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Date : 20050808

Dossier : T-1571-04

Référence : 2005 CF 1064

Ottawa (Ontario), le 8 août 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

LA BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE

demanderesse

-          et -

DAN DURRER

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE SNIDER

[1]                Le défendeur, M. Dan Durrer, a travaillé pour la demanderesse, la Banque Canadienne Impériale de Commerce (la CIBC), de 1971 jusqu'à son licenciement le 12 avril 2002. Le 23 juillet 2002, M. Durrer a déposé auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) une plainte dans laquelle il alléguait avoir été, au cours de son emploi, l'objet d'une discrimination fondée sur son âge.

[2]                La Commission a nommé un enquêteur pour qu'il examine la plainte. Le 22 avril 2004, l'enquêteur a déposé son rapport, dans lequel il recommandait, [traduction] « conformément à l'alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, que la Commission rejette la plainte » . M. Durrer et la CIBC ont déposé des réponses au rapport, et chacun a signifié à l'autre sa réponse au rapport. Chacune des parties a exercé son droit de formuler une réaction finale; la réaction finale de chacune des parties n'a pas été communiquée à la partie adverse et il n'y a pas eu d'autres observations. Dans une lettre datée du 29 juillet 2004, la Commission écrivait qu'elle avait décidé :

[TRADUCTION]

[...] conformément à l'article 47 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de nommer un conciliateur, qui tentera d'en arriver à un règlement de la plainte, et, conformément à l'alinéa 44(3)a) de la Loi, de demander au président du Tribunal canadien des droits de la personne de désigner un membre pour qu'il instruise la plainte, car elle est d'avis qu'un complément d'instruction est justifié, qui permettra de dire si la personne visée par la plainte a exercé une discrimination contre le plaignant en mettant fin à son emploi en raison de son âge.

[3]                La CIBC sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Commission de demander au Tribunal canadien des droits de la personne, en application de l'alinéa 44(3)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de désigner un membre pour qu'il instruise la plainte.

Les points litigieux

[4]                La demanderesse soulève les points suivants :

1.    La négligence de la Commission à communiquer à la CIBC ses motifs écrits porte-t-elle atteinte au droit de la CIBC à l'équité procédurale?

2.    La Commission a-t-elle commis une erreur sujette à révision en ne disant pas que la plainte devrait être rejetée, en particulier compte tenu de la recommandation de l'enquêteur en faveur d'un rejet de la plainte?

3.    Si la CIBC a gain de cause sur l'un ou l'autre des points ci-dessus, quelle est la réparation qui s'impose?

Le cadre législatif

[5]                M. Durrer a déposé sa plainte en application du paragraphe 40(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui prévoit que « un individu [...] ayant des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis un acte discriminatoire peut déposer une plainte devant la Commission en la forme acceptable pour cette dernière » . La Commission a désigné un enquêteur pour qu'il enquête sur la plainte de M. Durrer, ainsi que le prévoit le paragraphe 43(1). Selon le paragraphe 44(1), l'enquêteur « présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l'enquête » .

[6]                Après que les parties ont eu l'occasion de répondre au rapport de l'enquêteur, les paragraphes 44(3) et 44(4) autorisent la Commission à prendre l'une des deux voies suivantes :

44( 3) Sur réception du rapport d'enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

44(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

a) peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l'article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue :

(a) may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry under section 49 into the complaint to which the report relates if the Commission is satisfied

(i) d'une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci est justifié,

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is warranted, and

(ii) d'autre part, qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c) à e);

(ii) that the complaint to which the report relates should not be referred pursuant to subsection (2) or dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e); or

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci n'est pas justifié,

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l'un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

(4) Après réception du rapport, la Commission :

(4) After receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

a) informe par écrit les parties à la plainte de la décision qu'elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3);

(a) shall notify in writing the complainant and the person against whom the complaint was made of its action under subsection (2) or (3); and

b) peut informer toute autre personne, de la manière qu'elle juge indiquée, de la décision qu'elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3).

