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Date : 20000504


Dossier : T-809-99


ENTRE :

    

AB HASSLE et ASTRA PHARMA INC.,


Demanderesses,



- et -





LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET

DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, GENPHARM INC. et

TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.,


Défendeurs.




     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE MACKAY

[1]      La défenderesse Genpharm Inc. (Genpharm) interjette appel d"une ordonnance rendue par le protonotaire Lafrenière, en date du 10 avril 2000, qui a statué qu"un affidavit de M. James Steven Rowe, souscrit le 22 mars 2000, contrevenait à l"ordonnance prononcée par Madame le juge Sharlow, datée du 25 octobre 1999, conformément à laquelle cet affidavit aurait été signifié. Le protonotaire a également ordonné que cet affidavit soit retiré du dossier de la Cour et que Genpharm ne puisse l"invoquer dans la présente instance.

[2]      Dans l"instance qui nous occupe, les demanderesses AB Hassle et Astra Pharma Inc. (Astra) sollicitent une ordonnance interdisant au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de délivrer un avis de conformité à Genpharm. Elles ont présenté leur demande conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) , pour répondre à une lettre datée du 26 mars 1999, que leur avait fait parvenir Genpharm et dans laquelle cette société alléguait, entre autres choses, l"absence de contrefaçon et l"invalidité de certains brevets canadiens dont Astra est la titulaire.

[3]      Dans une ordonnance rendue par consentement datée du 7 juin 1999, le protonotaire Lafrenière a fixé le délai pour la tenue des étapes interlocutoires et a ordonné, notamment, à Astra de signifier et de déposer ses éléments de preuve se rapportant aux allégations d"absence de contrefaçon, à Genpharm de déposer ensuite ses éléments de preuve sur l"absence de contrefaçon et sur l"invalidité et, enfin, à Astra de déposer ses éléments de preuve au sujet des allégations d"invalidité.

[4]      Conformément à cette ordonnance, en juillet 1999, Astra a signifié et déposé ses éléments de preuve au sujet de l"allégation d"absence de contrefaçon. En septembre 1999, Genpharm a signifié l"affidavit de M. Rowe, souscrit le 9 septembre 1999, et celui de Richard Pike, souscrit le 13 septembre 1999. L"affidavit de M. Rowe contient des observations relatives à la validité des brevets en litige.

[5]      Le 25 octobre 1999, dans une ordonnance rendue sur consentement, Madame le juge Sharlow a examiné le délai fixé pour la tenue des étapes interlocutoires et a accordé à Genpharm le droit de répondre aux éléments de preuve se rapportant à la contrefaçon. Cette ordonnance prévoyait notamment ce qui suit :

     [TRADUCTION]
     1.      Les défenderesses doivent signifier leur preuve relative aux allégations d"absence de contravention et d"invalidité au plus tard le 29 octobre 1999.
     2.      Les demanderesses doivent signifier leurs éléments de preuve en réponse aux allégations d"absence de contrefaçon et d"invalidité au plus tard le 31 janvier 2000.
     3.      Les défenderesses doivent signifier leur contre-preuve relative aux allégations d"absence de contrefaçon dans les 60 jours qui suivent la signification de la preuve des demanderesses.

[6]      Conformément à cette ordonnance, le 31 janvier 2000, les demanderesses Astra ont signifié les éléments de preuve constituant leur réponse. Au moins un de ces affidavits portait sur les allégations d"invalidité et d"absence de contrefaçon des brevets en question. Par la suite, conformément au délai fixé dans l"ordonnance de Madame le juge Sharlow, le 30 mars 2000, Genpharm a fourni aux demanderesses l"affidavit de contre-preuve de M. James Steven Rowe, souscrit le 22 mars 2000. C"est cet affidavit qui est contesté en l"espèce.

[7]      D"après l"affidavit de Yoon Kang, l"affidavit de M. Rowe, qui est censé répondre aux affidavits signifiés pour le compte des demanderesses, porte sur l"invalidité et non sur les allégations d"absence de contrefaçon. C"est pourquoi les demanderesses prétendent qu"il est contraire à l"ordonnance de Madame le juge Sharlow qui limitait la contre-preuve de Genpharm à l"absence de contrefaçon.

[8]      Le protonotaire Lafrenière, lorsque qu"il a entendu la demande de radiation de l"affidavit de M. Rowe présentée par Astra et qu"il a prononcé l"ordonnance maintenant portée en appel, n"avait en preuve que cet affidavit de Yoon Kang.

[9]      Les deux parties conviennent que la norme de révision applicable aux appels interjetés contre une décision discrétionnaire d"un protonotaire a été établie dans l"arrêt Canada v. Aqua-Gem Investments Ltd.1 :


     Le juge saisi de l"appel contre l"ordonnance discrétionnaire d"un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :
     1) l"ordonnance est entachée d"erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir en vertu d"un mauvais principe ou d"une mauvaise appréciation des faits, ou
     2) l"ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l"issue de la cause.

[10]      En outre, les parties ne contestent pas le principe selon lequel les instances engagées conformément au Règlement sur les avis de conformité sont censées être de nature sommaire et s"apparentent à une instance engagée par voie de contrôle judiciaire (voir l"arrêt Bayer AG c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social)2).

