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     Date : 19981023

     Dossier : IMM-5181-97

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 23 OCTOBRE 1998

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE

     YI ZHANG,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     ORDONNANCE

         Pour les raisons invoquées dans mes Motifs d'ordonnance, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l'affaire est renvoyée pour qu'un autre agent des visas procède à un nouvel examen.

                             Max M. Teitelbaum

                                     J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     Date : 19981023

     Dossier : IMM-5181-97

ENTRE

     YI ZHANG,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

        

LE JUGE TEITELBAUM

INTRODUCTION

[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agent d'immigration a refusé au demandeur la résidence permanente au Canada. Cette demande a été déposée le 16 décembre 1997, et elle repose sur le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale et le paragraphe 82.1(2) de la Loi sur l'immigration. Le demandeur sollicite une ordonnance de certiorari qui annulerait la décision en date du 5 novembre 1997 de l'agent d'immigration Merrill Clarke, et une ordonnance de mandamus qui enjoindrait au défendeur de traiter sa demande de résidence permanente ou, subsidiairement, qui renverrait l'affaire à un autre agent des visas en vue d'un nouvel examen de la demande de résidence permanente au Canada.

LES FAITS

[2]          Le demandeur, M. Yi Zhang, citoyen chinois, a présenté une demande de résidence permanente au Canada au Haut-commissariat du Canada à Londres, dans la catégorie indépendante des travailleurs compétents, Premier chef/cuisinier de plats exotiques. Le 4 novembre 1997, l'agent d'immigration Merrill Clarke a interrogé le demandeur. Par lettre datée du 5 novembre 1997, le demandeur a été avisé que sa demande avait été rejetée. L'agent a fait l'appréciation suivante :

             Âge :                              10
             Demande dans la profession              00
             Préparation professionnelle spécifique      11
             Expérience                          06
             Emploi réservé                          00

             Facteur démographique                  08

             Études                              15

             Anglais                              06

             Français                              00

             Points supplémentaires                  05
             Personnalité                          01

             TOTAL                              62

ARGUMENTATION

[3]          Le demandeur soutient que l'agent a commis une erreur dans l'appréciation de sa personnalité, de la demande dans la profession, de ses études et de sa connaissance linguistique. Il est allégué que plus d'un point d'appréciation aurait dû être attribué pour la personnalité, que l'agent a tenu compte des considérations irrégulières et qu'il a méconnu l'offre d'emploi datée du 24 août 1996 et le fait que le demandeur a un beau-frère au Canada. Pour ce qui est du facteur demande dans la profession, il est allégué que l'agent n'a pas tenu compte des 15 années d'expérience professionnelle de chef/cuisinier acquises par le demandeur, et qu'il s'est appuyé sur des considérations irrégulières indiquées aux paragraphes 9 à 12 de l'affidavit du défendeur. Il est également allégué, dans l'exposé écrit mais non au débat à l'audition, que l'agent a pris en compte l'expérience du demandeur qui avait déjà été appréciée sous la rubrique Expérience, facteur 3 de l'annexe I. Quant aux études, il est soutenu que l'agent n'a pas tenu compte du fait que le demandeur a plus de quatre ans de formation dans l'industrie culinaire et que la combinaison de sa formation, de ses études et de son expérience équivaut à un poste de chef général. Il est en outre prétendu que le demandeur n'a pas eu la possibilité de produire d'autres éléments de preuve à l'appui de ses qualités. En dernier lieu, le demandeur fait valoir que l'agent a commis une erreur dans l'appréciation de sa connaissance de l'anglais, et qu'il aurait dû lui attribuer un minimum de 8 points étant donné qu'il a pu converser sans interprète, obtenu diverses attestations de compétence en anglais et a résidé au Royaume-Uni depuis 1991.

