Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050504

Dossier : IMM-1664-04

Référence : 2005 CF 618

Ottawa (Ontario), le 4 mai 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :

SHARMILA SUNDARALINGAM

                                                                                                                                    demanderesse

- et -

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

NATURE DE LA DEMANDE


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 23 janvier 2004 (la décision) par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) a conclu que Sharmila Sundaralingam (Sharmila) et son frère Gobinath Sundaralingam (Gobinath) (appelés, ensemble, les demandeurs) n'étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

[2]                Les demandeurs cherchent à obtenir que la décision du tribunal soit annulée et que l'affaire soit réexaminée par un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

CONTEXTE

[3]                Sharmila, âgée de 20 ans, est citoyenne du Sri Lanka et son frère, Gobinath, âgé de 17 ans, est mineur. Les demandeurs ont vécu à Colombo de la fin des années 1980 jusqu'à la date à laquelle ils ont fui le Sri Lanka.

[4]                Les demandeurs ont été arrêtés à deux reprises par la police sri-lankaise lors d'arrestations massives de Tamouls : la première fois en juillet 2001, après l'explosion d'une bombe à l'aéroport de Colombo, la seconde fois en juin 2003, après l'assassinat d'un policier. Les deux fois, ils ont été relâchés quand leur père est venu les chercher. Ils n'ont pas été maltraités, et aucun pot-de-vin n'a été payé pour obtenir leur libération. Sharmila a déclaré à l'audience tenue devant le tribunal qu'il s'agissait des seuls incidents impliquant les autorités sri-lankaises et qu'elle ne craignait pas ces dernières, à moins que des hostilités éclatent.

[5]                En mai 2003, deux individus se sont présentés au domicile familial des demandeurs; ils se sont présentés comme des membres des TLET et ont demandé à parler en privé aux demandeurs. Ils ont demandé à ces derniers de joindre les rangs des TLET et de distribuer des documents de propagande. Les demandeurs ont refusé et les recruteurs sont partis en menaçant de revenir.

[6]                Le 15 juillet 2003, les demandeurs sont arrivés à Toronto via l'Angleterre et ont demandé l'asile au Canada le 11 août 2003.

[7]                En octobre et en décembre 2003, les recruteurs des TLET sont revenus au domicile des demandeurs à Colombo. Ils ont été informés que ces derniers étaient partis à l'étranger et, les deux fois, le père des demandeurs a donné de l'argent aux recruteurs avant qu'ils partent.

LA DÉCISION DU TRIBUNAL

[8]                Le tribunal a conclu que les demandeurs n'avaient pas établi qu'ils craignaient avec raison d'être persécutés s'ils retournaient à Colombo.


[9]                Le tribunal a déclaré que, bien que l'on n'ait pas instauré une paix durable au Sri Lanka, il ne pouvait pas conclure qu'il y avait plus qu'une simple possibilité que les demandeurs soient victimes de mauvais traitements graves et répétés, assimilables à de la persécution, s'ils retournaient à Colombo. Au sujet de la crainte qu'avaient les demandeurs des autorités sri-lankaises, le tribunal a souligné que « la preuve documentaire indique que, depuis 2002, les abus envers les Tamouls de la part des autorités sri-lankaises ont diminué considérablement, et les demandeurs ont dit dans leur témoignage qu'ils n'avaient pas peur des autorités malgré l'intensification du recrutement des TLET » .

[10]            Dans sa conclusion, et au sujet de la crainte qu'avaient les demandeurs des TLET, le tribunal a dit ce qui suit :

Dans leur témoignage, les demandeurs affirment éprouver une crainte fondée des Tigres du fait de leur tentative de recrutement en mai 2003. À ce moment, les recruteurs sont partis sans faire de problèmes et ne sont revenus que cinq mois plus tard pour se faire dire que les demandeurs étaient à ltranger. C'est par la suite qu'ils ont extorqué de l'argent au père des demandeurs. Je ne suis pas convaincu qu'une unique tentative de recrutement facilement repoussée soit une indication de persécution imminente ou que cet incident suffise à provoquer une crainte fondée, après des années d'indifférence de la part des TLET.

