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Date : 20050316

Dossier : T-1052-04

Référence : 2005 CF 376

Toronto (Ontario), le 16 mars 2005

En présence de Madame la juge Layden-Stevenson

ENTRE :

PERBHAKAR AL KRISHNAN

                                                                                                                                          demandeur

et

BANQUE ROYALE DU CANADA

                                                                                                                                      défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         M. Al Krishnan sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) a rejeté la plainte de discrimination qu'il a déposée relativement B son présumé congédiement injuste par la Banque Royale du Canada (BRC). Il prétend avoir subi un déni de justice naturelle et il me demande d'annuler la décision de la CCDP de ne pas examiner sa plainte de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Voici les motifs pour lesquels je rejette la demande.


LA DÉCISION

[2]         Dans sa lettre datée du 27 avril 2004, la Commission affirme avoir examiné, avant de rendre sa décision, le rapport de l'enquLteur ainsi que toutes les observations soumises en réponse. En rejetant la plainte, elle dit que la preuve n'étaye pas l'allégation selon laquelle le plaignant a été traité différemment ou qu'il a été congédié du fait de son origine nationale ou ethnique.

CONTEXTE

[3]         M. Al Krishnan est originaire de Malaisie et est homosexuel. Il a commencé B travailler comme bénévole pour la BRC en janvier 2001. En mars de la mLme année, il a été engagé pour occuper un poste de ressources partagées (un groupe de travailleurs B temps partiel prLts B effectuer des remplacements selon les besoins aux succursales et emplacements de la BRC). En février 2002, le demandeur et deux autres employés (ces derniers étant de race blanche et ayant moins d'ancienneté que le demandeur) ont présenté leur candidature B des postes B temps plein de représentants des services aux entreprises. Deux postes étaient vacants et la candidature des deux autres employés a été retenue.

[4]         Le 14 juin 2002, M. Al Krishnan a déposé une plainte devant la CCDP alléguant que la BRC avait fait preuve de discrimination B son égard en raison de son origine nationale ou ethnique. Une enquLte a été effectuée. Dans un rapport daté du 29 janvier 2004, l'enquLteur a recommandé la constitution d'un tribunal chargé d'enquLter sur la plainte. La BRC a produit ses observations en réponse au rapport de l'enquLteur le 20 février 2004. La CCDP a fait parvenir une copie des observations de la BRC B M. Al Krishnan et lui a demandé de produire ses commentaires écrits concernant le rapport de l'enquLteur et les observations de la BRC avant le 22 mars 2004. Le 23 février 2004, M. Al Krishnan a informé l'enquLteur de la CCDP qu'il n'avait aucun commentaire B faire sur le rapport.

[5]         M. Al Krishnan a consulté un avocat pour la premiPre fois le 22 mars 2004. L'avocat l'a informé qu'il aurait df invoquer l'orientation sexuelle dans sa plainte. En présence de M. Al Krishnan, l'avocat a communiqué avec la CCDP pour lui demander s'il était possible de modifier la plainte initiale afin d'y ajouter un nouveau motif de discrimination et si elle accorderait un délai de 10 jours pour permettre la production de commentaires au sujet de la réponse de la BRC.

[6]         M. Al Krishnan a cru comprendre que la CCDP avait consenti aux demandes. Le dossier révPle toutefois le contraire. L'affidavit du gestionnaire des enquLtes de la CCDP indique qu'on a dit Bl'avocat que les commentaires pourraient Ltre présentés jusqu'au 8 avril 2004, mais qu'en ce concerne la modification de la demande, toute allégation de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle nécessiterait une nouvelle plainte. Le motif serait [traduction] « présenté trPs en retard et la CCDP pourrait décider de ne pas examiner celui-ci » . Les notes ponctuelles du gestionnaire confirment le contenu de son affidavit.

[7]         M. Al Krishnan a apparemment pensé que son avocat produirait des commentaires en réponse aux observations de la BRC et qu'il modifierait la plainte afin d'y ajouter l'orientation sexuelle comme motif de discrimination. En fait, ni M. Al Krishnan ni l'avocat n'ont présenté d'observations. Comme je l'ai signalé, la CCDP a finalement rejeté la plainte fondée sur l'origine nationale ou ethnique. Ce n'est qu'aprPs avoir reçu cette décision que M. Al Krishnan a appris que l'avocat n'avait jamais présenté d'observations B la CCDP relativement au motif de l'orientation sexuelle. Il a depuis déposé une plainte devant le Barreau du Haut-Canada alléguant [traduction] « l'incompétence professionnelle et/ou la négligence » de l'avocat.