[4]          Le défendeur prétend que l'agent a apprécié le demandeur en tant que cuisinier et chef professionnel, et a conclu qu'il n'avait pas les qualités, la formation et l'expérience nécessaires prévues dans la CCDP. Au sujet des études, il est allégué qu'il n'existait pas de preuve de formation culinaire suffisante, et que le demandeur n'a pas donné de renseignements sur l'équivalence ou la reconnaissance de ses qualifications en matière culinaire en Chine. Il s'agissait d'un cours d'un an à Shanghai et d'un certificat d'hygiène alimentaire essentielle qui nécessitait un cours de base de six heures. Il est allégué que le demandeur a l'obligation de produire la preuve documentaire établissant l'équivalence ou la reconnaissance canadienne, et que l'agent n'était pas tenu de donner au demandeur la possibilité particulière de répondre à ces préoccupations. De plus, l'agent a examiné l'expérience de cuisinier professionnel du demandeur, et il a conclu que la preuve n'était pas convaincante puisqu'aucun document [TRADUCTION] "officiel" confirmant son emploi n'avait été présenté, et que la preuve concernant son emploi et la façon dont il était payé pour ses services n'était pas digne de foi. Puisque l'agent des visas n'a pu établir l'existence d'un minimum d'un an d'expérience de cuisinier professionnel, le demandeur a été apprécié comme second cuisinier, et puisqu'il n'existe pas de demandes dans la profession de second cuisinier, la demande a été rejetée.

LES POINTS LITIGIEUX

         Le demandeur soulève les points suivants :

     1.      L'agent d'immigration a-t-il omis d'observer un principe de justice naturelle, l'équité procédurale ou d'autres exigences procédurales?
     2.      L'agent d'immigration a-t-il fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée?
     3.      L'agent d'immigration a-t-il commis une erreur de droit en refusant au demandeur la résidence permanente?

DISCUSSION

Personnalité

[5]          L'agent a attribué un point pour le facteur personnalité. Cette appréciation est contestée pour le motif qu'elle reposait sur des considérations irrégulières, et qu'elle n'a pas tenu compte de la lettre d'emploi et du fait que le demandeur avait un beau-frère au Canada qui était disposé à subvenir aux besoins du demandeur et de sa famille. Dans ce facteur, l'agent est tenu d'apprécier l'esprit d'initiative du demandeur, sa motivation et sa faculté d'adaptation pour déterminer s'il peut réussir dans son domaine au Canada. L'agent dispose d'un large pouvoir discrétionnaire lorsqu'il prend une décision de ce genre : Iarochenko c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] F.C.J. 150.

[6]          Il ressort de l'affidavit de l'agent que son appréciation reposait sur le fait que le demandeur ne parlait pas couramment l'anglais malgré ses années de résidence au Royaume-Uni, et qu'il ne s'était pas prévalu de la possibilité de suivre des cours culinaires professionnels. L'agent a également considéré que le demandeur n'avait pas donné de renseignements sur les sources de revenus et de fonds. L'agent a apprécié défavorablement ces faits.

[7]          Les faits de l'espèce me convainquent que la connaissance linguistiques du demandeur n'aurait pas dû entrer en ligne de compte dans l'appréciation de sa personnalité : Dragone c. Canada (MCI) (1995), 31 Imm.L.R. (2d) 97 (C.F. 1re inst.). De même, je ne vois pas comment la décision du demandeur de ne pas s'inscrire à des cours culinaires professionnels à l'âge de 42 ans est un reflet de son manque de motivation, d'initiative et de capacité de s'établir avec succès au Canada, alors que la preuve documentaire indique qu'il avait déjà acquis la formation et l'expérience de cuisinier et de chef, et qu'il avait une offre d'emploi. Dans l'affaire Amir c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] F.C.J. 1706, le juge Dubé dit que "la remarque selon laquelle le requérant n'a pas pris de mesures pour "élever son niveau d'éducation" n'est guère appropriée dans le cas du requérant".

L'anglais

[8]          Pour ce qui est des points attribués pour la connaissance de l'anglais, il est clair que l'agent a le pouvoir discrétionnaire de prendre une telle décision. Ainsi que l'a dit la Cour d'appel fédérale dans l'affaire To c. Canada (MCI), [1996] F.C.J. 696, il n'y a pas lieu pour la cour d'intervenir dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce qu'elle aurait pu exercer ce pouvoir de façon différente. La transcription des notes de l'agent des visas indique que, malgré le certificat de compétence en anglais obtenu, M. Zhang n'a pu répondre en détail aux questions relatives à ses qualifications en raison de son anglais. Je suis convaincu que l'appréciation faite par l'agent des visas est raisonnable.

