sur les relations communautaires et sur la qualité des chances en matière d'éducation pour les jeunes de la réserve de la défenderesse et opté du côté des facteurs les plus nombreux sans procéder à une analyse qualitative.


[23]            De crainte que l'on me reproche également de ne pas avoir procédé à une analyse appropriée de la question dont je suis saisi, je conclus, avec certains regrets, que l'examen ou l'analyse que l'arbitre a fait des facteurs favorables et défavorables à une réintégration suffit à justifier sa conclusion. Je me fonde à cette fin sur la restriction que le juge Campbell avait imposée au mandat de l'arbitre relativement à l'examen d'autres éléments de preuve, peut-être plus contemporains, portant sur les répercussions possibles de la réintégration. Même si je suis convaincu qu'il aurait été loisible à l'arbitre, de sa propre initiative, de rechercher néanmoins des éléments de preuve sur les répercussions actuelles d'une réintégration, je conclus qu'il n'était pas tenu de le faire. L'omission de tenir compte de certains des éléments de preuve qui lui avaient été soumis relativement aux répercussions que la réintégration aurait pu avoir dans le passé n'est pas, selon moi, déterminante.

[24]            En conséquence, je conclus que l'arbitre n'a pas commis d'erreur donnant ouverture au contrôle judiciaire dans la décision qu'il a rendue par rapport au mandat que lui avait confié le juge Campbell. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[25]            Compte tenu de l'ensemble des circonstances de la présente affaire et vu l'absence d'observations de la part des avocats, aucuns dépens ne sont adjugés.

« FREDERICK E. GIBSON »

        JUGE

Ottawa (Ontario)

Le 11 juillet 2001

Traduction certifiée conforme

Brigitte Grégoire, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                               T-1345-00

INTITULÉ :                              ELIZABETH CHALIFOUX c. PREMIÈRE NATION DE DRIFPILE et THOMAS W. WAKELING.

LIEU DE L'AUDIENCE :      EDMONTON

DATE DE L'AUDIENCE :    Le 28 juin 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Gibson

DATE DES MOTIFS :           Le 11 juillet 2001

COMPARUTIONS :

M. G. BRENT GAWNE                                                 POUR LE DEMANDEUR

M. WILLIAM J. ARMSTRONG                                    POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

G. BRENT GAWNE                                                        POUR LE DEMANDEUR

Edmonton (Alberta)

LAIRD ARMSTRONG                                                   POUR LES DÉFENDEURS

Calgary (Alberta)


Date: 20010711

Dossier : T-1345-00

Ottawa (Ontario), le 11 juillet 2001

En présence de Monsieur le juge Gibson

ENTRE :

                                 ELIZABETH CHALIFOUX

demanderesse

                                                    - et -

                   PREMIÈRE NATION DE DRIFTPILE et

                                 THOMAS W. WAKELING

défendeurs

                                           ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Aucuns dépens ne sont adjugés.

« FREDERICK E. GIBSON »

JUGE

Traduction certifiée conforme

Brigitte Grégoire, LL.L.



[1]         L.R.C.1985, ch. L-2.

[2]         (1999), 169 F.T.R. 143.

[3]         [1998] 3 C.F. 349 (C.A.).

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