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Date :  20051014

 

Dossier : T-1040-05

 

Référence : 2005 CF 1385

                                                                             

RECOURS COLLECTIF – ENVISAGÉ

 

ENTRE :

 

                                                             JULIUS ROITMAN

 

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

 

 

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

 

                                                                                                                                      défenderesse

 

 

                                                  MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE JUGE GIBSON

 

Introduction

 

a) La requête dont est saisie la Cour

 

[1]               Le 26 août 2005, la défenderesse a déposé une requête par laquelle elle sollicite :

a)         une ordonnance en application de l’article 221 des Règles de la Cour fédérale (1998)[1] (les Règles), prescrivant la radiation de la déclaration du demandeur déposée le 15 juin 2005;


b)         subsidiairement, une ordonnance de directives en vue d’une audience pour qu’il soit statué sur un point de droit avant l’instruction, conformément à l’article 220 des Règles;

c)         une ordonnance sur les dépens de la requête;

d)         toute autre réparation que la Cour estime appropriée.

 

[2]               La requête de la défenderesse a été entendue le 23 septembre 2005, à Vancouver. Au terme de l’audience, la Cour a informé les avocats que la déclaration ne serait pas radiée, mais que la réparation subsidiaire serait accordée et qu’une ordonnance de directives en vue d’une audience pour qu’il soit statué sur un point de droit avant l’instruction serait rendue. La Cour a aussi informé les avocats que les dépens de la requête suivraient l’issue de la cause et, enfin, que des motifs suivraient. Voici les motifs en l’espèce.

 

b) Le contexte

 

[3]               Le contexte de l’action, et donc de la requête de la défenderesse, est décrit succinctement dans le mémoire des faits et du droit de la défenderesse, auquel souscrit le demandeur. Les paragraphes pertinents du mémoire des faits et du droit de la défenderesse sont les suivants :

[Traduction]

4.             Le ministre a établi de nouvelles cotisations :

a)             à l’égard de la société du demandeur, Gold Seal Motor Ltd (Gold Seal), pour les années d’imposition 2001 et 2002, refusant, par avis en date du 13 février 2004, certaines déductions réclamées au titre de dépenses;


 

b)            à l’égard de Gold Seal, pour l’année d’imposition 2000, refusant un report rétrospectif de pertes encourues durant l’année d’imposition 2001; 

 

 

c)             à l’égard du demandeur, par avis en date du 20 février 2004, ajoutant à son revenu pour les années d’imposition 2000, 2001 et 2002, à titre d’avantages conférés à un actionnaire et d’avantages indirects, en application des paragraphes 15(1) et 56(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi), certains montants refusés à titre de dépenses de Gold Seal.

 

 

5.             Le demandeur et Gold Seal se sont opposés aux nouvelles cotisations pour leurs années d’imposition 2000, 2001 et 2002 et ont transmis des observations au ministre à l’appui de leur position.

 

 

                                                                       ...

 

 

6.             Après examen des observations du demandeur et de Gold Seal, le ministre a accepté certains des arguments et a répondu par une proposition de règlement.

 

 

                                                                       ...

 

 

7.             Le demandeur et Gold Seal ont présenté des observations additionnelles au ministre. Dans ces observations, il est proposé que l’avantage imputé au demandeur soit considéré comme une dette d’actionnaire en vertu du paragraphe 15(2) de la Loi plutôt qu’un avantage aux termes du paragraphe 15(1). Le demandeur a aussi fait valoir que son solde créditeur d’actionnaire dans Gold Seal devrait être pris en compte et que les retraits personnels effectués par le demandeur de Gold Seal devraient être réputés un remboursement de la dette de Gold Seal envers le demandeur.

 

 

                                                                       ...

 

 

8.             Le ministre a refusé toute autre concession en vue d’un règlement et a averti le demandeur que, s’il n’était pas d’accord avec la proposition de règlement, le ministre ratifierait la cotisation et le demandeur pourrait ensuite soumettre la question à la Cour canadienne de l’impôt.

 

 

                                                                       ...

 

 

9.             Pendant toute la période de négociation du règlement, le demandeur et Gold Seal ont été représentés par un comptable agréé, M. Colin Yip, de Colin Yip & Associates Ltd.

