Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision



     Date : 19990609

     Dossier : IMM-3243-98

Ottawa (Ontario), le 9 juin 1999

En présence de Monsieur le juge Pinard


Entre

     SONIA LAURA BARRAGAN VELAZQUEZ,

     OMAR PEDRO RODRIGUEZ BARRAGAN,

     MARLENE ALEJANDRA RODRIGUEZ BARRAGAN,

     demandeurs,

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur



     ORDONNANCE


     La Cour déboute les demandeurs de leur recours en contrôle judiciaire contre la décision en date du 9 juin 1998, par laquelle la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu qu'ils n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, tel que ce concept est défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration.

     Signé : Ivon Pinard

     ________________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme,



Laurier Parenteau, LL.L.




     Date : 19990609

     Dossier : IMM-3243-98


Entre

     SONIA LAURA BARRAGAN VELAZQUEZ,

     OMAR PEDRO RODRIGUEZ BARRAGAN,

     MARLENE ALEJANDRA RODRIGUEZ BARRAGAN,

     demandeurs,

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


Le juge PINARD


[1]      Les demandeurs agissent en l'espèce en contrôle judiciaire contre la décision en date du 9 juin 1998 par laquelle la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu'ils n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, tel que ce concept est défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration (la Loi). La principale demanderesse, Sonia Laura Barragan Velazquez, et ses deux enfants sont citoyens du Mexique. La revendication de ces deux derniers est liée à celle de leur mère.

[2]      La Commission a jugé que la principale demanderesse n'avait pas une crainte fondée de persécution, et ce par les motifs suivants :

-      elle n'avait pas produit la preuve concluante de l'incapacité de l'État mexicain de la protéger, de façon à réfuter la présomption que le Mexique est capable d'assurer sa protection;
-      elle avait une possibilité de refuge dans une autre région du pays.

[3]      En ce qui concerne la question de la protection de l'État, on peut lire ce qui suit dans la décision de la Commission :

     [TRADUCTION]

         Le tribunal conclut que la demanderesse n'a pas produit la preuve concluante de l'incapacité de l'État de la protéger, de façon à réfuter la présomption que le Mexique est capable d'assurer sa protection.
         À la question de savoir si elle a demandé protection et aide à la police ou à quelque autre organisme, elle a répondu qu'elle ne l'a pas fait parce que la police était corrompue. Elle a fait savoir qu'il y a d'autres organismes et associations mis sur pied pour venir en aide aux personnes comme elle-même, mais qu'ils " ne sont d'aucun secours ". La demanderesse prétend encore que parce que Daniel Prieto-Prieto est un banquier puissant et a des parents dans l'administration municipale, la police ne ferait rien pour elle. Et que seule sa soeur savait que Daniel Prieto-Prieto avait menacé de la tuer en disant : " un accident est si vite arrivé ".
         Bien que la demanderesse puisse avoir l'impression que la police ne lui viendrait pas en aide, par suite de ses déboires avec Daniel Prieto-Prieto et de la fragilité résultante de son équilibre mental, le tribunal conclut qu'elle ne s'est pas acquittée de l'obligation qui lui incombe de prouver que ses plaintes de violence, d'injures et de menaces ne seraient pas prises en considération par les autorités au Mexique. En conséquence, il n'y a pas lieu de présumer en l'espèce que " la persécution sera probable , et la crainte justifiée, en l'absence de protection de l'État " [Canada (Procureur général) c. Ward , [1993] 2 R.C.S. 689, en page 722].

[4]      Dans M.E.I. c. Villafranca (1992), 150 N.R. 232, en page 233, la Cour d'appel fédérale s'est prononcée en ces termes au sujet de l'aptitude d'un État donné à protéger ses citoyens :

         Il n'est facile de se décharger de l'obligation de prouver que l'on ne peut pas se réclamer de la protection de son propre pays. Le test applicable est objectif, le demandeur étant tenu de démontrer qu'il lui est physiquement impossible de rechercher l'aide de son gouvernement (ce n'est clairement pas le cas ici) ou que le gouvernement lui-même ne peut d'une façon quelconque la lui accorder.
         Aucun gouvernement qui professe des valeurs démocratiques ou affirme son respect des droits de la personne ne peut garantir la protection de chacun de ses citoyens en tout temps. Ainsi donc, il ne suffit pas que le demandeur démontre que son gouvernement n'a pas toujours réussi à protéger des personnes dans sa situation.

                                                 [non souligné dans l'original]

[5]      Dans Kadenko et al. c. Canada (Solliciteur général) (1996), 206 N.R. 272, le juge Décary de la Cour d'appel fédérale a conclu dans le même sens en page 274 :

         Lorsque l'État en cause est un état démocratique comme en l'espèce, le revendicateur doit aller plus loin que de simplement démontrer qu'il s'est adressé à certains membres du corps policier et que ses démarches ont été infructueuses. Le fardeau de preuve qui incombe au revendicateur est en quelque sorte directement proportionnel au degré de démocratie atteint chez l'État en cause: plus les institutions de l'État seront démocratiques, plus le revendicateur devra avoir cherché à épuiser les recours qui s'offrent à lui"

[6]      Par application de ces principes aux faits de la cause tels qu'ils sont établis par les preuves et témoignages, j'estime que les demandeurs ne se sont pas acquittés de l'obligation qui leur incombait de prouver que la section du statut, qui est un tribunal spécialisé, n'aurait pu raisonnablement tirer les conclusions qu'elle a tirées. Dans sa décision, la Commission a pris en compte le fait que la demanderesse n'avait pas demandé protection et aide aux autorités avant de quitter le Mexique, ainsi que ses explications à ce sujet. En outre, la Commission a examiné la question de la protection de l'État à la lumière de l'état mental à l'époque de la principale demanderesse, y compris la preuve qu'elle souffrait de névrose post-traumatique et de dépression aiguë. Dans ce contexte, le fait que la Commission n'ait cité aucune preuve de l'aptitude de l'État mexicain à protéger ses citoyens ne suffit pas à justifier l'intervention de la Cour. En effet, la Commission est réputée avoir pris en considération tous les éléments de preuve produits (cf. Hassan c. Canada (M.E.I.) (1992), 147 N.R. 317, page 318) et, de fait, elle a été saisie de preuves documentaires sur les initiatives et ressources gouvernementales destinées aux victimes de violence conjugale au Mexique.

[7]      Dans ce contexte, je ne peux conclure qu'il était déraisonnable de la part de la Commission de tirer la conclusion qu'elle a tirée. À mon avis, elle pouvait présumer avec raison que l'État mexicain était capable de protéger ses citoyens, sauf effondrement total de l'appareil de l'État au sens du jugement de la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, page 723.

[8]      Puisque la conclusion de la Commission à l'existence d'une protection suffisante de l'État vaut en soi conclusion que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention, il ne sera pas nécessaire que je me prononce sur sa conclusion complémentaire sur la possibilité de refuge à l'intérieur du pays.

[9]      Par ces motifs, le recours en contrôle judiciaire est rejeté.


     Signé : Ivon Pinard

     ________________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 9 juin 1999



Traduction certifiée conforme,



Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER No :              IMM-3243-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Sonia Laura Barragan Velazquez et al. c. M.C.I.


LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)


DATE DE L'AUDIENCE :      18 mai 1999


MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE PINARD


LE :                      9 juin 1999



ONT COMPARU :


M. Peter Stockholder              pour les demandeurs

Mme Geraldine MacDonald              pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


M. Peter Stockholder              pour les demandeurs

Mme Paige Purcell                  pour le défendeur

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.