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Date : 20020904

Dossier : IMM-418-02

Référence neutre: 2002 CFPI 938

Ottawa (Ontario), le mercredi 4 septembre 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE:

                                                                CHAO QUAN ZHAO

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]                 M. Zhao est un ressortissant de la République populaire de Chine (RPC), âgé de 26 ans, qui revendique le statut de réfugié au sens de la Convention au motif qu'il est de religion chrétienne. La section du statut de réfugié (SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a estimé que l'aspect déterminant de sa revendication était la crédibilité et elle a jugé que M. Zhao n'était pas crédible. Plus précisément, elle n'a pas cru que M. Zhao soit chrétien ou qu'il soit recherché, comme il l'affirme, par le Bureau de la sécurité publique (BSP).


[2]                 Pour conclure à l'absence de crédibilité du demandeur, la SSR a considéré les points suivants :

1.          M. Zhao a témoigné que, en septembre 2000, les agents du BSP sont entrés dans l'église où M. Zhao, sa famille et d'autres s'étaient rendus et ont arrêté le pasteur ainsi que d'autres personnes qui étaient venues à la rescousse du pasteur. La SSR a jugé invraisemblable le témoignage de M. Zhao selon lequel M. Zhao fut alors en mesure de tenir tête au BSP pendant environ une heure, qu'il fut frappé par un agent et qu'il s'échappa avec sa famille sans être arrêtés par l'un des agents du BSP qui se trouvaient là et qui étaient plus de dix.

2.          M. Zhao a témoigné qu'il allait à l'église depuis qu'il était tout jeune. La SSR a trouvé que sa connaissance du christianisme n'était pas ce à quoi l'on aurait pu s'attendre de la part d'un pratiquant de si longue date. Plus précisément, M. Zhao n'a pu répondre à des questions sur la communion ou le baptême ni sur l'importance des fêtes de Noël ou de Pâques.


3.          La SSR a trouvé que le témoignage de M. Zhao ne s'accordait pas avec les renseignements qu'il avait donnés à un agent d'immigration peu après son arrivée au Canada. Il avait dit à l'agent d'immigration qu'il ne voulait pas retourner en Chine parce que « le gouvernement a décidé de démolir les églises chrétiennes et nous avions décidé de protester contre le gouvernement et ils nous ont chassés et nous n'avons eu d'autre choix que de fuir la Chine » . Ce témoignage n'a pas été donné par M. Zhao devant la SSR. La SSR a relevé aussi que M. Zhao avait dit à l'agent d'immigration qu'il souhaiterait retourner en Chine.

4.          La SSR n'a pas cru que M. Zhao était recherché par le BSP, parce que :

a)          M. Zhao a pu régulariser le statut de son épouse en inscrivant le domicile de cette dernière à son hukau le 9 février 2001, soit cinq mois après la date depuis laquelle la police était censée être à sa recherche; et

b)          M. Zhao a enregistré son identification de pêcheur auprès du BSP à une époque où le BSP était censément à sa recherche.


5.          La SSR n'a pas cru que M. Zhao soit arrivé au Canada comme il l'avait dit. M. Zhao avait témoigné que lui-même et huit autres pêcheurs avaient pu, grâce à un radeau, échapper à un incendie survenu sur le navire Ming Chang, qu'ils étaient restés sur le radeau pendant six jours sans voir aucun autre bateau, puis que le radeau avait dérivé vers la côte de l'île de Vancouver. La SSR a préféré la preuve produite par le ministre, selon laquelle M. Zhao était arrivé sur le navire Jin Tung Lung No. 33 après que lui et d'autres eurent déclenché une mutinerie alors que le navire approchait de l'île de Vancouver. La SSR s'est exprimée ainsi :

Après examen de ce dossier très complet, nous concluons que :

a)              le jour de l'arrivée du revendicateur, le Tofino Traffic Centre avait reçu un rapport de mutinerie à bord d'un bateau de pêche nommé Jin Tung Lung No. 33;

b)              la circulation est très dense dans le détroit de Juan De Fuca, surtout durant l'été et il serait donc très peu probable qu'un radeau puisse y dériver pendant six jours sans être remarqué;

c)              à la liste des membres d'équipage du Jin Tung Lung No. 33 apparaissaient le nom et le numéro d'identification du revendicateur, tel qu'il l'a confirmé lors de l'audience;

d)              un article paru dans le journal taïwanais Su Ao Harbor le 11 juillet 2001 fait état du détournement d'un bateau par neuf pêcheurs chinois de la Chine continentale;

e)              le revendicateur et ses compagnons d'équipage sont arrivés sur les rives de l'île de Vancouver avec un sac de vêtements et d'autres effets personnels, ce qui ne serait probablement pas le cas s'ils avaient fui un incendie, comme l'allègue le revendicateur;

f)              il n'existe aucun compte rendu d'incendie sur un bateau dans les environs ni aucune preuve démontrant qu'un bateau a pris feu dans la nuit du 9 juin 2001, date à laquelle le revendicateur est censé être arrivé dans le détroit de Juan De Fuca;

g)              le certificat du service du travail du revendicateur et sa photo ont été retournés par le capitaine du Jin Tung Lung No. 33 au gouvernement de Taïwan et les agents d'exécution de CIC les ont déposés en preuve, les ayant reçus du Bureau commercial du Canada à Taipei;

h)              Le Jin Tung Lung No. 33 est entré dans les eaux canadiennes et se trouvait à moins de deux milles de la zone littorale (dans le secteur où le revendicateur a été retrouvé), vers 2 heures, le 9 juin 2001.