 

 


10.           Le demandeur et Gold Seal ont décidé d’accepter la proposition de règlement du ministre et ont signé un règlement à l’amiable prévoyant que le ministre établirait une nouvelle cotisation à l’égard du demandeur et de Gold Seal selon les termes de la proposition de règlement du ministre.  Les nouvelles cotisations faisant suite au règlement à l’amiable acceptaient la plus grande partie des dépenses auparavant refusées à Gold Seal et réduisaient proportionnellement le montant du revenu attribué au demandeur en vertu des paragraphes 15(1) et 56(2) de la Loi.

 

 

                                                                       ...

 

 

11.           En signant le règlement, le demandeur a admis connaître la teneur des paragraphes 165(1.2) et 169(2.2) de la Loi et comprendre que, en acceptant la proposition, il ne pourrait ensuite déposer une opposition ou un appel en vertu de la Loi.

 

 

12.           Le 24 janvier 2005, une nouvelle cotisation a été établie à l’égard du demandeur suivant les dispositions du règlement intervenu.

 

 

                                                                       ...

 

 

13.           Le 15 juin 2005, le demandeur a déposé la déclaration en l’espèce; il allègue que, pour l’établissement de la nouvelle cotisation à l’égard du demandeur, la défenderesse a adopté [Traduction] « une ligne de conduite délibérée [...] en vue d’empêcher le demandeur [...] de se prévaloir de la loi. » Le demandeur poursuit en soutenant que ce comportement de la défenderesse constitue [Traduction] « une violation du pouvoir conféré par la loi, l’exercice fautif d’une charge publique, une administration négligente de la loi, un abus de pouvoir et un mépris des principes de justice fondamentale qui ont occasionné au demandeur des pertes et préjudices et donné lieu à l’enrichissement sans cause de la défenderesse.

 

 

                                                                       ...

 

 

[Les renvois à un affidavit et aux pièces en annexe déposés pour le compte de la défenderesse ont été omis.]

 

 

 

c) La déclaration

 

[4]               La déclaration du demandeur désigne la demande comme un recours collectif – envisagé. Le demandeur sollicite ce qui suit, pour son propre compte et pour le compte de tous les membres du groupe :

a)         des dommages-intérêts pour l’exercice fautif d’une charge publique;


b)         des dommages-intérêts spéciaux, y inclus les dépens afférents à la défense contre les nouvelles cotisations envisagées et ceux de la poursuite de l’appel au civil en matière d’impôt sur le revenu;

c)         des dommages-intérêts punitifs, dommages-intérêts exemplaires et dommages-intérêts majorés;

d)         l’intérêt prévu par la Loi sur la Cour fédérale;

e)         les dépens avocat-client de l’action;

f)          toute autre réparation que la Cour estime appropriée.

 

[5]               Dans sa déclaration, le demandeur décrit comme suit le contexte de sa demande :

[Traduction]  18.           La Cour canadienne de l’impôt a rendu sa décision dans l’affaire Franklin c. La Reine, 2000 DTC 2455, le 13 septembre 2000. Dans Franklin, appel en matière d’impôt sur le revenu, l’appelant, actionnaire d’une société, a voulu, en vue d’établir le montant d’un éventuel avantage en application du paragraphe 15(1), déduire du montant qu’il a reçu de la société le montant du solde créditeur dans son compte de prêt de l’actionnaire; autrement dit, l’appelant prétendait que la société lui devait un montant supérieur à celui qu’avait reçu le contribuable, de sorte qu’il n’y avait aucun avantage imposable pour l’appelant. La Cour canadienne de l’impôt a accueilli l’appel du contribuable, statuant qu’il n’existait aucun avantage imposable pour l’appelant, même si l’appelant « a délibérément fait défaut de signaler [...] la vente [...] et les paiements en litige », en raison du solde créditeur opérant compensation, dans le compte de prêt de l’actionnaire de la société.

 

 

19.           La Couronne a interjeté appel devant la Cour d’appel fédérale de la décision de la Cour canadienne de l’impôt dans Franklin. La Cour d’appel fédérale a rendu ses motifs du jugement le 28 janvier 2002 (2002 DTC 6803). La Cour a rejeté l’appel et retenu les motifs du jugement de la Cour canadienne de l’impôt, à savoir qu’en dépit d’une série d’erreurs de tenue de livres provoquées dans les états d’une société, « qu’elles aient été volontaires ou non », aucun avantage ne sera conféré à l’actionnaire aux termes du paragraphe 15(1) dans la mesure où l’opération aurait pu être inscrite à juste titre dans les livres et imputée au solde créditeur du compte de prêt de l’actionnaire dans la société.

