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Date : 20010927

Dossier : T-1108-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1061

ENTRE :

                                           WESTINGHOUSE AIR BRAKE COMPANY

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                                                     MOFFAT & CO.

                                                                                                                                               défenderesse

                                                                                                                                     Dossier : T-1109-00

ENTRE :

                                           WESTINGHOUSE AIR BRAKE COMPANY

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                                                     MOFFAT & CO.

                                                                                                                                               défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER


[1]                 La Cour statue sur l'appel interjeté par la Westinghouse Air Brake Company d'une décision en date du 28 avril 2000 par laquelle le registraire des marques de commerce a, en vertu du paragraphe 45(5) de la Loi sur les marques de commerce, (L.R.C. (1985), ch. T-13), (la Loi), radié les marques de commerce canadiennes enregistrées sous les numéros LMCDF 37797 (dossier T-1108-00) et LCD 47829 (dossier T-1109-00) pour la marque de commerce UNIVERSAL.

LES FAITS

[2]                 La marque de commerce UNIVERSAL, enregistrée sous le numéro LMCDF 37797, est enregistrée en vue d'être employée en liaison avec les marchandises suivantes :

[TRADUCTION]

Appareils de choc et de traction à ressort, appareils de choc et de traction à friction, tenons de traction, étriers d'attelage, freins à main, tampons, traverses de wagon, points d'ancrage de bogie, releveurs d'axe et vannes de réservoir de saumure.

(Dossier de la demanderesse [no du greffe T-1108-00], onglet 4, p. 14).

[3]                 L'enregistrement LCD 47829 vise pour sa part les marchandises suivantes :

[TRADUCTION]

Freins à main et étriers, et régleurs de frein.

(Dossier de la demanderesse (no du greffe T-1109-00), onglet 4, p. 12).

[4]                 Le 2 décembre 1997, à la demande de Moffat & Co., le registraire a envoyé l'avis prévu à l'article 45 à la Westinghouse Air Brake Company (maintenant la Westinghouse Air Brake Technologies Corporation) relativement aux enregistrements nos LMCDF 37797 et LCD 47829.


[5]                 En réponse à cet avis, la demanderesse a déposé l'affidavit souscrit par M. Robert J. Brooks le 28 mai 1998 (le premier affidavit de M. Brooks) puis un deuxième affidavit souscrit par le même Robert J. Brooks le 19 juin 1998 (le deuxième affidavit de M. Brooks).

[6]                 Dans son premier affidavit, M. Brooks affirme que la Westinghouse Air Brake Company utilise constamment la marque de commerce UNIVERSAL au Canada depuis 1925 pour les éléments suivants : appareils de choc et de traction à ressort, appareils de choc et de traction à friction, tenons de traction, étriers d'attelage, freins à main, tampons, traverses de wagon, points d'ancrage de bogie, releveurs d'axe et vannes de réservoir de saumure, et depuis 1953 pour les éléments suivants : freins à main et étriers, ainsi que régleurs de frein. Dans le même affidavit, M. Brooks mentionne ensuite que cette marque de commerce a toujours été apposée de façon très visible sur les plaquettes et étiquettes volantes fixées aux produits homologués ou estampillées sur les produits homologués métalliques au moment de leur fabrication. Il affirme en outre que la marque de commerce UNIVERSAL est inscrite bien en vue dans les manuels d'entretien et les dessins qui accompagnent parfois ces produits.


[7]                 À cet affidavit ont été annexées en preuve des photocopies de photographies (les originaux ont été joints à son deuxième affidavit) pour montrer comment la marque de commerce était employée. Dans son affidavit, M. Brooks affirme également que Cardwell Westinghouse est une division opérationnelle de la Westinghouse Air Brake Company. Des factures de Cardwell Westinghouse sont annexées à titre de preuve du chiffre d'affaires de cette entité et le chiffre d'affaires annuel est également précisé. Une copie d'une annonce publicitaire est également jointe à l'affidavit.

[8]                 Le 28 avril 2000, l'agente chargée de l'audition, Mme Savard, a conclu, en vertu de l'article 45 de la Loi, que, compte tenu des éléments de preuve fournis, la marque de commerce enregistrée sous les nos LMCDF 37797 et LCD 47829 devait être radiée.

[9]                 Au sujet de l'emploi de la marque de commerce, Mme Savard était d'accord avec la requérante pour dire que la preuve était insuffisante pour démontrer que la marque de commerce avait été employée durant la période en cause en liaison avec chacune des marchandises enregistrées. Voici un extrait de ses propos :

[TRADUCTION]

[...] Vu ma conclusion qu'on ne sait pas avec certitude quelles marchandises sont comprises parmi les « marchandises enregistrées Universal » , j'estime que l'affidavit ne permet pas de conclure que chacune des marchandises enregistrées a été vendue au cours de la période en cause. Comme les factures ne parlent que de « freins à main, de tendeurs et d'appareils de choc » , je conclus que la preuve démontre qu'il y a eu emploi au cours de la période en cause, mais uniquement en ce qui concerne les marchandises en question.

