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Date : 20020115

Dossier : IMM-5129-00

                                                                                                Référence neutre : 2002 CFPI 39

ENTRE :                                                                                                   

RAMDEO BOODLAL

Demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

Défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

  • [1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire faite en vertu du paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'immigration,L.R.C. 1985, ch. I-2, modifiée, et visant la décision rendue par un arbitre le 22 septembre 2000 et qui ordonne que le demandeur soit détenu afin d'être renvoyé immédiatement du Canada. Le demandeur cherche aussi, entre autres choses, à obtenir une ordonnance annulant une mesure d'expulsion réputée pesant contre lui.

Contexte


  • [2]                 Ramdeo Boodlal est un citoyen de Trinité-et-Tobago. Il est arrivé au Canada le 9 septembre 1988 et il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Il a été conclu, le 9 mai 1991, que la revendication de ce dernier n'avait pas un minimum de fondement et conformément à la Loi sur l'immigration, 1976-77, ch. 52 (Loi sur l'immigration), on lui a remis un avis d'interdiction de séjour et on lui a demandé de quitter le pays au plus tard le 7 juillet 1991. Aux termes de la Loi sur l'immigration, si le revendicateur ne quitte pas au plus tard à la date de départ fixée, une mesure d'expulsion définitive est prise contre lui.
  • [3]                 Le demandeur a signé une confirmation selon laquelle on lui avait remis un avis d'interdiction de séjour. La confirmation est ainsi libellée :

      [traduction]

La présente vise à certifier que j'ai été informé que la loi m'oblige à quitter le CANADA volontairement au plus tard le 7 juillet 1991, comme cela est mentionné dans mon Avis d'interdiction de séjour, daté du 7 mai 1991.

Je comprends, par ailleurs, que mon omission de quitter le CANADA au plus tard à la date précitée m'exposera à faire l'objet du rapport visé à l'alinéa 27(2)i) de la Loi sur l'immigration. Cette mesure mènera à une autre enquête en matière d'immigration dans le cadre de laquelle une mesure d'expulsion exécutoire sera prise contre moi.

J'ai été informé, en outre, que, si je ne quittais pas au plus tard à la date précisée sur mon Avis d'interdiction de séjour, je serais tenu de me présenter en personne au CENTRE D'IMMIGRATION CANADA-ARRIÉRÉ de TORONTO, situé au 250, Davisville, à Toronto, en Ontario, le jour suivant immédiatement la date à laquelle je devais quitter le pays.

  • [4]    Le demandeur n'a pas quitté le Canada le 7 juillet 1991 ou avant cette date, mais aucune mesure d'expulsion n'a été prise.

  • [5]                 Le demandeur a, par la suite, retenu les services d'un consultant en immigration qui l'a informé qu'avant qu'une mesure de renvoi soit prise contre lui, il pouvait être parrainé et se voir accorder le droit d'établissement à partir du Canada moyennant des frais de 6 000 $. Le demandeur soutient qu'on lui a aussi dit que ce processus de demande aurait pour effet de suspendre toute mesure d'expulsion prononcée contre lui, qu'il obtiendrait le droit d'établissement alors qu'il résidait au Canada, qu'il ne pourrait pas quitter le pays pendant que sa demande était en cours de traitement et que le processus durerait environ deux ans. Le demandeur a payé les frais de 6 000 $ et il a été parrainé par son oncle, Bridgelal Roopchand, un résident permanent du Canada. Le 4 février 1994, on lui a demandé de se présenter au bureau d'Immigration Canada, situé sur la rue Yonge, afin de recevoir les documents attestant son droit d'établissement, ce qu'il a fait. On lui a demandé de signer et il a signé une fiche d'établissement. L'agent d'immigration a ensuite apposé sa signature en guise d'approbation et il a remis au demandeur une fiche d'établissement.
  • [6]                 Après que le demandeur a reçu ce qu'il croyait être des documents authentiques attestant son droit d'établissement, il a fait la demande et il a reçu un numéro d'assurance sociale et un numéro de RAMO. Le demandeur a travaillé à Toronto comme peintre sous-traitant pendant environ six ans.
  