 

 


20.           Donnant suite à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Franklin, le Bureau principal de la Division des appels de l’ADRC [Agence des douanes et du revenu du  Canada], à Ottawa, a fait distribuer une note de service relative aux décisions rédigée comme suit :

 

 

L’ADRC n’a pas demandé l’autorisation d’en appeler de [l’arrêt Franklin] de la Cour d’appel fédérale. La question était de déterminer si un avantage a été conféré à un actionnaire lorsque ce dernier a reçu d’une société des fonds qui n’ont pas été comptabilisés à son compte de prêt [...] Dans une décision partagée, la Cour d’appel fédérale a affirmé que la question de déterminer si un avantage a été conféré à un actionnaire était une question de fait. La Cour d’appel fédérale a ensuite rejeté l’appel de l’ADRC au motif qu’elle n’a trouvé aucune erreur manifeste ou dominante justifiant la modification de la décision du juge de la Cour canadienne de l’impôt dans la façon dont celui-ci avait évalué les faits de la cause. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a nuancé sa décision en indiquant que celle-ci n’était pas une décision tolérant les contribuables qui tiennent des registres inappropriés ou qui omettent délibérément de déclarer des transactions. Cette décision réaffirme les décisions rendues antérieurement dans les causes Chopp et Robinson et élargit la portée de ces dernières aux situations où un contribuable omet délibérément de consigner des transactions dans les états financiers d’une société. Cette cause figure sur la Liste des litiges importants. Veuillez régler toutes les oppositions et tous les appels semblables en fonction des faits propres à chaque cas et de la mise en garde de la Cour d’appel fédérale.

 

 

21.           L’arrêt Franklin, de la Cour d’appel fédérale, est présenté dans une réponse à la question 2, « Shareholder Benefits » [Avantages de l’actionnaire], de la conférence-discussion conjointe du 14 juin 2004 de l’Association du Barreau canadien et de l’ADRC, région du Pacifique. L’ADRC a répondu que l’arrêt Franklin n’a établi aucun principe juridique, soulignant que la Cour d’appel fédérale avait précisé que ce jugement « ne doit pas être interprété comme autorisant les contribuables à faire preuve de négligence dans la tenue de leurs livres ou à omettre sciemment de déclarer des opérations ». L’ADCR a ajouté :

 

 

[Traduction] Par conséquent, la position officielle de la Division des appels est que toute opposition ou tout appel similaire devrait être réglé en fonction des faits propres à chaque cas, compte tenu de la mise en garde de la Cour d’appel fédérale. 

 

 

Nous examinons actuellement l’arrêt Franklin et nous communiquerons des lignes directrices aux agents. Dans l’intervalle, tous les cas semblables devraient être réglés en fonction des faits propres à chaque cas. [...]

 

 


22.           Le demandeur déclare que la décision de la Cour canadienne de l’impôt dans Franklin, confirmée par la Cour d’appel fédérale, permet d’affirmer que le montant ou la valeur d’un avantage obtenu d’une société par un actionnaire, que l’avantage ait été obtenu de façon « volontaire [...] ou non », doit être réduit, pour l’application du paragraphe 15(1) de la Loi, du solde créditeur qui figure au compte de prêt de l’actionnaire. Il s’agit là d’un énoncé de droit clair et simple établi dans l’arrêt Franklin. Le fait pour la défenderesse de faire ouvertement abstraction de ce principe de droit et d’adopter la position selon laquelle les cas semblables devraient être réglés « en fonction des faits propres à chaque cas » équivaut à une ligne de conduite illicite et délibérée exercée dans le cadre d’une charge publique.

 

 

23.           Le demandeur soutient que la conduite de la défenderesse, décrite aux présentes, n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres de l’habitude qu’a la défenderesse de « faire ses propres règles  » en ignorant ouvertement et effrontément les principes de droit qui ne lui conviennent pas.

