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Date : 20011018

Dossier : IMM-499-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1127

ENTRE :

                                                                              LI LI

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision d'un agent des visas, datée du 3 janvier 2000, par laquelle la demande de résidence permanente présentée par le demandeur dans la catégorie de travailleur autonome, en tant que photographe professionnel, a été rejetée.

[2]                 Le demandeur sollicite l'annulation de la décision et une ordonnance donnant au défendeur la directive de traiter de manière favorable la demande de résidence permanente qu'il a présentée dans la catégorie de travailleur autonome ou, de façon subsidiaire, renvoyant l'affaire à un autre agent des visas pour un nouvel examen.


Les faits

[3]                 Le demandeur, Li Li, citoyen de Chine, a présenté, le 30 juillet 1998, une demande de résidence permanente pour être admis au Canada dans la catégorie de travailleur autonome. En tant que demandeur principal, il sollicitait de plus l'admission pour sa femme, Liu Huimin, et ses filles, Li Qiudi et Li Qiusha, toutes trois citoyennes de Chine, comme personnes à charge. Sa demande a été rejetée par une décision d'un agent des visas de Hong Kong en date du 3 janvier 2000.

[4]                 Le demandeur est photographe professionnel depuis 1971. Depuis le début de sa carrière, il a occupé chez Jilin Photographic Publishing House divers postes, de journaliste à rédacteur en chef adjoint. Il a été membre de nombreuses associations de professionnels et de photographes et il a reçu de nombreux prix en reconnaissance de son travail. En 1993, M. Li a reçu un prix spécial du gouvernement pour sa contribution au développement et au progrès de la culture chinoise. Ce prix doit semble-t-il lui procurer un soutien financier sa vie durant.


[5]                 Le 6 décembre 1999, le demandeur a été interviewé par un agent des visas au consulat général du Canada de Hong Kong. Au cours de l'entrevue, le demandeur a laissé entendre qu'il comptait établir une entreprise de photographie dans le quartier chinois de Toronto et subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille soit en travaillant comme photographe pigiste pour des revues et journaux chinois soit en établissant un studio de photographie que sa femme gérerait et en produisant par la suite un album de photographies de paysages canadiens à être publié et vendu en Chine. Il a en outre mentionné qu'il envisageait d'établir une entreprise relative aux droits d'auteur Canada/Chine, qui en fait semble être une entreprise qui vendrait des livres. Lorsqu'on lui a demandé ce qu'il connaissait des marchés canadiens, le demandeur a déclaré que sa soeur, qui est résidente permanente du Canada, lui avait fourni des renseignements quant aux coûts d'acquisition d'une entreprise et quant aux possibilités de profits et qu'il avait confiance dans les recherches qu'elle avait effectuées. L'entrevue a été faite par l'intermédiaire d'un interprète et le demandeur a reconnu qu'il ne connaissait pas le français, et bien qu'il ait étudié l'anglais pendant deux ans il n'a pas pu démontrer qu'il pouvait le parler.

[6]                 En réponse à la demande de renseignements de l'agent des visas quant au capital dont disposait le demandeur, un seul établissement financier a été en mesure de fournir des relevés certifiés d'un compte de banque. Toutefois, le demandeur a effectivement fourni des relevés d'intérêts perçus à l'égard de ses autres comptes et de ses actifs.

[7]                 Dans la lettre du 3 janvier 2000 qui rejetait la demande, l'agent des visas a déclaré :

[TRADUCTION]

J'ai conclu que vous ne répondez pas à la définition de travailleur autonome. Notamment, vous ne m'avez pas convaincu que vous êtes en mesure d'établir ou d'acquérir au Canada une entreprise qui pourrait créer un emploi pour vous-même et que vous pourriez contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada.

  

Les représentations du demandeur

[8]                 Le demandeur a soutenu que l'agent des visas a commis une erreur dans son interprétation de la Loi, qu'il n'a pas tenu compte de faits pertinents et qu'il a omis de tenir compte de tous les éléments de preuve dont il disposait lorsqu'il a rejeté sa demande.

[9]                 De plus, le demandeur fait valoir qu'il a le droit de connaître les motifs pour lesquels sa demande a été rejetée, au-delà de la simple déclaration de l'agent selon laquelle il ne répond pas à la définition de « travailleur autonome » contenue dans la Loi. Le demandeur soutient qu'il ne lui est pas possible d'établir de façon précise pourquoi sa demande a été rejetée si les motifs ne sont pas suffisamment détaillés.