QUESTIONS EN LITIGE

[11]            Les demandeurs soulèvent les questions suivantes :

1.          Le tribunal a-t-il commis une erreur en concluant à l'existence d'une crainte fondée de persécution?

2.          Le tribunal a-t-il fait un usage sélectif de la preuve documentaire?


LA POSITION DES PARTIES

Question no 1 : Le tribunal a-t-il commis une erreur en concluant à l'inexistence d'une crainte fondée de persécution?

La position des demandeurs

[12]            Les demandeurs disent que la déclaration du tribunal « Je ne suis pas convaincu qu'une unique tentative de recrutement facilement repoussée soit une indication de persécution imminente ou que cet incident suffise à provoquer une crainte fondée, après des années d'indifférence de la part des TLET » est une conclusion cruciale qui n'est pas étayée par la preuve. Il s'agit, en fait, d'une « pure conjecture » . Les demandeurs affirment que cette conclusion fait clairement abstraction de la preuve documentaire objective concernant les TLET ainsi que de leurs propres témoignages au sujet des agissements des TLET après leur départ. Sharmila affirme qu'elle a clairement prouvé que la tentative de recrutement mentionnée par le tribunal n'a pas été « facilement repoussée » et qu'on lui a dit ainsi qu'à son frère que les TLET reviendraient les chercher.


[13]            Les demandeurs soulignent en outre que, même après leur fuite du Sri Lanka parce qu'ils avaient peur, les TLET n'ont quitté le domicile familial qu'après avoir extorqué de l'argent à leur père. Ils citent une décision à l'appui de la thèse que l'extorsion peut à elle seule constituer un acte de persécution : Sinnathamby c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 1160 (1re inst.) (QL). Les demandeurs font valoir que ces actes des TLET indiquent clairement que Sharmila et sa famille étaient victimes d'une persécution constante et que le tribunal aurait dû tenir expressément compte de ce fait pour se prononcer sur le bien-fondé de leur crainte.

[14]            Les demandeurs affirment que le critère qui s'applique à la qualité de réfugié au sens de la Convention est de nature prospective et que le tribunal aurait dû tenir compte de la possibilité que d'autres tentatives soient faites plus tard pour les recruter de force vu ce qui s'est produit dans le passé.

La position du défendeur

[15]            Le défendeur convient que la crainte qu'inspirent les autorités sri-lankaises aux demandeurs est purement conjecturale et ne repose sur aucun fait.

[16]            Le défendeur affirme que la conclusion du tribunal selon laquelle les demandeurs n'avaient pas une crainte objectivement fondée envers les TLET était tout à fait raisonnable, compte tenu des témoignages et d'autres éléments de preuve soumis au tribunal.


[17]            Pour ce qui est de la question de l'extorsion, le défendeur dit que les demandeurs n'ont jamais allégué, soit de vive voix soit dans leur documentation écrite, qu'ils craignaient de retourner au Sri Lanka parce qu'ils avaient peur d'être victimes d'extorsion ou de menaces liées à l'extorsion dont leur père avait été victime. Le défendeur fait remarquer que, d'après le dossier, Sharmila a déclaré qu'elle n'avait aucune idée de la raison pour laquelle l'argent avait été demandé. Quoi qu'il en soit, le défendeur affirme que la Cour a statué que l'extorsion, en soi, ne constitue pas forcément un acte de persécution et qu'il faut prendre en considération les circonstances, les montants en cause, les exigences et les conséquences d'un refus de payer. Il fait en outre remarquer que les demandeurs n'ont pas invoqué l'extorsion comme motif et que les décisions qu'ils ont citées ne sont pas comparables parce qu'elles se rapportent à des situations où l'extorsion faisait partie de la persécution antérieure et était désignée comme un motif pour lequel les intéressés craignaient de retourner dans leur pays d'origine.

Analyse

[18]            La décision est malheureusement courte et comporte peu de motifs compte tenu du fait qu'il s'agit d'une situation dans laquelle deux jeunes personnes prétendent avoir fui leur pays d'origine parce qu'elles craignent d'être persécutées par les TLET en particulier.

[19]            En fait, les motifs s'étendent sur une douzaine de lignes dans une décision de quatre pages, et se résument à ce qui suit :

1.          le témoignage des demandeurs ne m'a pas convaincu qu'il existe plus qu'une simple possibilité de persécution s'ils retournent à Colombo;


2.          la preuve documentaire indique que les abus envers les Tamouls vivant à Colombo de la part des autorités sri-lankaises ont diminué;

3.          en ce qui concerne les TLET, une unique tentative de recrutement facilement repoussée n'est pas une indication de persécution imminente.

