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Date : 20050502

Dossier : T-894-04

Référence : 2005 CF 599

ENTRE :

                                                                    WING TSE

demandeur

                                                                            et

                                            FEDERAL EXPRESS CANADA LTD.

défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE DAWSON

[1]                M. Wing Tse présente une demande de contrôle judiciaire qui vise une décision rendue le 8 avril 2004 par la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission), laquelle rejetait sa plainte contre Federal Express Canada Ltd. (Federal Express), qui était alors son employeur.

[2]                M. Tse a été engagé par Federal Express en octobre 1989 comme messager. Le 5 avril 2002, il a déposé une plainte devant la Commission alléguant que, en violation de l'article 14.1 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la Loi), Federal Express avait exercé de la discrimination à son endroit en représailles du fait qu'il avait antérieurement déposé une plainte en matière de droits de la personne contre elle. M. Tse prétendait également que, contrairement à l'article 7 de la Loi, Federal Express avait pratiqué de la discrimination contre lui en le traitant de façon hostile et en l'ostracisant en raison de ses origines chinoises ou de son appartenance à ce groupe ethnique.

[3]                Plus spécifiquement, M. Tse allègue que tous les incidents suivants étaient liés au fait qu'il avait précédemment déposé une plainte devant la Commission, ou se rapportaient à ses origines chinoises ou à son appartenance à ce groupe ethnique :

1.          Le 16 août 2000, son directeur a, en présence de deux autres employés, critiqué la façon dont M. Tse tentait d'accélérer la livraison d'un paquet. M. Tse a cru que son directeur essayait de le pousser à accomplir des gestes qui mèneraient à son congédiement.

2.          En novembre 2000, le précédent directeur des opérations a refusé de rembourser à M. Tse l'équivalent d'une heure de travail pour qu'il puisse aller voter à une élection fédérale. M. Tse soutient que le précédent directeur des opérations a, à la même occasion, également omis de payer un autre employé d'origine chinoise. M. Tse a dû solliciter l'intervention du vice-président du personnel pour être payé.


3.          Le 20 avril 2001, M. Tse est tombé d'un tabouret cassé, se blessant lui-même ainsi qu'un collègue de travail. À la suite de cette blessure, M. Tse a été dans l'impossibilité de reprendre son travail, et ce, jusqu'au 26 avril 2001. Dans une note de service datée du 14 mai 2001, l'ancien directeur des opérations a réprimandé M. Tse pour avoir volontairement utilisé du matériel défectueux, et a allégué que M. Tse avait fait preuve d'un manque de jugement. Il a par conséquent été congédié du Comité de santé et de sécurité en milieu de travail dont il était pourtant le cofondateur.

4.          Le 26 avril 2001, l'ancien directeur des opérations a envoyé M. Tse chez son médecin pour qu'il obtienne une note lui permettant de reprendre son travail. Lorsque M. Tse s'est présenté à son poste le même jour, on lui a dit de rentrer chez lui. Il n'a donc gagné aucun salaire. M. Tse prétend que l'ancien directeur des opérations avait déjà autorisé d'autres employés à poursuivre leur journée de travail dans de pareilles circonstances.

5.          Le 22 novembre 2001, l'actuel directeur des opérations a faussement accusé M. Tse d'avoir gaspillé 24 minutes du temps de l'entreprise. Une tierce partie indépendante a par la suite déterminé que cette accusation n'était pas fondée.

6.          Le 14 janvier 2002, deux employés de race blanche ainsi que M. Tse ont été accusés à tort d'avoir insulté un troisième employé de race blanche et, après que cet incident eut été réglé, seul M. Tse n'a pas reçu de salaire.


7.          Le 23 janvier 2002, le même troisième employé de race blanche a harcelé M. Tse. Dans une lettre d'avertissement datée du 29 janvier 2002, le directeur des opérations prenant parti pour l'employé contre M. Tse accusait au contraire ce dernier de se comporter de façon intimidante et hostile à l'endroit de l'employé en question.

[4]                Federal Express a nié avoir pris des mesures de représailles à l'encontre de M. Tse à cause de sa plainte précédente, ou l'avoir traité de façon hostile et en l'ostracisant en raison de ses origines chinoises ou de son appartenance à ce groupe ethnique. Selon Federal Express, la plainte de M. Tse est frivole et devrait être rejetée.