 

 

24.           Le demandeur soutient que la seule distinction que l’on puisse faire entre un cas et un autre, pour l’application du paragraphe 15(1), tient à l’arithmétique. En effet, le montant de l’avantage reçu par l’actionnaire doit être établi en fonction du solde créditeur de son compte de prêt d’actionnaire. Il n’y a aucune justification, si ce n’est la prise en compte de ces chiffres, pour régler les cas « en fonction des faits propres à chaque cas », puisque’une telle approche serait contraire au principe de droit établi dans l’arrêt Franklin

 

 

25.           Le demandeur déclare que les mesures que prend l’ADRC par l’entremise de ses dirigeants de la Division des appels et de la Division de la vérification du Bureau principal et par l’entremise de ses agents et employés dans tous les BSF, équivalent à une erreur délibérée dans l’application de la loi, comme l’a établi l’arrêt Franklin, et que, de ce fait, l’ADRC adopte une conduite illicite et délibérée à titre de titulaire d’une charge publique. Le demandeur estime de plus que l’ADRC était consciente du caractère illicite de sa ligne de conduite et savait que cette conduite était susceptible de causer préjudice au demandeur.

 

 

26.           Le demandeur déclare que la conduite délibérée de l’ADRC décrite ci‑dessus, en vue d’empêcher les contribuables, notamment le demandeur, de se prévaloir de la loi constitue une violation d’un pouvoir conféré par la loi, l’exercice fautif d’une charge publique, une administration négligente de la loi, un abus de pouvoir et un mépris des principes de justice fondamentale qui ont occasionné au demandeur des pertes et préjudices et donné lieu à l’enrichissement sans cause de la défenderesse.

 

 

Paragraphe 20 : non souligné dans l’original. Paragraphes 21, 22 et 24 : souligné dans l’original.]

 

 

 

c)         La défense

 

 

[6]               Le 2 août, la défenderesse a déposé sa défense.

 

[7]               Dans le mémoire des faits et du droit déposé à l’appui de la présente requête, l’avocate de la défenderesse décrit le fondement de la requête de la défenderesse, que l’on retrouve dans la défense elle-même, dans les termes suivants :


[Traduction]

1.             La défenderesse demande la radiation de l’action du demandeur parce que l’action conteste la légalité de cotisations d’impôt sur le revenu établies par le ministre du Revenu national (le ministre). Du fait qu’il réclame des dommages-intérêts pour exercice fautif d’une charge publique en ce qui a trait à des cotisations que le demandeur qualifie d’illégales, le demandeur demande nécessairement à la Cour fédérale de statuer sur la validité des cotisations. Or, la compétence exclusive pour statuer sur cette question est dévolue à la Cour canadienne de l’impôt. Par conséquent, la présente action est vouée à l’échec et elle est, dès lors, frivole et vexatoire.

 

 

2.             De plus, l’action constitue une procédure abusive, parce qu’elle vise à éluder le processus d’appel prévu par la loi pour les litiges fiscaux. Les cotisations que le demandeur conteste maintenant ont été établies à la suite d’un règlement négocié entre le demandeur et le ministre, à l’égard duquel le demandeur a renoncé à ses droits d’appel. L’action devrait donc être radiée comme étant une procédure abusive.

 

 

3.             Subsidiairement, la défenderesse sollicite une audience pour qu’il soit statué avant l’instruction le point de droit que soulève l’application de l’arrêt Franklin de la Cour d’appel fédérale. Le demandeur en l’instance fonde sa demande sur une interprétation de cet arrêt que la défenderesse estime erronée. Le fait de résoudre ce point de droit avant la tenue d’une instruction permettrait de régler une question en litige et, peut-être, de régler la demande en entier.

 

 

 

Le cadre législatif et les règles en cause

 

 

[8]             Le paragraphe 17(1) de la Loi sur les Cours fédérales[2] confère une vaste compétence concurrente à la Cour « [...] dans les cas de demande de réparation contre la Couronne ». L’alinéa 17(2)d) de cette loi précise que la compétence concurrente de la Cour inclut les demandes en dommages-intérêts formées au titre de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif[3].

 

[9]               Le paragraphe 12(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt[4] donne à ce tribunal compétence exclusive pour entendre, notamment, les appels portés devant elle sur les questions découlant de l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu[5].

