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Date : 20040518

Dossier : T-2414-03

Référence : 2004 CF 718

ENTRE :

                                                         HÉLÈNE GALARNEAU

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                             et

                                  SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA (SCC)

                                                                                                                                          défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

Introduction

[1]                La requête à l'étude des défendeurs soulève la question quant à savoir si en matière de recours collectif cette Cour doit rejeter avant l'étape de l'audition de la requête en autorisation l'action de la demanderesse déposée à titre de recours collectif envisagé.

[2]                Les défendeurs réclament le rejet de cette action au motif d'absence de compétence ratione materiae de cette Cour vu essentiellement la présence d'une procédure de grief et d'arbitrage à la convention collective signée entre les parties.

[3]                Les défendeurs portent cette question à l'attention de la Cour par le biais d'une requête en radiation de la déclaration d'action de la demanderesse et en rejet de son action en vertu de l'alinéa 208d) et de l'alinéa 221(1)a) des Règles de la Cour fédérale (1998) (les règles).[1]

[4]                Il ressort que la question posée se présente vraisemblablement pour la première fois devant cette Cour.

Contexte

[5]                La demanderesse, Hélène Galarneau, est un agent correctionnel à l'emploi du Service correctionnel du Canada aux termes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, 1992, ch. 20.

[6]                Dans sa déclaration d'action, Madame Galarneau demande de représenter :

Toute personne travaillant ou ayant travaillé dans un pénitencier au Québec en tant qu'Agent de Correction 1 et 2 et qui, dans ses lieux de travail, était ou est actuellement exposée à la fumée qui résulte de l'usage du tabac.

[7]                La demanderesse reproche à son employeur, soit les défendeurs, de ne pas respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la Loi sur la santé des non-fumeurs, L.R. (1985), ch. 15 (4e suppl.) telle que modifiée (paragraphes 4.16 à 4.21 et 7.1 à 7.4 de la déclaration) : les agents de correction seraient illégalement exposés à la fumée secondaire de la cigarette dans le cadre de l'exercice de leur emploi.

[8]                Cette exposition à la fumée secondaire porterait atteinte à l'égalité et à la sécurité des employés, dérogeant ainsi à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (paragraphes 7.5 à 7.6 de la déclaration).


[9]                Au surplus, l'exposition à la fumée secondaire constituerait, selon la demanderesse, un manquement en matière de santé et sécurité au travail en vertu du Code canadien du travail, L.R. (1985), ch. L-2, tel que modifié (paragraphe 7.7 de la déclaration).

[10]            La demanderesse allègue que ces manquements sont des fautes civiles donnant droit à des dommages et intérêts, dommages intérêts exemplaires et à une injonction, d'où le présent recours.

[11]            Conformément à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R. (1985), ch. P-35 (la LRTFP), la demanderesse ainsi que tous les agents correctionnels qu'elle demande de représenter sont à l'emploi de Sa Majesté en chef du Canada représentée par le Conseil du trésor.

[12]            La demanderesse fait par ailleurs partie du Syndicat des agents correctionnels du Canada, lequel est l'unique représentant de la demanderesse et de tous les employés du Service correctionnel du groupe qu'elle cherche à représenter auprès du Conseil du trésor.


[13]            Le 2 avril 2001, la demanderesse de même que tous les agents correctionnels ont signé, via leur syndicat, une convention collective, soit la Convention entre le Conseil du Trésor et le Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN Groupe : Services correctionnels (non surveillants et surveillants) (la Convention collective).

[14]            Les questions concernant les relations de travail de même que les conditions de travail, les conditions d'emploi et la rémunération de la demanderesse en tant qu'agent correctionnel, de même que celles de tous les membres du groupe qu'elle demande à représenter aux fins du recours collectif sont régies par les parties 2, 3, 4 et 5 de la Convention collective.

[15]            Notamment, la Convention collective décrit les mesures que doit prendre l'employeur en matière de santé et sécurité au travail. Entre autres, l'article 18.01 de la Convention collective stipule que :

L'Employeur prend toute mesure raisonnable concernant la santé et la sécurité au travail des employé(e)(s). Il fera bon accueil aux suggestions de l'Agent négociateur à cet égard, et les parties s'engagent à se consulter en vue d'adopter et de mettre rapidement en oeuvre toutes les procédures et techniques raisonnables destinées à prévenir ou à réduire les risques d'accidents de travail.

[Non souligné dans l'original.]

[16]            La Convention collective prévoit également un mécanisme définitif de règlement de tout différend lorsqu'un employé se sent lésé par l'inaction de son employeur quant aux mesures concernant la santé et la sécurité au travail des employés. L'article 20.02 de la Convention collective stipule que :

Sous réserve de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et conformément aux dispositions dudit article, l'employé-e qui estime avoir été traité de façon injuste ou qui se considère lésé par une action ou l'inaction de l'Employeur au sujet de questions autres que celles qui découlent du processus de classification, a le droit de présenter un grief....


[17]            L'article 91 de la LRTFP prévoit par ailleurs que :

91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :

(i) soit d'une disposition législative, d'un règlement -- administratif ou autre --, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,

(ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

91. (1) Where any employee feels aggrieved

(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of

(i) a provision of a statute, or of a regulation, by-law, direction or other instrument made or issued by the employer, dealing with terms and conditions of employment, or

(ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award, or

(b) as a result of any occurrence or matter affecting the terms and conditions of employment of the employee, other than a provision described in subparagraph (a)(i) or (ii),

in respect of which no administrative procedure for redress is provided in or under an Act of Parliament, the employee is entitled, subject to subsection (2), to present the grievance at each of the levels, up to and including the final level, in the grievance process provided for by this Act.

[Non souligné dans l'original.]

[18]            De plus, le Parlement a, au Code canadien du travail que la demanderesse invoque, prescrit un régime législatif complet régissant les relations de travail en matière de santé et sécurité au travail.

[19]            En effet, aux termes de la Partie II dudit code intitulée « Santé et sécurité au travail » , l'employé qui croit à l'existence d'une situation dont est susceptible de résulter un accident ou une maladie lié à l'occupation d'un emploi, doit adresser une plainte à cet égard à son supérieur hiérarchique, laquelle plainte, en l'absence de règlement pourra faire l'objet d'une enquête, d'une décision d'un agent de santé et sécurité et, finalement, d'une décision de l'agent d'appel (articles 127.1 et suivants dudit code).

Analyse

[20]            J'entends aborder la présente analyse en regardant premièrement si la requête des défendeurs doit être vue comme prématurée.

[21]            Si tel n'est pas le cas, et que, partant, ladite requête peut être présentée avant l'audition de la requête en autorisation, nous évaluerons si l'essence du recours entrepris par la demanderesse épuise la compétence de cette Cour au profit des mécanismes que la convention collective et le Code canadien du travail prévoient aux fins de règlement du différend qui oppose la demanderesse à son employeur.