  • [7]                 En 1993, le demandeur a entamé une relation avec Nadia Brijmohan, la femme qu'il a par la suite épousée. En 1994, ces derniers sont devenus des conjoints de fait et, le 3 décembre 1994, Mme Brijmohan a donné naissance à une fille; une deuxième fille est née le 19 mai 1998. Au moment de la demande de contrôle judiciaire, l'épouse du demandeur était enceinte de leur troisième enfant.

  • [8]                 Le 14 juillet 2000, alors que le demandeur a été arrêté pour une infraction présumée aux règlements de la circulation, on l'a informé qu'un mandat d'arrêt de l'immigration avait été lancé contre lui. Il a été détenu par la police avant d'être confié à Cynthia Garcia, l'agente de police ayant effectué l'arrestation, puis il a été emmené dans un centre de détention. La soi-disant fiche d'établissement originale a été saisie par les agents d'immigration et on a déterminé qu'elle n'était pas authentique.
  • [9]                 Les agents d'immigration ont prétendu que l'article 113 du Guide de transition s'appliquait au cas du demandeur et que, en conséquence, l'avis d'interdiction de séjour délivré le 7 mai 1991 était réputé une mesure d'expulsion violée par le demandeur. En conséquence, le demandeur a été détenu.
  
  • [10]            Le demandeur et sa conjointe de fait ont planifié de se marier dès qu'ils ont su que les documents attestant le droit d'établissement étaient faux. Ils se sont mariés le 23 juillet 2000, au moment où le demandeur était en détention. Le 31 juillet 2000, l'épouse du demandeur a demandé à parrainer ce dernier comme immigrant.
  • [11]            Le demandeur a présenté une requête à la Cour fédérale afin de demander, entre autres choses, une ordonnance visant à le faire libérer. La requête a été rejetée le 14 août 2000.
  

  • [12]            On a effectué plusieurs examens des motifs de la détention. Chaque fois, l'arbitre a conclu que le demandeur faisait l'objet d'une mesure d'expulsion valide, qu'il n'avait pas remis son passeport aux agents d'immigration et qu'il était peu probable qu'il comparaisse en vue de son renvoi.
  • [13]            Le 13 septembre 2000, le demandeur a signifié et déposé une déclaration à la Cour supérieure de justice de l'Ontario demandant une ordonnance visant à le faire libérer et annulant son avis d'interdiction de séjour. Il a aussi signifié et déposé une requête devant la même cour demandant un redressement interlocutoire. Le défendeur a demandé et obtenu une suspension des procédures de redressement devant cette cour.
  

Décision qui fait l'objet du présent contrôle

  • [14]            O. Kowalk, l'arbitre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, a présidé l'audience de l'examen des motifs de la détention qui a eu lieu le 22 septembre 2000. Après un examen approfondi de la situation du demandeur depuis son arrivée au Canada, l'arbitre a tiré les conclusions suivantes à la page 20 :

[traduction]

Sur la question de savoir si vous êtes légalement détenu en vertu de la Loi sur l'immigration, ce dont je suis saisi, c'est un avis d'interdiction de séjour délivré le 7 mai 1991 par un arbitre, lequel avis vous ordonne de quitter le Canada au plus tard en juillet 1991. Du fait de l'application des dispositions transitoires, l'avis d'interdiction de séjour est réputé être une mesure d'expulsion en vertu de l'article 113 des dispositions transitoires qui sont entrées en vigueur en février 1993. On vous a avisé que vous a deviez quitter le Canada. L'omission de le faire entraînerait la délivrance d'un mandat d'arrestation.


Par conséquent, en ce qui concerne votre situation juridique au Canada, ce dont je suis saisi, c'est que, du fait de l'application des dispositions transitoires, vous êtes soumis à une mesure d'expulsion exécutoire [...]

  • [15]            En conséquence, le demandeur est détenu aux fins d'expulsion. Il s'agit là des conclusions qui sont contestées dans la présente instance.

Question en litige

L'application de l'article 113 des dispositions transitoires a-t-elle pour effet de convertir légalement l'avis d'interdiction de séjour en une mesure d'expulsion valide?

