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Date : 20050617

Dossier : T-531-03

Référence : 2005 CF 864

                                                  ADMIRALTY ACTION IN REM

BETWEEN:

                                             JPMORGAN CHASE BANK (formerly

                                                      The Chase Manhattan Bank)

                                                                           and

                                       J.P. MORGAN EUROPE LIMITED (formerly

                                            Chase Manhattan International Limited)

                                                                                                                                             Plaintiffs

                                                                           and

                                          MYSTRAS MARITIME CORPORATION

                                                                           and

                                               THE OWNERS AND ALL OTHERS

                                          INTERESTED IN THE SHIP "LANNER"

                                                                           and

                                                          THE SHIP "LANNER"

                                                                             

                                                                                                                                         Defendants

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:


Introduction

[1]                Dans le cadre de la présente requête, une banque, d'une part, ainsi que plusieurs fournisseurs d'approvisionnements nécessaires, d'autre part, compétitionnent quant à l'octroi en tout ou en partie du solde du produit de vente judiciaire d'un navire.

[2]                La banque emportera la mise à moins, selon une première possibilité, que certains fournisseurs puissent via leur contrat se réclamer d'un privilège maritime sous le droit maritime américain et ainsi surclasser la banque dans l'ordre traditionnel de priorité ou, selon une deuxième possibilité, que des fournisseurs aient pu démontrer par des preuves très convaincantes qu'il y avait lieu de procéder à un réaménagement de cet ordre de priorité selon l'equity en raison de circonstances très particulières et qu'une entorse à cet ordre de priorité était essentielle pour prévenir une injustice évidente.

[3]                Pour les motifs qui suivent, je ne considère pas que les fournisseurs aient établi l'une ou l'autre de ces possibilités. En conséquence, la banque sera autorisée par l'ordonnance accompagnant les présents motifs à toucher en entier le solde du produit de vente du navire.

Les faits

[4]                Les faits essentiels à une bonne compréhension de la présente décision m'apparaissent être les suivants.


[5]                C'est principalement par un affidavit de Madame Parisa Suvarnatemee daté du 30 juillet 2003 que les demanderesses (ci-après collectivement la Banque) établissent leur situation de créancières hypothécaires.

[6]                Madame Suvarnatemee est un officier de la Banque et dans son affidavit (l'affidavit de réclamation de la Banque) elle témoigne des faits suivants. Il est à noter que Madame Suvarnatemee ne fut pas contre-interrogée sur son affidavit même si l'ordonnance de cette Cour datée du 15 septembre 2004 prévoyait une période pour que la Banque et les fournisseurs à titre de réclamants puissent procéder à des contre-interrogatoires sur affidavits. De fait, hormis une attaque quant à la validité de l'hypothèque détenue par la Banque contre le navire en litige, soit « The Lanner » (ci-après le Lanner), les faits et informations récités dans l'affidavit de réclamation de la Banque n'ont pas été remis en question par les fournisseurs.

[7]                Ainsi la Banque établit dans son affidavit de réclamation qu'en date du 1er août 2000 elle signa avec trois emprunteurs une entente de prêt (le prêt) couvrant un montant de 27 500 000 $ (ce montant est en dollars américains, comme pour tous les autres montants mentionnés aux présents motifs). Le prêt établit que l'obligation des trois emprunteurs est conjointe et solidaire.

[8]                Les trois emprunteurs étaient constitués de la défenderesse Mystras Maritime Corporation (Mystras), de Twin Seas Shipping Corporation (Twin Seas) et de Alchemy Shipping Corporation (Alchemy).

[9]                En tout temps pertinent, Mystras était propriétaire du Lanner, Twin Seas était propriétaire du navire Peregrine et Alchemy du navire Hobby.

[10]            Le prêt prévoyait qu'à titre de garantie les emprunteurs accordaient à la Banque une cession de tous gains ou revenus que pourraient rapporter les trois navires.

[11]            Le prêt prévoyait également à titre de garantie l'octroi en faveur de la Banque d'une hypothèque de premier rang. L'affidavit de réclamation de la Banque établit que cette hypothèque fut enregistrée le 3 août 2000 auprès des autorités du Liberia, soit le « Bureau of Maritime Affairs of the Republic of Liberia » .

[12]            Notons ici que c'est à l'égard des exigences légales du Liberia quant à l'enregistrement de l'hypothèque que la validité de cette dernière fut remise en question par les fournisseurs. Nous aurons l'occasion en début d'analyse, soit aux paragraphes 23 et suivants, de revenir sur cette attaque.

[13]            Comme on s'en doute, puisque la Banque a éventuellement repris les navires visés par l'hypothèque, c'est que les emprunteurs ont manqué à leurs obligations en vertu du prêt.

[14]            En effet, un premier type de manquement (event of defaut, selon le prêt) survient en février 2002 alors que les emprunteurs débutent leur omission de déposer auprès de la Banque les revenus tirés de l'exploitation des navires visés par l'hypothèque.

[15]            Un deuxième type de manquement intervient à la fin de juin 2002, puis à la fin de décembre 2002 alors que les emprunteurs omettent de repayer respectivement deux montants dus à la Banque au titre de paiements en capital sous le prêt.

[16]            Bien que la Banque en début de janvier 2003 ait requis que les emprunteurs corrigent ces manquements, ces derniers n'en firent rien et au début de mars 2003, la Banque notifia les emprunteurs qu'elle demandait paiement immédiat de toutes sommes dues en vertu du prêt.

[17]            C'est en mars 2003 que la Banque prit possession des trois navires visés par le prêt. Ces derniers ont par après été vendus.


[18]            Une comptabilité établie par la Banque par le biais de son affidavit de réclamation et d'un affidavit d'un Maxine Graves - comptabilité qui n'a pas été remise en question - nous amène à conclure qu'au 30 décembre 2004, une somme de 10 772 659,37 $ était toujours due par la défenderesse et emprunteur Mystras en vertu du prêt.

[19]            Quant au Lanner, il fut vendu pour une somme de 6 900 002 $. De cette somme un montant de près de 4,2 millions de dollars fut payé à divers réclamants, y inclus un paiement partiel à la Banque, pour laisser un solde de 2,7 millions que se disputent maintenant la Banque et les fournisseurs restants.

[20]            Quant à ces derniers, ils sont au nombre de quinze (15) et étaient représentés par trois bureaux de procureurs différents. Lorsque applicables, chaque procureur a indiqué à l'audition qu'il faisait siens au nom de ses clients les arguments émis par les deux autres procureurs agissant pour les fournisseurs.

[21]            En fonction de telle représentation, ces fournisseurs étaient les suivants :

(1)         Kent Trade & Finance Inc. (Kent Trade);

(2)         E.N. Bisso & Son, Inc. (E.N. Bisso);

(3)         Chengxi Shipyard (Chengxi);

(4)         Huashun Ocean Shipping Supply Co. Ltd. (Huashun);

(5)         Suderman & Young Towing Company, L.P. (Suderman);

(6)         Praxis Energy Agents S.A. (Praxis);


(7)         CP3500 International Ltd. (CP3500);

(8)         Gulf Marine Industrial Supplies, Inc. (Gulf Marine);

(9)         Robin Maritime Agencies LLC (Robin Maritime);

(10)       Robin Ship Agency (South Atlantic) LLC (Robin Ship);

(11)       Ashland Specialty Chemical Company (Ashland);

(12)       Marine Fuels Ltd. (Marine Fuels);

(13)       Hellas Supply Co. Inc. (Hellas);

(14)       International Paint Inc. (International Paint);

(15)       Calogeras and Master Supplies, Inc. (Calogeras).