LA DÉCISION DE LA COMMISSION

[5]                Les membres de la Commission ont rappelé que, avant de rendre leur décision, ils avaient étudié le rapport de l'enquêteur ayant examiné les plaintes de M. Tse, ainsi que tous les arguments déposés par les parties en réponse à son rapport. C'est donc après avoir examiné les informations mises à sa disposition que la Commission a décidé, en vertu de l'alinéa 44(3)b) de la Loi, de rejeter la plainte de M. Tse car « les preuves n'appuyaient pas les allégations selon lesquelles [Federal Express] aurait traité [M. Tse] de manière discriminatoire en représailles du dépôt précédent d'une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne, ou en raison de ses origines chinoises ou de son appartenance à ce groupe ethnique » . L'article 44 de la Loi est reproduit en annexe des présents motifs.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[6]                M. Tse soulève six points. Il prétend que :


1.          La Commission a omis d'exercer son autorité en vertu de l'article 43 de la Loi et d'examiner les faits implacablement.

2.          La Commission n'a pas respecté les principes de justice naturelle et d'équité procédurale en manifestant un manque constant de compréhension.

3.          La Commission s'est basée uniquement sur le rapport de l'enquêteur sans examiner les preuves sous-jacentes.

4.          La Commission s'est basée uniquement sur la conclusion de l'enquêteur, créant chez le demandeur une crainte raisonnable de partialité.

5.          La Commission a fondé sa décision sur une enquête erronée et sommaire qui a été menée de manière négligente et qui ne tenait pas compte des éléments déposés.

6.          La Commission a, dans l'exercice de son autorité, servi une fin inadéquate, pris en compte de mauvaises considérations, omis d'examiner des éléments pertinents et n'a pas respecté l'exigence de neutralité et de rigueur.

NORME DE CONTRÔLE


[7]                La Cour suprême du Canada a, à plusieurs reprises, souligné que, dans tout contrôle judiciaire de l'exercice d'un pouvoir légal par un décideur administratif, le point de départ est la détermination, suivant l'analyse pragmatique et fonctionnelle, de la norme de contrôle appropriée. Cependant, dans la mesure où M. Tse soulève des questions d'équité procédurale, l'analyse pragmatique et fonctionnelle ne s'applique pas à ces questions. Dans l'arrêt S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 100, la Cour suprême a établi que les questions d'équité procédurale sont des questions de droit. Aussi, le critère à appliquer au contrôle d'une violation alléguée de l'obligation d'équité est-il celui de la décision correcte.

[8]                Pour ce qui est de la norme de contrôle applicable aux autres questions soulevées par M. Tse, l'analyse pragmatique et fonctionnelle exige que le tribunal judiciaire examine une série de facteurs dans le but d'établir si une question particulière portée devant un décideur administratif doit faire l'objet d'un contrôle rigoureux, subir un « examen ou une analyse en profondeur » , ou être laissée à la quasi détermination exclusive du décideur. Dans chaque cas, la question ultime à résoudre est le degré de déférence à accorder, conformément à l'intention du législateur, à la décision en question. Les facteurs pertinents à considérer dans le cadre de l'analyse pragmatique et fonctionnelle ont trait à l'existence d'une clause restrictive ou d'un droit d'appel, à l'expertise relative du décideur, à l'objet de la législation pertinente et aux dispositions particulières soulevées, ainsi qu'à la nature de la question.

[9]                En l'espèce, la disposition pertinente, soit le sous-alinéa 44(3)b)i) de la Loi, prévoit que la Commission doit rejeter une plainte « si elle est convaincue » que, « compte tenu des circonstances relatives à la plainte » , l'examen de celle-ci « n'est pas justifié » . Le libellé utilisé par le législateur indique l'existence d'une certaine déférence.


[10]             Pour ce qui est des facteurs spécifiques à considérer lors de l'application de l'analyse pragmatique et fonctionnelle, soulignons premièrement que la loi est muette quant à la question du contrôle d'une décision de la Commission portant qu'aucun examen n'est justifié. Aucune clause restrictive ni aucun droit spécifique d'appel n'est prévu. Le silence constitue donc un facteur neutre.

[11]            Deuxièmement, en ce qui concerne l'expertise relative de la Commission, il se peut qu'un organisme administratif soit appelé si habituellement à faire des constatations de fait dans un contexte législatif particulier qu'il en acquiert une certaine expertise institutionnelle. J'estime que c'est le cas lorsque la Commission doit décider, à partir de faits qui lui sont présentés, si un examen est justifié. Cette expertise milite en faveur d'une certaine déférence.


