Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20021209

Dossier : IMM-5102-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1275

ENTRE :

                                                CRECENTIAKATHI SAKTHIVEL

GUKAN SAKTHIVEL

PRETHIPAN SAKTHIVEL

NIROSHINI SAKTHIVEL

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et ses modifications, de la décision datée du 5 octobre 2001 dans laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.


[2]                Les demandeurs sollicitent une ordonnance d'annulation de la décision de la Commission et de renvoi de l'affaire à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau sur l'affaire.

Les faits

[3]                La demanderesse (Crecentiakathi Sakthivel) et l'un de ses trois enfants (Gukan Sakthivel), âgé de 12 ans, sont des citoyens du Sri Lanka. Ses deux autres enfants, Prethipan Sakthivel, 5 ans, et Niroshini Sakthivel, 3 ans, seraient nés à Moscou, en Russie, mais on n'a jamais obtenu leur certificat de naissance. En conséquence, ils sont apatrides. Cependant, ils ont présenté une demande de citoyenneté sri-lankaise fondée sur la citoyenneté de leur mère. Le résultat de cette demande n'a pas été communiqué.

[4]                La demanderesse, Crecentiakathi Sakthivel, prétend craindre avec raison d'être persécutée du fait de ses opinions politiques (imputées) et de son appartenance à un groupe social (c.-à.-d. les Tamouls de l'Est du Sri Lanka). Selon la demanderesse, la persécution viendrait des autorités sri-lankaises, en particulier de l'armée, et des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (les TLET).


[5]                L'argument de la demanderesse est fondé sur les problèmes que son conjoint avait eus avec les TLET et les forces de sécurité sri-lankaises. Elle atteste que la suite d'événements antérieurs à mars 1995 a fait en sorte qu'il est devenu impossible pour eux de continuer à vivre au Sri Lanka.

[6]                En 1990, l'oncle de la demanderesse et l'un de ses cousins ont été abattus par l'armée parce qu'ils étaient soupçonnés de participation aux activités des TLET. Par la suite, en 1993, l'oncle de son conjoint a été abattu par les TLET pour avoir omis de verser une contribution financière. Bien que la demanderesse et son conjoint aient habité une région de Batticaloa contrôlée par l'armée, les TLET étaient actifs durant la nuit et ont extorqué une somme de 100 000 roupies à son conjoint en 1994. Le 7 mars 1995, au cours de négociations de paix entre les TLET et le gouvernement, le conjoint de la demanderesse s'est vu ordonner par les TLET de se présenter à un entraînement militaire. On lui a dit que les TLET étaient convaincus que les négociations échoueraient, et qu'ils recrutaient des citoyens pour créer une armée. Les TLET lui ont dit que s'il ne se joignait pas à eux volontairement, il y serait forcé. Il a accepté de se joindre à eux et on lui a donné trois jours pour rassembler ses affaires avant de commencer son entraînement. Durant ces trois jours, la demanderesse, son conjoint et leur fils Gukan ont quitté Batticaloa pour se rendre à Colombo. Le 15 mars 1995, la police a effectué une descente dans l'hôtel où ils séjournaient et a arrêté le conjoint de la demanderesse. Avec un peu d'aide, la demanderesse a réussi à le faire libérer. Toutefois, la police a dit à ce dernier de quitter Colombo pour sa sécurité.


[7]                La demanderesse et son conjoint ont par la suite demandé l'aide de parents à l'étranger, qui leur ont fourni l'argent nécessaire pour payer les services d'un « agent » qui les ferait passer à l'étranger. L'agent n'a pas réussi à obtenir les documents nécessaires pour tous les trois; le conjoint de la demanderesse a donc été envoyé en premier. Le conjoint de la demanderesse a quitté le Sri Lanka et est arrivé à Niagara Falls, aux États-Unis, le 23 mars 1995. Il est entré au Canada et a revendiqué avec succès le statut de réfugié le 18 mai 1995. Sur recommandation de l'agent, la demanderesse et son fils se sont rendus à Moscou, en Russie, en passant par Singapour, et se sont installés dans une maison retirée où d'autres réfugiés tamouls habitaient dans l'attente de leurs titres de voyage vers le Canada.