Argument

  • [16]            Je vais commencer par résumer la position du demandeur telle qu'elle a été rédigée par ce dernier. Je dois faire remarquer, dès le départ, que la position du demandeur repose sur sa qualification de l'avis d'interdiction de séjour qu'on lui a remis le 7 mai 1991 comme avis d'interdiction de séjour conditionnelle.
  • [17]            Le demandeur soutient que l'avis d'interdiction de séjour conditionnelle a été délivré en conformité avec le paragraphe 46.02(1) de la Loi sur l'immigration qui est ainsi libellé :



46.02 (1) S'ils en viennent tous les deux à la conclusion que la revendication n'est pas recevable par la section du statut ou qu'elle n'a pas un minimum de fondement, l'arbitre et le membre de la section du statut prononcent leur décision, motifs à l'appui, le plus tôt possible et en présence du demandeur si les circonstances le permettent. S'il s'agit d'une enquête, l'arbitre prend ensuite, sous réserve du paragraphe 4(2.1), les mesures qui s'imposent aux termes de l'article 32.

                                 

46.02 (1) Where both the adjudicator and the member of the Refugee Division determine that the claimant is not eligible to have the claim determined by the Refugee Division or does not have a credible basis for the claim, they shall give their decision and the reasons therefor as soon as possible after making the determination and in the presence of the claimant wherever practicable and, where the matter is before an inquiry, the adjudicator shall, subject to subsection 4(2.1), take the appropriate action under section 32 with respect to the claimant


  • [18]            Le demandeur déclare que l'avis qui lui a été remis le 7 mai 1991 est nul, étant donné que l'arbitre n'a pas tenu d'enquête afin de confirmer l'avis d'interdiction de séjour qui expirait le 7 juillet 1991, et ce, en conformité avec l'article 46.07 de la Loi sur l'immigration :



46.07 (1) L'agent principal fait rouvrir l'enquête par le même arbitre ou par un autre arbitre dès que les circonstances le permettent dans les cas où l'intéressé à qui le statut de réfugié au sens de la Convention est définitivement reconnu aux termes de la présente loi est visé par une mesure de renvoi conditionnel ou un avis d'interdiction de séjour conditionnelle et se trouve dans l'une ou l'autre des situations suivantes :

e) il se voit refuser le droit d'établissement demandé.

...

(3) S'il conclut que l'intéressé n'a pas le droit, en application du paragraphe 4(2.1), de demeurer au Canada, l'arbitre :

a) soit confirme la mesure ou l'avis qui le visait;

b) soit annule la mesure ou l'avis et prend les mesures qui s'imposent aux termes de l'article 32.

46.07 (1) Where any person against whom a conditional removal order is made, or to whom a conditional departure notice is issued ...

(e) is refused landing on an application under section 46.04,

a senior immigration officer shall cause the inquiry with respect to the person to be reopened by the adjudicator who presided at the inquiry or by any other adjudicator as soon as practicable.

...

(3) Where the adjudicator determines that a person does not have a right under subsection 4(2.1) to remain in Canada, the adjudicator shall

(a) confirm the order made against, or the notice issued to, that person; or


  • [19]            Le demandeur prétend que ladite enquête n'a pas été effectuée. Par conséquent, l'avis d'interdiction de séjour conditionnelle n'a pas été confirmé par l'arbitre, en conformité avec les articles 43 à 46.07 de la Loi sur l'immigration.
  • [20]            Le demandeur s'appuie sur une décision rendue par la Cour d'appel fédérale en 1980 à l'appui de la thèse que l'audience dont on parle dans la Loi sur l'immigration aurait permis au demandeur d'être entendu afin de déterminer si la mesure d'expulsion devait être prise (John Jordan c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1980] 1 C.F. 809).
  
  • [21]            Finalement, le demandeur soutient que ce sont les articles 110 et 112 des Dispositions transitoires de la Loi sur l'immigration, L.C. 1992, ch. 49 (Dispositions transitoires) qui s'appliquent dans la présente affaire. Ces articles sont ainsi libellés :



110. Les enquêtes ou audiences prévues par des dispositions de la Loi sur l'immigration modifiées ou abrogées par la présente loi sont tenues, et les décisions auxquelles elles donnent lieu sont rendues, comme si ces dispositions n'avaient pas été modifiées ou abrogées si, à la date d'entrée en vigueur de la modification ou de l'abrogation, elles avaient été commencées.

