Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050926

Dossier : IMM-823-05

Référence : 2005 CF 1313

Ottawa (Ontario), le 26 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE :

YU MEI ZHANG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire déposée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), c. 27 (Loi), à l'encontre d'une décision rendue le 18 novembre 2004 par le gestionnaire du programme d'immigration, M. Brian Ralph Hudson (gestionnaire), de l'Ambassade du Canada à Beijing (ambassade), République populaire de Chine, refusant la demande de visa de Mme Yu Mei Zhang (demanderesse).

FAITS PERTINENTS

[2]                 Le 4 août 1999, la demanderesse a déposé une demande de visa de résident permanent. Elle a reçu son certificat de sélection du Québec (CSQ) des autorités d'immigration du gouvernement du Québec, le 31 juillet 2001.

[3]                 Le 29 mai 2002, la demanderesse s'est présentée pour une entrevue à l'ambassade en compagnie d'un agent des visas afin de faire déterminer son admissibilité.

[4]                 Durant l'entrevue, la demanderesse a déclaré qu'elle avait acquis d'importantes sommes d'argent par des transactions financières effectuées par une entreprise de courtage nommée Heilongjian BeiYa Futures Co. Ltd. (BeiYa Futures).

[5]                 L'agent des visas a écrit dans ses notes que la demanderesse lui avait apparue crédible pendant l'entrevue.

[6]                 Cependant, après une révision du dossier, l'agent des visas a constaté que la demanderesse avait soumis des copies de reçus des transactions effectuées par la compagnie BeiYa Futures, mais que la demanderesse n'avait rien soumis qui traçait l'historique de ses transactions.

[7]                 Un employé de l'ambassade a appelé la compagnie BeiYa Futures pour confirmer les transactions. Ce dernier a été référé au directeur du département de l'administration, M. Zhang, qui lui a indiqué qu'il avait besoin de renseignements personnels relativement à la demanderesse pour pouvoir effectuer les vérifications. L'employé de l'ambassade ne pouvait pas divulguer les renseignements personnels en raison de la Loisur la protection des renseignements personnels, L.R. 1985, c. P-21.

[8]                 Le 16 août 2002, une lettre a été envoyée à la demanderesse lui demandant de fournir de la documentation relativement aux montants d'argent acquis par ses transactions, qui puisse être vérifiée auprès des autorités appropriées. La demanderesse a répondu à la requête de l'ambassade en fournissant une lettre, non signée, datée du 16 septembre 2002 dans laquelle la société de courtage confirme que la demanderesse avait un compte à la compagnie BeiYa Futures de 1995 à 1999 et que, durant cette période, elle avait acquis un profit de 3 000 000 RMB.

[9]                 Un employé de l'ambassade a été référé encore une fois à M. Zhang pour vérifier le contenu de cette lettre. M. Zhang a affirmé que sa compagnie n'avait jamais émis de lettre certifiant les revenus de la demanderesse. Le 24 décembre 2003, une lettre a été envoyée à la demanderesse pour l'informer des dires de M. Zhang.

[10]            Le 15 janvier 2004, la demanderesse a envoyé à l'ambassade une lettre signée par Miao Ying, « General Manager » de la compagnie BeiYa Futures, faisant à nouveau état de l'existence d'un compte et des gains obtenus par la demanderesse et certifiant que l'employé Zhang n'était pas au courant personnellement des transactions de la demanderesse.

[11]            Du 9 au 26 août 2004, l'ambassade a tenté, à plusieurs reprises, de communiquer avec Miao Ying pour vérifier l'information contenue dans la lettre datée du 15 janvier 2004. Miao Ying n'était jamais disponible, sa secrétaire ne savait pas quand il ou elle reviendrait ni comment le ou la joindre.

[12]            Le 18 novembre 2004, le gestionnaire a rejeté la demande de visa de la demanderesse.

QUESTIONS EN LITIGE

[13]            1. Le gestionnaire a-t-il erré en appliquant l'alinéa 40(1)a) de la Loi?

