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Date : 20020731

Dossier : IMM-1340-01

Référence neutre : 2002 CFPI 832

ENTRE :

                                      MD. ABUL KALAM

                                                                                                  demandeur

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]    Voici les motifs qui m'amènent à rejeter séance tenante la présente demande de contrôle judiciaire et à ne pas certifier de question.

CONTEXTE


[2]    M. Kalam est un résident du Bangladesh qui a demandé la résidence permanente au Canada dans la catégorie des travailleurs qualifiés autonomes. M. Kalam a demandé d'être évalué pour les professions envisagées de travailleur social CNP 4152.0, d'agent de développement économique CNP 4163.0, de recherchiste en matière de politique sociale CNP 4164.1, de recherchiste pour des enquêtes sociales CNP 4164.5 et d'agent de projets d'aide et de développement internationaux CNP 4164.4.

LA DÉCISION

[3]    L'agent des visas a estimé que M. Kalam ne pouvait être évalué dans la profession envisagée de travailleur social parce qu'il ne répondait pas aux conditions d'accès à la profession, n'étant pas titulaire d'un diplôme universitaire en travail social. L'agent des visas a également estimé que M. Kalam ne pouvait prétendre à occuper l'emploi d'agent de développement économique parce qu'il ne répondait pas aux conditions d'accès à la profession, n'étant pas titulaire d'un diplôme universitaire en économie, en commerce, en gestion des affaires ou en administration publique.

[4]    Pour ce qui est des professions envisagées de recherchiste en matière de politique sociale et de recherchiste pour des enquêtes sociales, l'agent des visas a jugé que M. Kalam n'avait pas obtenu le nombre minimum de points d'appréciation qu'exige le sous-alinéa 9(1)b)(i) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 ( « le Règlement » ).


[5]                 M. Kalam a fait l'objet d'une évaluation négative pour la profession envisagée d'agent de projets d'aide et de développement internationaux parce qu'il ne répondait pas aux conditions d'accès à la profession, n'ayant pas l'expérience requise en matière de planification et d'organisation relatives aux politiques et aux programmes concernant l'aide et le développement internationaux.

[6]                 En se basant sur son évaluation des aptitudes orales de M. Kalam en anglais, et sur les résultats des tests qu'il a administrés au cours de l'entrevue, l'agent des visas a jugé que M. Kalam lisait, parlait et écrivait l'anglais « de façon satisfaisante » . L'agent des visas a par conséquent accordé six points à M. Kalam.

[7]                 Pour ce qui est des qualités personnelles, l'agent des visas a consigné ceci dans ses notes du STIDI :

[Traduction] Qualités personnelles -- déclare avoir recherché un emploi. A produit certains imprimés de cette recherche. Avons examiné ensemble quelques-uns de ces imprimés. Le premier concernait la Toronto Humane Society. Je lui ai demandé de décrire cet organisme. Il a commencé par dire qu'il s'occupait « d'améliorer la situation de la population » . Je lui ai demandé d'autres précisions concernant la clientèle de cet organisme et son expérience dans ce domaine. Il a alors déclaré qu'il s'agissait d'une société s'occupant d'animaux. Il a reconnu avoir effectué une recherche suffisante pour préparer son établissement au Canada. Il ne savait pas si cet organisme embauchait à l'heure actuelle ni quelles étaient les aptitudes et les compétences qu'il recherchait.

Interrogé sur la recherche qu'il a faite sur les possibilités d'emploi en tant qu'agent d'enquête au Canada, il a répondu qu'il n'en avait pas fait. Pourquoi? Il a répondu « Je pensais me rendre d'abord au Canada pour ensuite faire cette enquête. »

Mais pourquoi ne pas la faire avant de vous rendre au Canada? Il a déclaré qu'il ne savait pas où trouver ce genre de réponse.

Il a dit qu'il chercherait des emplois lorsqu'il serait au Canada. Il dit avoir envoyé des curriculum vitae à certaines sociétés. Je lui ai ensuite demandé quel était le genre de société qu'il visait. Il n'a pas pu me répondre.

Je lui ai demandé de me parler des politiques sociales et des systèmes d'aide sociale canadiens et il m'a répondu qu'il en était incapable. J'ai été généreux en accordant 6 points pour le facteur qualités personnelles.


