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Date : 20051117

Dossier : IMM-151-05

Référence : 2005 FC 1549

ENTRE :

MAGYAR DEZSONE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]                Ces motifs font suite à l'audition d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la SPR ayant déterminé que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention ou une personne ayant besoin de la protection du Canada. La décision de la SPR est datée du 15 décembre 2004.

[2]                La demanderesse est citoyenne de Hongrie et prétend appartenir à l'ethnie des Roms. Devant la SPR, elle a prétendu être fondée à craindre la persécution en raison de son ethnie et parce que son ex-mari, d'avec qui elle a obtenu le divorce en janvier 1996, la menace. Elle est arrivée au Canada en septembre 2001 et a immédiatement présenté une demande d'asile.

[3]                En étayant sa décision, la SPR, après quelques brèves observations sur l'appartenance ethnique de la demanderesse, conclut que le tribunal n'est « ... pas en mesure de conclure si la demandeure d'asile est effectivement une Rome... » Elle a donc disposé très sommairement de la demande concernant la prétendue appartenance ethnique de la demanderesse.

[4]                La SPR a alors examiné plus en détail la demande fondée sur les allégations de menaces de l'ancien mari de la demanderesse. La SPR remarque que, dans les notes prises au point d'entrée de la demanderesse, il était inscrit que l'ancien mari de celle-ci la poursuivait encore et était violent. Dans ses raisons, la SPR souligne ceci :

Cependant, sa prétendue crainte de son ex époux après leur séparation en 1995 était un nouvel élément de sa demande d'asile qu'elle avait omis d'indiquer à la question 37 de son Formulaire de renseignements personnels [...] En effet, son FRP précisait que, en 1995, elle s'était séparée de son époux parce qu'il était violent et agressif envers elle. Elle a aussi présenté la décision de la Cour prononçant son divorce, document authentique, semble-t-il, qui considérait que le mariage de la demandeure d'asile manquait d'harmonie.

[5]                La SPR était clairement troublée par le fait que la demanderesse n'avait pas exprimé sa crainte face à son ancien mari sur son FRP. La transcription des délibérations de l'audience de la SPR montre que la demanderesse a été interrogée longuement sur cette question. Le document de divorce mentionné plus haut montre bien que la demanderesse était victime de mauvais traitement de la part de son mari au cours des dernières années de son mariage, mais la SPR fait remarquer que ce mariage était dissout depuis plus de cinq ans quand la demanderesse est venue au Canada. Finalement, la SPR n'était tout simplement pas convaincue par l'explication de la demanderesse quant aux raisons qui ont fait que sa crainte face à son mari n'était pas mentionnée dans son FRP. La SPR conclut : « De l'avis du tribunal, la demandeure d'asile n'était ni crédible ni digne de foi quand elle prétendait qu'elle avait peur d'être brutalisée par son ex époux si elle rentrait en Hongrie. »

[6]                Par conséquent, la SPR a rejeté la requête de la demanderesse, pour des raisons de crédibilité, tant sur la question de son appartenance ethnique que sur celle de sa prétendue crainte de son ancien mari.

[7]                Au regard de la norme de contrôle de décision manifestement déraisonnable, et malgré la plaidoirie compétente de l'avocat de la demanderesse, je n'ai pas de doute qu'il était loisible à la SPR de conclure au manque de crédibilité de la demanderesse et, pour cette raison seulement, cette demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[8]                La SPR, malgré sa constatation probante concernant la crédibilité de la demanderesse, a étudié les autres raisons d'examiner la nécessité de protection de l'État face à la possibilité que la demanderesse doive retourner en Hongrie. L'avocat de la demanderesse insistait sur le fait que la SPR avait erré dans la manière dont elle avait évalué les preuves présentées par la demanderesse et les preuves documentaires dont elle était saisie sur la demande d'asile. L'avocat de la demanderesse insistait sur le fait que, si la demande de contrôle judiciaire était rejetée, comme ce fut effectivement le cas, la Cour devrait répondre aux questions suivantes :

                  [TRADUCTION]

1.                     L'existence de la protection de l'État exige-t-elle d'un demandeur qu'il demande ou obtienne de l'aide au-delà des services offerts par la police, ou à l'encontre de ceux-ci, si la police n'est pas disposée à fournir cette protection, ou en est incapable?

2.                     a) La Cour fédérale peut-elle être « divisée sur la question de la protection qu'offre l'État aux Roms » (en Hongrie), de façon qu'on puisse « invoquer des arguments raisonnables au soutien des deux opinions » , comme ce fut le cas dans l'affaire Racz c. Canada [2004] C.F.J. no 1562? Autrement dit, le critère pour un pays donné où sévit un groupe radical particulier, fondé sur les mêmes preuves concernant la situation de ce pays, concernant la protection de l'État, doit-il être appliqué selon une norme de rectitude ou de raisonnabilité?

b) S'il faut appliquer une norme de raisonnabilité, peut-il y avoir deux conclusions raisonnables contradictoires concernant un même pays, vis-à-vis du même groupe racial, à partir des mêmes preuves, eu égard à la protection de l'État?

[9]                Je suis convaincu que la question de la protection de l'État n'est pas un élément central de la décision de la Cour, puisque la question de la crédibilité dont il avait été question plus tôt est celle qui a été déterminante, et la conclusion de la présente Cour qu'il était loisible à la SPR d'en décider ainsi est le seul fondement de la présente décision. Les questions pour lesquelles on demande une certification ne seraient pas déterminantes dans un appel de ma présente décision, et ne doivent donc pas être certifiées. (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Liyanagamage, [1994] C.F.J. no 1637 (F.C.A.)).

[10]            En conclusion, cette demande d'examen judiciaire est rejetée et aucune question ne sera certifiée.

« Frederick E. Gibson »

Juge

Toronto (Ontario)

17 novembre 2005

Traduction certifiée conforme

Isabelle Rochon, trad. a.


LA COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-151-05

INTITULÉ :                                                                MAGYAR DEZSONE

demanderesse

                                                                                    et

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

                                                                                    DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 15 NOVEMBRE 2005

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :            LE JUGE GIBSON

DATE :                                                                        LE 17 NOVEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Rocco Galati                                                                 POUR LA DEMANDERESSE

John Provart                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Galati, Rodrigues & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)                                                          POUR LA DEMANDERESSE

                                                                             

                                                                              John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                POUR LE DÉFENDEUR


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