...

112. Par dérogation à l'article 110_:

a) toutes les revendications du statut de réfugié au sens de la Convention présentées entre le 1er janvier 1989 et la date d'entrée en vigueur du présent article et dont il n'a pas encore été décidé à cette date si elles avaient un minimum de fondement sont déférées à la section du statut;

b) les mesures découlant des enquêtes ou audiences visées à l'article 110, notamment les mesures de renvoi ou les mesures d'expulsion conditionnelle, sont prises conformément aux dispositions de la Loi sur l'immigration, dans leur version édictée par la présente loi, en vigueur au moment de la prise.

110. Any inquiry or hearing under any provision of the Immigration Act amended or repealed by this Act that was commenced before the coming into force of the amendment or repeal shall continue to a determination as though that provision had not been amended or repealed.

...

112. Notwithstanding section 110,

(a) every claim to be a Convention refugee made between January 1, 1989 and the day on which this section comes into force, and in respect of which no determination of credible basis had been made as of that day, shall be referred to the Refugee Division; and

(b) any order, including any removal order or conditional deportation order, made as a result of any inquiry or hearing referred to in that section shall be made on the basis of the provisions of the Immigration Act in force on the day the order is made.


  • [22]            Le demandeur soutient que la loi qui s'applique à son cas est la Loi sur l'immigration telle qu'elle existait en 1991 et non pas l'article 113 des Dispositions transitoires de 1993. Par conséquent, selon le demandeur, l'arbitre a commis une erreur de droit lorsqu'elle a conclu que la mesure d'expulsion ultérieure prise à l'encontre du demandeur constituait une mesure d'expulsion valide.
  • [23]            Le demandeur a, en outre, prétendu que l'allégation formulée à son endroit était de nature quasi criminelle. Il existe une règle de droit fondamentale selon laquelle un inculpé doit être jugé et puni en vertu du droit en vigueur au moment où l'infraction a été commise. Il s'appuie sur une cause criminelle, plus précisément Gamble c. La Reine, [1988] 2 R.C.S. 595, (1989), 45 C.C.C. (3d) 204, dans laquelle le juge Wilson déclare à la page 242 :

Selon l'ancienne loi, la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle imposée à l'appelante aurait pu être d'au moins 10 ans et d'au plus 20 ans, plutôt que la période ferme de 25 ans à purger avant de devenir admissible à cette libération qui lui a été infligée en vertu de la nouvelle loi. Sans me lancer dans un exercice inévitablement spéculatif pour savoir ce qui aurait pu arriver si l'appelante avait été jugée et condamnée en vertu des dispositions vraiment applicables du Code criminel, je me permets de déduire de la comparaison des mesures législatives pertinentes que l'appelante a subi à première vue un préjudice en n'étant pas jugée et condamnée selon le droit applicable.


  • [24]            Le défendeur soutient que les arguments du demandeur, sur ce point, n'ont aucun fondement logique ou juridique et il affirme qu'aux termes de l'article 113 des Dispositions transitoires entrées en vigueur le 1er février 1993, la mesure d'interdiction de séjour est devenue effectivement une mesure d'expulsion.
  • [25]            Le défendeur souligne qu'un avis d'interdiction de séjour a été remis au demandeur le 7 mai 1991 et que les Dispositions transitoires sont entrées en vigueur le 1er février 1993.   
  • [26]            L'article 113 est ainsi libellé :


L'avis d'interdiction de séjour délivré avant l'entrée en vigueur du présent article devient une mesure d'expulsion à la dernière des dates suivantes_:

a) quatre-vingt-dix jours après cette entrée en vigueur;

b) la date d'expiration de la période accordée dans l'avis à l'intéressé pour quitter le Canada.

A departure notice issued to a person before the day this section comes into force shall be deemed to be a deportation order on the later of the expiration of

(a) ninety days after the day this section comes into force; and

(b) the period specified in the departure notice for the person to leave Canada.


  • [27]            Selon le défendeur, l'effet de cette disposition a été de convertir, le 1er mai 1993 ou avant cette date, l'avis d'interdiction de séjour en une mesure d'expulsion valide.