[12]            Troisièmement, pour ce qui est de l'objet de la Loi, tels qu'il est énoncé à l'article 2, il est de donner effet au principe selon lequel tous les individus ont le droit à l'égalité des chances d'épanouissement, indépendamment de toute considération discriminatoire. Dans la réalisation de cet objet, la Commission a le pouvoir discrétionnaire de rejeter une plainte lorsqu'elle est convaincue qu'un examen plus approfondi n'est pas justifié. Lorsqu'elle prend cette décision, la Commission n'apprécie pas la preuve comme dans le cadre d'une instance judiciaire, mais décide si les éléments de preuve qui lui sont présentés constituent une base raisonnable pour passer à l'étape suivante. La nature de cet exercice n'exige pas de la Commission qu'elle résolve ou équilibre des objectifs politiques contradictoires ou qu'elle pondère les intérêts des diverses parties concernées. Cet exercice n'engage pas non plus la Commission dans des questions de politiques. Ces objets législatifs commandent une plus grande déférence. Par contre, le sous-alinéa 44(3)b)i) est une disposition qui s'inscrit dans un contexte de résolution de litiges ou de détermination de droits entre deux parties. Ce type de dispositions commande une moins grande déférence. Je conclus que l'objet législatif spécifique du sous-alinéa 44(3)b)i) appelle une déférence judiciaire moindre.

[13]            Enfin, pour ce qui est de la nature du problème, la décision faisant l'objet du contrôle est essentiellement basée sur des faits. Les faits dont disposait la Commission justifiaient-ils un examen? Ce facteur milite en faveur d'une plus grande déférence à l'égard de la décision de la Commission car, même si la question peut être considérée comme une question mixte de fait et de droit, elle dépend surtout des faits.

[14]            À la lumière de cette analyse, je conclus que la norme de contrôle applicable à la décision en cause est celle de la décision raisonnable simpliciter. Cette conclusion est compatible avec celle de la Cour d'appel fédérale dans Gee c. Canada (Ministre du Revenu national) (2002), 284 N.R. 321 (C.A.F.), au paragraphe 13, ainsi qu'avec celles de notre Cour dans MacLean c. Marine Atlantic Inc. (2003), 243 F.T.R. 219, et Gardner c. Canada (Procureur général) (2004), 250 F.T.R. 115.

ANALYSE

[15]            Bien que M. Tse ait soulevé six points distincts, il soulève essentiellement deux questions :

1.          La Commission a-t-elle omis d'assurer une équité procédurale à M. Tse ?


2.          La décision de la Commission était-elle si déraisonnable qu'elle devrait être annulée?

[16]            Chaque question sera abordée à tour de rôle.

(i)          La Commission a-t-elle omis d'assurer une équité procédurale à M. Tse ?

[17]            Parmi les préoccupations de M. Tse figure la question de savoir si sa demande a été examinée de manière appropriée parce que la Commission « s'est basée uniquement sur le rapport de l'enquêteur sans examiner les preuves sous-jacentes » et si la Commission a basé sa décision sur une enquête erronée et sommaire.

[18]            Les exigences relatives à l'équité procédurale sont variables. Elles dépendent, en l'espèce, de facteurs tels que la nature de l'enquête requise, l'économie de la Loi, la procédure retenue par la Commission et l'impact de la décision sur M. Tse. L'équité procédurale exige généralement que ceux qui seront affectés par la décision aient une possibilité significative de soumettre des éléments de preuve pertinents et de voir ces éléments pleinement et équitablement considérés. Voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux paragraphes 22, 28 et 32.

[19]            En ce qui concerne la compétence de la Commission de décider si un examen est justifié, la Cour d'appel fédérale a estimé que l'équité procédurale n'exige pas que les membres de la Commission examinent le dossier d'enquête au complet. Ils peuvent s'en remettre au rapport de l'enquêteur. À cela s'ajoutent au moins trois exigences.


[20]            Premièrement, l'enquêteur qui prépare le rapport doit être impartial et rigoureux. L'intervention judiciaire est justifiée lorsqu'un enquêteur omet, selon les termes du juge Nadon dans Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574 (1re inst.), aux paragraphes 41 à 60; confirmé par (1996), 205 N.R. 383 (C.A.F.), d'examiner une « preuve manifestement importante » . Voir aussi Tahmourpour c. Canada (Solliciteur général), (2005) C.A.F. 113; [2005] A.C.F. no 543, aux paragraphes 8 et suivants.