I.           Caractère prématuré de la requête en rejet des défendeurs ?

[22]            S'appuyant essentiellement sur quelques arrêts issus des tribunaux provinciaux au Québec, la demanderesse soutient qu'il devrait appartenir idéalement au juge appelé à statuer sur le mérite du recours collectif de se pencher sur l'absence alléguée de compétence ratione materiae de la Cour.

[23]            Sous le pire des scénarios, la demanderesse soutient que cette question devrait être déférée au juge qui pourrait être appelé à se prononcer, en vertu du paragraphe 299.12(3) des règles et de la règle 299.17, sur la requête en autorisation de l'action comme recours collectif.

[24]            À l'encontre de cette position, les défendeurs soutiennent que le texte même des règles fait que leur requête est admissible puisque l'instance entreprise par la demanderesse est déjà à ce stade-ci une « action » et qu'il est possible de faire valoir à l'encontre d'une action les alinéas 208d) et 221(1)a) des règles.

[25]            Je pense que cette position des défendeurs se tient en soi et n'est pas affaiblie par le fait que l'on pourrait considérer que la règle 299.1, qui réfère à l'utilisation des règles touchant aux actions, est limitée aux « recours collectifs » , c'est-à-dire à une action une fois qu'elle a été autorisée à procéder comme recours collectif. Cette règle 299.1 se lit :

299.1 Dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les règles 299.12 à 299.42, les règles applicables aux actions s'appliquent aux recours collectifs.

299.1 Except to the extent that they are incompatible with rules 299.12 to 299.42, the rules applicable to actions apply to class actions.

[26]            En d'autres termes, si l'action présente de la demanderesse ne peut être attaquée à ce stade-ci via la règle 299.1, il n'en demeure pas moins qu'elle est est néanmoins une action simple et que, partant, les alinéas 208d) et 221(1)a) des règles sont accessibles directement et immédiatement.

[27]            Par ailleurs, je ne crois pas non plus que l'alinéa 299.18(1)a) des règles empêche à ce stade-ci la requête des défendeurs puisque de par son économie il se restreint à l'appréciation de la présence d'une cause d'action valable. L'appréciation de la compétence ratione materiae de cette Cour est une question différente. L'alinéa 299.18(1)a) se lit :

299.18(1) Sous réserve du paragraphe (3), le juge autorise une action comme recours collectif si les conditions suivantes sont réunies :

a) les actes de procédure révèlent une cause d'action valable ;

299.18(1) Subject to subsection (3), a judge shall certify an action as a class action if

(a) the pleadings disclose a reasonable cause of action;

[28]            Par ailleurs, même si l'on doit s'en rapporter à la jurisprudence, il ressort qu'il est valable de faire valoir une requête pour absence de compétence ratione materiae avant même l'étape de l'autorisation de l'action comme recours collectif.

[29]            On doit réaliser dans un premier temps que les règles de notre Cour en matière de recours collectif ne sont pas basées exclusivement sur le modèle de l'une des provinces, mais s'inspirent des régimes existant au Québec, en Ontario et en Colombie-britannique.

[30]            En effet, tel qu'il est mentionné en page 652 par les auteurs Sgayias et autres dans leur volume intitulé Federal Court Practice (édition de 2004) :

The new class action rules for the Federal Court were adopted following extensive consultation stimulated by the discussion paper, Class Proceedings in the Federal Court of Canada, published by the Rules Committee in June 2000. The Committee drew upon the experience under the legislative schemes of Quebec, Ontario and British Columbia. However, neither the Committee's initial proposals nor the final rules are modelled on any one of the provincial schemes.

[31]            En notre Cour, dans l'affaire Always Travel Inc. v. Air Canada, [2003] F.C.J. No. 288, le juge Hugessen en établissant une ordonnance d'échéancier dès le début d'un recours collectif envisagé a prévu la possibilité que les défendeurs fassent valoir des requêtes préliminaires. Au paragraphe 1 de cette décision, la Cour indique :

[1]            This is a proposed class action proceeding in which I have been appointed as case management judge. At a first case management conference held on November 26, 2002, I heard all counsel and then I gave an order directing first, that the plaintiffs had leave to file an amended statement of claim, and second, that the defendants should file all their preliminary motions by January 13, 2003 including a motion to extend the time for the filing of the statements of defence. The actual terms of the relevant parts of that order are as follows:

1.              Plaintiffs are to serve and file an amended statement of claim no later than December 6, 2002.

2.              All preliminary motions by defendants are to be served and filed by January 13, 2003, including the motion for extension of time to file their defence.

[32]            Dans l'arrêt Holmes v. London Life Insurance Co. (2000), 50 O.R. (3d) 388, la Cour supérieure de l'Ontario indique en page 391 ce qui suit :


[7] Where the class proceeding is by way of a civil action with a statement of claim, significant issues are routinely dealt with prior to certification. This can include a determination of the merits through summary judgment by way of a Rule 20 motion to the effect that there is no genuine issue for trial. Indeed, the Ontario Court of Appeal has approved the procedure of pre-certification summary judgment motions: Stone v. Wellington (County) Board of Education (1999), 29 C.P.C. (4th) 320 (Ont. C.A.) at p. 322.

[8] It is also not uncommon for a Rule 21 motion to be brought by a defendant asserting that the statement of claim does not disclose any reasonable cause of action.

[9] Rules 20 and 21 apply to civil actions and not to a proceeding commenced by application. An application is summary by nature and is generally a less expensive and more expeditious procedure for determining a dispute: see Zavitz Technology Inc. v. 146732 Canada Inc. (1991), 49 C.P.C. (2d) 26 (Ont. Gen. Div.) at paras. 43-45. In this sense, an application by its inherent nature involves a streamlined procedure that is similar to that seen in respect of motions under Rules 20 and 21. The applicant in the case at hand chose to proceed by way of application.

[33]            En 2001, cette même cour, dans l'arrêt Moyes v. Fortune Financial Corp., [2001] O.J. No. 4455, en refusant une requête pour jugement sommaire avant l'étape de l'autorisation du recours en recours collectif a tenu néanmoins à indiquer ce qui suit quant aux requêtes préliminaires :

Having said that, however, I do not wish to be seen as attempting to lay down any general rule that does not allow of exceptions. I recognize that there are some preliminary motions which may necessarily need to be determined in advance of a certification motion. The most obvious is a motion under Rule 21 for a determination that the claim does not disclose a reasonable cause of action. While the existence of a reasonable cause of action is a consideration on the certification motion, the practical reality is that, if the defendant can establish there is no reasonable cause of action revealed by the statement of claim at all, there would be a strong argument in favour of determining that discreet issue before all of the costs attendant on a certification motion were incurred by the parties.