[20]            Il est clair que les demandeurs craignent les TLET.

[21]            À mon avis, les motifs fournis par le tribunal au sujet de la question centrale de la persécution exercée par les TLET sont manifestement insuffisants. Ils visent plus à rejeter qu'à expliquer. Ce n'est pas le laconisme des motifs qui pose problème, mais le fait que le tribunal n'explique pas comme il faut sur quoi s'appuient ses conclusions et qu'il semble faire abstraction d'éléments essentiels de la preuve versée au dossier. Comme l'a dit la Cour à maintes reprises, les motifs doivent être suffisamment clairs, précis et intelligibles pour qu'un demandeur puisse savoir pourquoi sa demande a échoué et décider s'il demandera l'autorisation de procéder à un contrôle judiciaire. Voir, par exemple, Mehterian c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 545 (C.A.F.). En outre, le tribunal doit faire état en des termes clairs et non ambigus de la preuve sur laquelle reposent ses conclusions. Voir Maldonado c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1980] 2 C.F. 302, à la page 305.

[22]            L'avocat du défendeur affirme que le dossier comporte suffisamment d'éléments de preuve pour étayer les conclusions tirées par le tribunal. À mon avis, cependant, le problème n'est pas là. La décision ne révèle pas le fondement des conclusions du tribunal et elle ne traite pas du témoignage non contesté des demandeurs au sujet de points cruciaux.

[23]            Dans l'évaluation de la décision du tribunal au sujet de la crainte fondée, la question qui se pose est de savoir s'il était manifestement déraisonnable de considérer que la tentative des TLET de recruter les demandeurs avait été « facilement repoussée » . À mon avis, la décision du tribunal sur cette question est manifestement déraisonnable.

[24]            Le tribunal n'a fait état d'aucune préoccupation quant à la crédibilité des demandeurs et semble avoir admis que les incidents se sont produits de la façon dont les demandeurs les ont relatés. Selon mon interprétation des notes sténographiques, les tentatives de recrutement des TLET n'ont pas été facilement repoussées. À l'audience tenue devant le tribunal, la demanderesse a déclaré ce qui suit :

[Traduction] Ils ont essayé de me convaincre, et ils m'ont parlé en termes menaçants, disant qu'ils pouvaient faire n'importe quoi si on refusait, et ils sont partis en disant qu'ils reviendraient (inaudible) qui ils sont.


[25]            Il est pertinent, selon moi, de tenir compte du fait que les demandeurs ont eu suffisamment peur pour se cacher et ensuite fuir au Canada. Il a de plus été démontré que les TLET ont continué de s'intéresser aux demandeurs après leur départ. Il n'y a pas lieu de déterminer si cela était assimilable à de l'extorsion et, par ricochet, à de la persécution en soi. À mon avis, la véritable question est de savoir si le fait que le père des demandeurs a dû verser de l'argent aux recruteurs des TLET prouve que ces derniers continuaient de s'intéresser aux demandeurs. Il est important aussi de souligner que, contrairement à ce qu'allègue le défendeur, la demanderesse n'a jamais dit qu'elle n'avait aucune idée de la raison pour laquelle l'argent avait été demandé. Elle a simplement dit qu'elle ignorait les détails de ce qui s'était passé (ce qui est raisonnable, vu que l'incident a eu lieu après son départ) :

[Traduction]

APR :                       Savez-vous ce qu'ils ont dit à vos parents en décembre? Quelle sorte de conversation a eu lieu?

DEMANDEUR :     Ils ont juste demandé de l'argent et ils sont partis. Je ne sais pas exactement ce qu'ils ont dit.

APR :                       Est-il possible selon vous que les Tigres se contentent de l'argent et qu'ils ne tenteront plus de vous recruter, votre frère et vous? C'est-à-dire, par exemple, qu'ils prendront plutôt l'argent?

DEMANDEUR :     C'est l'argent. Je crois que ce qu'ils veulent de mon père, c'est de l'argent, mais ils prennent contact avec des gens. Ils veulent qu'on travaille pour eux.