[10]            L'agent des visas n'a pas, selon le demandeur, pris en compte son expérience en gestion lorsqu'il a pris sa décision. Ni la lettre de refus de l'agent ni ses notes du STIDI prises lors de l'entrevue n'offrent d'indication contraire. Le demandeur a soutenu que l'agent avait accordé une importance exagérée à son manque d'expérience en tant que travailleur autonome plutôt que de s'attarder à l'expérience pratique qu'il possédait. En outre, il a fait valoir qu'il n'avait pas eu la possibilité de combattre l'opinion que l'agent des visas s'était faite quant au caractère trop imprécis de son plan d'affaires. Lorsque le demandeur a demandé qu'on lui accorde du temps afin qu'il puisse fournir un plan plus détaillé, l'agent des visas lui a répondu qu'il devait le fournir avant son entrevue ou lors de celle-ci.


[11]            Le demandeur conteste les réserves exprimées par l'agent des visas, lors de l'entrevue, quant à la fiabilité des renseignements obtenus relativement aux marchés canadiens. Le demandeur allègue que l'agent des visas se préoccupait du fait que le demandeur se fiait à sa soeur pour obtenir des renseignements plutôt que de faire lui-même des vérifications ou d'effectuer une visite exploratoire au Canada. Le demandeur fait valoir que la source des renseignements n'est pas pertinente, en supposant que ces renseignements sont raisonnablement exacts et dignes de foi.

[12]            Finalement, le demandeur a fait valoir que l'agent des visas, en n'examinant pas les exemples des travaux de photographie qu'il avait soumis, a omis de prendre en compte la contribution culturelle ou artistique que le demandeur pourrait faire au Canada. Il a fait valoir que l'agent des visas avait l'obligation de prendre en compte tous les aspects de la demande, y compris les réalisations et les capacités artistiques. Il allègue que l'agent des visas, en ne prenant pas en compte cet aspect de la demande, a omis de prendre en considération tous les éléments de preuve pertinents dont il disposait.

Les représentations du défendeur

[13]            Le défendeur allègue que l'agent des visas s'est acquitté des obligations que lui imposait la loi et a pris une décision réfléchie et équitable. Il fait valoir que la définition de « travailleur autonome » contenue dans le Règlement sur l'immigration de 1978 suscite trois questions auxquelles, dans les trois cas, on doit répondre de façon affirmative pour que la revendication présentée par le demandeur soit accueillie. Ces questions sont :


1.         Le demandeur a-t-il l'intention d'établir une entreprise au Canada de façon à créer un emploi pour lui-même?

2.         Le demandeur est-il en mesure d'établir une telle entreprise?

3.         L'entreprise du demandeur, si elle est établie, contribuera-t-elle de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada?

[14]            Le Règlement définit le travailleur autonome comme suit :

« travailleur autonome » s'entend d'un immigrant qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, de façon à créer un emploi pour lui-même et à contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada.

[15]            Le défendeur fait valoir que l'agent des visas a rejeté la demande parce qu'il avait des doutes quant à la question de savoir si le demandeur était en mesure d'établir une entreprise viable au Canada. Les notes du STIDI mentionnent que le demandeur a été informé de ces doutes et, selon l'opinion de l'agent des visas, qu'il n'a pas fourni de réponse appropriée. L'agent a tiré sa conclusion après avoir analysé le plan d'affaires qu'il a qualifié d'imprécis et compte tenu de ses réserves quant aux compétences linguistiques du demandeur. Étant donné que l'agent n'était pas convaincu que le demandeur était en mesure d'établir une entreprise viable au Canada, le défendeur allègue qu'aucune contribution à la vie culturelle ou artistique canadienne n'était pertinente.


[16]            Le défendeur allègue que la lettre de refus fournissait suffisamment de détails et que l'examen de la présente demande de contrôle judiciaire invite la Cour à réévaluer les facteurs dont l'agent des visas a tenu compte. Le défendeur est d'avis qu'aucune erreur susceptible de contrôle n'a été commise par l'agent des visas lorsqu'il a décidé de rejeter la demande de résidence permanente présentée par le demandeur.

[17]            En réponse à la demande de contrôle judiciaire et à l'affidavit du demandeur déposé avec les pièces, le défendeur n'a déposé aucune preuve par affidavit. Les notes du STIDI de l'agent ont été incluses dans le dossier du demandeur de même que d'autres documents de son dossier conservés par le bureau des visas.

