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Date : 20040324

Dossier : IMM-4876-03

Référence : 2004 CF 450

Toronto (Ontario), le 24 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

ENTRE :

ALEXANDRE KHODOS

TATIANA JIJINA

IOULIA KHODOS

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                                          LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

Les faits

[1]                Les demandeurs Alexandre Khodos (Khodos), sa femme Tatiana Jijina (Jijina) et leur fille Ioulia Khodos (Ioulia), des citoyens russes, ont demandé l'asile en se fondant sur leur origine juive. Leurs demandes ont été rejetées par la Section du statut de réfugié (la SSR) le 5 octobre 2001. La SSR a conclu que le témoignage donné par Khodos à l'appui de leurs demandes n'était pas crédible.


[2]                Les demandeurs ont demandé la tenue d'un ERAR, et ils ont allégué craindre pour leur vie et leur sécurité du fait qu'ils étaient juifs et qu'ils étaient les propriétaires d'une entreprise prospère.

[3]                Pour ce qui est des conséquences qu'entraîne le fait de posséder une entreprise prospère, les demandeurs ont allégué que des skinheads (qui, comme les ultranationalistes, sont antisémites) avaient tenté de leur extorquer de l'argent, et qu'un entrepreneur juif qu'ils connaissaient avait été assassiné parce qu'il avait refusé d'obtempérer à des demandes d'argent. Ils ont également mentionné d'autres incidents de moindre gravité.

[4]                En ce qui concerne leur entreprise et l'absence de la protection de l'État, les demandeurs ont invoqué l'existence d'une extorsion généralisée et des incidents touchant le beau-fils de Khodos, Artem.

[5]                Plus précisément, Artem avait été abordé par des hommes qui lui ont dit que sa famille [traduction] _ n'avait pas encore payé _ et qu'il [traduction] _ marchait sur le sol russe et respirait l'air russe _. Il avait été accosté et agressé par des hommes qui ont fait des commentaires comme [traduction] _ Où est l'argent, Juif? _, et qui lui ont dit que son père et sa soeur étaient des Juifs et ne les avaient pas payés.

[6]                Les demandeurs se sont également plaint d'une absence générale de protection de la part de la police, et plus particulièrement du fait que celle-ci avait omis de les rappeler pour donner suite à la plainte qu'ils avaient déposée après l'agression dont Artem avait été victime.

[7]                Dans la décision relative à l'ERAR rendue le 2 avril 2003, l'agent a conclu que les demandeurs n'avaient pas fourni d'éléments de preuve suffisants pour démontrer qu'ils étaient juifs, que l'extorsion faisait partie du paysage commercial russe et qu'elle n'était pas une menace visant spécifiquement les demandeurs, et que les divers incidents sur lesquels les demandeurs avaient fondé leurs demandes ne donnaient lieu qu'à une simple possibilité qu'ils fussent exposés à un risque s'ils étaient renvoyés en Russie.

[8]                L'agent d'ERAR a également examiné le comportement de la police, et il a conclu que celle-ci donnait suite aux plaintes et avait en fait mené une enquête.

[9]                Dans la présente demande de contrôle judiciaire, les demandeurs allèguent que l'agent d'ERAR a commis une erreur a) en omettant d'accorder une importance appropriée au risque auquel ils étaient exposés en raison de la prospérité de leur entreprise; b) en concluant que la protection de l'État était adéquate malgré l'existence d'une preuve contraire.


Analyse

[10]            En application de l'alinéa 113c) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), l'agent d'ERAR doit tenir compte des examens des risques visés aux articles 96 à 98.

[11]            Pour ce qui est de l'origine juive des demandeurs et de l'article 96, l'agent pouvait prendre en considération la conclusion de la SSR, surtout étant donné que les demandeurs n'avaient fourni aucun élément de preuve nouveau à cet égard.   

[12]            En ce qui concerne l'analyse touchant l'article 97, les demandeurs reprochent à l'agent d'avoir omis de tenir compte de la prospérité de leur entreprise et d'avoir limité son analyse aux risques auxquels ils étaient exposés du fait qu'ils étaient juifs.