[8]                Après avoir attendu plusieurs mois ses titres de voyage, la demanderesse a supplié son mari de venir la rejoindre à Moscou. L'agent a fait le nécessaire pour que celui-ci la rejoigne. Ils ont passé trois ans en Russie à attendre les titres de voyage de la demanderesse. Ils ont eu deux enfants pendant cette période. Le 18 juin 1999, la demanderesse et ses trois enfants sont arrivés au Canada et ont revendiqué le statut de réfugié.


[9]                La demanderesse prétend qu'elle et ses enfants risquent d'être recrutés de force par les TLET si on les oblige à retourner au Sri Lanka. En leur absence, les TLET se sont mis à recruter également les femmes et les enfants. Elle soutient que son fils de 12 ans et elle seront recrutés. En outre, elle affirme que sa famille et elle risquent d'être punis par les TLET parce que son conjoint les a antérieurement déçus. Enfin, elle prétend que la situation actuelle amènera les forces de sécurité à soupçonner elle et ses enfants de participation aux activités des TLET.

Les conclusions de la Commission

[10]            La décision de la Commission comportait les conclusions suivantes :

Je suis d'avis que la revendicatrice manque de crédibilité et que la preuve ne permet pas d'établir que les revendicateurs font face à des possibilités sérieuses d'être menacés de persécution au Sri Lanka pour des motifs relevant de la Convention. Ils ne sont donc pas des réfugiés au sens de la Convention.

[11]            La Commission a conclu que les éléments objectif et subjectif de la crainte fondée de persécution étaient défaillants dans la revendication de la demanderesse.

[12]            La Commission a conclu au caractère inadéquat des documents soumis à l'appui de la demande. La Commission a conclu que les documents soumis n'établissaient pas où avait résidé la demanderesse depuis 1991. La Commission a également conclu que comme le conjoint de la demanderesse avait déjà passé par le processus de revendication du statut de réfugié, il aurait dû s'assurer que la demanderesse produirait les documents pertinents. Pour la Commission, il était « invraisemblable » que l'agent ait été capable de s'arranger pour que le conjoint de la demanderesse se rende immédiatement au Canada, mais que ça lui ait pris quatre ans pour obtenir le transfert de la demanderesse.


[13]            La Commission avait de fortes réserves au sujet de l'absence des certificats de naissance des enfants nés en Russie. La demanderesse a dit qu'elle avait été confinée dans une maison de chambres pendant tout son séjour en Russie, et qu'on lui avait interdit de sortir par crainte qu'elle ne soit appréhendée par les autorités russes du fait de son statut de résidente non autorisée. En conséquence, elle ne s'est risquée à sortir que pour donner naissance à ses enfants dans une clinique médicale. Elle prétend que les dispositions nécessaires ont été prises par l'agent, mais qu'en raison de leur statut de résidents non autorisés, la naissance des enfants n'a pas été enregistrée. La Commission n'a pas cru que la demanderesse ait même séjourné en Russie parce qu'aucune preuve matérielle du séjour n'avait été fournie. La Commission a dit :

Je ne crois pas au récit de la revendicatrice. Selon toute probabilité, je trouve qu'il n'est pas plausible. À cet égard, je remarque que la revendicatrice n'était en mesure de fournir aucun détail raisonnablement acceptable sur la Russie ou sur Moscou. Son explication de séquestration sonne faux. En fait, si je dois croire la version de son conjoint selon laquelle ils seraient restés tout simplement assis dans une pièce à regarder la télévision pendant des années, je trouve qu'il y a d'autres raisons de croire que la revendicatrice devrait pouvoir communiquer du moins quelques connaissances au sujet de la Russie même si elle ne pouvait pas comprendre la langue. Et si, à vrai dire, le conjoint de la revendicatrice a pu soutenir apparemment sans problème le séjour de sa famille à Moscou pendant toute cette période et avoir deux enfants nés dans une clinique médicale, je ne comprend pas qu'il n'ait pas avait fait preuve de diligence raisonnable et utilisé les mêmes ressources pour obtenir les certificats de naissance de ses enfants. Je tire une conclusion défavorable en matière de crédibilité puisque la revendicatrice n'a pas réussi à fournir une explication convaincante de son incapacité à présenter des certificats de naissances apparemment raisonnablement faciles à obtenir pour Prethipan et Niroshini.