  • [28]            Le défendeur s'appuie sur les décisions Llewellyn c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 113 D.L.R. (4e) 680 et Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1473.
  • [29]            De plus, le défendeur conteste la pertinence des articles 110 et 112 des Dispositions transitoires par rapport à la présente affaire, étant donné qu'aucune enquête ou audience qui aurait pu mener à une mesure d'expulsion obligatoire n'avait été « commencée » au moment où les modifications et les abrogations sont entrées en vigueur. De même, l'alinéa 112b) ne s'applique pas, parce que rien ne prouve que le demandeur ait fait l'objet d'une mesure de renvoi ou d'une mesure d'expulsion conditionnelle. Le défendeur prétend que l'on a délivré un avis d'interdiction de séjour à l'encontre du demandeur, le sujet même de l'article 113.
  

ANALYSE

  • [30]            Je vais d'abord émettre de brefs commentaires sur la jurisprudence sur laquelle les parties se sont appuyées. Aucune des causes citées ne tranche l'affaire dont je suis saisie. La Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Jordan, précité, n'a pas fourni, dans ses motifs, les faits sous-jacents à l'affaire. Le juge Pratte a tranché l'affaire en deux paragraphes ainsi libellés :

     

Étant donné les circonstances particulières de la réouverture de l'enquête, nous estimons qu'il était du devoir de l'arbitre non seulement d'aviser le requérant de la possibilité d'une révocation de l'avis d'interdiction de séjour et de son remplacement par une ordonnance d'expulsion, mais également de donner au requérant la possibilité de présenter des observations sur cette question. Or, l'arbitre a omis de remplir ces devoirs; c'est pourquoi nous jugeons que l'ordonnance qu'il a rendue n'est pas valide.


L'ordonnance d'expulsion rendue contre le requérant est donc annulée et l'affaire est renvoyée à l'arbitre pour qu'il décide, après une nouvelle audition, si le requérant devrait faire l'objet d'un avis d'interdiction de séjour ou d'une ordonnance d'expulsion.

  • [31]            D'abord, il est peu probable que cette décision puisse avoir une influence sur la présente affaire, c'est-à-dire la conversion de la mesure d'interdiction de séjour par l'effet des Dispositions transitoires, étant donné que cette décision a été rendue en 1980 et que les Dispositions transitoires sont entrées en vigueur en 1993. Deuxièmement, le juge Pratte introduit ses motifs en limitant leur application aux « ... circonstances particulières de la réouverture de l'enquête... » . Dans la présente affaire, il n'y a eu aucune réouverture d'enquête concernant le demandeur. Pour ces motifs, j'estime que cette cause n'a aucune importance pour ce qui est de décider des questions en litige dont je suis saisie.
  • [32]            Dans l'arrêt Singh, précité, la Cour a examiné la décision de l'agent d'immigration selon laquelle le demandeur n'entrait pas dans la catégorie des immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée, parce qu'il avait empêché ou retardé son renvoi. Le demandeur faisait l'objet d'une mesure d'interdiction de séjour qui, par l'application de l'article 113 des Dispositions transitoires, a été convertie en mesure d'expulsion. Toutefois, dans Singh, précité, la Cour n'a pas conclu, comme le défendeur le prétend, que l'article 113 avait converti l'avis d'interdiction de séjour en une mesure d'expulsion valide. Le juge Pinard souligne au paragraphe 14 que « [l]e requérant reconnaît que le 1er mai 1993, la

mesure d'interdiction de séjour qui avait été prise contre lui le 10 juin 1991 et qui était devenue exécutoire le 6 juillet 1992, s'est transformée en mesure d'expulsion par l'effet de la loi... » . En fait, la conversion d'un avis d'interdiction de séjour en une mesure d'expulsion valide, par l'application des Dispositions transitoires, ne constituait pas une question en litige dans cette affaire.