[22]            Toutes ces entités (ci-après collectivement et telles que déjà désignées « les fournisseurs » ) ont fourni soit au Lanner soit à une série de près de douze (12) autres navires pétroliers (que ces fournisseurs voient tous comme des navires frères ou jumeaux du Lanner) des biens, travaux ou services qui se qualifient tous d'approvisionnements nécessaires pour les fins des alinéas 22(2)m) et n) de la Loi sur les Cours fédérales, L.C. (1985), ch. F-7, telle que modifiée, et de l'ordre de priorité traditionnel ou habituel. À titre indicatif, on parle essentiellement dans le cas présent d'approvisionnements en mazout et parfois de peintures et de services de remorquage, voire de réparations au Lanner alors qu'il était en Chine (réclamation de Chengxi).


Analyse

[23]            Il m'appert qu'il y a lieu de diviser en trois grandes parties l'analyse à tenir en les présentes.

[24]            Dans un premier temps, il y aura lieu de se prononcer sur le caractère valide et effectif de l'hypothèque détenue par la Banque.

[25]            Par après, il y aura lieu de se pencher sur les prétentions de certains fournisseurs soutenant qu'ils détiennent un privilège maritime sur le Lanner en vertu d'une disposition de leur contrat avec le propriétaire du Lanner; disposition qui établit essentiellement que les parties s'en remettent au droit maritime général des États-Unis. Dans le cas de Calogeras, le contrat de ce dernier cherche par lui-même à créer un privilège maritime.

[26]            Enfin, en troisième lieu, on se penchera sur les prétentions de plusieurs fournisseurs à l'effet qu'il y a lieu en les présentes de procéder à un réaménagement de l'ordre de priorité traditionnel selon l'equity.

I.           Le caractère valide et effectif de l'hypothèque de la Banque

[27]            Ce sont les fournisseurs Hellas et International Paint qui ont développé ce point à l'audition. Je tiens toutefois pour acquis que les autres fournisseurs adoptent les propos de Hellas et International Paint.

[28]            Les fournisseurs Hellas et International Paint ont approvisionné des navires qu'ils considèrent être des navires frères du Lanner. Hellas et International Paint - tout comme les autres fournisseurs ayant approvisionné d'autres navires vus comme des navires frères du Lanner - reconnaissent chacun (à l'exclusion du fournisseur Calogeras) qu'ils ne peuvent faire valoir contre le Lanner qu'un droit réel prévu par la loi; droit que l'on retrouve en théorie au point 7 de l'ordre habituel reproduit ci-après au paragraphe 39.

[29]            L'intérêt pour ces fournisseurs, y compris Calogeras, d'attaquer la validité de l'hypothèque de la Banque réside dans le fait que cette hypothèque vient dans l'ordre de priorité traditionnel à un rang supérieur à eux. Si l'hypothèque est écartée, leur créance pourrait être assouvie en tout ou en partie par le solde du produit de vente du Lanner.

[30]            Dans leurs représentations écrites déposées après que la Banque ait produit son affidavit de réclamation, Hellas et International Paint soulignent simplement de façon générale au paragraphe 6a) leur attaque comme suit :

6. a)         the lack of legal evidence as to the validity of Plaintiff's alleged mortgage and as to whether such mortgage secures Plaintiffs' alleged claim;


[31]            À l'audition, le procureur de ces fournisseurs a souligné que la Banque n'avait pas quant aux exigences du droit du Liberia d'affidavits d'experts équivalents à ceux sur lesquels mon collègue Hargrave s'en est rapporté pour soutenir dans l'arrêt Royal Bank of Scotland plc v. Golden Trinity (The), [2004] F.C.J. No. 992 (ci-après The Golden Trinity) que les hypothèques lui ayant été soumises étaient valides.

[32]            On a attiré plus spécifiquement mon attention au paragraphe 10 de cet arrêt où mon collègue s'exprime comme suit :

10.            In 1995 RBS, a knowledgeable maritime lender of Edinburgh, Scotland, decided to advance $60,000,000.00 to seven borrowers to refinance various vessels and provide working capital. Among the borrows were the owners of the Golden Trinity and Ypapadi. The loan was secured by marine mortgages dated 12 October 1995 and was pursuant to the terms of a loan agreement of 6 October 1995. Here I would note that I am satisfied that the mortgages of the Golden Trinity and Ypapadi, as well as the subsequent mortgages granted to RBS, were properly registered, constituting first registered charges over each of the vessels, or in the case of subsequent mortgage security, a second charge behind that already held by RBS: this is apparent from the evidence overall and from the fact that the opinions on the security given by Dr. Bianchi and by Ms. Diaz, experienced maritime lawyers familiar with marine securities, were neither subject to cross-examination nor contradicted by other evidence.

[33]            Je ne considère pas que mon collègue ait voulu par cet extrait créer une exigence ayant valeur de précédent et établir que la reconnaissance en cette Cour du caractère valide et effectif de toute hypothèque enregistrée dans un pays étranger dépendait de la production d'affidavits d'avocats spécialisés en droit maritime du pays visé.

[34]            En l'espèce, en l'absence de contre-interrogatoire de l'affiante ayant produit l'affidavit de réclamation de la Banque, je suis satisfait sur la base de cet affidavit et des pièces le constituant que l'hypothèque de la Banque est valide et effective et que cette dernière et le prêt qu'elle garantit sont exécutoires devant notre Cour dans le présent dossier.

[35]            L'hypothèque de la Banque étant une sûreté valide, il y a lieu maintenant de regarder si le contrat de certains fournisseurs avec le propriétaire du Lanner leur permet d'accéder au statut de détenteurs de privilèges maritimes à l'égard d'approvisionnements nécessaires fournis au Lanner vu la référence au droit maritime américain dans ces contrats.

II.         Disposition contractuelle et droit substantif applicable

[36]            Nul ne remet en doute que la volonté exprimée des parties à un contrat devient la loi entre elles. Je pense que c'est avec ce concept ou cette restriction en tête que l'on se doit d'apprécier et de distinguer du cas en l'espèce les décisions de cette Cour dans les arrêts Textainer Equipment Management B.V. v. Baltic Shipping Company, [1994] F.C.J. No. 1267 (ci-après l'arrêt Textainer Equipment Management), et Kirgan Holding S.A. v. Panamax Leader (The) (2002), 225 F.T.R. 273.


[37]            Ici, toutefois, les fournisseurs (1) Kent Trade, (6) Praxis, (7) CP3500, (11) Ashland et dans une même mesure en bout de course (15) Calogeras voudraient qu'une disposition à leur contrat d'approvisionnements entre eux et le propriétaires du Lanner, disposition qui prévoit essentiellement que le contrat est assujetti au droit maritime général des États-Unis, soit le seul élément qui gouverne le droit substantif applicable et le statut de ces fournisseurs dans l'ordre de priorité. Les fournisseurs cherchent donc de manière déterminante à opposer à la Banque, entre autres, une disposition d'un contrat auquel la Banque n'est pas partie.

[38]            L'intérêt pour ces fournisseurs de voir le droit maritime américain s'appliquer réside dans les constats suivants.

[39]            Dans l'arrêt Governor and Company of the Bank of Scotland c. Nel (Le) (lre inst.), [2001] 1 C.F. 408 (ci-après l'arrêt The Nel), mon collègue Hargrave décrit comme suit, en page 419, l'ordre de priorité habituel :

ORDRE DE PRIORITÉ HABITUEL

[4]            La question de l'ordre de priorité des créances maritimes au Canada a été examinée dans un certain nombre d'arrêts, notamment Comeau's Sea Foods Ltd. c. Le Frank and Troy, [1971] C.F. 556 (1re inst.); Todd Shipyards Corp. c. Altema Campania Maritima S.A., [1974] R.C.S. 1248 [ci-après appelé l'Ioannis Daskalelis]; Osborn Refrigeration Sales and Service Inc. c. L'Atlantean I, [1979] 2 C.F. 661 (1re inst.); Llido c. Le Lowell Thomas Explorer, [1980] 1 C.F. 339 (1re inst.); Scott Steel Ltd. c. Alarissa (L'), [1996] 2 C.F. 883 (1re inst.); confirmé en appel (1997), 125 F.T.R. 284; Fraser Shipyard and Industrial Centre Ltd. c. Atlantis Two (L') (1999), 170 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.); Holt Cargo Systems Inc. c. Brussel (Le), [2000] A.C.F. no 197 (1re inst.) (QL). Tous ces arrêts dans leur ensemble, et j'ai appliqué les principes qui y étaient énoncés, traitent longuement de la plupart des questions d'ordre de priorité qui sont susceptibles de se poser.

