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Date : 20020131

Dossier : IMM-523-01

Référence neutre : 2002 CFPI 120

Toronto (Ontario), le 31 janvier 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                                SMILJANA SCEKIC

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

  •         Il s'agit en l'espèce d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en application de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, visant la décision par laquelle un tribunal formé de deux commissaires de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé, le 10 janvier 2001, de reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention à la demanderesse.

[2]             La demanderesse voudrait que la Cour annule la décision de l'agent et renvoie l'affaire afin qu'elle fasse l'objet d'un nouvel examen.


Les faits

[3]             La demanderesse est originaire de Belgrade, en Yougoslavie. Elle prétend avoir fait l'objet de soupçons dans son pays parce qu'elle est une Monténégrine du Monténégro.

[4]                 La demanderesse aurait commencé une relation avec un membre du parti radical en 1998. Elle aurait ensuite joint les rangs de ce parti pour lui faire plaisir. Elle prétend qu'elle a été exposée à un grave danger à cause de cette relation. Elle aurait reçu de nombreux appels de menaces, des coups de feu auraient été tirés sur son automobile en stationnement et celle-ci aurait explosé en juin 1998. Elle prétend que sa situation dans son pays est instable et qu'elle courrait un grand danger si elle y retournait.

[5]                 La revendication du statut de réfugié de la demanderesse a été entendue le 30 novembre 2000.

[6]                 La Commission a indiqué dans sa décision qu'après avoir examiné avec soin tous les éléments de preuve produits elle était convaincue qu'il n'existait pas une possibilité raisonnable ou sérieuse que la demanderesse soit persécutée pour l'un des cinq motifs énumérés dans la définition. La demanderesse n'ayant pas réussi à démontrer le bien-fondé de sa crainte de persécution, la Commission a statué qu'elle n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.


Prétentions de la demanderesse

[7]                 La demanderesse soutient qu'elle n'a pas eu droit à l'équité procédurale parce que le défendeur n'a pas veillé à ce que les deux commissaires ne tombent pas endormis pendant l'audience. Elle prétend en particulier que le commissaire qui a rédigé la décision a dormi pendant une bonne partie de l'audience.

[8]                 La demanderesse soutient que le défendeur a commis une erreur de fait en interprétant mal la preuve qu'elle a présentée à l'audience.

[9]                 Elle soutient également qu'il y a eu manquement à l'équité procédurale et à la justice naturelle à cause de la négligence de son conseil.

[10]            La Cour doit décider si la décision de la Commission devrait être annulée.

Analyse

[11]            La demanderesse a allégué, dans un affidavit, que l'un des membres du tribunal, M. Tahiri, a dormi pendant une bonne partie de l'audience. Voici les passages pertinents de cet affidavit :

paragraphes 3 et 4 :


[traduction] L'audience a duré quatre heures environ. Un seul membre de la Commission, M. Rossi, a pris la parole pendant l'audience. L'autre commissaire, M. Tahiri, semblait être endormi pendant toute l'audience. Je ne me rappelle pas qu'il ait dit quelque chose, sauf peut-être pour me saluer. J'ai donc été particulièrement surprise et abasourdie de voir que c'est lui qui a rédigé la décision de la Commission.

Je n'arrive pas à comprendre comment il a pu rendre une telle décision alors qu'il semble avoir littéralement dormi pendant toute l'audience.

paragraphe 13 :

[traduction] Environ 45 minutes après le début de l'audience, j'ai remarqué que M. Tahiri dormait. Il a attiré mon attention parce que sa tête tombait en avant comme s'il ne pouvait pas la retenir.

paragraphes 19 et 20 :

[traduction] Entre 10 h et 10 h 30, M. Rossi a proposé que nous prenions une première pause. Il a suspendu l'audience. J'ai alors vu M. Tahiri ouvrir les yeux : ils étaient injectés de sang.

Pendant la pause, M. Gombinsky semblait en colère à cause de la rapidité avec laquelle l'audience se déroulait. Il m'a demandé si j'avais remarqué que M. Tahiri dormait. Je lui ai répondu que je l'avais effectivement remarqué et que je ne pouvais pas croire qu'une personne chargée de rendre une décision aussi importante pour moi pouvait dormir pendant l'audience. J'étais fâchée, mais je ne savais pas quoi faire.