Les questions en litige

[18]            Le demandeur soutient que l'agent des visas a commis une erreur de fait et de droit et qu'il a enfreint les principes de justice naturelle lorsqu'il n'a pas énoncé, dans la lettre par laquelle il rejetait la demande, de motifs suffisants pour justifier le rejet de la demande. En outre, on a soutenu que le défendeur, parce qu'il n'a pas présenté de preuve, ne peut pas s'appuyer sur les notes du STIDI de l'agent même si ces notes m'ont été soumises comme faisant partie du dossier de demande de M. Li Li.

Analyse


[19]            Le demandeur a soutenu que l'agent des visas n'avait pas pris en compte l'expérience de travail que M. Li Li avait acquise en tant que gestionnaire, ni ses réalisations dans le domaine de la photographie, et qu'il n'a ainsi pas tenu compte d'éléments de preuve pertinents quant à son évaluation. À mon avis, ces éléments de preuve auraient été pertinents quant à la nature de la contribution que le demandeur aurait dû faire à la vie culturelle et artistique au Canada s'il avait démontré qu'il était en mesure d'établir une entreprise au Canada. La conclusion de l'agent des visas selon laquelle il n'était pas convaincu que M. Li Li était en mesure d'établir une entreprise était fondée sur la preuve dont il disposait, notamment le caractère imprécis de son plan d'affaires, sa connaissance rudimentaire des réalités d'affaires au Canada qui s'appuyait sur les renseignements fournis par sa soeur, son manque d'expérience en tant que travailleur autonome et son incapacité de parler ou d'écrire dans l'une ou l'autre des langues officielles du Canada.

[20]            À l'audience, l'avocat du demandeur a soutenu que le défendeur, étant donné qu'il n'avait pas présenté de preuve, n'avait pas le droit de s'appuyer sur les notes du STIDI de l'agent des visas, citant la décision de mon collègue M. le juge Pelletier dans l'affaire Tajgardoon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 1 C.F. 591 (1re inst.). Contrairement à cette affaire, en l'espèce, les notes sont au dossier parce qu'elles ont été incluses dans le dossier du demandeur. En outre, dans leur argumentation, le demandeur et le défendeur réfèrent tous deux aux notes, le demandeur en prétendant que même si les notes révèlent que l'agent des visas a exprimé au cours de l'entrevue des doutes relativement à la validité de la demande, il aurait dû donner la possibilité au demandeur de dissiper ces doutes.

[21]            Je ne suis pas convaincu que l'agent des visas n'a pas tenu compte d'éléments de preuve dont il disposait sur la question de savoir si le demandeur était en mesure d'établir une entreprise au Canada, ce qui aurait constitué une erreur de droit de sa part.


[22]            De plus, je ne suis pas convaincu que la conclusion de l'agent, tirée dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu par la Loi sur l'immigration, peut être qualifiée de décision manifestement déraisonnable ou de décision prise sans qu'il ait été tenu compte de la preuve déposée.

[23]            En dernier lieu, les circonstances n'appuient pas la prétention selon laquelle le demandeur n'était pas au courant des réserves de l'agent des visas, qui avaient été exprimées lors de l'entrevue. Ces réserves portaient sur l'imprécision du plan d'affaires du demandeur, son manque de connaissance des conditions des marchés au Canada et son manque de maîtrise des langues officielles du Canada. À mon avis, M. Li Li a effectivement eu la possibilité de fournir des explications sur ces points lors de l'entrevue. Puisque c'était le cas, il n'existait aucune obligation pour l'agent d'exprimer, ou de répéter, dans sa lettre de refus ses principaux motifs de rejeter la demande présentée par le demandeur.

Conclusion

[24]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée par une ordonnance que je rends maintenant.                                 

« W. Andrew MacKay »

Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 18 octobre 2001

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


  

Date : 20011018

Dossier : IMM-499-00

OTTAWA (Ontario), le 18 octobre 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

                                                                              LI LI

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

            VU la demande de contrôle judiciaire et d'annulation de la décision prise par un agent des visas du consulat canadien de Hong Kong en date du 3 janvier 2000 qui a décidé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention;

APRÈS AVOIR ENTENDU les avocats des parties à Toronto le 15 mai 2001, date à laquelle j'ai sursis au prononcé de l'ordonnance, et après examen des représentations alors faites;

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée.

  

« W. Andrew MacKay »

Juge

  

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                              IMM-499-00

INTITULÉ :                                    Li Li et Le ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration.

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 15 mai 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :              MONSIEUR LE JUGE MacKay

DATE DES MOTIFS :                    Le 18 octobre 2001

COMPARUTIONS :

Joel Guberman                                POUR LE DEMANDEUR

David Tyndale                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER         

Guberman, Garson                                                            POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                                

Sous-procureur général du Canada                                  POUR LE DÉFENDEUR

  
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