[5]            Le classement de base des créances réelles au Canada est le suivant:

1. Les débours du prévôt d'amirauté ou du shérif.


2. Les frais de vente, y compris les frais du demandeur dans une action relative à la saisie, à l'évaluation et à la vente, ou subsidiairement, la créance d'une partie autre que le demandeur qui a contribué à la mise en vente du navire.

3. Les privilèges possessoires antérieurs aux autres privilèges.

4. Les privilèges maritimes.

5. Les privilèges possessoires postérieurs aux privilèges maritimes.

6. Les hypothèques.

7. Les droits réels prévus par la loi, y compris les droits se rapportant à la fourniture d'approvisionnements nécessaires, qui occupent le même rang entre eux.

[Non souligné dans l'original.]

[40]            Il est acquis que sous la liste ci-dessus, un fournisseur d'approvisionnements nécessaires se retrouve au point 7, donc sous le détenteur d'une hypothèque.

[41]            La situation d'un même fournisseur est fort différente sous le droit maritime américain où là ledit fournisseur bénéficie d'un privilège maritime. Cette constatation est pleinement établie dans les extraits suivants de la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Imperial Oil Ltd. v. Petromar Inc. (2001), 209 D.L.R. (4th) 158 (ci-après l'arrêt Imperial Oil), où en pages 161-162 et 171-172 le juge Stone, pour la Cour, s'exprime comme suit :

[1]            This appeal from an order of the Trial Division dated August 16, 2000, raises an issue of whether, having regard to Canadian conflict of laws rules, the supply of marine lubricants in Canada to two Canadian-registered vessels pursuant to an arrangement made by their manager with corporations in the United States, gave rise to a maritime lien under the maritime law of the United States or, instead, to a statutory right in rem against the vessels under Canadian maritime law.


[2]            As the appellant submits, it would appear that the policy of the law in the United States is to protect the interest of suppliers by granting a maritime lien for necessaries supplied to a vessel. By contrast, the policy of Canadian maritime law is to deny a supplier such a lien and, instead, leave that person with either a right in personam against the debtor or, in the circumstances described below, a statutory right in rem against the vessel. Canadian policy would seem to be more protective of the vessel's interests in this regard. By processing a maritime lien the supplier of a vessel under the law of the United States occupies a far superior position to that of a supplier of a vessel under Canadian maritime law. As a maritime lienholder under the law of the United States, the supplier is entitled to rank above non-maritime lienholders and others including mortgagees. In Canada, by contrast, the supplier of a vessel ranks well down the scale of priorities as compared with maritime lienholders. Herein lies the conflict between the two systems of law.

[....]

[24]          In finding in favour of Petromar, the Trial Judge distinguished between the relevant maritime law of the United States and that of Canada on the point. As has been noted, under the maritime law of the United States, unlike that of Canada, a maritime lien for necessaries exists. The term "necessaries" includes marine lubricants supplied to a vessel. This right to a maritime lien for necessaries is currently provided for in the Commercial Instruments and Maritime Liens Act, 46 U.S.C. paras. 31301-31343, particularly paragraph 31342 which reads:

31342. Establishing maritime liens

(a) Except as provided in subsection (b) of this section, a person providing necessaries to a vessel on the order of the owner or a person authorized by the owner -

(1) has a maritime lien on the vessel;

(2) may bring a civil action in rem to enforce the lien; and

(3) is not required to allege or prove in the action that credit was given to the vessel.

(b) This section does not apply to a public vessel.

It will be noticed that by these provisions the lien is intended to attach whether the necessaries are supplied on the order of the vessel owner or of a person authorized by the owner.


[25]          The Trial Judge noted and the parties agreed that Canadian maritime law does not recognize a maritime lien for necessaries. This is apparent from an examination of the relevant provisions of the Federal Court Act, R.S.C. 1985, c. F-7. While subsection 22(2) of that Act lists various matters over which the Federal Court is granted jurisdiction, the Court's jurisdiction in rem over claims included in section 22 is, by subsection 43(3), so limited that a claim "in respect of goods, materials or services .... supplied to a ship for the operation or maintenance of the ship" provided for in paragraph 22(2)(m), cannot be enforced in an action in rem "unless, at the time of the commencement of the action, the ship ... that is the subject of the action is beneficially owned by the person who was the beneficial owner at the time when the cause of action arose". The result in law is that an unpaid supplier of goods to a vessel cannot claim the benefit of a maritime lien against the vessel. Instead, such a person is left to bring an action in rem against the vessel provided its beneficial ownership has not changed between the date the cause of action arose and the date the action is commenced, or to pursue the debtor in an action in personam in this Court or elsewhere. The case law both in England and in Canada is clearly to the effect that a supplier of necessaries is not entitled to a maritime lien but only to a statutory right in rem which is sometimes referred to as a "statutory lien". That law is conveniently summarized in Coastal Equipment Agencies Ltd. v. The Ship "Comer", [1970] Ex. C.R. 12; Mount Royal/Walsh Inc. v. The Ship Jensen Star, [1990] 1 F.C. 199 (C.A.).

[42]            Cet arrêt Imperial Oil est non seulement intéressant pour les propos qui précèdent mais m'apparaît de plus central pour disposer des réclamations ici à l'étude contre le Lanner. En effet, dans Imperial Oil, la Cour a été amenée à apprécier le poids à accorder à une clause contractuelle référant au droit maritime américain mais à laquelle la demanderesse, Imperial Oil Ltd., n'était pas partie.

[43]            Dans cet arrêt, Imperial Oil Ltd., propriétaire des navires Le Brave et A.G. Farquharson, a affrété ces derniers à Socanav. Cet affréteur a confié la gestion des navires à la corporation Star. Star, en retour, a conclu un contrat avec le fournisseur de lubrifiants maritimes Petromar. Petromar avait elle-même conclu auparavant un contrat avec la corporation E.C.I. relativement, si je comprends bien, aux approvisionnements qui seraient confiés à Petromar. Le contrat entre Star et Petromar et celui entre Petromar et E.C.I. contenaient une disposition quant à l'application du droit de l'État de New York.

[44]            Dans une action déclaratoire entreprise par Imperial Oil Ltd., la Cour fédérale en première instance, puis en appel, a été amenée à se pencher sur la question suivante soumise par les parties dans le cadre d'une requête pour faire trancher une question de droit :

Whether Petromar Inc. has a maritime lien on the vessels M.V. "LE BRAVE" and M.V. "A.G. FARQUHARSON" as a result of the supply to the said vessels of marine lubricants.


[45]            Tel que nous l'avons vu par la citation reproduite au paragraphe 41, supra, le juge Stone reconnaît au paragraphe 2 in fine de ses motifs que la situation à l'étude implique un conflit entre deux régimes de droit.

[46]            Plus loin, au paragraphe 14, le juge Stone établit que c'est en vertu des règles canadiennes portant sur les conflits de lois que le choix du droit substantif américain ou canadien doit être résolu. Le juge indique :

[14]          The parties agree that the determination of applicable substantive law is to be made according to Canadian conflict of laws rules. They also agree that if the transactions are governed by United States substantive law, the supply of marine lubricants gives rise to a maritime lien enforceable by way of an action in rem against the vessels and that Petromar is entitled to judgment for the unpaid debt as converted to Canadian currency; correspondingly, if the transactions are governed by Canadian substantive law, the appellant is entitled to a declaration that Petromar has no maritime lien in rem against the vessels.