[21]            Deuxièmement, la Commission doit informer les parties de la nature des preuves obtenues par l'enquêteur et soumises à la Commission. Cette exigence est remplie par la divulgation du rapport de l'enquêteur aux parties. Voir Canadian Broadcasting Corp. c. Paul (2001), 198 D.L.R. (4e) 633 (C.A.F.), aux paragraphes 39 à 44.

[22]            Troisièmement, la Commission doit offrir aux parties la possibilité de faire toutes les observations pertinentes en réponse au rapport de l'enquêteur et elle doit tenir compte de ces observations lorsqu'elle rend sa décision. Voir Canadian Broadcasting Corp., précité.


[23]                        Appliquons ces principes à la présente affaire. Dans son rapport, l'enquêteur traite de chacune des allégations de M. Tse et les analyse séparément. Il consigne clairement les preuves qui lui ont été présentées relativement à chaque allégation, chaque témoin avec lequel il s'est entretenu ainsi que les conclusions qu'il a tirées à partir des preuves relatives à chacune des allégations. Il s'est entretenu avec plus d'une douzaine de témoins, et certains témoins ont été interrogés plus d'une fois. Il n'a pas interrogé seulement les directeurs ou superviseurs de Federal Express, mais aussi les collègues de M. Tse, qui ont assisté aux événements. L'enquêteur a obtenu et examiné des informations pertinentes de Federal Express (par exemple, sa politique portant sur la possibilité offerte aux employés d'aller voter). Il a examiné le dossier de la Commission relatif à la première plainte déposée par M. Tse dans le but d'établir quels directeurs ou superviseurs de Federal Express avaient connaissance de la plainte initiale. M. Tse n'a, à mon avis, apporté aucune preuve permettant de conclure que l'enquête a été bâclée, qu'elle était sommaire ou qu'elle a fait abstraction de preuves cruciales. M. Tse n'a donc pas réussi à établir que l'enquête était incomplète au point d'équivaloir à une violation de l'obligation d'équité procédurale. Le rapport de l'enquêteur a donc incontestablement constitué un argument à partir duquel la Commission pouvait décider si un examen était justifié.

[24]            Le rapport de l'enquêteur a ensuite été transmis à M. Tse tout comme l'a été, par la suite, la réponse de Federal Express audit rapport. M. Tse a présenté des arguments en réponse à la fois au rapport de l'enquêteur et à la réponse de Federal Express. Les deuxième et troisième exigences précitées ont donc été remplies.

[25]            J'estime par conséquent que M. Tse n'a pas été privé de son droit à l'équité procédurale.


[26]            Dans la mesure où M. Tse allègue une crainte raisonnable de partialité parce que la Commission s'est basée « uniquement sur la conclusion de l'enquêteur » , le critère à appliquer pour décider s'il existe une telle crainte raisonnable consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? » Voir Comm. for Justice c. Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394.

[27]            Deux réponses sont, à mon avis, possibles à la question de M. Tse relativement à la crainte raisonnable de partialité. Premièrement, il n'existe pas de raison de conclure que la Commission n'a pas examiné les réponses de M. Tse et celles de Federal Express au rapport de l'enquêteur. Ainsi, contrairement à l'argument de M. Tse, la Commission ne s'est pas fondée uniquement sur le rapport de l'enquêteur. Deuxièmement, et de manière plus importante, dans la mesure où la Commission a suivi la procédure établie par la Loi et la jurisprudence, et dans la mesure où le rapport de l'enquêteur a cité des documents et des témoins pertinents que la Commission devait elle-même examiner, et vu le volume d'affaires soumises à la Commission, aucune personne bien renseignée ne pourrait, à mon avis, raisonnablement conclure que la Commission n'a pas rendu une décision juste relativement à la plainte de M. Tse parce qu'elle s'est uniquement fondée sur le rapport de l'enquêteur et qu'elle n'a pas examiné la totalité des preuves sous-jacentes.

(ii)         La décision de la Commission était-elle si déraisonnable qu'elle devrait être annulée?


[28]            Une décision déraisonnable est une décision qui n'est appuyée sur aucun motif pouvant résister à un examen poussé. Une décision n'est déraisonnable « que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l'a fait » . Une décision peut satisfaire à cette norme de contrôle si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n'est pas convaincante aux yeux de la cour de révision. Voir Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 55.