 

[10]           Le paragraphe 169(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu donne au contribuable qui a signifié un avis d’opposition à une cotisation le droit d’interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Le paragraphe 171(1) de la même loi énumère les réparations que la Cour canadienne de l’impôt peut accorder lorsqu’elle statue sur un tel appel. Ces réparations ne comprennent pas la possibilité d’accorder des dommages-intérêts. Enfin, le paragraphe 152(8) de la Loi de l’impôt sur le revenu prescrit que, sous réserve des modifications qui peuvent y être apportées ou de son annulation lors d’une opposition ou d’un appel, et sous réserve d’une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être valide et exécutoire malgré toute erreur, tout vice de forme ou toute omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s’y rattachant en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[11]           Chacune des dispositions législatives susmentionnées est reproduite dans l’annexe jointe aux présents motifs.

 

[12]           L’article 221 des Règles traite de la radiation des actes de procédure. L’article est rédigé comme suit :

 

 221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d'un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

 

a) qu'il ne révèle aucune cause d'action ou de défense valable;

 

b) qu'il n'est pas pertinent ou qu'il est redondant;

 

c) qu'il est scandaleux, frivole ou vexatoire;                                                                   

 

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

 

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

 

(b) is immaterial or redundant,

 

(c) is scandalous, frivolous or vexatious,

 

 

d) qu'il risque de nuire à l'instruction équitable de l'action ou de la retarder;

 

e) qu'il diverge d'un acte de procédure antérieur;

 

f) qu'il constitue autrement un abus de procédure.Elle peut aussi ordonner que l'action soit rejetée ou qu'un jugement soit enregistré en conséquence.

 

(2) Aucune preuve n'est admissible dans le cadre d'une requête invoquant le motif visé à l'alinéa (1)a).

 

 

 

 

 

 

(d) may prejudice or delay the fair trial of the action,

 

(e) constitutes a departure from a previous pleading, or

 

(f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

 

(2) No evidence shall be heard on a motion for an order under paragraph (1)(a).

 

[13]           Enfin, l’alinéa 220(1)a) des Règles prévoit la possibilité de demander à la Cour de statuer avant l’instruction sur tout point de droit qui peut être pertinent dans le cadre d’une action; le paragraphe 220(2) prévoit quel doit être le contenu d’une ordonnance prescrivant qu’il soit statué avant l’instruction sur un point de droit, et le paragraphe 220(3) précise que la décision prise ainsi est définitive aux fins de l’action. L’alinéa 220(1)a) et les paragraphes 220(2) et (3) des Règles sont rédigés comme suit :

 


 

220. (1) Une partie peut, par voie de requête présentée avant l'instruction, demander à la Cour de statuer sur :

 

a) tout point de droit qui peut être pertinent dans l'action;

 

 

                                                ...            

 

 

(2) Si la Cour ordonne qu'il soit statué sur l'un des points visés au paragraphe (1), elle :

 

 

a) donne des directives sur ce qui doit constituer le dossier à partir duquel le point sera débattu;

 

 

b) fixe les délais de dépôt et de signification du dossier de requête;

 

 

c) fixe les date, heure et lieu du débat.

 

 

(3) La décision prise au sujet d'un point visé au paragraphe (1) est définitive aux fins de l'action, sous réserve de toute modification résultant d'un appel.

 

 

 

220. (1) A party may bring a motion before trial to request that the Court determine

 

 

(a) a question of law that may be relevant to an action;

 

 

                                                ...                            

 

 

(2) Where, on a motion under subsection (1), the Court orders that a question be determined, it shall

 

 

(a) give directions as to the case on which the question shall be argued;

 

 

(b) fix time limits for the filing and service of motion records by the parties; and

 

 

(c) fix a time and place for argument of the question.

 

 

(3) A determination of a question referred to in subsection (1) is final and conclusive for the purposes of the action, subject to being varied on appeal.