[47]            Au paragraphe 16 de sa décision, le juge Stone réfère comme suit à la démarche et au test que le juge de première instance avait retenus pour déterminer qui du droit américain ou du droit canadien devait gouverner la situation alors sous étude (tel que nous le verrons incessamment, le juge Stone se montrera d'accord avec ce choix de test) :


[16]          The Trial Judge first selected the test he considered appropriate for determining whether the law of Canada or of the United States should govern the transaction. It was his view that the appropriate test was: With what jurisdiction did the transactions have "the closest and most substantial connection"? In applying that test, the Trial Judge examined and weighed a number of factors which it was argued connected the transactions more closely to either Canada or the United States. Before doing so he turned for guidance to American jurisprudence enumerating various connecting factors to be weighed and assessed. In the leading American case of Lauritzen v. Larsen, 345 U.S. 571 (1953) the Supreme Court of the United States set out, at 583-591, seven connecting factors or points of contact to be weighed and considered "alone or in combination" in determining whether liability for an injury sustained by a seaman on board a Danish ship in Cuban waters should be governed by the Jones Act, 46 U.S.C. para. 688 or by some foreign system of laws.

[48]            On note que le juge Stone souligne que le juge de première instance s'est inspiré des facteurs contenus à la décision de la Cour suprême des États-Unis dans l'arrêt Lauritzen v. Larsen, 345 U.S. 571 (1953) (ci-après l'arrêt Lauritzen).

[49]            Les fournisseurs dans notre cas ont dénoncé le recours à cet arrêt Lauritzen qui fait état de facteurs de rattachement à prendre en compte pour déterminer la juridiction qui présente le lien le plus étroit et le plus important. Pour eux, la juridiction à retenir est celle apparaissant à la clause contenue au contrat des parties. Ils ajoutent que cet arrêt Lauritzen se situe dans un contexte de responsabilité extra-contractuelle; contexte qui est donc différent du présent.

[50]            Je ne puis suivre les fournisseurs sur ce point. Dans l'arrêt Imperial Oil, la Cour regardait une situation de nature contractuelle. Le juge Stone note alors non seulement que la section de première instance s'est référée à cet arrêt Lauritzen mais souligne, toujours au paragraphe 16 de ses motifs, que six ans après sa décision dans Lauritzen, la Cour suprême des États-Unis :

[...] extended the Lauritzen approach so as to "guide courts in the application of maritime law generally": Romero v. International Terminal Operating Co., 358 U.S. 354 (1959).

[51]            Plus tard dans son analyse, le juge Stone, dans Imperial Oil, adoptera au paragraphe 31 de ses motifs l'arrêt Lauritzen. La Cour s'exprime alors comme suit :


[31]          There is no dispute that the Lauritzen factors as supplemented and applied by the courts in the United States should be considered and weighed in determining whether the transactions have "the closest and most substantial connection" to the substantive law of Canada or of the United States. It would seem helpful to take those factors into account despite the fact that they have been prescribed by the United States Supreme Court whose judgments are not binding on Canadian courts.

[52]            Auparavant, au paragraphe 30 de ses motifs, le juge Stone s'était dit finalement en accord avec le test du lien le plus étroit et le plus important retenu par le juge de première instance :

[30]          Before the Trial Judge and again in this Court, the appellant urged that the "closest and most substantial connection" choice of law test alluded to by Castel, supra, and in the British and Canadian jurisprudence with respect to the proper law of contract, should be applied here. In my view, the Trial Judge was correct in selecting that test.

[53]            Fort du test qu'il vient de consacrer, le juge Stone aux paragraphes 35 et 37 de ses motifs se distingue du juge de première instance quant à la juridiction à retenir et situe quant à lui le poids à accorder à un ou des contrats pour lesquels la demanderesse Imperial Oil Ltd. n'était pas partie; contrats qui contenaient une clause qui aurait permis par l'application du droit maritime américain que les fournisseurs aient un rang de priorité accru. Au paragraphe 35, il est dit :

[35]          The Trial Judge considered the contracts between Star and Petromar and between Petromar and E.C.I. for supply of the marine lubricants to the vessels to be the most significant connecting factor. As has been noted, the parties to those contracts were American and the law of the United States was made applicable to issues of construction, validity and performance. The appellant was not, however, a party to either contract. Nor was Socanav.

[Non souligné dans l'original.]

[54]            Et au paragraphe 37 :

[37]          While the Trial Judge was correct in considering and weighing the United States contracts as a factor, and while that factor carries considerable weight, I am not persuaded that it is the most significant factor.


[55]            Aux fins de retenir le Canada comme la juridiction ayant le lien le plus étroit et le plus important, le juge Stone retient les contrats comme un facteur de rattachement mais accorde à ce facteur un poids vraisemblablement relatif. Au paragraphe 39 de ses motifs, il s'exprime ainsi :

[39]          The base of operations factor was not considered and weighed by the Trial Judge. However, during oral argument on appeal, at the invitation of the bench, counsel addressed this factor. When the factor is weighed with other factors connecting the transactions to Canada, that which connected the transactions to the United States i.e. the supply contracts, seems less substantial. The actual deliveries of the marine lubricants were made in Canada where the vessels were registered, where both the shipowner and the demise charterer had their respective bases of operations and centres of management and where the vessels traded.

[56]            Les fournisseurs dans le présent dossier ont soutenu que l'arrêt Imperial Oil devait être distingué aux motifs, premièrement, que les contrats revus par la Cour dans Imperial Oil ne contenaient pas de clause choisissant le droit américain, et, deuxièmement, que la Cour dans ce même arrêt regardait des contrats qui se trouvaient, somme toute, éloignés à double niveau de la demanderesse Imperial Oil Ltd. Cet argument d'éloignement tient du fait que Socanav n'était pas partie au contrat entre Star et Petromar, et donc que Imperial Oil Ltd. qui se tient finalement derrière Socanav l'était encore bien moins.

[57]            Je ne considère pas que l'un ou l'autre de ces arguments tienne.

[58]            Quant à l'absence de clause choisissant la loi applicable, cette proposition m'apparaît à l'étude tout simplement inexacte puisque, tel qu'on l'a vu précédemment au paragraphe 53, de par la citation alors des motifs du juge Stone, un choix de lois était prévu aux contrats.


[59]            Quant au fait que Imperial Oil Ltd. était éloignée à double niveau des contrats en question, ce facteur d'éloignement qu'il soit présent ou non importe peu à mon avis. Ce qui est important, c'est que Imperial Oil Ltd. - tout comme la Banque ici - ne soit tout simplement pas partie aux contrats que l'on cherche à lui opposer.

[60]            Relativement aux fournisseurs (1) Kent Trade, (6) Praxis, (7) CP3500 et (11) Ashland, la Banque a inclus à ses représentations écrites un tableau. Ce tableau, que je reproduis ci-dessous avec quelques modifications apportées en cours d'audition, reprend une approche semblable à celle de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Imperial Oil. Il fait ressortir, somme toute, que hormis la résidence du réclamant Ashland (qui est par ailleurs mise en doute de par l'affidavit d'expert de William Juska daté du 4 janvier 2005 au paragraphe 39 et déposé par la Banque), aucun facteur de rattachement ne relie aux États-Unis l'approvisionnement de ces fournisseurs. Voici du reste ce tableau :


Claimant

LANNER's Flag State

Vessel Owner's Country of Residence

LANNER's Base of Operations

Location of Supply

Supplier's Country of Residence

Claimant's Country of Residence

(1) Kent Trade & Finance Inc.

Liberia

Liberia

Greece

Canada

Canada (Imperial Oil)

Virgin Islands

(1) Kent Trade & Finance

Liberia

Liberia

Greece

Spain

unknown

Greece

(6) Praxis EnergyAgents S.A.

Liberia

Liberia

Greece

Trinidad

England (BP Marine)

Virgin Islands

(7) CP3500 International Ltd.

Liberia

Liberia

Greece

Singapore

Singapore (CP3500 Asia Pte Ltd.)