[34]            Quant à la situation au Québec, je pense tout comme les défendeurs que la jurisprudence dominante dans cette province établit qu'il est à propos de soulever l'absence de compétence ratione materiae à la première occasion. Une revue fort complète de la situation se retrouve contenue aux propos du juge Crépeau de la Cour supérieure du Québec dans la décision de cette cour du 17 décembre 2002 dans l'arrêt Option Consommateurs c. Servier Canada inc., [2002] J.Q. no 5672.

[35]            Puisqu'il appuiera leurs vues en analyse, il est à propos de prendre cet arrêt au paragraphe 64, soit à l'étape où la cour revoit les propos de l'auteur Me Yves Lauzon ainsi que la décision du juge Taschereau dans l'arrêt Laprise c. Boisclair, C.S. (Québec) no 200-06-000006-000 :

64             LE RECOURS COLLECTIF. Me YVES LAUZON, Éditions Yvon Blais Inc. 2001. Me Lauzon écrit à la page 22 :

"Compte tenu de cette structure procédurale propre au recours collectif et particulièrement de la nature même de la procédure d'autorisation, la jurisprudence a systématiquement rejeté les moyens préliminaires portant sur des questions qui font expressément partie du débat d'autorisation en vertu des articles 1002 et 1003 C.p.c."

65             Par contre, l'auteur ajoute :

"D'autre part, dans la logique du principe exposé ci-avant, les moyens préliminaires portant sur des questions autres que celles visées dans les critères d'autorisation ont été jugés recevables parce qu'ils ne faisaient pas double emploi avec cette procédure."

66             L'auteur ajoute :

La juridiction ratione materiae :

"Les requêtes en irrecevabilité invoquant l'absence de juridiction ratione materiae de la Cour supérieure ont donc été jugées recevables au stade de l'autorisation. Il s'agit là d'une question fondamentale qui doit être soulevée à la première occasion. Elle doit en effet être décidée préalablement, parce que le Tribunal doit nécessairement avoir juridiction ratione materiae pour statuer sur les critères d'autorisation."

67             Quant à la juridiction ratione loci, Me Yves Lauzon rappelle que la Cour d'appel dans l'arrêt Masson suggère que cette question peut et doit être décidée par le juge saisi de la requête en autorisation, comme l'avait fait le juge de première instance.

68             L'auteur cite aussi deux autres décisions de la Cour supérieure sur une requête en exception déclinatoire portant sur la juridiction ratione loci au stade de l'autorisation, savoir :


Larochelle c. St-Hubert, [1998] J.Q. no 4704, Cour supérieure de Longueuil No 505-06-000001-979, 24 mars 1998, Honorable juge Gilles Mercure; quelle disposition voulez-vous?

Recherches Internationales Québec c. Cambior, [1998] Q.J. No. 2554, Cour supérieure de Montréal, juge Maughan, J.E. 98-1905.

69             Laprise c. Boisclair, Cour supérieure, district de Québec No 200-06-000006-000, l'Honorable juge Georges Taschereau.

70             Dans le cadre d'une requête en autorisation d'exercer un recours collectif par la requérante bénéficiaire de prestations de l'aide à l'emploi c. Le ministre de la solidarité sociale et La procureure générale du Québec, l'Honorable juge Georges Taschereau a accueilli une requête en exception déclinatoire au motif d'incompétence ratione materiae de la Cour supérieure avant l'audition de la requête en autorisation. La requête en autorisation a été rejetée sur l'exception déclinatoire au motif que la requérante devait s'adresser au Tribunal administratif du Québec, auquel la loi sur la Justice Administrative avait conféré une compétence exclusive à l'égard des décisions du ministre prises en vertu de la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale.

71             S'appuyant sur les articles 1010.1 et 1012 C.p.c., le Tribunal écrit :

"La compétence ratione materiae du Tribunal saisi d'un litige est une question de fond, et le moyen déclinatoire fondé sur l'absence de telle compétence peut, en vertu de l'article 165 C.p.c., être soulevé en tout état de cause."

Art. 165

"Le défendeur peut opposer l'irrecevabilité de la demande et conclure à son rejet :

1) S'il y a litispendance ou chose jugée;

2) Si l'une ou l'autre des parties est incapable ou n'a pas qualité;

3) Si le demandeur n'a manifestement pas d'intérêt;

4) Si la demande n'est pas fondée en droit, supposé même que les faits allégués soient vrais."

Cette règle est d'ordre public. Aussi, le Tribunal saisi d'une requête soulevant cette question doit se prononcer immédiatement. Il faut éviter que les autres moyens et le fond même du litige soit décidé par un Tribunal qui serait déclaré plus tard incompétent.

...


Si la Cour supérieure n'a pas compétence ratione materiae à l'égard d'un litige, il est difficilement imaginable, sur le plan logique, qu'elle l'ait davantage pour entendre la requête pour autorisation de l'exercer collectivement. Sa compétence ratione materiae pour disposer de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif est en somme tributaire de sa compétence ratione materiae sur le fond du litige."

72             Dans Ville de Montréal c. La Procureur Générale du Québec et Paolo Vena, 500-06-000102-000, l'Honorable juge François Bélanger, dans une décision du 6 septembre 2000, a accueilli une exception déclinatoire à l'encontre d'une requête en autorisation d'exercer un recours collectif.

73             Le Tribunal s'exprime ainsi :

"Les requérants font valoir in limine litis que cette Cour devrait reconnaître qu'elle n'a pas compétence à raison de l'objet dont elle est saisie, et qu'au surplus, l'intimé n'a pas l'intérêt juridique voulu.

Après audition des parties et considération de l'abondante jurisprudence invoquée, cette Cour en vient d'abord à la conclusion qu'une exception déclinatoire ratione materiae peut être présentée à l'encontre du recours entrepris par l'intimé."

74             Les requêtes en exceptions déclinatoires ratione materiae ont été accueillies avec dépens.

75             En Appel, par Arrêt rendu séance tenante le 11 septembre 2002, la Cour d'appel a confirmé le jugement du juge François Bélanger en ajoutant que la Cour municipale avait seule compétence pour disposer de toute demande relative aux frais et de décider de toute question de droit afférente au recours que l'appelant Paolo Vena voulait exercer et a en conséquence, rejeté l'appel avec dépens.

[Non souligné dans l'original.]

[36]            En analyse, le juge Crépeau résume comme suit sa compréhension de l'état du droit sur les exceptions déclinatoires ratione materiae :

LES EXCEPTIONS DÉCLINATOIRES RATIONE MATERIAE :

103           Me Yves Lauzon est catégorique : ces exceptions devraient être entendues avant l'autorisation.

104           La Cour d'appel dans Hotte c. Servier, dans un cas de litispendance a accueilli la requête avant autorisation.


105           Monsieur le juge Georges Taschereau a accueilli la requête avant autorisation.

106           La Cour d'appel a confirmé la décision du juge Bélanger dans Procureure Générale et Paolo Vena et accueilli l'exception déclinatoire avant autorisation.