[12]            Le seul autre élément de preuve qui peut jeter de la lumière sur la question de savoir si le commissaire a dormi est la transcription de l'audience.

[13]            Aux pages 2 et 3 de la transcription, le commissaire en question, M. Tahiri, parle à plusieurs reprises d'assermenter la demanderesse. M. Tahiri réapparaît ensuite à la page 5 de la transcription, alors qu'il répond à une question de l'autre commissaire :


[traduction]

ROSSI            Est-ce clair, M. Tahiri?

TAHIRI           J'en ai pris bonne note.

[14]         M. Tahiri fait de brefs commentaires aux pages 6 et 8 de la transcription. Il tente ensuite de poser une question à la page 9. La transcription indique qu'il a repris la parole à deux reprises à la page 16 et montre qu'il savait dans une certaine mesure ce qui se passait devant lui. M. Tahiri a de nouveau pris la parole à la page 19, où il a comparé un élément du Formulaire de renseignements personnels de la demanderesse au témoignage que celle-ci a rendu à l'audience. M. Tahiri ne dit plus rien jusqu'à la page 49. La transcription indique par contre que M. Rossi est intervenu à de nombreuses reprises pendant l'audience.

[15]            La demanderesse n'a pas été contre-interrogée au sujet de son affidavit. Celui-ci indique toutefois que le commissaire a [traduction] « littéralement dormi pendant toute l'audience » , alors que, selon la transcription, il a pris la parole pendant l'audience. La demanderesse a aussi affirmé que le commissaire [traduction] « dormait » parce que [traduction] « sa tête tombait en avant » .


[16]            Comme je n'étais pas présent à l'audience et qu'il s'agit d'une allégation sérieuse, il est difficile pour moi de conclure que le commissaire a dormi pendant l'audience. Il est indiqué dans l'affidavit que le commissaire semblait être endormi et que la demanderesse pensait qu'il dormait, mais aussi que le commissaire a dormi pendant l'audience. Il ressort pourtant de la transcription que le commissaire a pris la parole à quelques reprises et a posé des questions pendant l'audience. Je dois ajouter que ce n'est pas parce qu'un commissaire ne parle pas beaucoup pendant une audience qu'il est endormi.

[17]            Compte tenu de tous les éléments de preuve qui ont été produits, je ne suis pas disposé à conclure que le commissaire a dormi pendant l'audience. Je suis par contre convaincu que la demanderesse a réussi à démontrer qu'il est dans l'intérêt de la justice que l'affaire soit entendue de nouveau par un tribunal différemment constitué de la Commission.

[18]            Vu ma conclusion, il n'est pas nécessaire que j'examine les autres questions soulevées par la demanderesse.

[19]            Par conséquent, la décision de la Commission est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu'elle fasse l'objet d'un nouvel examen.

[20]            Aucune des parties n'a demandé la certification d'une question grave de portée générale.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la décision de la Commission soit annulée et que l'affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu'elle fasse l'objet d'un nouvel examen.

    « John A. O'Keefe »

ligne

                                                                                                             Juge                        

Toronto (Ontario)

Le 31 janvier 2002

   

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

   

DOSSIER :                                                         IMM-523-01

INTITULÉ :                                                        Smiljana Scekic

- et -

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le mercredi 31 octobre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                     Monsieur le juge O'Keefe

DATE DES MOTIFS :                                     Le jeudi 31 janvier 2002

  

COMPARUTIONS :

Max Chaudhary                                                                              POUR LA DEMANDERESSE

Jeremiah Eastman                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet juridique Chaudhary                                                          POUR LA DEMANDERESSE

18, promenade Wynford, bureau 707

Toronto (Ontario)

M3C 3S2

Ministère de la Justice                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Bureau régional de l'Ontario

Exchange Tower, bureau 3400, casier 36

130, rue King Ouest

Toronto (Ontario)

M5X 1K6


                                                  

                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

  

Date : 20020131

Dossier : IMM-523-01

ENTRE :

SMILJANA SCEKIC

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                                                                              

                     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

  

                                                                                                                              

   
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