Cyprus

(11) Ashland Specialty Chemical Company

Liberia

Liberia

Greece

South Africa

The Netherlands

United States


[61]            Même en considérant que la résidence d'Ashland est suffisamment établie et même si pour l'ensemble de ces fournisseurs la présence du contrat auquel ils s'en remettent chacun est mise dans la balance, il n'en demeure pas moins qu'à mon avis les États-Unis ne peuvent ressortir comme la juridiction ayant le lien le plus étroit et le plus important. Puisque le droit maritime américain n'est pas alors applicable, que tout autre droit étranger n'a pas été plaidé ou prouvé, il en retourne que c'est le droit maritime canadien qui s'applique par défaut. (Voir à cet effet l'arrêt The Golden Trinity, au paragraphe 56.) À cet égard, et tel qu'on l'a vu plus tôt, sous le droit maritime canadien un fournisseur d'approvisionnements nécessaires ne bénéficie pas d'un privilège maritime et vient dans l'ordre de priorité traditionnel à un rang inférieur à un détenteur d'hypothèque.

[62]            En conséquence et de manière très claire, je ne peux reconnaître que les fournisseurs (1) Kent Trade, (6) Praxis, (7) CP3500 et (11) Ashland détiennent chacun un privilège maritime à faire valoir contre le solde du produit de vente judiciaire du Lanner.

[63]            Quant au fournisseur (15) Calogeras, je pense que sa situation n'est pas véritablement différente de celle des quatre fournisseurs que l'on vient d'aborder. Partant, les motifs qui précèdent s'appliquent à lui mutatis mutandis.

[64]            Ce dernier a tout de même cherché à faire ressortir sa candidature en faveur d'un privilège maritime en raison des clauses 8a) et 14a) qui se retrouvent au contrat d'approvisionnements nécessaires qu'il a signé. Il ressort de l'économie de la présentation de Calogeras que c'est uniquement en fonction des clauses contractuelles reproduites ci-dessous qu'il cherche la reconnaissance d'un privilège maritime.

[65]            Ces clauses se trouvent résumées comme suit aux paragraphes 9 et 10 des représentations écrites qu'il a soumises :

9.              Said General Terms and Conditions provide at clause 8a) that the goods and services provided by Calogeras were supplied on the credit of the supplied vessel and of its sister ships and that, therefore, Calogeras holds and is entitled to assert a maritime lien against the supplied vessel or any of its sister ships for all amounts due to Calogeras;


10.            Said General Terms and Conditions provide at claude 14a) that Calogeras shall be entitled to assert its maritime lien in any country where the subject vessel or its sister ships may be found. The creation and existence of a maritime lien in favour of Calogeras over the subject vessel or its sister ship shall be governed by the general law of the United States of America and the laws of the State of New York. For the purpose of asserting Calogeras' maritime lien, all goods and services shall be deemed as having been supplied to the subject vessel in the port of New York, regardless of the actual location of the port(s) where the subject deliveries were in fact effected (see paragraph 9 of Mr. Kottos'Affidavit of Claim);

[66]            On doit tenir au départ que les approvisionnements ici visés l'ont été à quelques-uns des douze (12) navires que les fournisseurs en général, y inclus Calogeras, voient comme des navires frères au Lanner. Ceci découle des paragraphes 3, 4, 11 et 12 des représentations écrites produites par Calogeras que l'on reproduit ci-après :

3.              Moreover, Calogeras admits that it has settled with the Plaintiff the invoices directly applicable to supplies furnished to the M.V. "LANNER". Thus, its claim is reduced by the principal amount of CA$74,846.83;

4.              Thus the claim of Calogeras is for the principal or capital amount of $550,881.12;

[...]

11.            In accordance with the Affidavit of Mr. James F. Sweeney, a New York Maritime lawyer, having practised American Maritime Law for more than twenty-four years, and after his reading of the Affidavit of Claim of Mr. Kottos, and Calogeras' General Terms and Conditions, the supplies furnished by Calogeras to the vessels MERLIN, LANNER, FALCON, PEREGRINE, KITE, ELEONORA, RAVEN, GOLDER EAGLE, HARRIER, CONDOR and OSPREY, as set out at paragraph 14 of Mr. Kottos' Affidavit of Claim, all qualify as necessaries for the purposes of the vessels, creating an American maritime lien against the respective vessels which benefited from such supplies;

12.            In addition, Mr. Sweeney states that under United States law, an enforceable lien can be created by agreement between the vessel and the ship supplier. Thus, pursuant to clause 14 of Calogeras' General Terms and Conditions, under American law, Calogeras has a valid maritime lien enforceable against the supplied vessel or any sister. Moreover, according to clause 14 of Calogeras' General Terms and Conditions, and recognizing that under American law, a maritime lien can be created by contract, supplies furnished to any sister ships conferred a maritime lien in favour of Calogeras on the M.T. LANNER;


[67]            On doit donc réaliser que les clauses 8a) et 14a) du contrat de Calogeras cherchent à être encore plus claires et directes que les clauses des quatre fournisseurs revus précédemment en ce que les clauses de ces derniers ne renvoyaient qu'au droit maritime américain qui lui aurait créé le privilège maritime. Ici, dans le cas de Calogeras, ce sont les clauses contractuelles directement qui cherchent d'elles-mêmes à créer, à donner naissance à ce privilège.

[68]            Le fait que les clauses soumises par Calogeras soient rédigées ainsi ne change pas la donne fondamentale à l'effet que la Banque n'était pas partie aux contrats d'approvisionnements de Calogeras. En fonction donc de l'arrêt Imperial Oil, ces contrats ne lui sont pas opposables.

[69]            Notons en passant que même sous une analyse de facteurs de rattachement pour déterminer la juridiction ayant le lien le plus étroit et le plus important, je ne considère pas que les États-Unis et son droit maritime pourraient être retenus. Du reste on retient que Calogeras n'a pas cherché à tout hasard à procéder à une analyse de sa situation en fonction de facteurs de rattachement. Elle a misé sur ses clauses contractuelles.


[70]            Cet appui sur des clauses contractuelles dans le but de créer, de donner naissance par contrat à un privilège maritime nous renvoit à l'arrêt Imperial Oil où la Cour, dans son étude portant sur la nature et les caractéristiques d'un privilège maritime - étude que l'on doit associer de près à la ratio de cet arrêt - a été amenée à établir que tant en droit maritime canadien qu'en droit maritime américain, un contrat ne peut créer un privilège maritime. Aux paragraphes 26 et 27 dans Imperial Oil, la Cour énonce sa position comme suit :

[26]          It seems clear from The "Bold Buccleugh", supra, and, indeed, as the Trial Judge pointed out, a maritime lien arises not from contract but from operation of law in respect of a limited number of claims under Canadian maritime law. These include claims for damage, for seamen's or master's wages or remuneration or for salvage services. The opportunity of such claimants to enforce a maritime lien is recognized by paragraphs 22(2)(d), (j) and (o) of the Federal Court Act read together with subsection 43(3) thereof. A maritime lien for claims of this nature arises by operation of law rather than from the fact that they may originate either in tort or in contract.

[27]          The courts of the United States have recognized that the lien arises by operation of law. Thus in Gulf Trading & Transportation Co. v. The Vessel Hoegh Shield, 658 F. 2d 363 (5th Cir. 1981), cert. denied, 457 U.S. 1119 (1982), involving a claim in an action in rem by a supplier (Gulf) of bunker fuel oil and a time charterer (Multinational) for the benefit of a Norwegian ship, Circuit Judge Brown stated at 366:

Gulf's claim to a maritime lien in the Vessel arises by operation of law rather than by contract because the Vessel's owner was not a party to the contract between Gulf and Multinational. The present controversy, and the validity of the maritime lien imposed upon the Vessel, is broader than the failure...to pay for the necessaries provided to the Vessel.

Earlier, in Rainbow Line, Inc. v. M/V TEQUILA, 480 F. 2d 1024 (2d Cir. 1973), Chief Judge Anderson remarked, at 1026:

But maritime liens arise separately and independently from the agreement of the parties, and rights of third persons cannot be affected by the intent of the parties to the contract...

[Non souligné dans l'original.]

