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Date : 20020404

Dossier : T-2655-97

Référence neutre : 2002 CFPI 372

OTTAWA (ONTARIO), LE 4 AVRIL 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER   

ENTRE :

                          ROGER K. MACDONALD et WILLIAM CAMPBELL

                                                                                                                                      demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

                                                                                                                                  défenderesse

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

        Il s'agit d'une action contractuelle visant à permettre de déterminer si un règlement a été conclu entre les demandeurs et la défenderesse au sujet de questions découlant d'appels en matière fiscale interjetés par ceux-ci devant la Cour canadienne de l'impôt.

        Les demandeurs possédaient chacun des parts dans diverses sociétés de personnes établies à Calgary (Alberta) à la fin des années 1970 et au début des années 1980 aux fins de la réalisation de gros projets commerciaux immobiliers dans le centre-ville. Les sociétés sont désignées sous le nom de « sociétés Odessa » .


        Par suite d'un grave ralentissement économique à Calgary au début des années 1980, chacune des sociétés Odessa a subi des pertes d'entreprise de plusieurs milliers de dollars. Les sociétés Odessa ont demandé certains allégements fiscaux. Le ministre du Revenu national a rejeté la demande pour les années d'imposition en question.

        Les demandeurs ont interjeté appel devant la Cour canadienne de l'impôt. Avant l'audience, les parties ont tenté sans succès de régler l'affaire. L'audition de leurs appels a commencé le 21 novembre 1995. Le deuxième jour des audiences, on a engagé des discussions verbales en vue de tenter encore une fois de régler les appels. Un règlement verbal semble avoir été conclu et les audiences ont été ajournées. Des procès-verbaux de règlement ont été rédigés par l'avocat de la défenderesse. Ils ont été transmis à l'avocat des demandeurs, qui a alors fait savoir que les projets n'étaient pas conformes aux conditions de règlement, telles qu'il les interprétait.

        Le 24 janvier 1997, l'avocat de la défenderesse a informé les demandeurs qu'il se désistait unilatéralement du règlement et qu'il ne serait plus réputé être lié par ses conditions.

        Les demandeurs allèguent avoir conclu avec la défenderesse un règlement valide, obligatoire et exécutoire qui était expressément fondé sur la méthode employée aux fins de la répartition des pertes entre eux.


        La défenderesse affirme tout d'abord que les parties n'étaient pas d'accord sur les conditions du règlement. Elle soutient en outre que, si un règlement verbal a été conclu selon les conditions alléguées par les demandeurs, elle est tenue d'appliquer la loi et elle n'est pas liée par un présumé règlement illégal.

Existait-il une entente obligatoire entre les demandeurs et la défenderesse?

        La preuve des demandeurs a été présentée devant moi au moyen du témoignage de l'un des demandeurs, M. R. MacDonald, en sa qualité d'associé directeur général, et par Me Goldenberg, qui était alors l'avocat des demandeurs. Me Bonnie Moon a témoigné au nom de la défenderesse en sa qualité d'avocate principale, Contentieux des affaires fiscales, responsable du dossier dans ces appels devant la Cour canadienne de l'impôt.

        Par suite de ces témoignages, il n'est pas contesté que les parties ont conclu une entente au sujet de la question du « quantum » . Le point litigieux se rapporte uniquement à la méthode employée aux fins de la répartition des pertes.

      D'une part, M. MacDonald a témoigné qu'il avait toujours pris la même position, à savoir que les pertes relatives aux [TRADUCTION] « parts de société » devaient être réparties comme suit : le montant total des pertes négociées pour chaque société divisé par le nombre de parts possédées par les [TRADUCTION] « associés cotisants nets » dans cette société.


      D'autre part, Me Moon a témoigné que cette proposition n'avait jamais été acceptée et que le montant des pertes devait être divisé par le nombre initial d'associés.

      Les lettres qui ont été déposées constituent une preuve convaincante montrant que la défenderesse n'avait pas accepté la formule des demandeurs et qu'il n'y avait pas « accord des volontés » sur ce point.

      C'est ce que montre clairement une lettre en date du 2 avril 1996 que Me Goldenberg a envoyée à Me Moon (pièce P-1, onglet 21), page 2. Dans cette lettre, Me Goldenberg déclarait ce qui suit : [TRADUCTION] « Il m'est impossible de dire de bonne foi qu'une entente a été conclue entre nous sur ce point particulier en notre qualité d'avocats de nos clients respectifs. »

      En outre, cette lettre montre fort clairement que ce point était si important qu'aucune entente ne pouvait être conclue s'il n'était pas réglé : [TRADUCTION] « La résolution de ce point est essentielle au processus de règlement dans son ensemble parce que cela permet effectivement de déterminer le montant des pertes additionnelles dont peuvent se prévaloir les associés cotisants nets restants admissibles [non souligné dans l'original]. » Cela explique pourquoi les projets de procès-verbal de règlement n'ont jamais été signés.


      Pour qu'une entente soit obligatoire, il doit y avoir consensus ad idem. En l'espèce, la preuve ne permet pas de douter qu'un élément essentiel manquait.

      Les demandeurs soutiennent que, s'il est conclu que les conditions du règlement n'englobaient pas une méthode de répartition des pertes, parce que les parties étaient d'accord sur toutes les autres conditions pertinentes du règlement, l'audience initiale devrait être recommencée aux fins de la détermination d'une formule de répartition des pertes uniquement, les autres conditions du règlement étant confirmées par la Cour.

      Dans certains cas, si une obligation particulière est réputée incertaine, et par conséquent non exécutoire, cette obligation peut être retirée du contrat, s'il est possible d'exécuter le reste de l'entente. L'obligation qui n'est pas exécutoire ne doit pas se rapporter à des éléments essentiels du présumé contrat :

[TRADUCTION] [...] En l'absence de la certitude et de la clarté nécessaires, les tribunaux ne déclareront pas qu'un contrat existe. Ou encore il se peut qu'ils ne reconnaissent pas l'existence d'une obligation particulière qui ferait censément partie d'un contrat. En pareil cas, les tribunaux ont statué que les dispositions qui sont incertaines, et qui ne sont donc pas exécutoires, peuvent être retirées du contrat s'il est possible d'exécuter le reste de l'entente. L'incertitude qui existe au sujet d'une obligation précise peut suffire pour qu'il soit impossible de conclure à l'existence d'un contrat entre les parties. Le critère semblerait être le suivant, à savoir si la disposition ou les dispositions en question se rapportent à des éléments essentiels du présumé contrat. [...]

[souligné dans l'original; renvois omis]

(G.H.L. Fridman, The Law of Contract in Canada, 4e éd. (Toronto : Carswell, 1999), pages 20 et 21.)


      À mon avis, la méthode de répartition des pertes se rapportait à un élément essentiel de l'entente. Je ne puis donc pas séparer cette question des autres questions. Malheureusement, l'affaire devra être tranchée au complet par la Cour de l'impôt. L'action est rejetée avec dépens.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

[1]         L'action est rejetée avec dépens.

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      T-2655-97

INTITULÉ :                                                                     Roger K. MacDonald et autre

c.

Sa Majesté la Reine du chef du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 18 mars 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :                                        Madame le juge Tremblay-Lamer

DATE DES MOTIFS :                                                  le 4 avril 2002

COMPARUTIONS :

M. Martin Zimmerman                                                     POUR LES DEMANDEURS

M. David J. Stam                                                              POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Goldenberg Crisfield Zimmerman                                     POUR LES DEMANDEURS

Calgary (Alberta)

M. Morris Rosenberg                                                        POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

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