De toute manière, même si j'acceptais le fait que la revendicatrice se serait trouvée en Russie de juin 1995 à juin 1999, cela ne ferait pas progresser la demande.

[14]            La Commission a conclu que l'omission de la demanderesse de revendiquer le statut de réfugié en Russie était incompatible avec une crainte fondée de persécution. Cela suffisait pour rejeter sa revendication.


[15]            En outre, la Commission a conclu que la demanderesse ne risquait pas sérieusement d'être persécutée au Sri Lanka. Selon la Commission, la preuve documentaire était plus objective et fiable que le témoignage de la demanderesse. Se fondant sur des renseignements obtenus du Département d'État des États-Unis, la Commission a déclaré que le gouvernement sri-lankais avait pris des dispositions importantes pour régler le problème des violations des droits de la personne et de la discrimination dont sont victimes les Tamouls dans ce pays. Elle a également affirmé que d'autres solutions s'offraient à la demanderesse si les autorités la harcelaient, dont la possibilité de demander l'aide du Committee to Inquire into Undue Arrest and Harassment (le CIUAH).

[16]            Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle les TLET pourraient faire du mal à la demanderesse en raison de l'omission de son conjoint de se présenter à un entraînement militaire, la Commission a conclu qu'il s'agissait d'une exagération. Se fondant sur le fait qu'aucun mal n'avait été fait à la mère de la demanderesse ou à sa soeur, qui résident toujours dans la région, la Commission a conclu que cette allégation n'était pas fondée. Selon la Commission, les demandeurs ne s'exposeraient qu'à une faible possibilité de persécution aux mains des TLET s'ils devaient retourner dans la région de résidence de la demanderesse ou dans toute autre région du Sri Lanka contrôlée par les forces de sécurité.

[17]            Vu qu'elles s'appuyaient sur la revendication de leur mère, les revendications des enfants ont également été rejetées.


Les allégations de la demanderesse

[18]            La demanderesse soutient que le tribunal a commis une erreur de droit en n'appréciant pas correctement le témoignage de son fils de 12 ans, Gukan.

[19]            La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur de droit dans sa conclusion sur la crédibilité parce qu'elle n'a accordé aucune importance au témoignage du conjoint de la demanderesse et au fait que celui-ci avait été jugé crédible et qu'il avait obtenu le statut de réfugié en 1995 sur la base des mêmes faits que ceux à l'appui de la demande en l'espèce.

Les allégations du défendeur

[20]            Le défendeur soutient que la section du statut de réfugié n'a pas commis d'erreur de droit en concluant que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.

[21]            Le défendeur prétend que la demanderesse n'a pas établi que la Commission n'avait pas correctement apprécié la revendication de son fils de 12 ans.

[22]            Le défendeur affirme qu'il était raisonnablement loisible à la Commission de conclure que le témoignage du conjoint de la demanderesse était incohérent et intéressé. Il ajoute que la Commission n'est pas tenue de suivre ses conclusions antérieures sur la crédibilité.


[23]            Enfin, le défendeur soutient que la demanderesse n'a pas établi que sa demande soulevait une question de droit défendable.

[24]            La question litigieuse

La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle dans le traitement qu'elle a accordé au témoignage du conjoint de la demanderesse?

[25]            Les dispositions législatives pertinentes

Les dispositions pertinentes de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, sont rédigées comme suit :

2.(1) « réfugié au sens de la Convention » Toute personne :

2.(1)"Convention refugee" means any person who

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).

. . .

(b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2),

. . .

8. (1) Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada de prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

8. (1) Where a person seeks to come into Canada, the burden of proving that that person has a right to come into Canada or that his admission would not be contrary to this Act or the regulations rests on that person.