[71]            Plus récemment mon collègue Hargrave a repris comme suit, aux paragraphes 76 à 78 de sa décision dans The Golden Trinity, supra, des propos semblables tout en distinguant de façon appropriée l'arrêt Textainer Equipment Management :

[76]          Contractual liens are said to arise out of Tramp's standard bunkering terms which provide that when Tramp supplies bunkers to a vessel, in addition to any other security it "is agreed and acknowledged that the lien over the Vessel is thereby created for the price of the product supplied ..." (section 10.01 of Tramp's standard terms). In my view the priority of such a contractual lien falls below that of a mortgage and indeed does not raise such a claim above other statutory in rem necessaries claims.


[77]          To elaborate, while Mr. Justice Muldoon left it open in Textainer Equipment (supra) for the parties to a contract to agree to a lien of their own making (page 110), but went on to observe that "... the Court does not suggest that the parties, by agreement, can invent a maritime lien where none has yet been discovered in Canadian maritime law." (page 113).

[78]          This was also the view of the Federal Court of Appeal in Imperial Oil (supra) at page 193. The whole area is neatly summed up in Thomas on Maritime Liens, British Shipping Laws, volume 14, Stevens & Sons, London, 1980 at page 24:

A maritime lien arises solely by operation of law and independently of agreement inter partes. No maritime lien can be created by agreement which is not already recognised as a maritime lien under the maritime law. Moreover, to the extent that a recognised maritime lien is expressly provided for by agreement, the agreement itself is not the legal source of the maritime lien but only endorses that which exists at law and independently of the agreement. The essence of a maritime lien is "that it comes into existence automatically without any antecedent formality, and simultaneously with the cause of action".

The concept here is that while a contractual lien clause may recognize or endorse a maritime lien, it cannot be the legal source of a maritime lien, for such a lien "comes into existence automatically without any antecedent formality". While it may well be that the effect of Tramp's standard conditions and their deemed acceptance by Pronoia on behalf of the Kimisis III did create a right of some description, I am not prepared to grant any such bilateral contractually founded right a priority which would defeat a third party with any established priority and here I have in mind both the priorities accorded holders of marine mortgage security and necessaries supplier's with a Canadian statutory in rem claim.

[72]            Face à ces enseignements, et en autant donc que l'on doive se rapporter aux affidavits d'experts soumis par les parties de part et d'autre, j'endosse le point de vue exprimé par l'expert de la Banque, M. Juska, quant à sa position sur l'affidavit d'expert de M. Sweeney, expert mis de l'avant par Calogeras. La position de M. Juska se trouve à être résumée adéquatement comme suit aux paragraphes 105 à 107 des représentations écrites de la Banque :

105.          The second affidavit of William Juska dated 4 January 2005 (at tab 6 in volume 2 of the Bank's Claim Record) gives his expert opinion regarding U.S. maritime law applicable to Calogeras' claims for maritime liens arising from supplies of necessaries made to alleged sister ships. In short, there is no precedent under U.S. maritime law for the recognition of a maritime lien for such supplies.


106.          The affidavit of law and supplemental affidavit of law of James Sweeney filed on behalf of Calogeras say it is possible for a supplier of necessaries and an owner or manager of a vessel to create a contractual lien. That proposition does not seem contentious, but without citing any U.S. authority, Mr. Sweeney then says that such a contractual lien can have the character of a maritime lien.

107.          Mr. Sweeney says a maritime lien arises by operation of law in favour of Calogeras, but in the absence of statutory authority or other maritime law right, the terms of a private agreement between a supplier and the owner or manager of a vessel cannot have the effect of giving that supplier priority over the publicly registered interest of a mortgagee.

[73]            En conséquence et de manière très claire, je ne peux reconnaître que le fournisseur Calogeras détient un privilège maritime à faire valoir contre le solde du produit de vente judiciaire du Lanner.

III.        Réaménagement de l'ordre de priorité traditionnel selon l'equity

[74]            Suivant mon décompte, douze (12) fournisseurs soulèvent de façon principale ou comme argument alternatif cette proposition que j'identifierai pour les fins des motifs qui suivent comme étant l'argument du réaménagement basé sur l'équité (certains procureurs ont utilisé l'expression anglaise « equitable subordination » ).

[75]            Ces douze (12) fournisseurs sont les suivants :

(1)         Kent Trade;

(2)         E.N. Bisso;

(3)         Chengxi;

(4)         Huashun;


(5)         Suderman;

(8)         Gulf Marine;

(9)         Robin Maritime;

(10)       Robin Ship;

(12)       Marine Fuels;

(13)       Hellas;

(14)       International Paint;

(15)       Calogeras.

(Mon décompte oublie peut-être trois fournisseurs mais cet élément ne change rien puisque les arguments pour tous les fournisseurs étaient les mêmes.)

[76]            Pour les fins du présent raisonnement, comme pour les autres motifs soutenant la présente décision, je prends pour acquis - sans en décider toutefois - que ces fournisseurs ont réussi à établir que les quelque douze navires auxquels ils ont fourni des approvisionnements nécessaires peuvent tous être vus comme des navires frères du Lanner.

[77]            Même sous cette proposition, ces fournisseurs ne pourraient faire valoir contre le Lanner qu'un droit réel prévu par la Loi. En effet, tel que l'a rapporté le juge Mackay au paragraphe 22 de ses motifs dans l'arrêt Holt Cargo Systems Inc. v. ABC Containerline N.V. (Trustees of), [2000] F.C.J. No. 197 (ci-après The Brussel) :


[22]          In my opinion the holders of maritime liens against sister ships of the "Brussel" may enforce their claims against the "Brussel" under s-s. 43(8) of this Court's Act, but they do not have the same status as holders of traditional maritime liens against that vessel. They have a statutory right in rem with priority similar to that of any creditor who has an ordinary in rem claim against a sister ship of the "Brussel". Given that such claims rank below the holder of the mortgages, their interests cannot be satisfied from the fund created by the sale of the "Brussel".

(Voir également sur ce même point les décisions de mon collègue Hargrave dans les arrêts The NEL, supra, aux paragraphes 104 à 121 et The Golden Trinity aux paragraphes 79 et suivants.)

[78]            L'on sait, tel que vu précédemment, qu'un tel droit réel se classe sous le droit d'un détenteur d'hypothèque dans l'ordre de priorité traditionnel.

[79]            Pour surclasser l'hypothèque de la Banque, il faut donc que les fournisseurs en litige ici puissent convaincre la Cour qu'il y a lieu de procéder à un réaménagement basé sur l'équité.

[80]            L'argument central des fournisseurs équivaut essentiellement à celui qu'a fait valoir le fournisseur Tramp contre les deux banques en litige alors dans l'arrêt The Golden Trinity ; argument que mon collègue Hargrave résume très bien comme suit au paragraphe 110 de ses motifs :

[110]        On the basis of that the Banks hold valid mortgage security and that, in some instances, Tramp ranks below them as a necessaries claimant, I now turn to Tramp's submission that the established priorities ought to be re-ordered in an equitable manner to provide some priority to Tramp. This submission is based on allegations that both RBS and Nedship ought to have moved sooner to realise against the ships on which they held mortgages and, because they failed to do so, Tramp continued to supply bunkers to the Pronoia fleet, for which it was not paid. In the result, Tramp submits that the two Banks have been unjustly enriched. Any existence of unjust enrichment, being an equitable doctrine should, in Tramp's view, result in a re-ordering of the usual priorities between maritime in rem claims.


[81]            Le test à rencontrer pour obtenir un réaménagement basé sur l'équité est très exigeant. Tel que le démontrent les extraits suivants de l'arrêt The Golden Trinity, le fardeau dans un tel cas est porté sur les épaules des fournisseurs et ces derniers doivent démontrer par des preuves très convaincantes qu'il y a lieu de procéder à un réaménagement basé sur l'équité en raison de la présence de circonstances très particulières et du fait que l'entorse à cet ordre de priorité est essentielle pour prévenir une injustice évidente :

[118]        [...]