2. Y a-t-il eu un manquement aux principes de justice naturelle dans la présente affaire?

ANALYSE

1. Le gestionnaire a-t-il erré en appliquant l'alinéa 40(1)a) de la Loi

[14]            L'alinéa 40(1)a) de la Loi dit le suivant :

40(1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d'entraîner une erreur dans l'application de la présente loi

40(1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation.

a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

L'article 40(1)a) de la Loi : Norme de preuve

[15]            Le gestionnaire a fait usage de la prépondérance des probabilités par rapport aux éléments de preuve dans sa décision de refuser la demande de visa de la demanderesse en raison d'une atteinte à l'article 40(1)a) de la Loi. La demanderesse prétend que la norme de preuve que le gestionnaire aurait dû utiliser pour conclure à une atteinte à l'article 40(1)a) de la Loi est certainement plus élevée que celle de la prépondérance des probabilités, étant donné les conséquences pénales importantes qui découleront de cette décision sur elle et les membres de sa famille.

[16]            En l'espèce, l'interprétation du défendeur selon laquelle la norme de preuve applicable pour l'article 40(1)a) est la prépondérance des probabilités, semble raisonnable. La décision faisant l'objet du présent contrôle judiciaire porte sur une affaire de procédure administrative dans un contexte d'immigration. L'interdiction de territoire qui engendre une atteinte de l'article 40(1)a) ne constitue pas une infraction pénale, ni n'engendre des conséquences pénales. Donc, la norme de preuve applicable en matière criminelle - la preuve hors de tout doute raisonnable - n'a pas sa place. Le gestionnaire ne doit pas rencontrer une norme de preuve plus élevée que la prépondérance des probabilités.

[17]            La juge Snider dans l'arrêt Bellido v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) 2005 FC 452 soulève un test comportant deux critères pour la détermination d'interdiction de territoire au sens de l'article 40(1)a) de la Loi. Ce test requiert : 1) une fausse déclaration et 2) que cette fausse déclaration soit importante au point d'entraîner une erreur de l'application de la Loi. La juge Snider a fait une élaboration sur la norme de contrôle judiciaire et les deux volets de l'article 40(1)a) de la Loi au paragraphe 27 :

The standard of review in the first of these matters is, in my view, patent unreasonableness. These are determinations of fact, which the Visa Officer is in the best position to assess. Without coming to a final determination on the second factor, I will accept that the standard of review is reasonableness simpliciter.

[18]            En ce qui a trait au premier volet, la juge Snider a indiqué que la norme de contrôle judiciaire est la décision manifestement déraisonnable. Quant au deuxième volet, la juge Snider ne rend pas une décision finale mais accepte une norme de simpliciter.

Cependant, dans les deux autres arrêts, soit Mendiratta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2005 CF 293, aux paragraphes 13 et 14 et Pierre-Louis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2005 CF 377, aux paragraphes 13 et 14, la norme de contrôle judiciaire applicable pour l'alinéa 40(1)a) est celle de la décision manifestement déraisonnable. Je crois que même si le deuxième volet de l'alinéa 40(1)a) est celui de simpliciter, la décision du gestionnaire est tout à fait raisonnable en l'espèce.

[19]            En ce qui a trait au premier volet de l'alinéa 40(1)a), les conclusions par rapport aux fausses déclarations de la demanderesse apparaissent fondées sur plusieurs contradictions de la part de la demanderesse. La preuve produite par la demanderesse - les copies de relevés de transactions - pour démontrer la provenance de la majorité de ses avoirs, n'était pas suffisante. Il a été demandé à la demanderesse de fournir de la preuve additionnelle pouvant être vérifiée par les autorités appropriées.

[20]            À la suite de cette demande, la demanderesse a soumis une lettre non signée, indiquant simplement que la demanderesse avait un compte à la compagnie BeiYa Futures de 1995 à 1999. Un agent de visa a contacté M. Zhang pour vérifier l'authenticité de la lettre. Ce dernier a déclaré que sa compagnie n'avait jamais émis une telle lettre. La demanderesse, qui a été informée des démarches, a fourni une seconde lettre, signée par Miao Ying, « General Manager » à la compagnie BeiYa Futures. L'ambassade a tenté de vérifier le contenu de cette lettre à plusieurs reprises, mais il lui a été impossible de communiquer avec Miao Ying.

[21]            Je crois que le défendeur a eu raison de mettre plus de poids aux paroles de M. Zhang qu'aux écrits de Miao Ying. M. Zhang était la personne que l'ambassade a référé pour les vérifications des revenus de transactions. De plus, Miao Ying est resté injoignable et la demanderesse n'a pas été en mesure de fournir d'explication.