107           Dans Laboratoires Abbott, le juge Ryan l'avait refusée au stade d'autorisation mais la juge Laberge l'a accueillie au stade du mérite du recours.

108           Dans Projet Genèse, et Garantie Universelle, les juges Guthrie et Trudel ont refusé l'exception déclinatoire avant autorisation et déféré la décision au juge d'autorisation.

109           Nous pouvons donc, avec toute déférence, conclure que, généralement, la Cour supérieure et la Cour d'appel demeurent fidèles à la décision rendue dans l'arrêt Thompson c. Masson et défèrent au juge d'autorisation des requêtes en exception déclinatoires ratione loci.

110           Par contre, en matière de compétence ratione materiae, ou de litispendance, la Cour d'appel et la Cour supérieure ont décidé de la compétence de la Cour avant l'autorisation dans trois (3) cas et deux juges ont déféré la requête à l'autorisation.

111           Le Professeur Lauzon préconise l'approche préliminaire à l'autorisation.

(Voir également l'arrêt de la Cour supérieure du Québec du 13 juin 2003 dans Nutri-Mer inc. c. Avantage Link inc., [2003] J.Q. no 7469, aux paragraphes 8 à 19.)

[37]            Par ailleurs, la demanderesse soulève avec force qu'au stade présent l'aspect collectif du recours en l'espèce n'est pas encore défini et qu'une série de points de droit et de faits ne pourront être appréciés dans leur collectivité qu'au stade du mérite ou, du moins, qu'au stade de l'autorisation.


[38]            Je pense que cet argument de la demanderesse pose carrément un faux dilemme lorsqu'il s'agit d'apprécier la compétence ratione materiae de la Cour. Faire droit à un tel argument serait reconnaître aux règles de cette Cour en matière de recours collectifs un pouvoir attributif de compétence. Or, tel ne peut être le cas. De plus, tel que mentionné clairement par le juge Taschereau dans un passage de l'arrêt Laprise cité plus avant au paragraphe [35] au sujet de la règle de la compétence ratione materiae :

Cette règle est d'ordre public. Aussi, le Tribunal saisi d'une requête soulevant cette question doit se prononcer immédiatement. Il faut éviter que les autres moyens et le fond même du litige soit décidé par un Tribunal qui serait déclaré plus tard incompétent.

...

Si la Cour supérieure n'a pas compétence ratione materiae à l'égard d'un litige, il est difficilement imaginable, sur le plan logique, qu'elle l'ait davantage pour entendre la requête pour autorisation de l'exercer collectivement. Sa compétence ratione materiae pour disposer de la requête pour autorisation d'exercer un recours collectif est en somme tributaire de sa compétence ratione materiae sur le fond du litige.

[39]            Cette approche d'apprécier la compétence ratione materiae de façon préliminaire face à l'action individuelle introduite est clairement partagée également par la Cour supérieure dans l'arrêt Nutri-Mer inc., supra paragraphe [36], au paragraphe 16 dudit arrêt ainsi que par la juge Langlois de la Cour supérieure du Québec au paragraphe 29 de sa décision du 16 janvier 2004 dans l'arrêt Union des consommateurs c. Dell Computer Corporation, [2004] J.Q. no 155.


[40]            En conséquence, il est clair que l'on peut conclure que la requête des défendeurs soulevant l'absence de compétence ratione materiae de notre Cour n'est pas prématurée en l'espèce. Reste donc à analyser si l'essence du recours entrepris par la demanderesse épuise la compétence de cette Cour au profit des mécanismes que la convention collective et le Code canadien du travail prévoient aux fins de règlement du différend qui oppose la demanderesse à son employeur.

II.         Compétence de cette Cour quant au recours entrepris par la demanderesse

[41]            Je suis d'accord avec les défendeurs - et cet aspect n'est pas vraiment contesté par la demanderesse - qu'il est manifeste à la lecture de la déclaration d'action de cette dernière que l'essence du recours entrepris par elle découle de ses conditions d'emploi en tant qu'agent correctionnel. La demanderesse fait d'ailleurs référence comme fondement à son recours à un manquement en matière de santé et sécurité au travail.

[42]            En tenant pour avérées les allégations de faits de la déclaration de la demanderesse, il est clair que cette dernière possède un recours en vertu de la Convention collective ou du Code canadien du travail auquel elle fait d'ailleurs expressément référence dans ses procédures.

[43]            Or, il ressort que la Cour suprême du Canada, dans une série de décisions rendues au cours des vingt dernières années, a statué à de nombreuses reprises sur l'absence de compétence des tribunaux ordinaires à régler des différends relatifs aux conditions de travail alors qu'il existe une procédure de règlement des différends en la matière.

[44]            Un consensus se dégage en effet clairement de ces décisions : les tribunaux traditionnels ne sont pas compétents pour entendre des différends qui découlent d'une convention collective, ni ceux régis par la législation sur les relations de travail.

[45]            Ainsi, dans l'arrêt St. Anne Nackawic Pulp & Paper c. SCTP, [1986] 1 R.C.S. 704 (l'arrêt St. Anne), après avoir obtenu une injonction provisoire contre le syndicat en grève illégale, un employeur avait intenté contre ce syndicat une action en responsabilité délictuelle pour les dommages causés par cette grève illégale. L'employeur avait fait valoir que, lorsqu'on peut dire de la demande qu'elle relève uniquement de la common law et qu'elle ne repose pas, pour sa validité, sur la convention collective, la clause d'arbitrage obligatoire de la loi ne s'applique pas.

[46]            La Cour écarta cet argument avant de conclure, aux pages 718 et 719, que permettre des actions concomitantes en justice aurait pour effet de miner l'objectif de la loi :

La convention collective établit les grands paramètres du rapport qui existe entre l'employeur et ses employés. Ce rapport est ajusté d'une manière appropriée par l'arbitrage et, en général, ce serait bouleverser et le rapport et le régime législatif dont il découle que de conclure que les questions visées et régies par la convention collective peuvent néanmoins faire l'objet d'actions devant les tribunaux en common law. Ces considérations nous amènent nécessairement à nous demander si l'arrêt Miramichi, précité, et des décisions semblables survivraient à une objection visant la compétence du tribunal s'ils étaient rendus aujourd'hui. L'attitude plus moderne consiste à considérer que les lois en matière de relations de travail prévoient un code régissant tous les aspects des relations de travail et que l'on porterait atteinte à l'économie de la loi en permettant aux parties à une convention collective ou aux employés pour le compte desquels elle a été négociée, d'avoir recours aux tribunaux ordinaires qui sont dans les circonstances une juridiction faisant double emploi à laquelle la législature n'a pas attribué ces tâches.