LES ERREURS INVOQUÉES

[8]                 M. Kalam invoque quatre erreurs susceptibles d'être contrôlées. Les voici :

1.    L'agent des visas a commis une erreur lorsqu'il a évalué M. Kalam à titre d'agent de développement économique parce qu'il a mal évalué son éducation, sa formation et son expérience.

2.    L'agent des visas a commis une erreur lorsqu'il a évalué ses capacités linguistiques.

3.    L'agent des visas a commis une erreur lorsqu'il a évalué ses qualités personnelles.

4.    L'agent des visas aurait dû envisager d'exercer en faveur du demandeur son pouvoir discrétionnaire de délivrer un visa aux termes du paragraphe 11(3) du Règlement.


ANALYSE

(i) Évaluation de l'éducation, de la formation et de l'expérience pour la profession d'agent de développement économique

[9]                 Selon la catégorie CNP 4163.0, les conditions d'accès à cette profession comprennent notamment :

Un diplôme universitaire en économie, en commerce, en gestion des affaires ou en administration publique est exigé.

[10]            M. Kalam possède un baccalauréat en sciences sociales, spécialisation science politique, et une maîtrise en sciences sociales, spécialisation science politique, mais ne possède pas les diplômes exigés et il a reconnu ce fait au paragraphe 14 de l'affidavit qu'il a déposé à l'appui de sa demande.


[11]            M. Kalam n'a cité aucune décision montrant que l'agent des visas est tenu d'interpréter l'expression « est exigé » contenue dans les conditions d'accès de la CNP de la même façon que l'expression « est habituellement exigé » ; cette interprétation serait contraire au texte de la CNP. La CNP utilise l'expression « est exigé » pour indiquer que la condition d'accès à la profession est une condition essentielle, elle utilise l'expression « est habituellement exigé » pour indiquer un élément que les employeurs exigent habituellement, mais pas toujours, et l'expression « peut être exigé » pour parler d'un élément que les employeurs exigent moins fréquemment. Ces différences reflètent celles des conditions d'accès aux différentes professions et indiquent, d'après moi, qu'il n'est pas possible d'utiliser ces expressions de façon interchangeable sans compromettre l'intégrité de la CNP.

[12]            M. Kalam soutient en outre qu'il y a lieu d'interpréter libéralement la CNP de façon à favoriser l'immigration, mais cela est contraire aux décisions de notre Cour, notamment au jugement Haughton c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 34 Imm. L.R. (2d) 284 (C.F. 1re inst.) dans lequel le juge Rothstein, tel était alors son titre, a confirmé que le CCDP (le prédécesseur de la CNP) n'était pas un simple guide pour les agents des visas mais un système obligatoire de classification et d'évaluation qui n'autorise pas les agents des visas à ajouter d'autres critères aux conditions d'accès à une profession donnée.

(ii)    L'évaluation des capacités linguistiques


[13]            Pour ce qui est de l'évaluation des capacités linguistiques, l'argument selon lequel l'agent des visas a commis une erreur ou violé l'obligation qu'il avait envers M. Kalam en utilisant un test qui n'était pas raisonnable, compte tenu de l'éducation, de la formation et de l'expérience de M. Kalam, est contraire à des décisions comme Yung c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] (A.C.F.) no 884 (1re inst.). Dans cette affaire, le juge Reed a noté que le libellé du facteur 8 du Règlement et la jurisprudence indiquent que l'évaluation des capacités linguistiques ne doit pas s'effectuer par référence à une norme variable. Cette évaluation doit se fonder sur une norme commune, qui ne dépend pas de la profession envisagée par l'immigrant éventuel.

[14]            Les tests linguistiques figurant en dossier indiquent que l'agent des visas n'a commis, d'après moi, aucune erreur susceptible d'être révisée lorsqu'il a conclu que M. Kalam ne parlait pas anglais couramment. M. Kalam a eu amplement l'occasion de démontrer sa connaissance de l'anglais dans le test objectif TOEFL qui est administré par écrit et qui, d'après l'affidavit de l'agent des visas, a été administré une seconde fois à M. Kalam parce qu'il n'avait pu le terminer la première fois. En outre, M. Kalam n'a pas contesté l'observation que l'agent des visas a consignée dans les notes du STIDI selon laquelle M. Kalam utilise une syntaxe fautive.