  • [33]            De plus, l'autre cause citée par le ministre à l'appui de sa position n'est pas plus utile. La Cour dans l'arrêt Llewellyn, précité, devait décider si la Cour avait compétence pour ordonner un sursis de l'exécution de l'article 113 des Dispositions transitoires. Une fois encore, la conversion de l'avis d'interdiction de séjour en une mesure d'expulsion en raison de l'exécution de la loi n'a pas été contestée par le demandeur et ne constituait pas une des questions en litige dans l'instance.
  • [34]            À mon avis, la présente affaire peut être décidée en se fondant sur l'interprétation des dispositions législatives. Il convient de rappeler ici que la position du demandeur repose sur sa qualification de l'avis d'interdiction de séjour qu'on lui a remis comme « avis d'interdiction de séjour conditionnelle » .
  

  • [35]            Le 7 mai 1991, Emploi et Immigration Canada a décidé que la revendication du statut de réfugié du demandeur n'avait pas un minimum de fondement. À la deuxième page du formulaire, là où l'on faisait mention de cette décision, Emploi et Immigration Canada a défini le statut du demandeur comme une personne décrite à l'alinéa 27(2)e) de la Loi sur l'immigration. Il est écrit ce qui suit dans le formulaire :

      [traduction]

[...] Vous êtes une personne au Canada qui n'est pas de citoyenneté canadienne ou un résident permanent qui est entrée au Canada comme visiteur et y demeure après avoir cessé d'être un visiteur.

Vous êtes tenu, en vertu du paragraphe 32(7) de cette loi, de quitter le Canada au plus tard le 7 juin 1991. [...]

  • [36]            Les dispositions pertinentes de l'article 32 de la Loi sur l'immigration sont ainsi libellées :


  • Expulsion à l'exception des résidents permanents.

(6) S'il conclut que l'intéressé relève d'un des cas visés par le paragraphe 27(2), l'arbitre, sous réserve des paragraphes (7) et 32.1(5), prend une mesure d'expulsion à son endroit.

Interdiction de séjour.

(7) Dans les cas visés au paragraphe (6) et où l'intéressé n'appartient pas à l'une des catégories visées aux alinéas 19(1)c), d), e), f) ou g) ou 27(2)c), h) ou i), l'arbitre, sous réserve du paragraphe 2.1(5), délivre un avis d'interdiction de séjour précisant le délai pour quitter le Canada, s'il est convaincu :

a) d'une part, qu'une mesure d'expulsion ne devrait pas être prise en l'occurrence ;

b) d'autre part, que l'intéressé quittera le Canada dans le délai imparti.

Deportation or departure of other than permanent residents.

(6) Where an adjudicator decides that a person who is the subject of an inquiry is a person described in subsection 27(2), the adjudicator shall, subject to subsections (7) and 32.1(5), make a deportation order against that person.

Departure of other than permanent residents.

(7) Where the person referred to in subsection (6) is a person other than a person described in paragraph 19(1)(c), (d), (e), (f), (g) or (j) or 27(2)(c), (h), or (i), the adjudicator shall, subject to subsection 32.1(5), issue to that person a departure notice specifying the date on or before which that person is required to leave Canada, if the adjudicator is satisfied that

(a) having regard to all the circumstances of the case, a deportation order ought not to be made against that person; and

(b) that person will leave Canada on or before the date specified in the notice.


  • [37]            Le demandeur a raison de soutenir que c'est le paragraphe 46.02(1) qui ordonne à l'arbitre, s'il conclut que la revendication du demandeur n'a pas un minimum de fondement, « de prendre les mesures qui s'imposent aux termes de l'article 32 [à l'endroit du revendicateur] » .
  • [38]            Par conséquent, une fois que l'enquête sur le bien-fondé de la revendication du statut de réfugié du demandeur a été terminée, le paragraphe 46.02(1) commandait à l'arbitre de prendre des mesures en vertu de l'article 32. Le paragraphe 32(6) ordonne à l'arbitre de décider si l'on doit prendre une mesure d'expulsion en vertu de cet article ou si l'on doit plutôt délivrer un avis d'interdiction de séjour en vertu du paragraphe 32(7).
  
  • [39]            La seule autre solution de rechange qui s'offre à un arbitre en vertu de 32(6) serait d'appliquer le paragraphe 32.1(5). Il s'agit de l'article qui permet à un arbitre de prendre une mesure d'interdiction de séjour conditionnelle. Toutefois, dans le cas du demandeur, le paragraphe 32.1(5) ne peut pas s'appliquer, parce qu'il ne se conforme pas à la définition de « demandeur de statut » que l'on retrouve au paragraphe 32.1(1):


  • 32.1(1) Au présent article, « demandeur de statut » désigne la personne qui revendique le statut de réfugié au sens de la Convention et dont la revendication est déférée à la section du statut.