 

 

 

Analyse

 

a) La radiation de la déclaration

 

(i) Principes généraux

 

 

[14]           Dans l’arrêt Hunt c. Carey Canada Inc.[6], la Cour suprême du Canada a établi que le critère à appliquer pour la radiation d’un acte de procédure, au Canada, consiste à décider s’il est évident et manifeste que la demande ne révèle aucune cause raisonnable d’action ou de défense. Dans l’arrêt Main Rehabilitation Co. Ltd. c. Sa Majesté la Reine[7], le juge Rothstein, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, a écrit au paragraphe [3] :


Le critère à appliquer en matière de radiation consiste à déterminer s’il est évident et manifeste que l’avis d’appel que Main a déposé devant la Cour de l’impôt ne révèle aucun moyen raisonnable d’appel. Les passages en cause de son acte de procédure ne seront radiés que s’il est certain que son appel est voué à l’échec. Comme nous l’avons déjà signalé, les allégations de l’avis d’appel sont tenues pour avérées [...] [référence à l’arrêt Hunt c. Carey omise]

 

 

 

 

 

Dans l’arrêt Swift c. Sa Majesté la Reine[8], le juge Sexton, s’exprimant au nom de la Cour dans le cadre de l’appel d’un contribuable agissant seul, a écrit au paragraphe [9] :

Bien que la déclaration soit un récit plutôt décousu qui se rattache aux mesures prises par l’ADRC, et qu’elle manque de détails concernant les allégations de fraude, il n’est pas si évident qu’elle soit frivole et vexatoire. Il n’est pas certain que cette action ne puisse pas être accueillie.

 

 

 

 

 

En conséquence, la Cour d’appel a statué que, vu les faits en l’espèce, la déclaration n’aurait pas dû être radiée.

 

[15]           Il n’a pas été contesté, en l’instance, qu’un acte de procédure concernant une cause d’action pour laquelle la Cour n’a pas compétence constitue en soi une procédure abusive et justifie la radiation de la demande[9].

 


[16]           Enfin, en matière de radiation d’actes de procédure, le principe général est qu’une partie ne peut pas demander la radiation d’un acte de procédure après avoir elle-même déposé un acte de procédure en réponse, comme c’est le cas en l’espèce. Toutefois, ce principe général ne s’applique pas dans les cas où l’acte de procédure déposé en réponse conteste l’acte de procédure attaqué pour les mêmes motifs que ceux qui sous-tendent la requête en radiation[10].

 

(ii) Application de ces principes à la présente instance

 

 

[17]           L’avocate de la défenderesse soutient que la déclaration devrait être radiée parce que la demande consiste en réalité en la contestation d’une cotisation, alors que la compétence exclusive pour statuer sur une contestation de cette nature est dévolue à la Cour canadienne de l’impôt. La Cour, souligne-t-elle, a déjà statué que le régime législatif qui régit les appels des cotisations d’impôt sur le revenu constitue un code exhaustif[11]. Selon l’avocate, le fait de décrire la cause d’action comme une  contestation relative à la façon dont le ministre s’est comporté quand il a établi la cotisation n’a pas pour effet de transférer la question soulevée dans l’action en dehors du domaine de compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt, puisque la réparation recherchée est indissociable d’une contestation de la cotisation[12].

 


[18]           L’avocat du demandeur, au contraire, soutient que la demande en dommages-intérêts du demandeur, à titre de recours collectif envisagé, est légitime. Il prétend que la demande est fondée sur une administration de mauvaise foi et l’exercice fautif d’une charge publique, et il assure que le recours ne remet en question ni directement, ni indirectement la cotisation qui est à l’origine du comportement en litige.  En conséquence, plaide-t-il, la demande relève de la compétence concurrente de la Cour et non de la compétence de la Cour canadienne de l’impôt, et il n’y a donc aucun fondement justifiant la radiation de la déclaration, dont on ne peut dire qu’elle ne révèle aucune cause d’action raisonnable, ni qu’elle est un recours abusif à la procédure de la Cour.

 

[19]           Dans l’arrêt Swift c. Sa Majesté la Reine[13], le juge Sexton a écrit, au nom de la Cour d’appel fédérale :

La prétention de l’appelant, bien qu’elle qualifie les cotisations de frauduleuses, ne cherche pas à faire annuler les cotisations. Essentiellement, il réclame des dommages-intérêts pour les mesures frauduleuses prises par les fonctionnaires de l’ADRC au cours de l’établissement des cotisations. Cette réclamation en dommages-intérêts n’a pas été décidée antérieurement par la Cour canadienne de l’impôt et ne relève pas de sa compétence [...].

 

 

 

Je suis convaincu qu’on peut en dire autant en l’espèce. En conséquence, comme il a été mentionné précédemment, j’ai averti les avocats, au terme de l’audition de la présente requête, que la réparation demandée par la défenderesse, à savoir la radiation de la déclaration, sera refusée.