[47]            Plus loin, en page 721, elle confirma l'évolution du droit en la matière :


Il en reste une attitude de respect de la part des juges envers la procédure d'arbitrage. Ce respect existe, que l'organisme en question soit un tribunal "créé par la loi" ou un tribunal de nature privée (en ce qui a trait à cette distinction dans le contexte des relations de travail voir Roberval Express Ltée c. Union des chauffeurs de camions, hommes d"entrepôts et autres ouvriers, local 106, [1982] 2 R.C.S. 888, Howe Sound Co. v. International Union of Mine, Mill and Smelter Workers (Canada), Local 663, [1962] R.C.S. 318, confirmant (1961), 29 D.L.R. (2d) 76, Re International Nickel Co. of Canada and Rivando, [1956] O.R. 379 (C.A.)) Ce respect est fondé sur l'idée que si les parties ont accès aux tribunaux comme autres juridictions, on porte atteinte à un régime législatif complet destiné à régir tous les aspects du rapport entre les parties dans le cadre des relations de travail. L'arbitrage, lorsqu'il est adopté par les parties, comme c'est le cas dans la présente convention collective, constitue une partie intégrante de ce régime et est clairement la juridiction que la législature préfère pour le règlement des litiges qui résultent des conventions collectives. D'après la jurisprudence citée, on pourrait donc dire que le droit a évolué de telle manière qu'il est juste de conclure que les griefs et les procédures d'arbitrage prévus par la Loi et consacrés par une prescription législative dans les termes d'une convention collective constituent le recours exclusif dont disposent les parties à une convention collective pour son application.

[48]            Dans Gendron c. Syndicat des approvisionnements et services de l'alliance de la fonction publique du Canada, [1990] 1 R.C.S. 1298, la Cour suprême du Canada fut de nouveau appelée à déterminer la compétence des tribunaux ordinaires, en vertu du Code canadien du travail cette fois. Dans cette affaire, la Cour devait statuer sur la compétence de la Cour supérieure pour entendre une réclamation d'un employé fondée sur le manquement d'un syndicat à son devoir de juste représentation. Cette fois-ci, la procédure était donc prévue dans la loi et non dans la convention collective.

[49]            Appliquant les mêmes principes que ceux énoncés dans St. Anne, la juge L'Heureux-Dubé écrit :


60.    Il est donc clair que notre Cour a formulé un principe de retenue non seulement envers les mécanismes décisionnels prévus par la convention collective, mais également envers les mécanismes établis par les lois en matière de travail et, en général, envers les tribunaux spécialisés dont les décisions relèvent de leur champ d'expertise. Lorsque la loi applicable exige que les conventions collectives prescrivent le caractère final et exécutoire du règlement des conflits, il devient difficile, sinon impossible, de distinguer l'arrêt St. Anne, précité, et les arrêts rendus pour des motifs semblables en affirmant que la question soulevée dans ces arrêts portait sur les rapports entre un mécanisme contractuel de règlement des différends et la compétence des tribunaux ordinaires et non le rapport entre un mécanisme légal de règlement des différends et les tribunaux. La crainte que le recours aux tribunaux ordinaires puisse compromettre le processus global de règlement des différends prévu dans les lois sur les relations du travail est un problème qui se pose dans ce dernier cas également. Permettre aux parties à un différend qui, par sa nature même, est un différend envisagé et régi par la législation sur les relations du travail, de recourir aux tribunaux ordinaires ferait fi de l'intention démontrée par le Parlement de prévoir un mécanisme exclusif et global de règlement des différends en matière de travail, particulièrement dans le contexte du présent pourvoi.

[50]            Dans l'arrêt Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929 (l'arrêt Weber), la Cour suprême du Canada statua de nouveau sur l'absence de compétence des tribunaux ordinaires à entendre des litiges découlant des conventions collectives, et ce, dans le cadre d'une réclamation en dommages et intérêts, notamment en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte).

[51]            Les juges, à la majorité, adoptèrent « le modèle de la compétence exclusive » en ces termes :

La dernière solution consiste à reconnaître que, si le différend qui oppose les parties résulte de la convention collective, le demandeur doit avoir recours à l'arbitrage, et les tribunaux n'ont pas le pouvoir d'entendre une action relativement à ce litige. Il n'y a pas chevauchement des compétences. [p. 956]

[...]

Dans la plupart des cas, la nature du litige sera évidente; celui-ci porte ou non sur la convention collective. Il arrive toutefois que ce soit moins clair. Il s'agit, dans chaque cas, de savoir si le litige, dans son essence, relève de l'interprétation, de l'application, de l'administration ou de l'inexécution de la convention collective. [p. 957]

[52]            Résumant le modèle de la compétence exclusive, la Cour conclut à la page 959 :


... il exauce le souhait que la procédure de règlement de litige établie par les diverses lois sur les relations du travail au pays ne soit pas doublée ou minée par des actions concomitantes. Il obéit à une tendance de plus en plus forte à faire preuve de retenue judiciaire à l'égard de la procédure d'arbitrage et de grief et à reconnaître des restrictions corrélatives aux droits des parties d'intenter des actions en justice qui sont parallèles ou se chevauchent ...

[53]            Quant à la réclamation en vertu de la Charte, la Cour écrit :

Dans l'application du droit du pays aux litiges qui lui sont soumis, que ce soit la common law, le droit d'origine législative ou la Charte, l'arbitre peut accorder les réparations que la législature ou le Parlement l'a habilité à accorder dans les circonstances. Ainsi, un arbitre peut considérer la Charte, conclure que sont inopérantes les lois qui n'y sont pas conformes, puis accorder des réparations dans l'exercice des pouvoirs que lui confère le Code du travail: Douglas/Kwantlen Faculty Assn. c. Douglas College, précité. Si un arbitre peut conclure qu'une loi porte atteinte à la Charte, il semble qu'il puisse déterminer si un comportement dans l'administration de la convention collective viole la Charte et également accorder des réparations. [p. 961]

[54]            Les principes énoncés précédemment trouvent également application en manière de recours collectif. L'arrêt unanime de la Cour d'appel du Québec dans Carrier c. Québec, [2000] J.Q. no 3048, sous la plume de l'Honorable juge Gendreau, dans des propos qui rejoignent ceux du juge Taschereau dans l'arrêt Laprise (voir paragraphe [35], supra), a confirmé au paragraphe 55 de sa décision que le recours collectif n'a pas modifié la compétence ratione materiae de la cour :

Les dispositions du Code de procédure civile relatives au recours collectif sont purement procédurales et ne créent pas de droit substantif. Aussi, on ne peut conclure du fait que le recours collectif doit être introduit en Cour supérieure qu'est créé un régime particulier qui fait échec aux règles en matière de compétence.


