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Date : 20010123


Dossier : IMM-148-97

ENTRE:

     ANDREI ROGOV

     Requérant

     (Partie demanderesse)

     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     Intimée

     (Partie défenderesse)




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS


[1]      Le requérant dans la cause ci-dessus demande, par requête, l'annulation de l'ordonnance du 7 avril 1997 de Madame le juge McGillis, rejetant la demande d'autorisation et contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié statuant que le requérant n'est pas un réfugié au sens de la Convention.


FAITS

[2]      En janvier 1997, le requérant a embauché Me Brigitte Poirier afin de le représenter dans sa demande d'autorisation et contrôle judiciaire de la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ["CISR"].

[3]      Me Poirier a déposé, le 10 janvier 1997, la demande d'autorisation et contrôle judiciaire. Le 18 février 1997, Me Poirier a déposé une requête pour extension de délai pour la mise en état du dossier. Cette requête était appuyée par un affidavit de Me Brigitte Poirier.

[4]      En juin 1997, le requérant apprend, en se rendant aux bureaux de la CISR que la demande d'autorisation avait été rejetée le 7 avril 1997.

PRÉTENTIONS DU REQUÉRANT

[5]      Le requérant est convaincu que Me Poirier a fait la requête en extension de délai parce qu'elle avait oublié de déposer son dossier à la Cour. Le requérant n'a jamais su que Me Poirier avait fait cette requête pour extension de délai.

[6]      Le requérant allègue que les paragraphes 4 et 5 de l'affidavit de Me Poirier à l'appui de la requête du 18 février ne reflète pas la réalité. Les paragraphes 4 et 5 indiquent:

     Après audition par le procureur soussigné et le requérant, un interprète Russe a été consulté afin de traduire les dites cassettes;
     Cette traduction n'a été terminée que le 11 février 1997, ce qui explique la présente requête;
    

[7]      Le requérant prétend qu'il n'a jamais su que Me Poirier a fait la demande des cassettes de l'audience devant la CISR. Le requérant n'a jamais vu les cassettes de l'audience ni ne les a jamais entendues avec ou sans la présence de Me Poirier.

[8]      Le requérant allègue qu'il n'a jamais `connu' le traducteur russe qui a été consulté afin de traduire les cassettes et qu'il n'a jamais vu les transcriptions faites par le traducteur russe.

[9]      Le requérant argumente que la règle 82 des Règles de la Cour fédérale, 1998, ne permet pas à un avocat d'être à la fois l'auteur d'un affidavit et de présenter à la Cour des arguments fondés sur cet affidavit.

[10]      Par conséquent, le requérant soutient que l'ordonnance du juge McGillis, datée du 7 avril 1997, a été obtenue sur la base d'un vice procédural. Le requérant prétend également que le revendicateur de statut de réfugié est le mieux placé pour faire part à la Cour, par son affidavit, de la nature de sa demande de contrôle judiciaire.

[11]      Le requérant soutient que la requête a été illégalement admise par le greffe de la Cour. Le requérant argumente également que la requête du 18 février 1997 va à l'encontre du principe de l'impartialité puisqu'une personne ne peut être l'avocat et la partie dans le même procès.

[12]      Selon le requérant, le fait que la Cour ait accepté l'affidavit de Me Poirier a eu pour conséquence d'accepter Me Poirier comme partie au procès alors que son rôle devait se limiter à être l'avocate du requérant.

PRÉTENTIONS DE L'INTIMÉE

[13]      Puisque le requérant n'a pas précisé en vertu de quel article des règles, il demande l'annulation de l'ordonnance du juge McGillis, l'intimée présume que le requérant invoque la règle 399(2)a).

[14]      L'intimée soutient que lorsqu'un demandeur allègue des faits nouveaux, découverts suite à une ordonnance rendue, le demandeur doit démontrer que ces faits ne pouvaient, avec diligence raisonnable, être découverts avant la date alléguée.

[15]      L'intimée soutient que l'erreur ou la négligence d'un procureur ne donne pas ouverture à l'application de la règle 399. Le fait que l'avocate du requérant a signé un affidavit au soutient d'une procédure qu'elle plaide elle-même ne saurait constituer un fait nouveau.

[16]      L'intimée prétend que le procureur d'une partie à un litige est son mandataire ou alter ego et qu'à ce titre, il assume, pour le compte de son mandant, plusieurs obligations dont celles de la conduite des procédures.

[17]      L'intimée considère qu'il serait inéquitable qu'une personne qui décide de se faire représenter par un procureur qu'elle choisit librement puisse être excusée des erreurs que pourrait commettre ce mandataire, alors qu'une personne qui décide de se représenter elle-même ait à subir les conséquences des erreurs qu'elle pourrait commettre, en l'occurrence le rejet de sa demande d'autorisation.