Thus I must not depart from the usual long established order of priorities except in very special circumstances and only then if the departure is essential to prevent an obvious injustice. This represents a heavy onus on the part of the party seeking to re-order the usual ranking of claims.

[paragraphe 118 en partie]

[145]        As to the argument that Nedship and RBS ought to have moved earlier, against the secured vessels, so that Tramp and other suppliers of goods and services would be put on notice, it was one made in The Atlantis Two (supra) at page 45 and following. In that instance it did not succeed because the mortgage holding bank felt that the situation was under control and that until the bank became convinced that its customers were insolvent, there was no reason to take immediate action on their security. There the bank had been misled by its customers, with the lien claimants, who tried to upset priorities, contending that the bank ought to have been more vigilant. As I pointed out at page 47, a court will lose sympathy with a mortgage holder who stands by, knowing full well that a third party is putting value to the ship, value for which the owner could not pay, with that value falling into the pocket of the mortgage holder on a forced. The concept in The Atlantis Two was, to paraphrase Mr. Justice Hewson in The Pickaninny [1960] 1 Lloyd's Rep. 533 (Admin. Div.) at 537, the inequity of postponing a claimant, who expended money directly to the benefit of the mortgage holder if the mortgage holder knew that its customer was insolvent, but that to establish this there must be very strong reliable evidence: that is not the situation in the present instance.


[146]        Similarly, in The Nel (supra) at page 446 and following the Bank of Scotland was said to have delayed in realisation, thus prejudicing necessaries suppliers. Certainly there were some early warnings signs, during the same time period as the Pronoia fleet suffered from the downturn in the shipping industry, but the situation of the owners of The Nel was not very different from that of any other shipowners. In The Nel the owner had employment for its vessels, there was the possibility of the sale of one of the vessels and there was just not the strong reliable evidence required to upset priorities. There I made the comment that:

[63]          Leaving aside that bankers are in business to support their customers and not to deal with fleets of non-operating ships, the argument that the Bank of Scotland wrongfully delayed in moving against the Nel and related vessels is largely based upon supposition, innuendo and assumption. It is up to the party seeking to upset the established order of priorities to clearly demonstrate, without the use of hindsight, the special circumstances and the plainly unjust result. This might have been accomplished by demonstrating first that an earlier movement by the Bank of Scotland, by way of realization proceedings against the fleet, was clearly called for and second, that earlier action by the Bank of Scotland would have materially assisted the claimants. The claimants have not satisfied these criteria.

In the present instance Tramp has presented a better case than that of the bunker suppliers in The Nel, who relied upon hindsight and a good deal of supposition and assumption. However, in the present instance, while Tramp's case, as I say, better supported, it does not provide the strong reliable evidence, the special circumstances and the plainly unjust result needed to depart from the longstanding and well-known priorities.

[176]        [...] Canadian courts have, on fairly rare occasions, been able to find special circumstances by which to rectify a plainly unjust result.

[Non souligné dans l'original.]

[82]            Il y a lieu d'entrée de jeu de garder à l'esprit une réalité qui ressort de l'arrêt The Golden Trinity et qui appert exister entre les banques et les fournisseurs. Ici, les fournisseurs n'ont pas soumis de preuve qui écarterait l'application générale des propos suivants de la Cour :

[114]        The usual priorities are not to be overturned merely because a lending bank is trying to work out a course of action that is of mutual benefit to its customers and to the bank. Bankers are not only not shipowners, but also need shipowners as continuing customers in order to survive themselves. In effect, maritime lenders, such as RBS and Nedship, in bad times, seek to preserve their security, that is to keep the mortgaged fleet operating so it is worth something, as an operating entity, beyond the breakup value of the individual vessels. This process contains many facets.


[115]        There is also a third party element: to keep a shipping company operating, a holder of mortgage security must not exert financial pressure on a shipowner, during hard times, to the extent that the owner has neither operating capital nor sufficient credit to operate and that includes being able to make certain the owner's fuel suppliers are prepared to continue to supply bunkers. Here both the shipowner and the banker realize that major bunker suppliers are sophisticated and in all likelihood know as much about general conditions in the shipping industry and perhaps as much about the shipowner's finances as does a bank. Indeed, that sophistication runs from a high degree of general knowledge of economic conditions and outlook for the shipping industry to a high degree of specific knowledge gained from personal contacts with shipowners. Bunker suppliers also tailor their bunker supply terms to fit both the nature of the business generally and the specific circumstances that may develop from time to time: this ranges from a general policy of charging very substantial monthly interest rates on overdue accounts, to special credit arrangements and limitations. Marine lenders commonly, during bad times in the shipping industry, adjust payment schedules to relatively more affordable sums. All of these conditions and interactions were present in this instance. However I will first turn to a summary of the law applicable to the equitable re-ordering of priorities.

[...]

[122]        In the context of the unenviable position of the necessaries suppliers I should also refer to Osborne Refrigeration Sales and Services Inc. v. The Ship Atlantean I (1982), 52 N.R. 10, 7 D.L.R. (4th) 395, a decision of the Federal Court of Appeal. The case provides an illustration of the difficulty that necessaries suppliers have always had, in modern times, because their claims rank low, even below that of a mortgage owner, yet the necessary supplier has in some instances, enhanced the value of the vessel for the mortgage holder. In The Atlantean Mr. Justice Pratte denied that necessaries, except to the extent ordered by the admiralty marshall, ought to have an enhanced priority. As a result a priority set out in that case, by the Court of Appeal, were the usual priorities, even though there was a certain degree of unfairness.

[...]

[177]        In difficult times there is also a good deal of tension between necessaries suppliers, particularly suppliers of large dollar amounts of bunkers, who deliver on credit, and maritime bankers, who must stand by their shipowners as long as is reasonable. Bunkers suppliers often, as in the present instance, feel that bankers have the advantage, for they ought to have a detail knowledge of the financial affairs of their customers. Bankers do not necessarily view the situation in the same way, believing necessaries suppliers have at least equal knowledge of the current financial affairs of shipowners. This was explained by Mr. Krijthe, of Nedship, on cross-examination, in answer to the alleged inability of a necessaries supplier to know the liquidity of a shipowner, who said that bunkers suppliers had the experience to know whether or not they should deliver fuel and went on:

Let me give another example. I have contact with Rotterdam bunker suppliers who I sometimes talk to because they have earlier than Nedship information about liquidity positions of clients of ours. Because they much earlier whether or not it's paid in time or whether there is a change in the way clients are paying. (Answer No. 1200)


Mr. Krijthe then went on to elaborate on the ability of necessaries suppliers to obtain information. Thus, while there may be some unfairness in the ranking system, it may not, as between a sophisticated necessaries supplier and a banker, be all that great.

[178]        In the present instance there is no more than the usual perception, on the part of necessaries suppliers, of unfairness. Here not only Tramp, but also the other necessaries suppliers who remained in this proceeding either had in fact good knowledge or the means of obtaining sufficient good knowledge in order to make educated decisions as to delivery of fuel on credit .

[83]            Ici, un élément de fait additionnel s'ajoute à la toile de fond.

[84]            Tel que la Banque le note, et cet argument vaut même sous le scénario des navires frères, elle n'a financé que trois navires sous le prêt et non les neuf autres qui ont pu être approvisionnés. La Banque fait donc valoir qu'il serait certes difficile de tenir qu'elle savait pertinemment et clairement les modalités et circonstances d'approvisionnement de ces navires. Elle ajoute, à juste titre, qu'une telle preuve n'a pas de plus été soumise par les fournisseurs.

[85]            Quant aux trois navires et emprunteurs visés par le prêt, je pense que la Banque peut valablement soutenir ce qu'elle soulève aux paragraphes 138, 145, 146 et 151 de ses représentations écrites, à savoir :

138.          In any event, there is no evidence that the Bank had any control of Mystras and the other Borrowers, that the Borrowers were insolvent, or even if they were insolvent, that the Bank had any knowledge of such insolvency when the remaining claimants supplied or repaired various vessels. As noted above, the Borrowers failed to deposit earnings with the Bank and instead paid those earnings into other accounts and to other persons, all in breach of the applicable loan agreement: see paragraphs 20 and 22 of Ms. Suvarnatemee's affidavit.