[55]            Dans Bisaillon c. Concordia University, [2003] J.Q. no 4279, la Cour supérieure du Québec fut saisie d'une requête en irrecevabilité dans des circonstances qui s'apparentent à celles en litige. Dans cette affaire, le requérant désirait représenter tous les membres du régime de retraite de l'Université Concordia dans une action en dommages et intérêts et requête en jugement déclaratoire.

[56]            Or, la plupart des salariés de l'Université Concordia appartenait à un syndicat lié à l'Université par une convention collective.

[57]            La Cour supérieure fut donc saisie d'une requête en irrecevabilité au motif qu'elle n'avait pas compétence pour entendre la requête en autorisation du recours collectif. On invoquait que seul l'arbitre, prévu par la convention collective, avait compétence pour entendre le litige. Citant l'arrêt Weber, la Cour écrit au paragraphe 51 :

Dans Ste-Anne Nackawic, la Cour d'appel et la Cour suprême du Canada ont toutes deux insisté pour que l'analyse de la question de savoir si une affaire relève de la clause d'arbitrage exclusif s'effectue non pas sur le fondement des questions juridiques qui peuvent être soulevées, mais sur le fondement des faits entourant le litige qui oppose les parties. Il ne s'agit pas de savoir si l'action, définie en termes juridiques, est indépendante de la convention collective, mais plutôt si le litige "résulte [de la] convention collective". Si, peu importe ce dont il peut être qualifié sur le plan juridique, le litige résulte de la convention collective, seul le tribunal du travail peut l'entendre, à l'exclusion des cours de justice.


[58]            Il est vrai que la décision de la Cour supérieure dans Bisaillon fut renversée en appel (voir la décision de la Cour d'appel du Québec du 31 mars 2004 dans le dossier 500-09-013 403-035). Toutefois, les principes de base exprimés en Cour supérieure demeurent toujours puisque la Cour d'appel du Québec renversa la décision de première instance au motif qu'elle considéra, au paragraphe 10 de sa décision, que l'objet du litige n'avait rien à voir avec la convention collective à l'étude alors.

[59]            La demanderesse oppose néanmoins deux arguments face à cette exclusivité des mécanismes de règlement contenus à la Convention collective et au Code canadien du travail.

[60]            Elle soutient premièrement que rien dans la Convention collective, dans la LRTFP ou dans le Code canadien du Travail ne stipule que les employés sont obligatoirement tenus de procéder par grief ou par la procédure de règlement de conflits qu'ils énoncent puisque tant les articles 20.02 et 20.23 de la Convention collective, l'article 91.(1) de la LRTFP et les articles du Code canadien du Travail stipulent que l'employé « a le droit de » ou « peut » déposer une plainte à l'arbitrage ou présenter un grief. Par conséquent, il faudrait comprendre que les employés pour qui s'offrent d'autres recours ont le droit d'y recourir.

[61]            Je pense qu'un tel raisonnement est clairement erroné. Il est clair qu'un employé n'est pas forcé de prendre un recours. Toutefois, s'il désire agir, il doit s'exécuter exclusivement par les mécanismes du grief ou de la plainte. Le caractère exclusif et obligatoire de ces mécanismes a été confirmé dernièrement comme suit par notre Cour dans l'arrêt Bédirian c. Procureur général du Canada, 2004 C.F. 566 (décision de la juge Tremblay-Lamer en date du 14 avril 2004) :

[12]          Le droit d'un fonctionnaire, qu'il soit syndiqué ou non, de déposer un grief et de le renvoyer à l'arbitrage est expressément prévu à la LRTFP.

[...]


[14]          Dans l'arrêt Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, la Cour suprême du Canada a adopté le modèle de compétence exclusive lorsqu'un litige relève de la compétence de l'arbitre.

[15]          Dans l'affaire Regina Police Ass. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, [2000] 1 R.C.S. 360, elle énonçait que la question clé dans chaque cas est de savoir si l'essence du litige dans son contexte factuel est expressément ou implicitement visée par un régime législatif.

[16]          L'exhaustivité des mécanismes prévus à la LRTFP a été confirmée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Johnson-Paquette c. Canada, (2000) 253 N.R. 305. Le juge Noël parlant au nom de la cour affirmait ce qui suit :

[10]     L'intention du législateur d'exclure l'intervention des tribunaux dans les litiges en matière de relations de travail peut donc être formulée expressément ou ressortir implicitement. Lorsque, comme c'est le cas pour la LRTFP, le législateur a, au moyen d'une loi, adopté ce qui se veut manifestement un code complet applicable à la résolution des litiges en matière de relations de travail dans un secteur donné d'activité et a rendu l'issue des recours prévus dans la loi finale et obligatoire pour les personnes concernées, le fait de permettre le recours aux tribunaux ordinaires auxquels ces tâches n'ont pas été attribuées porterait atteinte au régime législatif. Pour donner effet à ces régimes, il faut considérer que le législateur a exclu le recours aux tribunaux ordinaires.

[Non souligné dans l'original.]

[62]            La même position quant au caractère obligatoire avait été retenue comme suit le 8 mars 2004 par le juge Rouleau de notre Cour au paragraphe 11 de sa décision dans l'arrêt Brenda Bonner v. Via Rail Inc., [2004] F.C. 406 (décision portée depuis en appel à la Cour d'appel fédérale le 15 avril 2004, dossier A-210-04) :

[11]          I do not agree with this submission. The jurisprudence is well established that any dispute which arises from a collective agreement must be settled following a mandatory arbitration process. The Supreme Court of Canada recently confirmed this principle of law in Goudie v. City of Ottawa, 2003 S.C.C. 14, wherein it stated as follows:


It is well established that a dispute between an employer and an employee that arises in its essential character from the interpretation, application, administration or violation of a collective agreement is to be determined not in the courts but according to the arbitration provisions in the collective agreement.

                                    . . .

The principle that disputes arising under a collective agreement should be resolved by labour arbitrators, not courts, is based on legislative intent. In St. Anne Nackawic Pulp & Paper Co. v. Canadian Paper Workers Union, Local 219, [1986] 1 S.C.R. 704, Estey J. laid down the general principle at pp. 718-19:

The more modern approach is to consider that labour relations legislation provides a code of governing all aspects of labour relations, and that it would offend the legislative scheme to permit the parties to a collective agreement, or the employees on whose behalf it was negotiated, to have recourse to the ordinary courts which are in the circumstances a duplicative forum to which the legislature has not assigned these tasks.

Subsequent cases have confirmed that if the dispute between the parties in its "essential character" arises from the interpretation, application, administration or violation of the collective agreement, it is to be determined by an arbitrator in accordance with the collective agreement, and not by the courts. See Weber v. Ontario Hydro, [1995] 2 S.C.R. 929, at paras. 41 and 52, and Regina Police Assn. Inc. v. Regina (City) Board of Police Commissioners, [2000] 1 S.C.R. 360, 2000 SCC 14, at paras. 23 and 25.