[26]            Il me semble en l'espèce que le point avec lequel le tribunal n'était pas véritablement d'accord est que les demandeurs n'ont subi aucun préjudice réel. Ils ont été gardés en détention par les autorités sri-lankaises mais relâchés sans être maltraités et sans qu'un pot-de-vin soit versé, et ils sont parvenus à éviter d'être recrutés par les TLET. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que le critère que l'on applique pour déterminer la qualité de réfugié est de nature prospective. Dans la décision Panayotov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 102 F.T.R. 56, le juge MacKay, tout en concluant en fin de compte que le tribunal n'avait pas interprété erronément la définition de réfugié au sens de la Convention, a dit ceci :


En fait, comme le juge MacGuigan de la Cour d'appel l'a précisé dans l'arrêt Adjei c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1989] 2 C.F. 680, 7 Imm. L.R.(2d) 169, 57 D.L.R. (4th) 153, 132 N.R. 24 (C.A.), la définition est prospective, et le requérant doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il a de bonnes raisons de craindre d'être persécuté pour l'un des motifs mentionnés dans la définition de la Loi, s'il devait retourner dans son pays. Il n'est pas requis que le requérant établisse qu'il a réellement connu de la persécution ou connaîtra de la persécution.

[27]            En l'espèce, je suis d'avis que le tribunal a omis d'examiner si les demandeurs avaient de bons motifs de croire qu'ils seraient persécutés par les TLET s'ils étaient renvoyés au Sri Lanka. En outre, il a conclu à tort qu'il n'existait aucun motif de persécution future.

Question no 2 : Le tribunal a-t-il fait un usage sélectif de la preuve documentaire?

La position des demandeurs


[28]            Les demandeurs affirment que le tribunal a omis d',examiner des preuves documentaires objectives qui lui ont été soumises et où il était directement question des risques auxquels s'exposent les personnes se trouvant dans une situation similaire à la leur. Ces preuves confirment clairement que les TLET continuent de violer le cessez-le-feu et les droits de la personne en général. Selon les demandeurs, les TLET continuent de recruter de force des Tamouls au Sri Lanka malgré le cessez-le-feu. Il est bien admis en droit qu'il n'est pas nécessaire que le tribunal fasse référence à l'ensemble des documents qui lui sont soumis, mais il faut que ses principales conclusions soient étayées par la preuve; il doit en outre indiquer de quelle façon il est arrivé à sa décision. En l'espèce, les demandeurs font valoir que le tribunal n'a pas indiqué clairement sur quoi il se fonde pour conclure que les demandeurs n'intéresseraient pas les TLET. Sa conclusion, selon eux, fait clairement abstraction des preuves qui lui ont été soumises.

La position du défendeur

[29]            En ce qui concerne la preuve documentaire, le défendeur prétend que la plupart des éléments de preuve invoqués par les demandeurs ont trait à la situation qui règne dans les provinces du Nord et de l'Est du Sri Lanka, et non à Colombo. Il a en outre fait valoir que le tribunal est en droit d'accorder peu d'importance au témoignage d'un demandeur quant aux conditions qui règnent dans son pays lorsque les documents qui ont trait à ces conditions n'étayent pas ce témoignage.

[30]            Le défendeur dit que la preuve documentaire citée par le tribunal étaye clairement la conclusion que les demandeurs ne courraient pas de risques s'ils étaient renvoyés au Sri Lanka.

[31]            La preuve documentaire est une question qui doit être réglée par le tribunal et, en cas d'incohérence, il est loisible à ce dernier de préférer certains éléments de preuve à d'autres.


Analyse

[32]            À mon avis, il est possible de régler le présent contrôle judiciaire en se fondant sur la première question en litige. Je crois toutefois qu'il convient de trancher aussi la seconde question en litige en faveur des demandeurs.

[33]            Les parties tirent des conclusions opposées de la preuve documentaire. Les demandeurs font valoir que, d'après la preuve, on continue de recruter des enfants-soldats et que, malgré le cessez-le-feu, on viole encore les droits de la personne; le défendeur soutient pour sa part que des mesures ont été prises pour réduire les hostilités.