 


b) Décision préliminaire sur un point de droit

 

 

[20]           Subsidiairement, la défenderesse demande à la Cour de statuer sur le point de droit suivant :

[Traduction] L’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Franklin c. Ministre du Revenu national [sic] oblige-t-il le ministre à effectuer une compensation entre un avantage conféré au titre du paragraphe 15(1) et tout prêt de l’actionnaire consigné par le contribuable, quelles que soient les circonstances, et empêche-t-il le ministre d’examiner les cas visés au paragraphe 15(1) en fonction des faits particuliers de chacun, dans tous les cas et quelles que soient les circonstances?

 

 

L’avocate de la défenderesse fait remarquer que les paragraphes 18 à 25 de la déclaration du demandeur traitent longuement de l’interprétation de l’arrêt Franklin, que la question proposée est une question de droit pure, que cette question n’est pas théorique et que le fait de statuer sur ce point réglerait une partie importante du litige entre les parties, peut-être même l’action en entier.

 

[21]           L’avocat du demandeur déclare ce qui suit dans le mémoire des faits et du droit du demandeur :

[Traduction] Le demandeur ne s’oppose pas à la requête subsidiaire de la défenderesse pour que la Cour statue sur un point de droit.

 

 

 


À l’audience, l’avocat du demandeur est allé plus loin et a essentiellement adopté la terminologie de la question proposée.  Cela dit, lorsque les parties ont été informées, au terme de l’audience, de ce que serait le résultat de la requête, l’avocate de la défenderesse a laissé entendre qu’il se pourrait, en réalité, que la défenderesse propose une question relative à un autre point de droit. La Cour a invité les avocats des parties à se consulter, ce à quoi ils se sont engagés, et à informer la Cour du résultat de leurs discussions. Les avocats sont invités à discuter ensemble des questions qu’il pourrait convenir de traiter au regard du paragraphe 220(2) des Règles relativement à une ordonnance prescrivant qu’il soit statué avant l’instruction sur un point de droit.  

 

[22]           Les avocats sont priés de faire connaître à la Cour, au plus tard quinze (15) jours suivant la date des présents motifs, le résultat de leurs discussions. Suivra une ordonnance qui donnera effet aux présents motifs.

 

Dépens

 

 

 

[23]           Les dépens de la présente requête suivront l’issue de la cause.

 

 

 

 

           « Frederick E. Gibson »

                                                                                                     Juge                       

 

Ottawa (Ontario)

Le 14 octobre 2005

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


                                              ANNEXE

 

 

                                 Loi sur les Cours fédérales

 

 

 

17. (1) Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, la Cour fédérale a compétence concurrente, en première instance, dans les cas de demande de réparation contre la Couronne.

 

(2) Elle a notamment compétence concurrente en première instance, sauf disposition contraire, dans les cas de demande motivés par_:

 

 

[...]

 

 

d) une demande en dommages‑intérêts formée au titre de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif.

 

 

 

17. (1) Except as otherwise provided in this Act or any other Act of Parliament, the Federal Court has concurrent original jurisdiction in all cases in which relief is claimed against the Crown.

 

 

(2) Without restricting the generality of subsection (1), the Federal Court has concurrent original jurisdiction, except as otherwise provided, in all cases in which

 

 

...

 

 

(d) the claim is for damages under the Crown Liability and Proceedings Act.

 

 

 

 

 

                                     Loi sur la Cour canadienne de l’impôt

 

 

 

12. (1) La Cour a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels portés devant elle sur les questions découlant de l'application de la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, de la partie V.1 de la Loi sur les douanes, de la Loi sur l'assurance‑emploi, de la Loi de 2001 sur l'accise, de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, de la Loi de l'impôt sur le revenu, de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et de la Loi de l'impôt sur les revenus pétroliers, dans la mesure où ces lois prévoient un droit de renvoi ou d'appel devant elle.

 

 

 

12. (1) The Court has exclusive original jurisdiction to hear and determine references and appeals to the Court on matters arising under the Air Travellers Security Charge Act, the Canada Pension Plan, the Cultural Property Export and Import Act, Part V.1 of the Customs Act, the Employment Insurance Act, the Excise Act, 2001, Part IX of the Excise Tax Act, the Income Tax Act, the Old Age Security Act and the Petroleum and Gas Revenue Tax Act, where references or appeals to the Court are provided for in those Acts.