[11]      L"appelante prétend que le protonotaire a commis une erreur flagrante en ordonnant la radiation de l"affidavit de M. Rowe étant donné que, dans le cadre d"un contrôle judiciaire, la cour saisie n"est pas habilitée à radier des affidavits. Sans statuer sur la question de compétence, la Cour tient à préciser qu"il est bien établi qu"au cours d"un contrôle judiciaire la Cour laisse généralement la question d"un affidavit contestable à l"appréciation du juge instruisant la demande au fond. (Voir la décision Lominadze v. Canada3.) L"appelante soutient qu"en ce qui concerne la preuve offerte dans l"affidavit de M. Rowe, le juge qui instruit la demande est le mieux placé pour en apprécier la pertinence et le poids et pour la situer dans l"ensemble de l"affaire. L"appelante avance également que la radiation de l"affidavit empêchera Genpharm d"invoquer les éléments de preuve que contient celui-ci, ce qui aura pour effet de nuire à l"audition de la demande et, ainsi, d"influencer la décision. Genpharm subira alors, selon cet argument, un préjudice grave. Toutefois, l"appelante n"a produit aucune preuve par affidavit sur l"effet possible d"une éventuelle radiation de l"affidavit de M. Rowe sur la décision définitive ou sur le préjudice qu"elle subirait par suite de cette radiation.

[12]      L"avocat d"Astra, de son côté, renvoie à certaines exceptions faites à la pratique générale qui consiste à refuser de radier des affidavits au cours d"une instance interlocutoire de contrôle judiciaire (voir la décision du protonotaire Hargrave dans l"affaire Yazdanian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration)4) et prétend que les circonstances de la présente affaire justifient aussi de faire une exception. En l"espèce, il avance que le protonotaire Lafrenière n"a commis aucune erreur puisque la seule preuve devant lui était que l"affidavit en question ne respectait pas les conditions de l"ordonnance de Madame le juge Sharlow conformément à laquelle il était censé avoir été produit.

[13]      Je suis convaincu que c"est effectivement le cas.

[14]      Lorsqu"une preuve par affidavit est produite conformément aux conditions d"une ordonnance, prononcée sur consentement des parties, qui fixe un délai et précise la preuve à produire, un affidavit qui ne respecte pas les conditions de l"ordonnance peut être radié du dossier, sauf s"il existe des circonstances exceptionnelles qui justifient une autre solution. En l"espèce, la preuve n"établit aucune circonstance de ce genre.

[15]      L"avocat de Genpharm soutient qu"avant la tenue des contre-interrogatoires, il est prématuré de se prononcer sur l"admissibilité de l"affidavit étant donné qu"il est possible de considérer les éléments de preuve sous différents angles et qu"il est préférable de laisser cette décision au juge instruisant la demande au fond. Toutefois, il ne s"agit pas simplement d"une affaire dans laquelle la partie a produit une preuve par affidavit dans le cours normal de l"instance, mais plutôt d"une affaire dans laquelle l"affidavit a été produit conformément à une ordonnance de la Cour. J"estime qu"en l"absence de circonstances exceptionnelles autorisant une dérogation aux dispositions de l"ordonnance de la Cour, il faut respecter les conditions de cette ordonnance.

[16]      Dans ces circonstances, la demande d"annulation de l"ordonnance du protonotaire Lafrenière en date du 10 avril 2000 est rejetée et la défenderesse devra payer des dépens de 500 $ aux demanderesses si ces dernières ont gain de cause dans leur demande au fond.

     " W. Andrew MacKay "

     Juge

Toronto (Ontario)

Le 4 mai 2000


Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats et avocats inscrits au dossier


N" DU DOSSIER :                      T-809-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :              AB HASSLE et ASTRA PHARMA INC.
                                 - et -
                             MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL, GENPHARM INC. et TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.,

                            

DATE DE L"AUDIENCE :                  LE LUNDI 1er MAI 2000
LIEU DE L"AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE M. LE JUGE MACKAY EN DATE DU JEUDI 4 MAI 2000


ONT COMPARU :                  Gunars A. Gaikis

                            

                             pour les demanderesses

                         Kamleh Nicola

                             pour la défenderesse Genpharm Inc.


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      Smart & Biggar
                         Avocats
                         438, avenue University, pièce 2300

                         Toronto (Ontario)

                         M5G 1Y8

                            

                                 pour les demanderesses
                         Morris Rosenberg

                         Sous-procureur général du Canada

                                 pour le défendeur le ministre de la Santé nationale et du Bien-Être social
                         Sim, Hughes, Ashton & McKay
                         Avocats
                         330, avenue University, 6e étage
                         Toronto (Ontario)
                         M5G 1R7
                                 pour la défenderesse Genpharm Inc.
                         Gowling, Strathy & Henderson
                         Avocats
                         160, rue Elgin, pièce 2600

                         Ottawa (Ontario)

                         K1P 1C3
                                 pour la défenderesse Takeda Chemical Industries, Ltd.
                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Date : 20000504

                        

         Dossier : T-809-99


                             Entre :


                             AB HASSLE et ASTRA PHARMA INC.

     Demanderesses


                             - et -




                             LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL et GENPHARM INC. et TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.

                        

     Défendeurs




                    

                            

        

                             MOTIFS DE L"ORDONNANCE

                            

__________________

1      (1993), 149 N.R. 273 (C.A.F.), aux pages 295 et 296.

2      (1993), 51 C.P.R. (3d) 329 (C.A.F.), à la page 336.

3      À la page 25 du dossier de Genpharm.

4      (1998), 150 F.T.R. 297, à la page 298.     

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