(Dossier de la demanderesse (T-1108-00), onglet 4, à la p. 23).

[10]            En ce qui concerne l'emploi de la marque de commerce par la demanderesse, Mme Savard s'est là encore dite d'accord avec la requérante pour affirmer que tout emploi démontré était un emploi fait par un tiers, l'Universal Railway Devices Company. Mme Savard a déclaré ce qui suit :


[TRADUCTION]

[...] Il ressort de la page où la marque de commerce est enregistrée qu'au cours de l'année 1990, la marque de commerce a été cédée à une autre entité, en l'occurrence la Rail Acquisition Corp., qui a par la suite changé sa raison sociale pour celle de Westinghouse Air Brake Company (la propriétaire inscrite actuelle). Il semble découler de ce qui précède que la Westinghouse Air Brake Company, qui était propriétaire de la marque de commerce en 1974, et la proprétaire actuelle ne sont pas la même compagnie, mais qu'on ait affaire à deux entités totalement distinctes. En conséquence, le fait que l'Universal Railway Devices Company ait fait l'objet d'un regroupement d'entreprises en 1974 pour devenir la Westinghouse Air Brake Company, qui était propriétaire de la marque en 1974, n'est pas pertinent en l'espèce.

Comme il ressort de la preuve que l'Universal Railway Devices Company semble être l'entité qui utilise la présente marque de commerce et comme rien ne permet de penser qu'elle n'est qu'une simple division de la propriétaire inscrite actuelle, je conclus que tout emploi établi par la preuve ne constitue pas un emploi par la propriétaire inscrite de la marque de commerce. En conséquence, bien que les factures indiquent que les ventes de marchandises ont été réalisées par Cardwell Westinghouse, une division de la propriétaire inscrite actuelle, ce fait n'est pas suffisant pour me permettre de conclure que c'est la propriétaire inscrite qui utilise la marque de commerce, étant donné que, suivant la preuve, les marchandises en question sont celles de l'Universal Railway Devices Company [...] Comme ces éléments de preuve semblent contredire les affirmations contenues dans l'affidavit, je conclus que la preuve est ambiguë et il m'est impossible de conclure que c'est la propriétaire inscrite qui utilise la marque de commerce ou que l'emploi de celle-ci est imputable à la propriétaire inscrite.

[...] Comme la preuve versée au dossier comporte des ambiguïtés, j'interprète ces ambiguïtés à l'encontre de la propriétaire inscrite.                                                        (Ibid., à la p. 25).

[11]            La demanderesse, Westinghouse Air Brake Company, a interjeté appel de cette décision le 28 juin 2000.

[12]            Pour étayer sa thèse, la demanderesse a déposé un troisième affidavit de M. Brooks.

[13]            Dans son affidavit, M. Brooks soumet les nouveaux éléments de preuve suivants :


           •            Les produits homologués comprennent une vaste catégorie d'articles que l'on peut qualifier d'équipements de chemin de fer, ou de pièces servant à la construction d'équipements de chemin de fer. Ces produits homologués servent : a) soit d'aide à la manutention d'équipements de chemin de fer; b) soit à la protection de ces équipements et à leur chargement; c) soit au montage de ces pièces ou équipements.

•            Les tendeurs sont souvent appelés régleurs de freins.

           •           Le chiffre de ventes total d'équipements de chemin de fer UNIVERSAL au Canada entre 1994 et 1999 dépasse la somme de 31 000 000 $. Au troisième affidavit de M. Brooks sont annexées des factures attestant les ventes d'équipements de chemin de fer UNIVERSAL à des clients canadiens au cours de la période en cause, ainsi que des photographies de tendeurs arborant la marque de commerce UNIVERSAL.

           •           L'histoire de la compagnie demanderesse est complexe. En voici les principaux jalons :


           •           À compter de décembre 1974, Universal Railway Devices Company (qui était alors propriétaire de la marque de commerce Universal et des enregistrements nos LMCDF 37797 et LCD 47829) a fait l'objet d'un regroupement d'entreprises, d'une acquisition et d'un changement de raison sociale.

           •           Depuis le 31 décembre 1974, les propriétaires successifs de la marque de commerce UNIVERSAL et des enregistrements ont employé sans interruption le nom « UNIVERSAL Railway Devices Company » comme nom commercial pour identifier leur entreprise.

           •           Durant la période en cause, la demanderesse a utilisé le nom « UNIVERSAL Railway Devices Company » comme nom commercial.

QUESTIONS EN LITIGE

           1.         L'emploi de la marque de commerce UNIVERSAL enregistrée sous les nos LMCDF 37797 et LCD 47829 était-il un emploi par la demanderesse?