32.1 (1) In this section, "claimant" means a person who claims to be a Convention refugee and whose claim has been referred to the Refugee Division.

  • [40]            À cette époque, une revendication n'était entendue par la Section du statut de réfugié que lorsque l'on avait conclu à un minimum de fondement.
  • [41]            Par conséquent, l'argument du demandeur voulant que l'avis qui lui a été remis ait été un avis d'interdiction de séjour conditionnelle ne tient pas. En fait, l'arbitre ne peut simplement qu'avoir délivré un avis d'interdiction de séjour ou pris une mesure d'expulsion. L'arbitre a dû être convaincu qu'une mesure d'expulsion n'était pas appropriée et que le demandeur quitterait le Canada avant la date fixée.
  
  • [42]            En fin de compte, le demandeur n'a pas quitté le Canada à la date fixée. Je reconnais que le demandeur a déclaré qu'il croyait, à la suite des entretiens qu'il a eus avec un consultant en immigration, que son statut au Canada était légitime. Ce fait, toutefois, n'est pas pertinent relativement à la présente question en litige.
  • [43]            Pour terminer, la même journée où l'on a décidé que le revendication du statut de réfugié n'était pas fondée et où l'on a délivré l'avis d'interdiction de séjour, on a demandé au demandeur de signer une lettre confirmant qu'il comprenait les conditions de l'avis d'interdiction de séjour. Le contenu de la lettre a été reproduit précédemment dans les présents motifs.
  

  • [44]            Par conséquent, après avoir constaté que l'on avait remis un avis d'interdiction de séjour au demandeur, et non pas un avis d'interdiction de séjour conditionnelle, la prétention du demandeur voulant que la mesure du 7 mai 1991 soit nulle, parce qu'elle n'a pas été « confirmée » par une enquête ultérieure n'est pas fondée. Le paragraphe 46.07(1) parle expressément de mesures de renvoi conditionnel et d'avis d'interdiction de séjour conditionnelle. Cela ne peut pas s'appliquer à la situation du demandeur.
  • [45]            De la même façon, j'estime que l'argument du demandeur voulant que ce soient les articles 110 et 112 des Dispositions transitoires qui s'appliquent à sa situation et non pas l'article 113, n'est pas fondé. En ce qui concerne l'article 110, on ne peut affirmer qu'une enquête quelconque ait été commencée dans le cas du demandeur. De plus, j'adopte la position du défendeur voulant qu'étant donné que l'article 113 parle expressément d'avis d'interdiction de séjour, l'instrument même avec lequel le demandeur est aux prises, il n'y a aucune raison d'examiner l'article 112 qui parle de « mesures de renvoi » .
  
  • [46]            Par conséquent, l'article 113 des Dispositions transitoires s'applique à la situation du demandeur. La question qui reste à décider consiste à savoir si cet article convertit l'avis d'interdiction de séjour en une mesure d'expulsion valide.

  • [47]            À mon avis, le libellé de la disposition n'est pas ambigu. L'avis d'interdiction de séjour devient une mesure d'expulsion, dans le cas du demandeur, quatre-vingt-dix jours après que l'article est entré en vigueur. Toutefois, la plainte du demandeur voulant que la conversion de l'avis d'interdiction de séjour en une mesure d'expulsion par effet de la loi le prive des avantages d'une enquête à laquelle on fait référence au deuxième paragraphe de la lettre de confirmation accompagnant l'avis d'interdiction de séjour, mérite d'être examinée.
  • [48]            Lorsque l'on a remis un avis d'interdiction de séjour au demandeur, il entrait dans la catégorie des personnes décrites à l'alinéa 27(2)e), c'est-à-dire une personne qui demeure au Canada après avoir cessé d'être un visiteur. Toutefois, une fois que le demandeur a omis de quitter le Canada, le 7 juillet 1991, il est devenu une personne décrite à l'alinéa 27(2)i), c'est-à-dire une personne qui n'a pas quitté le Canada à la date précisée dans un avis d'interdiction de séjour ou avant cette date. Les conséquences découlant de cela sont mentionnées dans la lettre de confirmation signée par le demandeur :

[traduction]

Je comprends par ailleurs que mon omission de quitter le Canada au plus tard à la date précitée m'exposera à faire l'objet du rapport visé à l'alinéa 27(2)i) de la Loi sur l'immigration. Cette mesure mènera à une autre enquête en matière d'immigration dans le cadre de laquelle une mesure d'expulsion exécutoire sera prise contre moi.