QUESTION EN LITIGE

[8]         La question en litige, telle qu'elle a été formulée par M. Al Krishnan, est celle de savoir si la décision de la CCDP de ne pas examiner sa plainte de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle devrait Ltre annulée parce qu'il a subi un déni de justice naturelle.

NORME DE CONTRÔLE

[9]         Dans l'examen d'une allégation de déni de justice naturelle, il n'est pas nécessaire de procéder B une analyse de la norme de contrôle applicable. Je dois plutôt examiner si le tribunal a fait preuve d'équité dans la procédure. A cette fin, il convient d'évaluer les circonstances particuliPres qui ont donné naissance Bl'allégation et de déterminer quelles procédures et garanties étaient nécessaires dans les circonstances pour respecter l'obligation d'agir avec équité : Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226; Ha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] 3 R.C.F. 195 (C.A.).

ANALYSE

[10]       Comme je l'ai indiqué aux avocats B l'audience, la décision faisant l'objet du contrôle est celle de rejeter la premiPre (et seule) plainte de discrimination du demandeur qui reposait sur l'origine nationale ou ethnique. M. Al Krishnan n'a demandé aucune réparation B l'égard de cette décision. Il me demande plutôt d'annuler la décision de la CCDP de ne pas examiner sa nouvelle plainte dans laquelle il invoque l'orientation sexuelle comme motif de discrimination. Une telle décision n'a pas été prise.

[11]       Plus précisément, M. Al Krishnan ne conteste pas le rejet de sa plainte fondée sur l'origine nationale ou ethnique. Rien n'indique qu'on lui a refusé la possibilité qu'un tribunal des droits de la personne procPde B une enquLte relativement B sa plainte initiale. Il ne prétend pas que l'avocat aurait df produire, en son nom, une réponse au rapport de l'enquLteur ou aux observations de la BRC concernant sa plainte. Il n'y a aucune preuve ni aucun argument voulant que l'inconduite alléguée de l'avocat ait privé M. Al Krishnan de la possibilité d'un examen du bien-fondé de sa plainte initiale.

[12]       Le seul argument invoqué est que l'omission de l'avocat de produire une nouvelle plainte reposant sur l'orientation sexuelle a privé le demandeur de la tenue d'une enquLte et d'un examen de ce nouveau motif. Cet argument est erroné. Au moment oj l'avocat a informé M. Al Krishnan qu'il aurait df alléguer la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, l'enquLte sur sa plainte initiale était terminée, le rapport d'enquLte avait été distribué, les observations de la BRC étaient complPtes et avaient été fournies BM. Al Krishnan et, sous réserve des commentaires additionnels de ce dernier, la décision était sur le point d'Ltre rendue.

[13]       La plainte de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle est indépendante en ce sens qu'elle est distincte de la plainte visée par la décision de la CCDP qui fait l'objet de la présente demande. Jusqu'Bmaintenant, aucune plainte fondée sur l'orientation sexuelle n'a été déposée devant la CCDP. Par conséquent, M. Al Krishnan ne peut pas laisser entendre que la CCDP a omis d'examiner si elle peut exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confPre le paragraphe 41(1)e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6.

[14]       La question de l'incompétence de l'avocat doit Ltre réglée entre le demandeur et son avocat. MLme si l'avocat est incompétent (et le dossier dont j'ai été saisie ne permet pas de tirer une telle conclusion), la CCDP était dans l'impossibilité de le savoir.

[15]       La demande doit donc Ltre rejetée. Exerçant le pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré, je refuse d'accorder des frais.


            ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de contrôle judiciaire sans dépens.

                                                                                                               « Carolyn Layden-Stevenson »        

                                                                                                                                                       Juge                            

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.



COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 T-1052-04

INTITULÉ :                                                                PERBHAKAR AL KRISHNAN

                                                                                                                                             demandeur

                                                                                    et

                                                                                    BANQUE ROYALE DU CANADA

                                                                                                                                          défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 16 MARS 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                               LE 16 MARS 2005

COMPARUTIONS :

Nathan M. Ross                                                            POUR LE DEMANDEUR

Douglas K. Gray

Lauri A. Wall                                                                 POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ROSS & ASSOCIATES

Avocats

Toronto (Ontario)                                                          POUR LE DEMANDEUR

HICKS MORLEY HAMILTON STEWART STORIE LLP

Avocats

Toronto (Ontario)                                                          POUR LA DÉFENDERESSE


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