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                                                                                                                                  Date : 20010523

                                                                                                                               Dossier : T-614-00

                                                                                                       Référence neutre : 2001 CFPI 512

Entre :

                                                    ERB TRANSPORT LIMITED,

                                                                                                                                  Demanderesse,

                                                                          - et -

                                                      JEAN-MARC VERMETTE,

                                                                                                                                         Défendeur,

                                                                          - et -

                                                     JEAN-PAUL LALANCETTE,

                                                                                                                                     Mis en cause.

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         La présente demande de contrôle judiciaire vise l'annulation de la décision rendue le 15 mars 2000 par Jean-Paul Lalancette, arbitre nommé conformément aux dispositions de la section XIV, partie III, du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, et ses modifications (le « Code » ). Par cette décision, l'arbitre a rejeté l'appel de la demanderesse, ERB Transport Limited, lui ordonnant d'indemniser le défendeur, Jean-Marc Vermette, d'une somme de 328,84 $ pour les jours fériés des 25 et 26 décembre 1998.


[2]         L'arbitre a fondamentalement déterminé que le travail du défendeur Jean-Marc Vermette n'était pas ininterrompu au sens du paragraphe 201(2) du Code, vu que la demanderesse est une entreprise qui n'exigeait pas du défendeur qu'il travaille les 25 et 26 décembre, tenant compte ainsi des dimanches et des jours fériés, contrairement au paragraphe 191d) du Code.

Les faits

[3]         En raison de son besoin de personnel à l'occasion des Fêtes, la demanderesse, une entreprise de transport routier, a, après une entente avec le ministère du Travail en 1985, adopté le règlement P-10, lequel prévoit que si un employé n'est pas disponible pour travailler immédiatement avant ou après les congés fériés, notamment ceux des 25 et 26 décembre, il n'a pas droit d'être payé pour ceux-ci, sauf s'il a obtenu une permission d'absence. Monsieur Gerber, le vice-président des ressources humaines chez la demanderesse, indique que cette politique est affichée dans le bureau depuis 1985.

[4]         La preuve devant l'arbitre démontre que le défendeur, un chauffeur routier à l'emploi de la demanderesse, n'était pas disponible le 24 décembre 1998, et cela, sans l'autorisation de l'employeur. Se basant sur son règlement P-10 et le paragraphe 201(2) du Code, la demanderesse a décidé que le défendeur n'était pas qualifié pour le paiement des congés fériés des 25 et 26 décembre 1998.


[5]         Le 18 février 1999 le défendeur a déposé, au bureau du Développement des ressources humaines Canada, une plainte alléguant ne pas avoir été payé pour les jours fériés des 25 et 26 décembre 1998. Le 27 juillet 1999, l'inspecteur du bureau a rendu une décision confirmant que la plainte était fondée et demandant à la demanderesse un paiement de 447,13 $ moins déductions. La demanderesse a fait appel au Tribunal d'arbitrage, lequel a entendu l'affaire le 18 janvier 2000. L'arbitre a rejeté l'appel dans une décision rendue le 15 mars 2000, d'où la présente demande de révision judiciaire.

Le litige

[6]         La demanderesse conteste la conclusion de l'arbitre voulant que le défendeur n'occupe pas un travail ininterrompu au sens de l'article 191 et du paragraphe 201(2) du Code.

Dispositions statutaires

[7]         Les dispositions pertinentes du Code se lisent comme suit :


191. In this Division, the expression "employed in a continuous operation" refers to employment in

(a) any industrial establishment in which, in each seven day period, operations once begun normally continue without cessation until the completion of the regularly scheduled operations for that period;

(b) any operations or services concerned with the running of trains, planes, ships, trucks and other vehicles, whether in scheduled or non-scheduled operations;

(c) any telephone, radio, television, telegraph or other communication or broadcasting operations or services; or

(d) any operation or service normally carried on without regard to Sundays or public holidays.

191. Pour l'application de la présente section, un employé est occupé à un travail ininterrompu dans l'un ou l'autre des cas suivants :

a) il travaille dans un établissement où, au cours de chaque période de sept jours, les travaux, une fois normalement commencés dans le cadre du programme régulier prévu pour cette période, se poursuivent sans arrêt jusqu'à leur achèvement;

b) son travail a trait au fonctionnement de véhicules, notamment trains, avions, navires ou camions, que ce soit ou non dans le cadre d'un programme régulier;

c) il travaille dans les communications : téléphone, radio, télévision, télégraphe ou autres moyens;

d) il travaille dans un secteur qui fonctionne normalement sans qu'il soit tenu compte des dimanches ou des jours fériés.



192. Except as otherwise provided by this Division, every employee is entitled to and shall be granted a holiday with pay on each of the general holidays falling within any period of his employment.

192. Sous réserve des autres dispositions de la présente section, chaque employé a droit à un congé payé lors de chacun des jours fériés tombant au cours de toute période d'emploi.