(b) may, in such manner as it sees fit, notify any other person whom it considers necessary to notify of its action under subsection (2) or (3).

Analyse

La norme de contrôle

[7]                Les deux parties ont d'abord fait valoir que la norme de contrôle applicable à la décision de la Commission devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter. Cette conclusion était, semble-t-il, fondée sur deux jugements récents de la Cour.

[8]                Dans la décision Gardner c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 616, aux paragraphes 17 et 18, le juge Gibson a retenu l'analyse faite dans la décision MacLean c. Marine Atlantic Inc., [2003] A.C.F. no 1854, où, après une analyse pragmatique et fonctionnelle de la disposition législative applicable, le juge O=Keefe avait conclu que la norme de la décision raisonnable devait s'appliquer.

[9]                Dans l'arrêt Gee c. Canada (Ministre du Revenu national) [2002], 284 N.R. 321, au paragraphe 13, la Cour d'appel fédérale avait conclu, sans procéder à une analyse pragmatique et fonctionnelle, que « la norme de contrôle relative à l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui est conféré au sous-alinéa 44(3)b)(i) de rejeter une plainte est celle de la décision raisonnable » .

[10]            Il y a cependant une différence entre la disposition du texte législatif en cause dans ces deux précédents et la disposition que j'ai devant moi. Dans les deux précédents, la Cour traitait de la norme de contrôle applicable à une décision de la Commission de rejeter une plainte en application de l'alinéa 44(3)b), plutôt qu'à une décision de renvoyer une plainte pour instruction, en application de l'alinéa 44(3)a). Aucune des parties ne m'a signalé un précédent où un tribunal aurait effectué une analyse pragmatique et fonctionnelle de la décision prise en vertu de cette dernière disposition. Par conséquent, ainsi que nous l'enseigne la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 21, « chaque fois que la loi délègue un pouvoir à une instance administrative décisionnelle, le juge de révision doit commencer par déterminer la norme de contrôle applicable selon l'analyse pragmatique et fonctionnelle » . Il faut donc effectuer une analyse. À l'issue de l'audience, j'ai prié les parties de présenter d'autres observations écrites sur la question de la norme de contrôle applicable. J'ai examiné lesdites observations.

[11]            La norme de contrôle est déterminée en fonction de quatre facteurs : la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel; l'expertise du tribunal par rapport à celle de la juridiction de contrôle sur la question en litige; l'objet de la loi et de la disposition particulière; la nature de la question - de droit, de fait ou mixte de droit et de fait (arrêt Dr Q., au paragraphe 26). J'examinerai successivement chacun de ces facteurs.

i) clause privative

[12]            Il n'y a aucune clause privative dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. La présence d'une clause privative peut signaler un niveau plus élevé de retenue, mais l'absence d'une telle clause est « neutre » , ce qui signifie que le décideur a droit à une retenue judiciaire qui n'est ni élevée ni faible (arrêt Dr Q., paragraphe 27).

ii) expertise de la Commission

[13]            Nul ne met en doute l'expertise de la Commission. Dans l'arrêt Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, [2003] 1 R.C.S. 884, la Cour suprême du Canada décrivait ainsi l'expertise de la Commission, au paragraphe 41 :

      La Commission est responsable notamment du maintien de relations étroites avec les organismes provinciaux de même nature, de l'examen des recommandations faites par les groupes de défense de l'intérêt public et tout autre organisme, et de l'élaboration de programmes de sensibilisation publique (paragraphe 27(1)). Ces fonctions de collaboration et d'éducation lui permettent d'acquérir une conscience aiguë des besoins du public et une excellente connaissance de l'évolution du droit fédéral et provincial en matière de lutte contre la discrimination.

[14]            Cette expertise appelle une retenue plus élevée. Ainsi que l'a reconnu la Cour dans la décision MacLean, la Commission est mieux à même que la Cour d'établir les faits et de faire le tri des plaintes, ce qui justifie une retenue plus élevée dans le contrôle judiciaire de ses décisions.

iii) objet du texte legislative

[15]            L'analyse de ce facteur m'oblige à considérer à la fois l'économie générale du texte législatif et celui de la disposition particulière, afin de pouvoir discerner l'intention générale du législateur (arrêt Dr Q., au paragraphe 30).