  • [49]            L'obligation de prendre une mesure d'expulsion en raison de l'omission du demandeur de quitter le pays est attestée par un nouvel examen de l'article 32. À ce stade, l'arbitre qui décide de la voie appropriée à suivre en vertu du paragraphe 32(6) doit prendre une mesure d'expulsion. Le demandeur, en raison de son statut de personne décrite à l'alinéa 27(2)i), n'est plus admissible à la délivrance d'un avis d'interdiction de séjour en vertu du paragraphe 32(7).

  • [50]            Par conséquent, même sans l'application de l'article 113 des Dispositions transitoires, l'avis d'interdiction de séjour du demandeur deviendrait une mesure d'expulsion. En omettant de quitter le Canada le 7 juillet 1991, le demandeur a essentiellement converti son avis d'interdiction de séjour en une mesure d'expulsion. Il est dans la même position, par suite de l'effet de l'article 113, dans laquelle il aurait été en vertu de l'ancienne Loi sur l'immigration.
  • [51]            Par conséquent, je ne suis pas d'avis que l'application de l'article 113 a privé le demandeur de quelque avantage. La seule issue dont disposait le demandeur à la suite de l' « enquête » était la mesure d'expulsion. Il s'agit du même traitement qu'il a reçu à la suite de l'application des Dispositions transitoires.
  

Conclusion

  • [52]            Je ne trouve aucune erreur dans la décision de l'arbitre selon laquelle l'avis d'interdiction de séjour du demandeur a été converti en une mesure d'expulsion valide par effet de la loi, le 1er mai 1993. Par conséquent, lorsqu'il a été arrêté, le 14 juillet 2000, le demandeur faisait l'objet d'une mesure d'expulsion valide.
  • [53]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
  

  • [54]            Le demandeur a présenté deux questions pour certification. Toutefois, je suis d'avis que les questions ne sont pas de portée générale, comme l'exige l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Par conséquent, je m'abstiens de certifier les questions.
   

                                                                              « Dolores M. Hansen »            

                                                                                                             Juge                      

OTTAWA (Ontario)

Le 15 janvier 2002

  

Traduction certifiée conforme

                                                         

Richard Jacques, LL.L.


   

                                                                                       Date : 20020115

                                                                         Dossier : IMM-5129-00

OTTAWA (Ontario), le 15 janvier 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DOLORES M. HANSEN                  

ENTRE :

RAMDEO BOODLAL

Demandeur

  

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

Défendeur

ORDONNANCE

   

Vu la demande présentée, en vertu du paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, modifiée, en vue du contrôle judiciaire de la décision d'un arbitre rendue le 22 septembre 2000, ordonnant la détention du demandeur pour renvoi immédiat du Canada;

LECTURE FAITE des documents déposés, après avoir entendu les observations des parties;

ET pour les motifs exposés aujourd'hui;

  

LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES :

55.              La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

56.              Aucune question ne sera certifiée.

    

                                                                              « Dolores M. Hansen »            

                                                                                                             Juge                      

  

Traduction certifiée conforme

                                                         

Richard Jacques, LL.L.


  

                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                       IMM-5129-00

  

INTITULÉ :                      Ramdeo Boodlal c. M.C.I.

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Toronto (Ontario)

  

DATE DE L'AUDIENCE :                                           Le 11 juillet 2001

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE HANSEN

DATE DES MOTIFS :                                     Le 15 janvier 2002

   

COMPARUTIONS :

Reg Bradburn                                       POUR LE DEMANDEUR

Greg G. George                                    POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                             

Reg Bradburn                                       POUR LE DEMANDEUR

Toronto

Morris Rosenberg                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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