196. (3) An employee whose wages are calculated on any basis other than a basis mentioned in subsection (1) or (2) shall, for a general holiday on which the employee does not work, be paid at least the equivalent of the wages the employee would have earned at his regular rate of wages for his normal working day.

196. (3) L'employé rémunéré selon une base de calcul autre que celles mentionnées aux paragraphes (1) ou (2) reçoit, pour un jour férié où il ne travaille pas, au moins l'équivalent du salaire qu'il aurait gagné, selon son taux régulier, pour une journée normale de travail.


201. (2) No employee who is employed in a continuous operation is entitled to be paid for a general holiday     (a) on which the employee did not report for work after having been called to work on that day; or

(b) in respect of which the employee makes himself unavailable to work in accordance with the conditions of employment in the industrial establishment in which the employee is employed.

201. (2) Aucune indemnité n'est versée à l'employé occupé à un travail ininterrompu pour un jour férié où, selon le cas :

a) il ne s'est pas présenté au travail après y avoir été appelé;

b) il n'est pas disponible pour le travail conformément aux conditions d'emploi dans l'établissement où il travaille.


Analyse

[8]         La question fondamentale qui se pose, en l'espèce, est donc celle de savoir si l'arbitre a erré en concluant que l'emploi du défendeur n'était pas « ininterrompu » au sens de l'article 191 et du paragraphe 201(2) du Code.

[9]         L'affaire Ty-Co Enterprises Ltd. and Harding, [1996] C.L.A.D. no 509 (QL), implique une situation de faits semblable à celle qu'on retrouve dans le présent cas. Dans cet arrêt, l'intimé Harding était un chauffeur de camion pour la compagnie appelante, Ty-Co. L'arbitre a formulé l'observation suivante au paragraphe 55 de son analyse :

One of the amounts of the Payment Order involved Harding's entitlement to wages for public Holidays. Under Division V, entitled "General Holidays", section 191(b) provides that the expression "employed in a continuous fashion" refers to employment in any operations or services concerned with the running of trains, planes, ships, trucks and other vehicles, whether in scheduled or non-scheduled operations (Emphasis added). Thus, Harding's work entitled him to be considered as "employed in a continuous fashion" for purposes of this section.

(Je souligne.)

[10]       En outre, dans la cause Klaproth v. Burgess, [1999] C.L.A.D. no 396 (QL), l'arbitre a observé ce qui suit au paragraphe 17, concernant l'employé Klaproth, un chauffeur de camion pour la compagnie Burgess :

It previously having been determined that Mr. Klaproth was an employee, the starting point for the analysis is the employee's statutory entitlement found in s. 192 of the Code, to be "granted a holiday with pay on each of the general holidays falling within any period of his employment". Division V of the Code deals with general holidays. Within that division, s. 191 defines a situation where an employee may be "employed in a continuous operation". Clause (b) of s. 191 applies because Mr. Klaproth was employed in an operation concerned with the running of trucks. By definition it does not matter whether those operations were on a scheduled or non-scheduled basis.

(Je souligne.)


[11]       En l'espèce, pour conclure comme il l'a fait, l'arbitre a dû juger que pour ne pas être considéré « occupé à un travail ininterrompu » , il suffit pour un employé de rencontrer les exigences de l'un ou l'autre des paragraphes a) à d) de l'article 191 du Code.

[12]       Or, c'est exactement le contraire que prescrit la disposition : l'article 191 signifie clairement que pour qu'un employé soit « occupé à un travail ininterrompu » , il suffit qu'il se retrouve dans l'une ou l'autre des situations décrites à ces paragraphes a) à d).

[13]       Comme le défendeur est chauffeur de camion pour la compagnie demanderesse, et comme la définition statutaire de l'expression prévoit qu'il importe peu que le travail ait été ou non effectué dans le cadre d'un programme régulier, je dois conclure que le défendeur était « occupé à un travail ininterrompu » au sens du paragraphe 191b) du Code. En conséquence, puisque le défendeur n'était pas disponible pour travailler le 24 décembre conformément au règlement P-10 de la compagnie demanderesse, l'exception prévue au paragraphe 201(2) aurait dû être appliquée contre lui. L'erreur d'interprétation de l'arbitre est grossière. Dans les circonstances, je suis d'avis qu'en obligeant la demanderesse à indemniser le défendeur pour les jours fériés des 25 et 26 décembre 1998, l'arbitre a rendu une décision non seulement incorrecte, mais en outre déraisonnable (voir Directeur des enquêtes et recherches c. Southam Inc. et al., [1997] 1 R.C.S. 748).

[14]       En conséquence, la décision de l'arbitre doit être cassée et l'affaire, retournée à un autre arbitre pour qu'elle soit considérée à nouveau.

                                                               

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 23 mai 2001


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