46.01 (1) La revendication de statut n'est pas recevable par la section du statut si l'intéressé se trouve dans l'une ou l'autre des situations suivantes :

46.01 (1) A person who claims to be a Convention refugee is not eligible to have the claim determined by the Refugee Division if the person

a) il s'est déjà vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention par un autre pays dans lequel il peut être renvoyé;

(a) has been recognized as a Convention refugee by a country, other than Canada, that is a country to which the person can be returned;

b) il est arrivé au Canada, directement ou non, d'un pays - autre que celui dont il a la nationalité ou, s'il n'a pas de nationalité, que celui dans lequel il avait sa résidence habituelle - qui figure dans la liste établie en vertu des règlements d'application de l'alinéa 114(1)s);

(b) came to Canada, directly or indirectly, from a country, other than a country of the person's nationality or, where the person has no country of nationality, the country of the person's habitual residence, that is a prescribed country under paragraph 114(1)(s);

(3) Pour l'application de l'alinéa (1)b), le pays de provenance de l'intéressé est celui d'où il est parti pour le Canada, indépendamment du caractère légal ou non de son séjour dans ce pays, sauf, sous réserve de tout accord conclu en vertu de l'article 108.1, s'il ne s'y trouvait qu'en vue d'un vol de correspondance à destination du Canada.

(3) For the purposes of paragraph (1)(b),

. . .

(b) a person who comes to Canada from a country shall be considered as coming to Canada from that country whether or not the person was lawfully in that country.

L'analyse et la décision

[26]            La documentation soumise par la demanderesse, Crecentiakathi Sakthivel, comportait le Formulaire de renseignements personnels (le FRP) de son mari. Une autre formation de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié avait accordé au mari de la demanderesse le statut de réfugié. Le mari de la demanderesse a aussi produit un témoignage oral à l'audition de la demanderesse devant la Commission.


[27]            Les deux avocats ont mentionné à l'audience que la seule question sur laquelle je devais statuer portait sur le traitement accordé par la Commission au témoignage du mari de la demanderesse et sur le traitement qu'elle a accordé aux faits contenus dans son FRP.

[28]            La Commission a affirmé ce qui suit en ce qui concerne la crédibilité (page 109 du dossier du tribunal) :

J'ai des doutes sérieux quant à la crédibilité de la revendicatrice en raison de la preuve documentaire présentée par elle et son conjoint; ces doutes ne penchant pas en leur faveur, ils sont suffisants pour réfuter la présomption de sincérité et appuyer la constatation selon laquelle la revendicatrice manque en général de crédibilité.

[29]            Il y a deux autres références au témoignage du mari de la demanderesse, mais chacune de ces références à des exagérations se rapporte à des éléments de preuve de ce qui se passera dans l'avenir. Ces références ne traitent pas du témoignage du mari de la demanderesse sur ce qui s'est passé jusqu'en 1995 et qui se rapporte à la demande des demandeurs.

[30]            Il n'y a aucun doute que la Commission peut tirer des conclusions de crédibilité. Cependant, si la Commission se propose de tirer une conclusion de non-crédibilité contre une personne, elle doit signaler les éléments précis de la preuve dont elle a tenu compte pour tirer cette conclusion. La Commission ne peut pas se contenter de déclarer qu'elle conclut qu'un témoin n'est pas crédible.


[31]            Le juge Heald, s'exprimant au nom de la Cour dans Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 228 (QL) (C.A.), a déclaré :

L'appelant est la seule personne qui a témoigné verbalement devant la Commission; son témoignage n'a pas été contredit. Les seules observations concernant sa crédibilité figurent dans le bref passage cité ci-dessus, dont l'ambiguïté rend la situation difficile. En effet, le tribunal ne rejette pas catégoriquement le témoignage de l'appelant mais semble douter de la crédibilité de ce dernier. Selon moi, la Commission se trouvait dans l'obligation de justifier, en termes clairs et explicites, pourquoi elle doutait de la crédibilité de l'appelant. L'évaluation (précitée) que la Commission a faite au sujet de la crédibilité de l'appelant est lacunaire parce qu'elle est exposée en termes vagues et généraux. La Commission a conclu que le témoignage de l'appelant était insuffisamment détaillé et parfois incohérent. Il aurait certainement fallu commenter de façon plus explicite l'insuffisance de détails et les incohérences relevées. De la même façon, il aurait fallu fournir des détails sur l'incapacité de l'appelant à répondre aux questions qui lui avaient été posées.