(iii)    L'évaluation des qualités personnelles

[15]            Les notes du STIDI citées ci-dessus contiennent de nombreuses observations de l'agent des visas concernant les qualités personnelles de M. Kalam. Il existe une contradiction entre les notes du STIDI de l'agent des visas et sa décision écrite figurant dans la lettre de rejet. Dans les notes du STIDI, l'agent déclare que M. Kalam a fait certaines recherches pour ce qui est de l'emploi, alors que dans la décision écrite, il écrit que M. Kalam n'a fait aucune recherche en vue de se trouver un emploi au Canada.


[16]            Il y a bien là une contradiction, mais je ne pense pas qu'elle ait joué un rôle déterminant dans la prise de cette décision. L'attribution des six points a été enregistrée dans les notes du STIDI juste après qu'aient été consignés, de façon exacte, les efforts qu'a déployés M. Kalam en matière de recherche d'emploi, et je ne suis donc pas convaincu que l'attribution de ces points soit viciée par une erreur.

[17]            Lorsque l'agent des visas a évalué les qualités personnelles du candidat, il a tenu compte de facteurs pertinents et n'a pas pris en considération des facteurs non pertinents. Il n'appartient donc pas à notre Cour de réviser l'évaluation qu'a faite l'agent des visas des qualités personnelles, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire.

(iv)    L'exercice en faveur du demandeur d'un pouvoir discrétionnaire

[18]            L'avocat de M. Kalam a soutenu que l'agent des visas avait commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que l'évaluation a pour but de favoriser l'immigration et qu'il a commis une autre erreur en n'envisageant pas d'exercer son pouvoir discrétionnaire de délivrer un visa aux termes du paragraphe 11(3) du Règlement. Les notes du STIDI indiquent cependant que l'agent a fait la remarque suivante : « J'estime que le nombre total des points d'appréciation qui vous a été attribué reflète avec exactitude votre capacité de réussir votre installation au Canada. » Je conclus donc que l'agent des visas a en fait envisagé d'exercer de façon favorable au demandeur son pouvoir discrétionnaire.


[19]            L'avocat de M. Kalam soutient que cette expression n'est qu'une « formule creuse » et qu'il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Cependant, outre les notes du STIDI, l'agent des visas a déclaré dans son affidavit qu'il pensait que le nombre total des points qui avaient été accordés reflétait avec exactitude la capacité de M. Kalam de réussir son installation au Canada. L'agent des visas n'a pas été contre-interrogé sur ce point et par conséquent, je pense que M. Kalam n'a pas démontré qu'il avait omis d'envisager l'opportunité d'exercer de façon favorable son pouvoir discrétionnaire.

(v)    La certification d'une question

[20]            L'avocat de M. Kalam a proposé la certification de deux questions. La première est celle de savoir si, au sujet des conditions d'accès à la profession, lorsqu'il s'agit de déterminer si un diplôme est vraiment « exigé » , il y a lieu d'interpréter cette formulation de façon restrictive ou de façon plus souple? La deuxième question est celle de savoir si, lorsqu'une norme commune est envisagée pour l'évaluation des capacités linguistiques, et qu'il s'agit d'évaluer de façon objective l'auteur d'une demande, il y a lieu d'évaluer cette personne en se fondant sur autre chose qu'un seul article écrit?

[21]            L'avocat du ministre s'est opposé à la certification de ces deux questions.


[22]            J'estime que la première question est déjà réglée par la jurisprudence, et que la seconde dépend des faits de l'espèce et ne soulève donc pas une question grave de portée générale.

[23]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans qu'aucune question soit certifiée.

    

                                                                             « Eleanor R. Dawson »            

                                                                                                             Juge                          

Ottawa (Ontario)

Le 31 juillet 2002

    

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                              IMM-1340-01

INTITULÉ :                                             MD. Abul Kalam et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                   Le 23 juillet 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     Madame le juge Dawson

DATE DES MOTIFS :                         Le 31 juillet 2002

  

COMPARUTIONS :

M. Marvin Mosses                                                                  POUR LE DEMANDEUR

M. John Loncar                                                                        POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Marvin Mosses                                                                  POUR LE DEMANDEUR

Mosses & Associates

M. Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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