 

 


                                               Loi de l’impôt sur le revenu

 

169. (1) Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposition à une cotisation, prévu à l'article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation:

 

a) après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

 

 

b) après l'expiration des 90 jours qui suivent la signification de l'avis d'opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu'il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

 

 

toutefois, nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l'expiration des 90 jours qui suivent la date où avis a été expédié par la poste au contribuable, en vertu de l'article 165, portant que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

 

 

                                               ---

 

171. (1) La Cour canadienne de l'impôt peut statuer sur un appel:

 

 

a) en le rejetant;

 

 

b) en l'admettant et en:

 

 

(i) annulant la cotisation,

 

 

(ii) modifiant la cotisation,

 

 

(iii) déférant la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

 

 

                                               ---

 

152(8) Sous réserve des modifications qui peuvent y être apportées ou de son annulation lors d'une opposition ou d'un appel fait en vertu de la présente partie et sous réserve d'une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être valide et exécutoire malgré toute erreur, tout vice de forme ou toute omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s'y rattachant en vertu de la présente loi.

 

 

 

169. (1) Where a taxpayer has served notice of objection to an assessment under section 165, the taxpayer may appeal to the Tax Court of Canada to have the assessment vacated or varied after either

 

 

(a) the Minister has confirmed the assessment or reassessed, or

 

 

(b) 90 days have elapsed after service of the notice of objection and the Minister has not notified the taxpayer that the Minister has vacated or confirmed the assessment or reassessed,

 

 

 

but no appeal under this section may be instituted after the expiration of 90 days from the day notice has been mailed to the taxpayer under section 165 that the Minister has confirmed the assessment or reassessed.

 

 

 

 

                                               ---

 

 

171. (1) The Tax Court of Canada may dispose of an appeal by

 

 

(a) dismissing it; or

 

 

(b) allowing it and

 

 

(i) vacating the assessment,

 

 

(ii) varying the assessment, or

 

 

(iii) referring the assessment back to the Minister for reconsideration and reassessment.

 

 

                                               ---

 

 

s. 152(8) An assessment shall, subject to being varied or vacated on an objection or appeal under this Part and subject to a reassessment, be deemed to be valid and binding notwithstanding any error, defect or omission in the assessment or in any proceeding under this Act relating thereto.

 

 

                                                                       


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                            T-1040-05

 

 

INTITULÉ :                           JULIUS ROITMAN

 

- et -

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :     VANCOUVER (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :   LE 23 SEPTEMBRE 2005

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LE JUGE GIBSON

 

DATE DES MOTIFS :          LE 14 OCTOBRE 2005

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Craig C. Sturrock                     POUR LE DEMANDEUR

James M. Poyner

 

David Jacyk                             POUR LA DÉFENDERESSE

Lisa M. Macdonell

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Thorsteinssons LLP                  POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (C.-B.)

 

Poyner Baxter LLP

North Vancouver (C.-B.)

 

John H. Sims, c.r.                     POUR LA DÉFENDERESSE


Sous-procureur général du Canada



[1]           DORS/98-106.

[2]L.R.C. 1985, ch. F-7.

[3]L.R.C. 1985, ch. C-50.

[4]L.R.C. 1985, ch. T-2.

[5]L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.).

[6]           [1990] 2 R.C.S. 959.

[7]              2004 DTC 672 (C.A.F.).

[8]              2004 DTC 6651 (C.A.F.).

[9]           Voir : Weider & Weider Sports Equipment Co. Ltd. c. Beco Industries Ltd. et al. (1976), 29 C.P.R. (2d) 175 (C.F. 1re inst.).

[10]          Voir : Ricafort et al. c. Canada (1988), 24 F.T.R. 200 et Dene Tsaa First Nation c. Canada, [2001] A.C.F. no 1177 (C.F. 1re inst.), modifiée sur un autre point, [2002] A.C.F. no 427 (C.A.F.).

[11]          Water’s Edge Village Estates (Phase II) Ltd. c. Sa Majesté la Reine(1994), 94 D.T.C. 6284, à la page 6285.

[12]          422252 Alberta Ltd. c. Canada, [2004] 1 C.T.C. 73, aux paragraphes 27 à 34 et 38 (C.S.C.-B.).

[13]          Précité, note 8.

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