[34]            Selon le United States Department of State Report for Sri Lanka for 2002 :

[Traduction] Les TLET font appel à des enfants-soldats et recrutent des enfants, parfois de force, pour assurer des fonctions de soutien sur les champs de bataille ainsi que pour prendre part aux combats. Des recrues des TLET, certaines âgées de 13 ans seulement, se sont rendues aux militaires et, d'après des informations dignes de foi, les TLET ont intensifié leurs efforts de recrutement (voir la section 1.g.). En mai 1998, les TLET ont donné au représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies pour la protection des enfants dans les conflits armés l'assurance qu'ils ne recruteraient pas d'enfants âgés de moins de 17 ans. Les TLET n'ont pas tenu cette promesse, et même après l'accord de cessez-le-feu, de multiples de cas crédibles d'enfants recrutés de force ont été signalés (voir la section 6.d.).

                                                                 * * * * *


Les TLET continuent de se servir d'enfants en âge de fréquenter l'école secondaire comme cuisiniers, messagers et commis. Dans certains cas, les enfants aideraient à bâtir des fortifications. Dans le passé, des enfants, certains âgés de 10 ans seulement, auraient été recrutés et placés pendant une période de 2 à 4 ans dans des écoles spéciales où on leur enseignait l'idéologie des TLET tout en leur donnant des cours ordinaires. Les TLET emploient au combat des enfants d'à peine 13 ans, et d'autres sont parfois recrutés de force (voir la section 5). Un programme d'entraînement physique obligatoire, comprenant des exercices militaires simulés, et destiné aux habitants des régions que contrôlent les TLET, dont les enfants d'âge scolaire et les personnes âgées, serait encore appliqué. Selon des porte-parole des TLET, ces activités ont pour but de veiller à ce que la population soit en bonne condition physique; cependant, on croit généralement que l'entraînement a été établi en vue d'exercer un contrôle plus strict sur la population et de créer une base pour le recrutement de combattants. Même si les TLET l'ont nié à maintes reprises, selon plusieurs comptes rendus dignes de foi, les TLET ont continué de recruter de force des enfants pendant toute l'année. Au cours de cette même période, des enfants, seuls ou en petits groupes, se sont rendus de temps à autre aux forces de sécurité ou à des dirigeants religieux en disant qu'ils s'étaient échappés de camps d'entraînement des TLET. Au cours des mois d'août et de septembre, les TLET ont remis plus de 85 enfants à l'UNICEF, affirmant que ces derniers s'étaient portés volontaires pour servir dans leurs rangs, mais qu'ils n'acceptent pas les enfants.

[35]            Divers comptes rendus concernant le Sri Lanka semblent contenir au moins des preuves que les TLET recrutent de force des enfants-soldats. Au moment des événements en question, les demandeurs auraient fait partie de ce groupe à risque. Comme ces derniers l'ont indiqué, il est bien établi en droit que le tribunal n'a pas à mentionner tous les éléments de preuve qu'il a pris en considération. Il est toutefois évident qu'il y a une différence entre le fait de se reporter à « tous les éléments » et celui de se reporter à « certains éléments » (voir Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2003] A.C.F. no 1288, 2003 CF 982). En l'espèce, le tribunal s'est peu reporté à la preuve documentaire concernant les mesures de recrutement et a omis d'évaluer le risque que cela posait pour les demandeurs. C'est là, selon moi, une erreur susceptible de contrôle.

CONCLUSION

[36]            À mon avis, il convient de faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire. Le tribunal a commis une erreur en tirant des conclusions sans s'appuyer sur des preuves solides et sans expliquer convenablement les motifs de sa décision.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal constitué différemment en vue d'un nouvel examen.

2.          Il n'y a pas de question à certifier.


                       


           « James Russell »

                     Juge


Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.




COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             IMM-1664-04

INTITULÉ :                            SHARMILA SUNDARALING ET AL.

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE MERCREDI 9 FÉVRIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :           LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :           LE 4 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Karina A. K. Thompson            POUR LES DEMANDEURS

Gordon Lee                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robert Blanshay Law Office      POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


        COUR FÉDÉRALE/FEDERAL COURT

                                                          Date : 20050209

                                               Dossier : IMM-1664-04

ENTRE :

        SHARMILA SUNDARALINGAM ET AL.

                                                                  demandeurs

                                         et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                     défendeur

              MOTIFS DE L'ORDONNANCE


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.