[18]      De plus, l'intimée soutient que le requérant n'a pas prouvé qu'il a agi avec une diligence raisonnable. Le requérant doit préciser à quel moment le fait qu'il invoque à l'appui de sa requête a été découvert, il doit expliquer tout délai qui se serait écoulé avant qu'il ne présente à la Cour sa requête en annulation de jugement et il doit fournir des motifs raisonnables pouvant justifier tout retard à agir. Il doit aussi établir que le fait n'aurait pu être découvert plus tôt s'il avait fait preuve d'une diligence raisonnable.

[19]      Par conséquent, l'intimée soutient que le demandeur ne s'est pas déchargé de son fardeau d'établir que les faits invoqués dans sa requête justifient l'annulation du jugement de cette Cour.

ANALYSE

[20]      Tel qu'il fut indiqué dans Canada (M.E.I.) v. Chung, [1993] 2 F.C. 42 par la Cour d'appel fédérale:

     In order to have a judgment set aside under Rule 1733 an applicant must demonstrate that the matter was discovered subsequently and that he has acted with reasonable diligence (See Saywack v. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1986] 3 F.C. 189 (C.A.); Rostamian v. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1991), 14 Imm. L.R. (2d) 49 (F.C.A.)). Normally, in a Rule 1733 application, the Court will consider those two questions before deliberating on the merits of the application. It follows that there is no assurance that the Court will ever consider the merits of an application under Rule 1733 as the application may be dismissed before reaching that point.

[21]      Bien que la règle 82, qui prévoit qu'un avocat ne peut être l'auteur d'un affidavit et présenter à la Cour des arguments fondés sur cet affidavit, n'était pas en vigueur au moment de la décision du juge McGillis en l'espèce, il est vrai que le principe de la règle 82 était bien connu et déjà appliqué par les tribunaux.

[22]      Cependant, je ne crois pas que la découverte par le requérant que son ancienne procureure avait présenté une requête pour extension de délai puisse être considérée comme fait nouveau.

[23]      En effet, tel qu'indiqué par l'intimée, la négligence d'un procureur ne peut constituer un fait nouveau. Dans l'affaire Skorokhodov c. Canada (M.C.I.), [1997] A.C.F. no. 1008, le juge Nadon indique au paragraphe 13:

     Il se dégage de cette décision qu'un requérant doit démontrer, afin de rencontrer les exigences de la Règle 1733, qu'il n'a pris connaissance des nouveaux faits invoqués que postérieurement aux décisions dont il cherche l'annulation, que diligence raisonnable n'aurait pu permettre la découverte de ces faits plus tôt et que ces faits sont de nature telle que s'ils avaient été portés à la connaissance de la Cour, les jugements rendus auraient probablement été différents.
     [...]
         À mon avis, les propos du juge Létourneau sont suffisants pour disposer de l'argument des requérants, en l'instance, selon lequel la découverte de la prétendue négligence de Me Karpishka leur permet d'invoquer la Règle 1733. À mon avis, cet argument est mal fondé. Je ne peux voir comment on pourrait distinguer les faits dans Moutisheva des faits qui sont devant moi. Les requérants en l'instance, comme les requérants dans Moutisheva, allèguent la découverte d'erreurs et d'omissions de leur ancien avocat pour invoquer la Règle 1733.
     Il est vrai que, contrairement aux requérants dans Moutisheva, les requérants en l'instance n'allèguent aucune "fraude" de la part de leur avocat. Les propos du juge Létourneau demeurent néanmoins pertinents. La découverte de la négligence de Me Karpishka ne constitue pas, à mon avis, des "faits survenus postérieurement à ce jugement ou à cette ordonnance ou qui ont été découverts par la suite, ...", donnant ouverture à l'annulation des jugements attaqués. Me Karpishka, l'avocat des requérants, était leur "mandataire". Les requérants ne peuvent, à mon avis, invoquer la négligence de ce dernier pour faire annuler les ordonnances du juge McGillis.

[24]      Je suis également d'accord avec l'intimée que le requérant n'a pas démontré par son affidavit qu'il avait fait preuve de diligence raisonnable afin de "découvrir" les nouveaux faits et de les présenter au tribunal.

[25]      La requête a été déposée en février 1997 et a été rejetée en avril 1997. Ce n'est qu'en juin 1997 que le requérant a pris des démarches pour savoir ce qui arrivait à son dossier et qu'il a été informé du rejet de sa demande. Le requérant n'a retenu les services d'un avocat pour la présente requête que le 30 septembre 2000. Le délai du requérant à prendre les services d'un avocat n'est pas expliqué et selon moi, démontre que le requérant n'a pas fait preuve de diligence raisonnable.

[26]      Par conséquent, la requête est rejetée.






                         Pierre Blais

                         Juge

OTTAWA, ONTARIO

Le 23 janvier 2001

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