           2.         La demanderesse a-t-elle démontré qu'elle a employé au Canada la marque de commerce UNIVERSAL enregistrée sous les numéros LMCDF 37797 et LCD 47829 en liaison avec les marchandises enregistrées au cours de la période en cause?


ANALYSE

[14]            L'article 45 de la Loi prévoit que le registraire peut donner au propriétaire inscrit un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis.

[15]            Il est de jurisprudence constante que l'objet et la portée de la procédure prévue à l'article 45 est de prévoir une procédure simple, sommaire et expéditive permettant de débarrasser le registre des marques de commerce qui ne sont pas revendiquées de bonne foi par leur propriétaire en tant que marques de commerce actives (Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd., (1987) 13 CPR (3d) 289, à la page 293, Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc., [1981] 1 C.F. 679, à la page 683, Barrigar & Oyen c. Canada (Registraire des marques de commerce), (1994), 54 C.P.R. (3d) 509 (C.F. 1re inst.)).


[16]          La Cour d'appel a récemment discuté de la norme de contrôle applicable dans l'affaire Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, ([2000], 3 C.F. 145). Dans cet arrêt, le juge Rothstein en est arrivé à la conclusion que l'appel prévu à l'article 56 ne constituait pas un nouveau procès au sens strict du terme. En l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, les décisions du registraire, de fait, de droit ou résultant de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle pouvant influencer sensiblement les conclusions de fait ou l'exercice du pouvoir discrétionnaire est déposée, le juge de première instance doit tirer ses propres conclusions quant au bien-fondé de la décision du registraire.

           1.         Emploi par la propriétaire inscrite

[17]            Les nouveaux éléments de preuve présentés par la demanderesse démontrent à l'évidence que les propriétaires successifs de la marque de commerce ont employé le nom « UNIVERSAL Railway Devices Company » comme nom commercial et, surtout, que, durant la période en cause, la demanderesse a utilisé le nom « UNIVERSAL Railway Devices Company » comme nom commercial. C'est la raison pour laquelle la mention « UNIVERSAL Railway Devices Company » figure sur les pièces annexées au premier et au deuxième affidavits de M. Brooks.

[18]            Par conséquent, je suis convaincue que les nouveaux éléments de preuve répondent aux préoccupations exprimées par la registraire au sujet de l'emploi par la demanderesse de la marque de commerce UNIVERSAL et que ces nouveaux éléments de preuve auraient influencé sensiblement sa décision.


           2.         Emploi en liaison avec des marchandises

[19]            L'article 2 de la Loi définit comme suit l' « emploi » :


« emploi » ou « usage » , à l'égard d'une marque de commerce, tout emploi qui, selon l'article 4, est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou services.

"use", in relation to a trade-mark, means any use that by section 4 is deemed to be a use in association with wares or services;


[20]            Le paragraphe 4(1) est ainsi libellé :


Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

A trade-mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.


[21]            Dans sa décision, la registraire s'est dite incapable de conclure que chacune des marchandises enregistrées avait été vendue au cours de la période en cause, étant donné que les factures et les brochures parlaient uniquement de freins à main, de tendeurs et d'appareils de choc.


[22]            En appel, la demanderesse soutient qu'il suffit de faire la preuve d'un emploi en liaison avec certaines des marchandises lorsque les marchandises enregistrées tombent sous le coup d'une seule grande catégorie et que certaines des marchandises sont des composantes des appareils faisant partie de cette catégorie. Plus précisément, les nouveaux éléments de preuve démontrent que les marchandises enregistrées peuvent être désignées comme une catégorie générale de marchandises, en l'occurrence des équipements de chemin de fer ou des pièces servant à la construction d'équipements de chemin de fer.

[23]            Je suis convaincue qu'il s'agit là d'éléments de preuve suffisamment importants pour influer sensiblement sur la décision de la registraire des marques de commerce.

[24]            Par ces motifs, l'appel est accueilli et les enregistrements nos LMCDF 37797 (dossier T-1108-00) et LCD 47829 (dossier T-1109-00) doivent être maintenus. Il n'y a pas d'adjudication de dépens.

                                                                    « Danièle Tremblay-Lamer »

JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 27 septembre 2001.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                  T-1108-00, T-1109-00

INTITULÉ DE LA CAUSE : WESTINGHOUSE AIR BRAKE COMPANY c.

MOFFAT & CO.

T-1108-00

WESTINGHOUSE AIR BRAKE COMPANY c.

MOFFAT & CO.

T-1109-00

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 25 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE Mme LE JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                        Le 27 septembre 2001

COMPARUTIONS :

Darlene H. Carreau                                                                        POUR LA DEMANDERESSE

et Samantha Gervais

Personne n'a comparu                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osler, Hoskin & Harcourt LLP                                        POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

Macera & Jaryna                                                                            POUR LA DÉFENDERESSE

Ottawa (Ontario)

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