[63]            De plus, ce caractère exclusif et obligatoire doit s'imposer que l'employé ait ou non entamé le mécanisme de règlement de la Convention collective ou du Code canadien du travail. Autrement on devrait concevoir que l'accès aux tribunaux ordinaires est soumis à la volonté de l'employé. Un tel résultat est impensable.


[64]            La demanderesse, en deuxième lieu, soulève que son action contient comme remède une demande d'injonction et que la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Weber réfère, en s'en rapportant à sa décision dans l'arrêt St. Anne, au pouvoir résiduel des tribunaux ordinaires d'émettre des injonctions en matière de relations de travail.

[65]            Je pense que c'est là un argument qui nous entraîne clairement en l'espèce sur une fausse piste.

[66]            Dans l'arrêt St. Anne, la Cour suprême, en page 729 entre autres, réfère à ce pouvoir des tribunaux d'émettre des injonctions, mais ce, dans le cadre de grèves illégales et en l'absence de mesures efficaces par ailleurs. Je ne pense pas que la Cour suprême dans Weber ait cherché à aller plus loin lorsqu'elle discute en pages 957 et 959 de la décision du juge Estey dans l'arrêt St. Anne.

[67]            Ici, il n'est nullement question d'interdire une grève illégale. De plus, le Code canadien du travail, à ses articles 127.1(6), 128(8), 129(6) et 145(2), prévoit un mécanisme efficace qui permettrait à la demanderesse de mettre fin à la situation dangereuse qu'elle soulève.

127.1) (6) Lorsque les personnes chargées de l'enquête concluent au bien-fondé de la plainte, l'employeur, dès qu'il en est informé, prend les mesures qui s'imposent pour remédier à la situation; il en avise au préalable et par écrit les personnes chargées de l'enquête, avec mention des délais prévus pour la mise à exécution de ces mesures.

127.1 (6) If the persons who investigate the complaint conclude that the complaint is justified, the employer, on being informed of the results of the investigation, shall in writing and without delay inform the persons who investigated the complaint of how and when the employer will resolve the matter, and the employer shall resolve the matter accordingly.


128 (8) S'il reconnaît l'existence du danger, l'employeur prend sans délai les mesures qui s'imposent pour protéger les employés; il informe le comité local ou le représentant de la situation et des mesures prises.

128 (8) If the employer agrees that a danger exists, the employer shall take immediate action to protect employees from the danger. The employer shall inform the work place committee or the health and safety representative of the matter and the action taken to resolve it.

129 (6) S'il conclut à l'existence du danger, l'agent donne, en vertu du paragraphe 145(2), les instructions qu'il juge indiquées. L'employé peut maintenir son refus jusqu'à l'exécution des instructions ou leur modification ou annulation dans le cadre de la présente partie.

129 (6) If a health and safety officer decides that the danger exists, the officer shall issue the directions under subsection 145(2) that the officer considers appropriate, and an employee may continue to refuse to use or operate the machine or thing, work in that place or perform that activity until the directions are complied with or until they are varied or rescinded under this Part.

145 (2) S'il estime que l'utilisation d'une machine ou chose, une situation existant dans un lieu de travail ou l'accomplissement d'une tâche constitue un danger pour un employé au travail, l'agent :

145 (2) If a health and safety officer considers that the use or operation of a machine or thing, a condition in a place or the performance of an activity constitutes a danger to an employee while at work,


a) en avertit l'employeur et lui enjoint, par instruction écrite, de procéder, immédiatement ou dans le délai qu'il précise, à la prise de mesures propres :

(i) soit à écarter le risque, à corriger la situation ou à modifier la tâche,

(ii) soit à protéger les personnes contre ce danger;

b) peut en outre, s'il estime qu'il est impossible dans l'immédiat de prendre les mesures prévues à l'alinéa a), interdire, par instruction écrite donnée à l'employeur, l'utilisation du lieu, de la machine ou de la chose ou l'accomplissement de la tâche en cause jusqu'à ce que ses instructions aient été exécutées, le présent alinéa n'ayant toutefois pas pour effet d'empêcher toute mesure nécessaire à la mise en oeuvre des instructions.

(a) the officer shall notify the employer of the danger and issue directions in writing to the employer directing the employer, immediately or within the period that the officer specifies, to take measures to

(i) correct the hazard or condition or alter the activity that constitutes the danger, or

(ii) protect any person from the danger; and

(b) the officer may, if the officer considers that the danger or the hazard, condition or activity that constitutes the danger cannot otherwise be corrected, altered or protected against immediately, issue a direction in writing to the employer directing that the place, machine, thing or activity in respect of which the direction is issued not be used, operated or performed, as the case may be, until the officer's directions are complied with, but nothing in this paragraph prevents the doing of anything necessary for the proper compliance with the direction.

[68]            C'est à cette même logique que réfère la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt Gaignard v. Canada (Attorney General), [2003] O.J. No. 3998 lorsque le 17 octobre 2003 elle indiqua ce qui suit au paragraphe 18 de sa décision :

18             The third consideration is whether the arbitration process provided by the collective agreement can furnish an effective remedy for the dispute. The remedy need not be identical to that which the court would provide, but it must be responsive to the wrong complained of. The arbitration process does not acquire exclusive jurisdiction if the result is a real deprivation of any ultimate remedy. McLachlin J. put this point as follows in Weber at pp. 958-959:


It might occur that a remedy is required which the arbitrator is not empowered to grant. In such a case, the courts of inherent jurisdiction in each province may take jurisdiction. This Court in St. Anne Nackawic, [1986] 1 S.C.R. 704, confirmed that the New Brunswick Act did not oust the residual inherent jurisdiction of the superior courts to grant injunctions in labour matters (at p. 724). Similarly, the Court of Appeal of British Columbia in Moore v. British Columbia (1988), 50 D.L.R. (4th) 29, at p. 38, accepted that the court's residual jurisdiction to grant a declaration was not ousted by the British Columbia labour legislation, although it declined to exercise that jurisdiction on the ground that the powers of the arbitrator were sufficient to remedy the wrong and that deference was owed to the labour tribunal. What must be avoided, to use the language of Estey J. in St. Anne Nackawic (at p. 723), is a "real deprivation of ultimate remedy".

[69]            L'action de la demanderesse en l'espèce ne demande donc pas que la Cour cherche à exercer son pouvoir résiduel en matière d'injonction. De plus, tel que l'illustre l'extrait suivant de l'arrêt Mundle c. Canada, [1994] A.C.F. no 1342, paragraphes 8 à 12, l'obtention d'une injonction contre l'État est interdite et, lorsqu'elle est permise dans des situations particulières, c'est au moyen d'une demande de contrôle judiciaire qu'elle doit être recherchée :

8               J'en conclus qu'il n'y a pas lieu, en l'occurrence, d'accorder une suspension des procédures ou une injonction puisque j'estime que le demandeur-requérant n'a pas soulevé dans sa cause des questions méritant sérieuse considération.