[16]            La Loi canadienne sur les droits de la personne est considérée comme un texte réparateur de statut quasi constitutionnel. Elle établit la Commission et le Tribunal canadien des droits de la personne, ainsi que les procédures grâce auxquelles les plaintes de discrimination pourront être étudiées d'une manière équitable. Il coule de source que toutes les parties à une plainte - tant les plaignants que les personnes visés par les plaintes - ont droit à l'équité et aux garanties d'une procédure régulière. Je serais d'avis que, considérée globalement, cette loi oblige la Commission et le Tribunal à s'assurer de la protection des droits individuels. En assignant à la Commission les responsabilités dont elle est investie, le législateur lui a donné un pouvoir discrétionnaire élevé pour ce qui est d'enquêter sur les plaintes et de les examiner. Ce pouvoir signale globalement un niveau élevé de retenue.

[17]            Fait important, selon les dispositions de la loi en question, même si la Commission peut conclure qu'une plainte doit être rejetée, elle n'est pas habilitée à décider, d'une manière définitive, qu'une plainte est fondée. C'est là le rôle du Tribunal canadien des droits de la personne.

[18]            J'arrive donc à l'objet de la disposition en cause. La décision en cause, prise en vertu de l'alinéa 44(3)a), de demander au président du Tribunal canadien des droits de la personne de désigner un membre pour qu'il instruise la plainte ne dispose pas de la question. Le différend entre la CIBC et M. Durrer n'a pas été résolu par la Commission à la suite de cette décision. C'est là, à mon avis, ce qui distingue radicalement la fonction décisionnelle dont parle l'alinéa 44(3)b), lorsque le rejet de la plainte dispose à titre final (sous réserve d'un contrôle judiciaire) des droits du plaignant selon la Loi canadienne sur les droits de la personne. En revanche, la décision de renvoyer l'affaire au Tribunal pour instruction ne met pas fin aux droits des parties. Les droits des parties ne seront définis qu'après instruction du Tribunal canadien des droits de la personne, qui procédera à un examen complet de tous les faits relatifs à la plainte, ainsi que du droit applicable.

[19]            Autrement dit, la fonction de la Commission selon l'alinéa 44(3)a) ne dispose pas des droits des parties. Il en résulte un niveau élevé de retenue.

iv) La nature de la question

[20]            La nature de la question est le dernier des facteurs à considérer. La question de savoir si les faits justifient une instruction de la plainte est à mon avis une pure question de fait. D'ailleurs, à ce stade, la Commission n'établit pas à titre définitif les faits. Elle se demande simplement si les faits justifient un complément d'enquête.

Sommaire

[21]            Ayant examiné et apprécié tous ces facteurs, je suis d'avis que la décision prise par la Commission en vertu de l'alinéa 44(3)a) est une décision qui appelle la norme de contrôle la plus élevée, celle de la décision manifestement déraisonnable. Avec cette norme de contrôle, je ne dois intervenir, selon l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 52, que si la décision de la Commission est manifestement déraisonnable au point qu' « aucun degré de retenue judiciaire ne peut justifier son maintien » .

Point no 1 : La Comission a-t-elle commis une erreur en renvoyant cette affaire au Tribunal?

[22]            Selon la CIBC, il n'y a aucun fondement rationnel dans la décision de la Commission de ne pas rejeter la plainte (arrêt Gee, au paragraphe 15). La CIBC fait valoir qu'aucun élément de preuve n'autorise une accusation de discrimination fondée sur l'âge. Par ailleurs, l'autre plainte avancée par M. Durrer à propos de ses années de service ouvrant droit à pension n'est tout simplement pas, de l'avis de la CIBC, un motif de distinction illicite selon la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[23]            Il ressort clairement de ces arguments que, selon la CIBC, aucun fait ne peut être plaidé qui permette de conclure à une distinction illicite. Mais un désaccord avec la décision à laquelle est arrivée la Commission n'est pas une raison suffisante pour infirmer sa décision. Il appartient à la Commission d'apprécier la preuve qu'elle a devant elle. Que l'on applique la norme de la décision manifestement déraisonnable ou celle, moins rigoureuse, de la décision raisonnable simpliciter, il n'appartient pas à la Cour d'apprécier de nouveau la preuve.