[...]


145.          As noted at paragraph 20 of Ms. Suvarnatemee's affidavit, the first event of default under the Loan Agreement happened in February 2002, namely the Borrowers' failure to remit vessel earnings to the applicable earnings accounts. Subsequent events of default occurred when the Borrowers failed to pay:

.                principal payment due on 28 June 2002 (paragraph 16 of Ms. Suvarnatemee's affidavit);

.                interest payment due on 29 November 2002 (paragraph 18 of Ms. Suvarnatemee's affidavit); and

.                principal payment due on 31 December 2002 (paragraph 19 of Ms. Suvarnatemee's affidavit);

146.          Despite those defaults, the Borrowers' failure to pay the principal and interest payments did not indicate or give the Bank the necessary knowledge that the Borrowers were insolvent.

[...]

151.          In short, the Bank did not know the Borrowers were insolvent, but it took commercially reasonable steps to ascertain the Borrowers' financial situation and as soon as it became obvious that they were in serious difficulty, the Bank promptly took steps to realise its security by taking possession or arresting the HOBBY, LANNER and PEREGRINE.

[86]            En ce qui a trait à Chengxi, cette entité aurait procédé à des travaux de réparations sur le Lanner. Ces travaux auraient toutefois pris place du 23 décembre 2001 au 12 mars 2002. Ceci met la fin des travaux à peu de temps après le début de tout manquement sous le prêt (février 2002). Il est donc difficile sous quelque scénario de reprocher à la Banque de ne pas avoir agi.

[87]            Chengxi a également soutenu que ses travaux, à hauteur de 500 000 $, avaient augmenté la valeur de vente du Lanner. Toutefois, aucune preuve n'a été soumise par Chengxi pour établir cette plus-value. On ne peut donc parler, entre autres dans le cas de Chengxi, d'enrichissement sans cause de la part de la Banque.


[88]            Pour Chengxi, comme pour les autres fournisseurs, la situation présente est différente de celle prévalant dans l'arrêt Fraser Shipyard and Industrial Centre Ltd. v. Expedient Maritime Co., [1999] F.C.J. No. 947 (the Atlantis Two). À cet égard, tel que le fait valoir la Banque aux paragraphes 153 et 154 de ses représentations écrites :

153.          In The ATLANTIS TWO decision, cited above, the shipyard adduced expert evidence regarding the vessel's value before repairs and the Prothonotary decided there was a clear increase in the vessel's value, from scrap value to commercial value with a cargo to deliver. That situation represented very special circumstances making it appropriate for the ship repairer to have payment for a portion of its work, by which the value of the vessel, including an intrinsic value, was increased above scrap value.

154.          In the present case, the LANNER (unlike the ATLANTIS TWO) had commercial value at all relevant times before the arrest. The Court has no evidence to the contrary and there is no evidence whatsoever, expert or otherwise, regarding the LANNER's value before the supplies and repairs in question.

[89]            Je ne crois donc pas qu'il y ait lieu ici de procéder en faveur des fournisseurs à un réaménagement basé sur l'équité. Ici, tout comme dans The Golden Trinity, on peut certes conclure, comme mon collègue l'a fait au paragraphe 150 de ses motifs dans cet arrêt, que : "To say that the banks should have moved earlier is to a substantial degree an exercise of speculation and hindsight".

[90]            Dans cette même veine, on peut, tout comme cela a été fait au paragraphe 146 dans The Golden Trinity, rappeler les propos que mon collègue avait tenus dans The Nel au paragraphe

63 :


Leaving aside that bankers are in business to support their customers and not to deal with fleets of non-operating ships, the argument that the Bank of Scotland wrongfully delayed in moving against the Nel and related vessels is largely based upon supposition, innuendo and assumption. It is up to the party seeking to upset the established order of priorities to clearly demonstrate, without the use of hindsight, the special circumstances and the plainly unjust result. This might have been accomplished by demonstrating first that an earlier movement by the Bank of Scotland, by way of realization proceedings against the fleet, was clearly called for and second, that earlier action by the Bank of Scotland would have materially assisted the claimants. The claimants have not satisfied these criteria.

[Non souligné dans l'original.]

[91]            Cette même conclusion doit être tirée ici même si la Banque n'est pas allée aussi loin que dans le cas des institutions bancaires impliquées dans The Golden Trinity. Dans cet arrêt, les banques, en plus de dénoncer le manque de preuves des fournisseurs, avaient clairement et de façon perceptible produit une preuve certaine de leur diligence raisonnable.

Conclusion

[92]            Par l'ordonnance accompagnant les présents motifs, la Banque sera donc autorisée à toucher en entier le solde du produit de vente du navire Lanner.

[93]            Cette conclusion s'impose puisque en bout de course aucun fournisseur n'a pu via son contrat se réclamer d'un privilège maritime sous le doit maritime américain. De même aucun fournisseur n'a pu démontrer par des preuves très convaincantes qu'il y avait lieu de procéder à un réaménagement basé sur l'équité en raison de circonstances très particulières et que l'entorse à cet ordre de priorité était essentielle pour prévenir une injustice évidente.

[94]            Je pense que la Banque a droit à ses dépens quant à l'audition portant sur l'ordre de priorité. La Banque et les différents fournisseurs sont invités dans les vingt (20) prochains jours à s'entendre sur le montant et le partage entre fournisseurs de ces dépens.

[95]            Si une entente n'est pas possible dans ce délai, les divers intéressés sont invités à me revenir par le biais de la production de courtes représentations écrites d'au plus trois (3) pages à cet effet pour chaque étape ci-dessous, et ce, suivant l'échéancier suivant :

1.          La Banque signifiera et déposera par télécopieur auprès du greffe à Montréal ses représentations écrites dans les trente (30) jours de la date de l'ordonnance accompagnant les présents motifs ;

2.          Les divers fournisseurs s'entendront entre eux dans la très grande mesure du possible et signifieront et déposeront dans les dix jours suivants un seul jeu de représentations écrites en réponse ;

3.          Par après, la Banque aura dix (10) jours pour signifier et déposer ses représentations écrites en réplique par télécopieur auprès du greffe à Montréal.


Richard Morneau

protonotaire

Montréal (Québec)

le 17 juin 2005


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ :


T-531-03

ADMIRALTY ACTION IN REM

BETWEEN:

JPMORGAN CHASE BANK (formerly The Chase Manhattan Bank)

and

J.P. MORGAN EUROPE LIMITED (formerly Chase Manhattan International Limited)

                                                                                                Plaintiffs

and

MYSTRAS MARITIME CORPORATION and

THE OWNERS AND ALL OTHERS INTERESTED IN THE SHIP "LANNER" and

THE SHIP "LANNER"

                                                                                           Defendants


LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            24 février 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               Me Richard Morneau, protonotaire

DATE DES MOTIFS :                                   17 juin 2005

ONT COMPARU :


Me Anil Mohan

Me James Gould

POUR LES DEMANDERESSES

Me Louis Buteau

POUR LES RÉCLAMANTES, Hellas et International Paint

Me Marc de Man

POUR LA RÉCLAMANTE, Calogeras



Me Gassim Bangoura

POUR LES RÉCLAMANTES, Kent Trade, E.N. Bisso et Chengxi


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


Metcalf & Company

Halifax (Nova Scotia)

POUR LES DEMANDERESSES

Robinson Sheppard Shapiro

Montréal (Québec)

POUR LES RÉCLAMANTES, Hellas et International Paint


De Man, Pilotte

Montréal (Québec)

POUR LA RÉCLAMANTE, Calogeras



Borden Ladner Gervais

Montréal (Québec)

POUR LES RÉCLAMANTES, Kent Trade, E.N. Bisso et Chengxi

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