[29]            La Commission n'a fourni aucun motif à l'appui de sa décision. Cependant, la Cour d'appel fédérale a confirmé dans Canadian Broadcasting Corp, précité, au paragraphe 43, que « les tribunaux ont statué que les motifs de la Commission sont ceux qui sont exposés dans le rapport d'enquête lui-même » .

[30]            Suivant la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter, la Commission disposait de suffisamment d'éléments de preuve à partir du rapport de l'enquêteur et des observations soumises en réponse par les parties pour appuyer la conclusion selon laquelle la façon dont M. Tse avait été traité par Federal Express ne correspondait pas à des représailles à sa plainte antérieure et ne s'expliquait pas par ses origines chinoises ou par son appartenance à ce groupe ethnique. Les motifs constitués à partir de ces preuves ont été fournis par l'enquêteur pour expliquer la conclusion selon laquelle la façon dont M. Tse avait été traité ne constituait ni des mesures de représailles ni un acte discriminatoire en raison de ses origines chinoises ou de son appartenance à ce groupe ethnique. Généralement, selon ces motifs, Federal Express avait donné des raisons satisfaisantes pour expliquer la série de mesures disciplinaires dont M. Tse avait fait l'objet. La position de Federal Express a souvent été confirmée par des notes de service établies au moment où les événements pertinents sont survenus, et ces notes ont été citées par l'enquêteur dans son rapport.


[31]            J'ai conclu que l'examen de la preuve par l'enquêteur, et les motifs accompagnant sa recommandation à la Commission de ne pas procéder à l'examen de l'affaire, résistent à un examen poussé. Ces motifs, dans leur ensemble, sont défendables, fondés sur la preuve, et étayent la décision de la Commission selon laquelle un examen n'était pas justifié. La décision n'était donc pas déraisonnable.

CONCLUSION

[32]            La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[33]            Bien que Federal Express ait sollicité les dépens dans ses observations écrites, elle n'a présenté aucun argument à ce sujet lors de l'audience. Federal Express devra donc, dans les sept jours suivant la date de réception des présents motifs, signifier et déposer un mémoire relatif aux dépens. M. Tse devra également, dans les sept jours suivant la date de réception du mémoire de Federal Express, signifier et déposer son mémoire en réponse relativement aux dépens. Federal Express aura ensuite quatre jours pour signifier et déposer toute observation en réponse.


[34]            Après l'examen de ces observations, une ordonnance sera rendue qui rejettera la demande de contrôle judiciaire et qui traitera de la question des dépens.

                                                                                                               « Eleanor R. Dawson »      

      Juge

Ottawa (Ontario)

Le 2 mai 2005

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


                                                                   ANNEXE

Article 44 de la Loi canadienne sur les droits de la personne :

44. (1) L'enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l'enquête.

44(2) La Commission renvoie le plaignant à l'autorité compétente dans les cas où, sur réception du rapport, elle est convaincue, selon le cas :

a) que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

b) que la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale.

44(3) Sur réception du rapport d'enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

a) peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l'article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue :

(i) d'une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci est justifié,

(ii) d'autre part, qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c) à e);

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci n'est pas justifié,

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l'un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

44(4) Après réception du rapport, la Commission :

a) informe par écrit les parties à la plainte de la décision qu'elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3);

b) peut informer toute autre personne, de la manière qu'elle juge indiquée, de la décision qu'elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3).

44. (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

44(2) If, on receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission is satisfied

(a) that the complainant ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available, or

(b) that the complaint could more appropriately be dealt with, initially or completely, by means of a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act,

it shall refer the complainant to the appropriate authority.

44(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

(a) may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry under section 49 into the complaint to which the report relates if the Commission is satisfied

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is warranted, and

(ii) that the complaint to which the report relates should not be referred pursuant to subsection (2) or dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e); or

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

44(4) After receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

(a) shall notify in writing the complainant and the person against whom the complaint was made of its action under subsection (2) or (3); and

(b) may, in such manner as it sees fit, notify any other person whom it considers necessary to notify of its action under subsection (2) or (3).

                                                                             


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                       T-894-04

INTITULÉ :                                       WING TSE

et

FEDERAL EXPRESS CANADA LTD.

LIEU DE L'AUDIENCE :               VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :             LE 5 AVRIL 2005

MOTIFS DE

L'ORDONNANCE :                        LA JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                     LE 2 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Wing Tse                                           POUR SON PROPRE COMPTE

Andrea L. Zwack                              POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Wing Tse                                           POUR SON PROPRE COMPTE

Heenan Blaikie s.r.l.                         POUR LA DÉFENDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)


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