9               Selon moi, le redressement sollicité ne pourrait être obtenu que dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire. Mais, il s'agit en l'espèce d'une action engagée contre la Couronne et contre un ministre de la Couronne. Or, selon la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale [Voir Note 3 ci-dessous] on ne peut pas adresser d'injonction à la Couronne. La Section de première instance a pour sa part décidé que, dans le cadre d'une action intentée contre la Couronne, un plaideur ne peut pas obtenir la délivrance d'une injonction à l'encontre d'un ministre de la Couronne, si ce n'est, peut-être, en faisant valoir que le Ministre outrepasse ses pouvoirs [Voir Note 4 ci-dessous]. Ce principe a fait l'objet d'une codification, l'article 22 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif [Voir Note 5 ci-dessous] prévoyant que :

22.(1)       Le tribunal ne peut, lorsqu'il connaît d'une demande visant l'État, assujettir celui-ci à une injonction ou à une ordonnance d'exécution mais, dans les cas où ces recours pourraient être exercés entre particuliers, il peut, pour en tenir lieu, déclarer les droits des parties.


(2)            Le tribunal ne peut, dans aucune poursuite, rendre contre un préposé de l'État de décision qu'il n'a pas compétence pour rendre contre l'État.

Insistons sur le fait que cela s'applique aux procédures intentées contre la Couronne. Ce type de procédure met normalement en cause les obligations contractuelles de la Couronne, les droits ou obligations nés des biens qu'elle détient, sa responsabilitécivile, ses devoirs de fiduciaire, etc. Le contrôle judiciaire prévu à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale ne constitue pas une procédure contre la Couronne. Il s'agit, plutôt, d'une procédure permettant le contrôle judiciaire des décisions d'un office fédéral ou d'un fonctionnaire du gouvernement fédéral. La procédure est normalement intentée contre ceux qui, dans le cadre de la décision en cause, s'opposaient au requérant. Le libellé de l'article 18 est suffisamment large pour que la disposition s'applique aussi aux procédures engagées contre le Procureur général du Canada afin d'obtenir une déclaration à son encontre. Il est clair qu'en vertu de l'alinéa 18(1)a), la Cour peut, dans le cadre de ce genre de procédure, adresser une injonction à un office fédéral. Il n'était certes pas dans l'intention du législateur d'abolir, au moyen de l'article 22 de la Loi sur la responsabilitécivile de l'État et le contentieux administratif, le droit d'obtenir une injonction sur le fondement de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale. Il est clair que ces deux dispositions s'appliquent à des procédures différentes.

                                                     

Note 3 : Grand conseil des Cris (du Québec) et autre c. La Reine et autre [1982] 1 C.F. 599.

Note 4 : Whelan c. Ministre de la Défense nationale et autre (1985), 10 Admin. L.R. 200 (C.F. 1er inst.). Note 5 : L.R.C. 1985, ch. C50.

Note 5 : L.R.C. 1985, ch. C-50.

                                                                       

10             Il en résulte qu'une injonction ou une suspension de procédure assimilable à une injonction ne peut être obtenue à l'encontre des serviteurs de la Couronne fédérale que dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire et non pas autrement. L'actuel article 18.2 de la Loi sur la Cour fédéraleconfère expressément à la Section de première instance le pouvoir d'accorder une telle suspension de procédure, et avant même l'adoption de cette disposition l'on avait conclu àl'existence implicite de ce pouvoir. Le demandeur ne peut donc voir accueillir sa demande d'injonction, présentée dans le cadre d'une action intentée contre la Couronne, puisqu'une telle action ne saurait aboutir à la délivrance d'une injonction, ni contre la Couronne ni contre un préposé de celle-ci.

11             Le demandeur ne peut pas non plus obtenir une suspension des procédures ou une injonction sur le fondement du paragraphe 18(1) de la Loi sur la Cour fédérale étant donné le paragraphe 18(3) qui prévoit :


18.(3)       Les recours prévus aux paragraphes (1) ou (2) sont exercés Par présentation d'une demande de contrôle judiciaire.

Or, il ne s'agit pas en l'occurrence d'une demande fondée sur l'article 18.1 pour laquelle est prévue une procédure distincte et un échéancier adapté aux exigences du contrôle judiciaire.

12             J'hésiterais àrejeter cette demande pour de simples raisons de procédure, d'ailleurs parfaitement valables, mais j'estime que le demandeur ne saurait obtenir gain de cause même s'il avait choisi la bonne démarche àsuivre. [...]

(L'arrêt Mundle est repris dans l'arrêt McKay c. Canada (ministre des Pêches et des Océans), [1998] A.C.F. no 1818, paragraphes 2 à 4.)

[70]            On doit donc conclure sous cet aspect de notre analyse que l'essence du recours entrepris par la demanderesse épuise la compétence de cette Cour au profit des mécanismes que la convention collective et le Code canadien du travail prévoient aux fins de règlement du différend qui oppose la demanderesse à son employeur.

[71]            Pour tous ces motifs, la requête en radiation de la déclaration d'action de la demanderesse et en rejet de son action en vertu de l'alinéa 208d) et de l'alinéa 221(1)a) des règles sera accueillie, le tout avec dépens. Une ordonnance sera émise en conséquence.

Richard Morneau

protonotaire

Montréal (Québec)

le 18 mai 2004


                                     COUR FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ:


T-2414-03

HÉLÈNE GALARNEAU

                                                                demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et

SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA (SCC)

                                                                       défendeurs


LIEU DE L'AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                           22 avril 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               Me Richard Morneau, protonotaire

DATE DES MOTIFS :                                  18 mai 2004


ONT COMPARU:


Me Pierre Sylvestre

Me Iris Montini

pour la demanderesse

Me André Lespérance

Me Marie Marmet

pour les défendeurs


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Sylvestre, Charbonneau, Fafard

Montréal (Québec)

pour la demanderesse

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour les défendeurs



[1]Les règles applicables en l'espèce furent clarifiées à l'audition de la requête de sorte que toute référence ici à la convention collective entre les parties est clairement possible (voir MIL Davie Inc. c. Société d'exploitation et de développement d'Hibernia Ltée (1998), 226 N.R. 369, paragraphes 7 et 8). Ces alinéas des règles se lisent comme suit :

208. Ne constitue pas en soi une reconnaissance de la compétence de la Cour la présentation par une partie :

[...]

d) d'une requête contestant la compétence de la Cour.

208. A party who has been served with a statement of claim and who brings a motion to object to

[...]

          (d) the jurisdiction of the Court,

does not thereby attorn to the jurisdiction of the Court.

221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d'un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

            a) qu'il ne révèle aucune cause d'action ou de défense valable ;

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

            (a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

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