Facteur demande dans la profession

[9]          Le demandeur soutient que des facteurs dénués de pertinence et extrinsèques ont été pris en compte, que l'agent a apprécié le demandeur en tant que second cuisinier et ne lui a attribué aucun point puisqu'il n'existe pas de demandes dans cette profession. L'agent est parvenu à cette conclusion parce que, selon ce qu'il dit dans son affidavit, le demandeur ne lui avait pas fourni le certificat de qualification technique de cuisinier provenant du ministère du Travail de la République populaire de Chine. Le demandeur a produit ce certificat (voir page 64 du dossier du tribunal). De même, on a rapporté la preuve que le demandeur avait un certificat en matière d'hygiène alimentaire essentielle, qui nécessitait un cours de six heures. L'agent a fondé sa décision sur le fait que le demandeur n'avait pas fait évaluer ses qualités au Canada. La décision dit : [TRADUCTION] "Bien que vous ayez un certificat en matière culinaire provenant d'un cours d'un an en Chine, vous n'avez pas fait évaluer vos qualifications pour déterminer si elles répondaient aux normes canadiennes de chef ou de cuisinier". Le demandeur soutient que l'obligation d'équité exige qu'il ait la possibilité de répondre aux impressions d'imperfection.

[10]          Je suis convaincu que ce qui précède équivaut à une entorse à l'équité procédurale. On aurait dû donner au demandeur la possibilité de répondre à toute allégation d'imperfection avant qu'il ne soit apprécié dans une autre catégorie pour laquelle il n'existe pas de demandes. De plus, l'affidavit de l'agent des visas, déposé par le défendeur, paragraphes 9 à 12, montre que l'agent a pris en compte des faits extrinsèques tel le fait que le demandeur n'a pas été officiellement engagé, et qu'il a examiné la question de savoir si le demandeur a payé des impôts ou n'en a pas payé, ainsi que la méthode de paiement de ses services. Il est dit qu'au restaurant Dragon Vale, le demandeur a reçu un paiement d'avance pour ses services au moyen d'un logement gratuit, et qu'aux restaurants Clover et Chung Ying, il a été payé en espèces. L'agent en a conclu que la seule lettre de référence donnée par Dragon Vale n'était pas digne de foi.

[11]          Bien que j'estime que l'agent des visas dispose d'un large pouvoir discrétionnaire dans l'appréciation de la crédibilité du demandeur et de la preuve documentaire produite par ce dernier, je suis convaincu que l'agent des visas a tenu compte de facteurs extrinsèques dans l'appréciation de sa crédibilité, et que ces facteurs n'auraient pas dû entrer en ligne de compte sans avoir donné au demandeur la possibilité de détromper l'agent des visas de toutes ses préoccupations.

CONCLUSION

[12]          Je suis convaincu que l'agent d'immigration a eu tort d'examiner la demande du demandeur dans la catégorie de second cuisinier sans lui avoir donné la possibilité suffisante de répondre aux informations préjudiciables ou aux idées fausses. L'agent a également eu tort de tenir compte d'éléments extrinsèques dans l'appréciation du facteur demande dans la profession et du facteur personnalité. Par exemple, la foi attachée à la preuve documentaire ne devrait pas reposer sur la preuve extrinsèque.

[13]          Je renvoie donc l'espèce pour qu'un autre agent des visas procède à un nouvel examen.

[14]          Les deux parties ont fait savoir qu'elles n'avaient pas

l'intention de soumettre des questions aux fins de certification.

                             Max M. Teitelbaum

                                     J.C.F.C.

OTTAWA (Ontario)

Le 23 octobre 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-5181-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Yi Zhang c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 20 octobre 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

EN DATE DU                      23 octobre 1998

ONT COMPARU :

    Matthew Moyal                      pour le demandeur
    Sally Thomas                      pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Matthew Moyal                      pour le demandeur
    Morris Rosenberg
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour le défendeur

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