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                                                                                                                               Date : 20050916

                                                                                                                    Dossier : IMM-9744-04

                                                                                                               Référence : 2005 CF 1255

ENTRE :

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                        ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                      Demandeur

                                                                          - et -

                                       Miriam Nurkis HERNANDEZ DE GUZMAN

                                                                                                                                  Défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI), rendue le 3 novembre 2004, accueillant l'appel interjeté par la défenderesse à l'encontre d'une décision d'un agent des visas.

Les faits

[2]         Le 6 juin 1999, monsieur Eliseo Guzman Vargas a fait une demande de parrainage d'un parent en faveur de la défenderesse, son épouse.

[3]         Le 4 octobre 1999, la défenderesse a déposé un formulaire de demande d'immigration auprès du bureau des visas à l'ambassade du Canada se trouvant à Haïti.


[4]         Le 11 novembre 1999, l'ambassade du Canada à Haïti a fait parvenir à la défenderesse une déclaration à signer afin dtablir si elle avait des enfants à charge.

[5]         Six mois plus tard, soit le 12 avril 2000, l'ambassade n'ayant pas reçu cette déclaration, elle en a expédié une nouvelle à la défenderesse.

[6]         Presque cinq mois plus tard, soit le 1er septembre 2000, l'ambassade n'avait toujours pas reçu de la défenderesse la déclaration d'enfants à charge requise à deux reprises.

[7]         Le 8 septembre 2000, la défenderesse donnait naissance à sa fille Miralba Herminia Hernandez.

[8]         Le 13 octobre 2000, les notes de l'ambassade indiquaient que la défenderesse devait transmettre la déclaration statutaire concernant les enfants à charge.

[9]         Le 16 octobre 2000, l'ambassade du Canada déclara que le dossier de la défenderesse était enfin prêt à être finalisé et que son visa serait émis ce jour-là . Une fiche relative au droit dtablissement (IMM1000) fut alors émise au nom de la défenderesse par le bureau des visas de Port-au-Prince. Grâce à ce document, la défenderesse avait le droit de se présenter à un point d'entrée au Canada afin d'y demander son admission au Canada à titre de résidente permanente. Ainsi, le 20 novembre 2000, la défenderesse s'est présentée à Dorval avec son formulaire IMM1000 et elle a demandé à être admise à titre de résidente permanente.


[10]       À la question 14 du formulaire IMM1000, que la défenderesse a signé devant l'agent au point d'entrée le 20 novembre 2000, elle atteste ne pas avoir de personnes à charge bien qu'en réalité elle eût donné naissance à sa fille Miralba Herminia Hernandez quelque deux mois plus tôt.

[11]       Lorsque la défenderesse a signé le formulaire IMM1000 au point d'entrée, elle a certifié que les renseignements indiqués aux questions 1 à 17 du formulaire étaient exacts et véridiques.

[12]       La défenderesse est alors entrée au Canada et a obtenu sa résidence permanente le 20 novembre 2000.

[13]       Lors d'une entrevue téléphonique le 30 juillet 2002 entre un agent de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) et la défenderesse, cette dernière a dit qu'elle n'avait pas déclaré son enfant sur sa demande parce qu'elle a eu peur de ce que « l'Immigration penserait » .

[14]       Le 16 octobre 2002, l'ambassade du Canada à Haïti recevait de la défenderesse une demande de parrainage en faveur de Miralba Herminia Hernandez, la fille de la défenderesse et citoyenne de la République dominicaine, dans la catégorie du regroupement familial.

[15]       Cette demande a été refusée par l'agent des visas Michael H. Lubetsky au motif que Miralba Herminia Hernandez ntait pas un membre de la catégorie du regroupement familial au sens de l'alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).


[16]       L'agent des visas dans sa lettre de refus a expliqué que puisque la défenderesse n'avait pas déclaré sa fille et ne lui avait pas fait subir un contrôle d'immigration, en dépit du fait qu'elle était un membre de sa famille à lpoque de ltude de la demande de résidence permanente et jusqu l'obtention de son droit dtablissement le 20 novembre 2000, Miralba Herminia Hernandez n'appartenait pas à la catégorie du regroupement familial au sens du Règlement et sa demande de résidence permanente était refusée.

[17]       La SAI a accueilli l'appel interjeté par la défenderesse à l'encontre de cette décision de l'agent des visas au motif qu'au moment de sa demande de résidence permanente, sa fille ntait pas née. Le tribunal a donc conclu que cette dernière faisait partie de la catégorie du regroupement familial et que l'alinéa 117(9)d) du Règlement ntait pas applicable dans son cas.

Analyse

[18]       Le demandeur soumet que la SAI a erré en faits et en droit en ne tenant pas compte dans sa décision de l'omission de la défenderesse de déclarer aux autorités d'immigration l'existence de sa fille, et ce, à compter de la naissance de celle-ci jusqu ce que la défenderesse devienne résidente permanente, soit le 20 novembre 2000. Le demandeur soumet donc que la SAI a erré dans son interprétation de l'expression « à lpoque de la demande » qui se trouve à l'alinéa 117(9)d) du Règlement. Je suis du même avis, et ce, pour les raisons suivantes.