Devant ces éléments de preuve, le revendicateur n'a pas fourni d'explication raisonnable pour justifier le fait que son nom apparaissait sur la liste de l'équipage d'un bateau à bord duquel il ne se trouvait pas. Ses réponses ont été évasives et il n'a pas pu expliquer comment il était arrivé au Canada._                                        [notes omises]


6.          La SSR a relevé qu'un article tiré des Programmes d'information internationale du Département d'État des États-Unis fait état des méthodes employées par les passeurs pour faire sortir des gens de Chine. On peut y lire ce qui suit :

[Traduction]

Voici une méthode à laquelle la Garde côtière américaine fait face de plus en plus souvent : des bateaux de pêche enregistrés à Taïwan prennent à leur bord des membres d'équipage provenant de la Chine continentale. Dans le cas d'une opération de passage de clandestins, l'équipage se mutine lorsque le bateau atteint Guam, la côte ouest des États-Unis ou le Canada. Le capitaine est forcé de les emmener à proximité de la rive pour leur permettre de quitter le navire.                                                                                                                                       [note omise]

[3]                 Dans la présente demande, M. Zhao ne conteste que deux des conclusions de la SSR. D'abord, il dit que la SSR a manqué aux principes de justice fondamentale et naturelle lorsqu'elle s'en est remise aux incohérences entre les renseignements contenus dans les notes d'entrevue de l'agent d'immigration et la preuve produite ailleurs, sans avoir soumis les supposées incohérences à M. Zhao durant l'audience. Deuxièmement, il dit que la SSR a conclu, à tort, à l'absence de crédibilité de M. Zhao en arguant du fait que M. Zhao avait pu, sans difficultés apparentes, obtenir des autorités chinoises le document d'identité appelé hukau.


[4]                 S'agissant de la première prétendue erreur, le fait que M. Zhao n'a pas donné à la SSR des renseignements qu'il avait donnés à l'agent d'immigration n'a pu échapper, ou n'aurait pas dû échapper, à son avocat, qui a procédé à l'interrogatoire principal de M. Zhao. La SSR n'était pas tenue de porter cette omission à l'attention de l'avocat. M. Zhao fut prié par un membre de la SSR de dire pourquoi les nouveaux renseignements qu'il avait donnés à la SSR concernant la démolition de son église n'avaient pas été produits auparavant. À mon avis, M. Zhao a donc eu une occasion suffisante d'expliquer pourquoi les nouveaux renseignements avaient été produits devant la SSR.

[5]                 De même, le représentant du ministre avait demandé à M. Zhao de préciser sa déclaration à l'agent d'immigration selon laquelle il voulait retourner en Chine. M. Zhao a donc eu l'occasion de donner à la SSR l'explication qu'il jugeait adéquate à propos de cette déclaration.

[6]                 À mon avis, la SSR s'est donc conformée à l'obligation d'équité.

[7]                 S'agissant de la conclusion tirée de l'enregistrement du hukau, la SSR a bien reconnu dans ses motifs que M. Zhao avait dit qu'il n'avait pas personnellement reçu ce document des autorités. Puis la SSR a relevé qu'il n'était pas établi que quiconque ait eu des difficultés à obtenir ce document, en dépit du fait que, selon M. Zhao, le BSP « le recherchait partout » . Le hukau aurait, à première vue, été délivré « sous l'autorité du ministère de la Sécurité publique de la RPC » . Dans ce cas, la conclusion tirée par la SSR n'était pas manifestement déraisonnable. Le fait que le hukau était censé avoir été délivré sous l'autorité du ministère de la Sécurité publique écarte l'application d'un précédent tel que le jugement Ponce-Yon c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 73 F.T.R. 317 (1re inst.), invoqué par M. Zhao.


[8]                 Par ailleurs, la SSR ne s'est pas fondée sur cette seule conclusion pour dire que M. Zhao n'était pas recherché par le BSP. Elle s'est également fondée sur le fait que M. Zhao avait enregistré son identification de pêcheur auprès du BSP. Aucune objection n'a été opposée à cette conclusion, et c'était une conclusion que la SSR pouvait très bien tirer, au vu de la preuve produite.

[9]                 Quoi qu'il en soit, les motifs détaillés de la SSR montrent qu'elle a attentivement examiné toute la preuve produite. La conclusion d'absence de crédibilité reposait sur bien davantage que ces deux conclusions contestées. Au vu de la preuve, la SSR pouvait manifestement tirer cette conclusion, laquelle n'était en aucune façon déraisonnable.

[10]            La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[11]            L'avocat de M. Zhao a proposé que la question suivante soit certifiée comme question grave de portée générale :

Si la section du statut de réfugié s'appuie sur des renseignements contenus dans les notes prises au point d'entrée, commet-elle une erreur si elle s'en remet à tels renseignements quand le revendicateur n'est pas prié, durant l'audience, d'expliquer les incohérences apparentes entre les renseignements figurant dans les notes et le témoignage de vive voix [du revendicateur]?

[12]            Le ministre s'est opposé à ce que la question soit certifiée.

[13]            À mon avis, la question formulée ne se pose pas dans ce dossier car la transcription révèle que les points douteux ont été portés à l'attention de M. Zhao pour que soit garanti son droit à une audience équitable et effective. En conséquence, aucune question ne sera certifiée.


                                           ORDONNANCE

[14]            LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  

          « Eleanor R. Dawson »          

                                                                                                             Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

DOSSIER :                 IMM-418-02

INTITULÉ :              Chao Quan Zhao c. MCI

                                                         

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                              le 27 août 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                     MADAME LE JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                                     le 4 septembre 2002

  

COMPARUTIONS :

Larry W.O. Smeets                                              POUR LE DEMANDEUR

Sandra Weafer                                                     POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kowarsky and Company                                                  POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

  
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