[24]            La Commission avait devant elle le rapport de l'enquêteur et les observations, déposées plus tard, de la CIBC et de M. Durrer. Un examen de ces documents révèle que des questions demeurent sans réponse. Par exemple :

·         Chacune des parties a produit des calculs différents de ce que la pension du plaignant serait à divers âges - on ne sait pas lequel est exact;

·         On ne sait pas si la politique relative au travail temporaire a changé ainsi que l'affirme le plaignant ou n'a pas changé ainsi que l'affirme la CIBC;

·         La preuve est contradictoire sur la question de savoir si le plaignant avait la possibilité d'obtenir d'autres emplois temporaires.

[25]            À mon avis, ces aspects pourraient être jugés pertinents pour la question de la présumée distinction illicite fondée sur l'âge. Par ailleurs, même si la CIBC ne voit aucun lien entre l'accusation de distinction illicite fondée sur l'âge et le niveau plus faible des prestations de pension, M. Durrer dit que les deux aspects sont inextricablement liés et il a produit une justification à l'appui de ce point de vue. Au stade de l'instruction, les différences factuelles et les interprétations divergentes de la manière dont la pension entre en jeu pourront être étudiées avec une protection procédurale beaucoup plus grande pour les deux parties. Cela ne signifie pas que le simple fait d'être en désaccord avec l'employeur devrait justifier le renvoi de l'affaire pour instruction. Mais, s'il existe, à propos de faits importants et pertinents, un désaccord résiduel légitime susceptible d'être résolu à la faveur d'un complément d'enquête, il n'est pas déraisonnable de renvoyer le différend pour examen complémentaire. La décision de renvoyer l'affaire pour instruction n'est donc pas totalement dépourvue d'appui dans la preuve. La décision n'était pas manifestement déraisonnable.

Point no 2 : L'absence de motifs constitue-t-elle une violation des règles de la justice naturelle?

[26]            Comme il est indiqué plus haut, la Commission n'a guère motivé sa décision. Elle a toutefois exposé des détails suffisants qui montrent qu'elle savait en vertu de quelle disposition elle agissait. Il s'agit donc de savoir si, eu égard aux circonstances, cela suffisait.

[27]            Selon la CIBC, puisque la Commission n'a pas motivé sa décision, d'autant que la recommandation faite dans le rapport de l'enquêteur n'a pas été suivie, et alors même que la Commission a été priée par la CIBC de fournir des motifs, la Commission a contrevenu aux principes de l'équité procédurale. La CIBC invoque l'arrêt Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 43, pour dire que, lorsque la décision aura un effet important et qu'il existe un droit d'appel prévu par la loi, ces facteurs militent fortement en faveur de la communication de motifs. La CIBC fait observer que l'arrêt Baker a été appliqué par la Cour fédérale dans des cas où la Commission n'avait pas suivi la recommandation de l'enquêteur (décision Kidd c. Autorité aéroportuaire du Grand Toronto, 2004 C.F. 703; décision Gardner, précité).

[28]            Dans l'arrêt Baker, la Cour suprême du Canada écrivait que le contenu du devoir d'équité est flexible et variable et doit être décidé dans chaque cas. S'agissant de l'obligation de motiver une décision, la juge L=Heureux-Dubé a reconnu, au paragraphe 43, que, « dans certaines circonstances, l'obligation d'équité procédurale requerra une explication écrite de la décision » . Elle a recensé deux cas où des motifs s'imposeraient : lorsque la décision revêt une grande importance pour l'individu et lorsqu'il existe un droit d'appel prévu par la loi. Concluant sur la nécessité de motifs, elle écrivait que des motifs étaient requis dans le cas d'une décision conduisant à l'expulsion d'une personne, et cela parce qu' « il serait injuste à l'égard d'une personne visée par une telle décision, si essentielle pour son avenir, de ne pas lui expliquer pourquoi elle a été prise » .