[19]       La SAI a décidé que l'expression « à lpoque de la demande » correspondait au mois de janvier 2000 sans fournir d'explication à cet égard. Or, le mois de janvier 2000 ne comporte ni la date où la défenderesse a déposé son formulaire de demande d'immigration IMM-0008, soit en octobre 1999, ni la date où elle a envoyé son Certificat de sélection du Québec, soit le 16 octobre 2000. Le mois de janvier 2000 apparaît sur la déclaration statutaire concernant les enfants à charge. Il semble que la SAI a interprété le terme « demande » de façon à n'inclure que certains formulaires initiaux déposés par la défenderesse, notamment la déclaration statutaire concernant les enfants à charge.

[20]       L'alinéa 117(9)d) du Règlement se lit comme suit :



117. (9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

[. . .]

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d'une demande à cet effet, l'étranger qui, à l'époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n'accompagnant pas ce dernier et n'a pas fait l'objet d'un contrôle.

117. (9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

[. . .]

(d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non- accompanying family member of the sponsor and was not examined.


[21]       Or, cette disposition du Règlement doit dtre lue en conjonction avec l'ensemble des autres dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi), afin de tenir compte du contexte de la Loi et du but recherché par celle-ci. Aux termes du paragraphe 11(1) de la Loi, ltranger qui souhaite entrer au Canada doit avoir demandéà l'agent, préalablement à son entrée au Canada, les visa et autres documents requis, lesquels sont ensuite délivrés à la suite d'un contrôle. De plus, l'article 28 du Règlement décrit comment une demande doit être faite, ce qui inclut non seulement le fait qu'elle doive être faite par écrit, mais qu'elle le soit aussi lorsque la personne cherche à entrer au Canada. Donc, une demande s'entend non seulement de la demande initiale faite par écrit par un étranger préalablement à son entrée au Canada, mais également de celle faite au moment où il cherche à entrer au Canada.


[22]       J'ai déjà traité de la même question dans l'affaire Nabil Benjelloun c. Le ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (le 17 juin 2005), IMM-9280-04, 2005 CF 844, où, au paragraphe 12 de la décision, j'ai cité madame la juge Layden-Stevenson dans sa décision Dave c. The Minister of Citizenship and Immigration (le 15 avril 2005), IMM-3386-04, 2005 FC 510. Il est clair qu'une demande de résidence permanente au Canada est un processus continu qui fait l'objet de plusieurs contrôles, qui débute par la demande écrite intiale de visa et qui se termine à l'entrée de ltranger au Canada. Ainsi, ce n'est qu'après que ltranger ait fait l'objet d'un contrôle à un point d'entrée au Canada, où il doit déclarer tout changement important depuis la délivrance de son visa, qu'il pourra obtenir son statut de résident permanent, tel que prévu par l'article 51 du Règlement.

[23]       C'est donc en considérant ce contexte que l'expression « à lpoque où cette demande a été faite » , prévue à l'alinéa 117(9)d) du Règlement, ne peut être limitée à la date où la demande écrite initiale a été faite et encore moins à la date où ltranger a signé une déclaration statutaire concernant les enfants à charge.

[24]       Il est donc manifeste que la SAI a erré dans son interprétation de l'alinéa 117(9)d) du Règlement. La SAI aurait dû considérer que la défenderesse, lorsqu'elle a demandé à entrer au Canada, avait l'obligation de déclarer aux autorités d'immigration la naissance de sa fille, et ce, même si la naissance de celle-ci est survenue après qu'elle eût rempli ses formulaires initiaux.

[25]       Quant aux prétentions de la défenderesse basées sur les paragraphes 3(1) de la Loi et 3(1) et 9(1) de la Convention relative aux droits de l'enfant, mon collègue le juge Kelen en a rejeté de semblables dans l'arrêt Josephine Soliven de Guzman c. Le ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (le 20 septembre 2004), IMM-8447-03, 2004 CF 1276.

[26]       Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est accordée. L'affaire est donc renvoyée pour être reconsidérée par la SAI différemment constituée.

[27]       La question suivante est certifiée :

La Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, dans son interprétation de l'alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, aurait-elle dû considérer que la défenderesse, lorsqu'elle a demandé à entrer au Canada, avait l'obligation de déclarer aux autorités d'immigration la naissance de sa fille, et ce, même si la naissance de celle-ci est survenue après que la défenderesse eût rempli ses formulaires initiaux auprès du bureau des visas à l'ambassade du Canada, à Haïti ?


                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 16 septembre 2005

                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-9744-04

INTITULÉ :                                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION c. Miriam Nurkis HERNANDEZ DE GUZMAN

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 15 août 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                 Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                                   Le 16 septembre 2005        

COMPARUTIONS :

Me Lisa Maziade                                            POUR LE DEMANDEUR

Me William Sloan                                            POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.                                          POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

William Sloan                                                             POUR LA DÉFENDERESSE

Montréal (Québec)


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