[22]            En ce qui a trait au deuxième volet de l'article 40(1)a), le défendeur fait valoir que la preuve au dossier permettait au gestionnaire de conclure qu'il y avait eu présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent risquant d'entraîner une erreur dans l'application de la Loi. Ce fait important porte sur la provenance des fonds de la demanderesse. Dans l'arrêt Biao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2001 CAF 43, la Cour d'appel fédérale indique au paragraphe 2, qu'un agent des visas serait justifié de refuser une demande de résidence permanente si l'approbation de la demande porterait atteinte à la Loi.

[...] l'agent des visas était justifié de refuser la demande de résidence permanente au Canada faite par l'appelant au motif que ce dernier n'a pas fourni les documents nécessaires pour établir que son admission au Canada ne contreviendrait pas à la Loi sur l'immigration [...]

[23]            Dans un cas ou un demandeur n'établit pas la provenance de son argent, qui est une exigence de la Loi, l'agent des visas est justifié de rejeter la demande de visa. Ainsi, le fait d'avoir commis une fausse déclaration sur la provenance des fonds constitue un fait important.

[24]            Dans l'affaire Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2001] A.C.F. no 1204, au paragraphe 11, la juge Heneghan déclare ceci :

La décision qui fait l'objet de la demande de contrôle judiciaire est une décision discrétionnaire prise par l'agente des visas. En l'absence d'une preuve montrant que l'agente des visas a ignoré des faits pertinents ou tenu compte d'éléments hors de propos, les tribunaux déféreront à sa décision.

[25]            Je ne crois pas que le gestionnaire ait ignoré des faits pertinents ou tenu compte d'éléments hors de propos; donc, comme la juge Heneghan l'indique, les tribunaux devraient dans ce cas-ci manifester une déférence quant à la décision rendue.

2. Y a-t-il eu un manquement aux principes de justice naturelle dans la présente affaire?

[26]            La demanderesse soutient que le gestionnaire s'est impliqué trop tard dans le processus et que, de ce fait, il n'a pas connaissance suffisante du dossier pour prendre une décision. En réponse, le défendeur fait valoir que le fait que le décideur ne soit pas la personne qui a tenu l'entrevue ou a fait les vérifications, n'équivaut pas à une atteinte de l'équité procédurale.

[27]            Dans l'affaire Mirzaii v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) 2003 FCT 213, la juge Heneghan mentionne au paragraphe 8 qu'une décision d'émettre un visa est une décision discrétionnaire et administrative et qu'il est donc tout à fait normal de se fier sur l'information accumulée par un assistant.

In deciding whether to issue a visa, the Visa Officer is making an administrative decision involving the exercise of discretion.    He was entitled to rely on information gathered by an assistant see Silion v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration (1999), 173 F.T.R. 302.    There is no evidence that Ms. Taheri did anything more than obtain information from the Applicant.    The actual decision was made by the Visa Officer who was justified in relying on the facts obtained in the interview and recorded by Ms. Taheri in the CAIPS notes.

[28]            La juge Heneghan fait référence à l'arrêt Silion v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration [1999] A.C.F. No. 1390, où le juge Mackay a indiqué au paragraphe 11, qu'en matière de décision administrative, la règle « qui entend décide » ne s'applique pas.

The decision is essentially an administrative one, made in the exercise of discretion by the visa officer. There is no requirement in the circumstances of this or any other case that he personally interview a visa applicant. There may be circumstances where failure to do so could constitute unfairness, but I am not persuaded that is the case here. Here the IPO did interview the applicant and reported on the results of that interview. That report was considered by the visa officer who made the decision. Staff processing and reporting on applications is a normal part of many administrative processes and it is not surprising it was here that followed. This is not a circumstance of a judicial or quasi-judicial decision by the visa officer which would attract the principle that he who hears must decide, or the reverse that he who decides must hear the applicant.

[29]            Je crois que la jurisprudence est claire au fait qu'il n'est pas nécessaire pour le gestionnaire de conduire personnellement les entrevues et la recherche. En conclusion, je ne crois pas qu'en l'espèce, il y a eu atteinte aux principes de justice naturelle et d'équité procédurale.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE :

1.       La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.       Aucune question n'a été soumise pour certification.

« Pierre Blais »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-823-05

INTITULÉ :                                       

YU MEI ZHANG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :               20 septembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE BLAIS

DATE :                                                26 septembre 2005

COMPARUTIONS:

Me Sylvie Tardif

POUR DEMANDERESSE

Me Marie-Claude Demers

POUR DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Sylvie Tardif

Montréal (Québec)

POUR DEMANDERESSE

John H. Sims

Sous-procureur-général du Canada

Montréal (Québec)

POUR DÉFENDEUR

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.