[32]            En l'espèce, le témoignage du mari de la demanderesse sur ce qui s'est passé jusqu'en 1995 n'a fait l'objet que d'une déclaration générale quant à la crédibilité. Lorsqu'il a témoigné, on ne l'a pas interrogé sur le contenu de son FRP, document que la demanderesse a inclus dans sa revendication.

[33]            La Commission, dans sa décision, a affirmé (page 10 du dossier du tribunal) :

[...] [J]e dois déterminer, notamment, si la revendicatrice a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle se trouvait récemment au Sri Lanka. Sans connaître les circonstances particulières qui prévalaient avant son arrivée au Canada, je suis incapable de déterminer de manière objective que la revendicatrice et ses enfants sont des réfugiés au sens de la Convention, décision qui inclut l'évaluation de la manière dont ils peuvent être perçus par les présumés agents de persécution, soit les TLET et les forces de sûreté. Sans savoir où ils sont allés ni ce qui leur est arrivé, je ne peux que présumer, et la présomption n'est pas un fondement valide de décision. [...]


[34]            Sur le vu de cet extrait, il est évident que la Commission a accordé beaucoup d'importance à la question de savoir où se trouvaient les demandeurs avant leur arrivée au Canada. C'est pourquoi le FRP et le témoignage du mari de la demanderesse sont si importants. Ils contiennent des éléments de preuve qui, si on y prête foi, pourraient corroborer les allégations des demandeurs.

[35]            J'ai examiné la décision et je n'arrive pas à trouver, sauf pour ce qui est des deux exceptions où le témoignage fait référence à des événements futurs, où la Commission a fait quelque référence que ce soit au témoignage du mari de la demanderesse.

[36]            En conséquence, j'estime que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu'elle a tiré la conclusion suivante quant à la crédibilité du conjoint de la demanderesse (page 13 du dossier du tribunal) :

J'ai des doutes sérieux quant à la crédibilité de la revendicatrice en raison de la preuve documentaire présentée par elle et son conjoint; ces doutes ne penchant pas en leur faveur, ils sont suffisants pour réfuter la présomption de sincérité et appuyer la constatation selon laquelle la revendicatrice manque en général de crédibilité.

La Commission peut tirer des conclusions quant à la crédibilité, mais elle doit être précise et donner les motifs pour lesquels elle ne prête pas foi à un témoignage, en l'espèce celui du mari de la demanderesse.

[37]            Pour ce motif, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à une autre formation de la Commission pour qu'elle la réexamine.


[38]            Je n'ai pas besoin de tirer de conclusion pour ce qui est de l'utilisation que l'on doit faire, le cas échéant, du témoignage du mari de la demanderesse, qui a apparemment déjà été accepté par une autre formation de la Commission. C'est à la formation qui entendra de nouveau la demande de le faire.

[39]            Avant que je prononce mon ordonnance, les parties auront une semaine à compter de la date des présents motifs pour soumettre à mon examen une question grave de portée générale, et une autre semaine pour déposer une réponse.

« John A. O'Keefe »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 9 décembre 2002

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-5102-01

INTITULÉ :                                                    CRECENTIAKATHI SAKTHIVEL

GUKAN SAKTHIVEL

PRETHIPAN SAKTHIVEL

NIROSHINI SAKTHIVEL

- et -                            

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le vendredi 11 octobre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                   Le lundi 9 décembre 2002

COMPARUTIONS :                                     Lorne Waldman

POUR LES DEMANDEURS

Marcel Larouche

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :       Jackman, Waldman & Associates

281, avenue Eglinton Est

Toronto (Ontario)

M4P 1L3                                 

POUR LES DEMANDEURS

Ministère de la Justice

Bureau 3400, C.P. 36, Tour Exchange

130, rue King Ouest

Toronto (Ontario)

M5X 1K6

POUR LE DÉFENDEUR


                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

              SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20021209

Dossier : IMM-5102-01

ENTRE :

CRECENTIAKATHI SAKTHIVEL

GUKAN SAKTHIVEL

PRETHIPAN SAKTHIVEL

NIROSHINI SAKTHIVEL

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                                                                       

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                                                      


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.