[29]            La situation de la CIBC ne saurait être comparée à celle de Mme Baker. Les facteurs significatifs liés à la décision de la Commission et la manière dont ils touchent à la CIBC sont les suivants :

·         La nature de la décision ici était un « processus de triage » permettant de dire si un complément d'instruction est ou non requis, il ne s'agissait pas d'une décision finale disposant des droits de l'une ou l'autre des parties concernées;

·         L'économie du texte législatif ne requiert pas que des motifs accompagnent cette décision;

·         Le texte législatif prévoit aussi, en son paragraphe 50(1), que la CIBC aura la possibilité pleine et entière de comparaître et de présenter des observations;

·         La décision ne satisfait pas la CIBC et l'obligera à présenter ses arguments au Tribunal canadien des droits de la personne, mais cela ne réduira pas la liberté ou la capacité de la CIBC de poursuivre ses activités; ce n'est pas une décision « essentielle pour son avenir » ;

·         La Commission a pris sa décision après examen du rapport de l'enquêteur et des nouvelles observations des parties; il n'y a pas eu manquement à l'équité procédurale dans la manière dont la décision a été prise.

[30]            La présente affaire se distingue des affaires Kidd et Gardner en ce que, dans ces précédents, la Commission avait décidé de rejeter la plainte. Comme je l'indique plus haut dans les présents motifs, ces décisions de rejeter la plainte ou de ne pas aller de l'avant avec la plainte déterminaient les droits du plaignant.

[31]            La CIBC fait valoir que, si la Commission ne suit pas la recommandation d'un enquêteur, l'obligation pour elle de motiver sa décision est accrue. Lorsque la Commission décide de renvoyer le différend pour instruction et de ne pas disposer de la plainte, alors je ne partage pas cet avis. Le rapport de l'enquêteur joue un rôle précieux dans le fonctionnement de la Commission, mais il ne modifie pas l'obligation de la Commission d'arriver à sa propre conclusion en tenant compte de toutes les preuves qu'elle a devant elle. L'importance restreinte du rapport de l'enquêteur est également signalée par les dispositions du paragraphe 49(1) de la Loi, qui autorise la Commission à demander au Tribunal d'instruire la plainte, sans même avoir ordonné une enquête.

[32]            Je ferais observer cependant que des motifs plus élaborés auraient permis à toutes les parties, et en particulier à la CIBC, de comprendre quels éléments de preuve avaient conduit la Commission à rejeter la recommandation de l'enquêteur. La nécessité de la présente demande de contrôle judiciaire aurait pu être évitée. L'absence de motifs pourrait dissuader les employeurs, dans des situations semblables, de participer pleinement à l'enquête. Néanmoins, ce n'est pas là un facteur de nature à me convaincre que des motifs plus élaborés sont requis lorsque la recommandation de l'enquêteur en faveur du rejet d'une plainte n'est pas suivie.

[33]            À mon avis, lorsqu'elle exerce son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'alinéa 44(3)a), la Commission n'est pas tenue d'exposer des motifs au-delà de ceux qu'elle a exposés dans la présente affaire. Le fait qu'elle n'ait pas communiqué d'autres motifs ne constituait pas un manquement à l'équité procédurale.

Dispositif

[34]            En conclusion, je ne suis pas persuadée que la décision de la Commission devrait être infirmée. La demande sera rejetée avec dépens en faveur de M. Durrer.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE : la demande est rejetée avec dépens en faveur du défendeur.

« Judith A. Snider »

Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 T-1571-04

INTITULÉ :                                                                BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE

                                                                                    c.

                                                                                    DAN DURRER

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 21 JUIN 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                                               LE 8 AOÛT 2005

COMPARUTIONS :

Norman Grosman et Mark Fletcher                                           POUR LA DEMANDERESSE

David Morin                                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Grosman, Grosman et Gale                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Will Barristers                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Huntsville (Ontario)

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