[13]            Bien que la décision comporte de nombreuses mentions de l'origine ethnique des demandeurs, ces mentions s'inscrivent dans le cadre d'une analyse des risques et de la protection offerte par l'État. Ce sont les demandeurs qui ont fait valoir que leur origine ethnique et leur religion étaient la raison pour laquelle ils seraient exposés à un risque s'ils retournaient en Russie.

[14]            La question de l'origine juive des demandeurs faisait partie de la mosaïque d'éléments de preuve présentés. Cette origine et le traitement réservé aux Juifs en Russie en général étaient entremêlés à tous les incidents invoqués par les demandeurs. Ils étaient la toile de fond de leur récit et le fil conducteur à l'aide duquel les demandeurs entendaient démontrer l'existence du prétendu risque auquel étaient exposés les gens d'affaires prospères.


[15]            Les demandeurs peuvent difficilement contester l'analyse de l'agent parce que ce sont eux qui ont présenté les événements sous l'angle de l'origine ethnique. Ayant été déboutés sur ce point, ils trouvent commode d'attaquer la décision de l'agent en alléguant que celui-ci n'a pas accordé une importance suffisante au fait qu'ils étaient des gens d'affaires prospères.

[16]            Je ne puis conclure que l'agent a commis une erreur susceptible de contrôle. L'agent était de toute évidence au courant des problèmes de corruption et d'extorsion qui existent en Russie.

[17]            Ce que les demandeurs contestent en réalité, c'est la façon dont l'agent a apprécié les événements, les facteurs et les circonstances en cause. L'analyse de l'agent ne comporte aucun élément que l'on pourrait qualifier de manifestement déraisonnable.

[18]            Les demandeurs affirment également que l'agent a omis de tenir compte de la preuve lorsqu'il a conclu à l'existence d'une protection de l'État adéquate.

[19]            Les éléments de preuve dont l'agent n'aurait pas tenu compte sont l'omission de la police de rappeler les demandeurs, les menaces qu'ils ont reçues lors d'un appel téléphonique et les incidents touchant Artem.

[20]            Le principe selon lequel un agent n'est pas tenu de mentionner tous des faits qu'il a pris en considération avant de parvenir à sa conclusion est bien établi.

[21]            De nombreux éléments de preuve touchant la _ situation au pays _ confirment que même si elle n'est pas parfaite, la protection offerte par l'État russe à ses citoyens est adéquate, et ce, qu'il s'agisse de gens d'affaires ou du grand public. Les dossiers sur les pays constituent la principale source de ce genre d'éléments de preuve objectifs.

[22]            Compte tenu de l'ensemble de la preuve dont il disposait, l'agent pouvait raisonnablement conclure que malgré certaines circonstances propres à la situation des demandeurs, ces derniers pouvaient bénéficier d'une protection de l'État adéquate.

[23]            L'analyse qui sous-tend cette conclusion de l'agent est brève. Une analyse plus étoffée aurait certes été utile. Toutefois, compte tenu de l'ensemble de la preuve, il m'est impossible de qualifier la conclusion de l'agent de déraisonnable.

[24]            L'agent pouvait raisonnablement conclure que la preuve qui lui avait été soumise était insuffisante pour réfuter la présomption relative à la protection de l'État.

[25]            La demande de contrôle judiciaire présentée par les demandeurs devra donc être rejetée.

[26]            La requête dans laquelle le défendeur a demandé que le Solliciteur général du Canada soit constitué défendeur à sa place, présentée avec le consentement des demandeurs, sera accueillie.

[27]            La présente demande ne soulève aucune question à certifier.

                                                                             


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.          Le Solliciteur général du Canada soit constitué défendeur.

2.          La présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

_ Michael L. Phelan _

                                                                                                                                                     Juge                         

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.

                                                                                                                                                           


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-4876-03

INTITULÉ :                                        ALEXANDRE KHODOS

TATIANA JIJINA

IOULIA KHODOS

c.

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                           

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 16 MARS 2004

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                       LE 24 MARS 2004

COMPARUATIONS :                      

Hart A. Kaminker                                  POUR LES DEMANDEURS

A. Leena Jaakkimainen              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kranc & Associates                              POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


                         COUR FÉDÉRALE

                                                         Date : 20040324

                                            Dossier : IMM-4876-03

ENTRE :

ALEXANDRE KHODOS

TATIANA JIJINA

IOULIA KHODOS          

                                                                demandeurs

et

                                                                                   

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                   défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

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