Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190612


Dossier : IMM‑3347‑18

Référence : 2019 CF 806

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 juin 2019

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

MANDIP SINGH KOONER

demandeur

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], relativement à une décision que la Section de l’immigration [la SI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rendue au sujet de l’interdiction de territoire du demandeur, en application de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR.

[2]  Il y a lieu de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

II.  Le contexte

[3]  Mandip Singh Kooner [le demandeur] est un citoyen de l’Inde âgé de 39 ans. Il est devenu résident permanent du Canada en 1992, à l’âge de 14 ans. Le 19 janvier 2017, il a été reconnu coupable de trois chefs de trafic d’héroïne. Cette infraction, prévue au paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19, est punissable d’une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité.

[4]  Le 29 juin 2018, à la suite d’une enquête de trois jours, la SI a conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada en application de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR et, conformément à l’alinéa 45d), elle a prononcé une mesure d’expulsion à son endroit.

III.  La décision contestée

[5]  À l’enquête, le demandeur a admis qu’il répondait aux exigences en matière d’interdiction de territoire au Canada pour grande criminalité prévues à l’alinéa 36(1)a) de la LIPR. La principale question consistait à savoir si, à l’enquête, la SI pouvait prendre en considération les droits que conféraient au demandeur les articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, c 11 [la Charte]. Subsidiairement, le demandeur a fait valoir qu’il convenait de réserver la décision jusqu’à ce que la Cour d’appel fédérale ait tranché l’appel relatif à la décision Revell c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 905 [Revell].

[6]  S’appuyant dans une large mesure sur la décision Revell, la SI a conclu que la mesure d’expulsion n’était pas incompatible avec la Charte, et ce, pour les raisons suivantes :

  • Application de l’article 7 de la Charte :

  1. La SI est liée par la décision Revell;

  2. Les droits du demandeur n’entrent pas en jeu au stade de l’enquête, parce que l’enquête ne donne pas automatiquement lieu à un renvoi et qu’il existe d’autres étapes entre l’enquête et le renvoi. Les droits que la Charte garantit au demandeur entreront en jeu dès lors que l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] entamera le processus par lequel le demandeur sera renvoyé du Canada;

  3. La SI a cité la décision Moretto c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 71 [Moretto] à l’appui de la conclusion que la levée d’une ordonnance de sursis (qui constitue un pas de plus vers l’expulsion) est un processus différent de l’expulsion. Si la levée d’une ordonnance de sursis est un processus distinct du processus d’expulsion et que les droits que garantit la Charte n’entrent en jeu qu’une fois que commence le processus d’expulsion, il s’ensuit que les droits que la Charte garantit au demandeur n’entrent pas en jeu à l’étape de l’enquête;

  4. Le critère du « lien de causalité suffisant » tiré de l’arrêt Canada (Procureur général) c Bedford, 2013 CSC 72 [Bedford] (qui établit à quel moment le droit garanti par l’article 7 de la Charte entre en jeu) ne s’applique pas en l’espèce. La SI a indiqué que, dans l’arrêt Bedford, le représentant en question n’était pas un représentant de l’État et que le critère a pour objet de veiller à ce que, en plaçant la barre trop haut, on ne risque pas de faire obstacle à des demandes fondées. Dans la présente affaire, il y a un lien direct entre le demandeur et les actes de l’État. Il n’y a donc aucun risque que sa demande ne soit pas prise en considération.

  • Application de l’article 12 de la Charte :

  1. La SI a conclu que le contrôle administratif de l’État constitue un « traitement »;

  2. La SI a jugé que l’argument relatif au traitement exagérément disproportionné invoqué par le demandeur résulte de son renvoi du Canada et non de l’enquête. Comme il s’agit de deux processus distincts, il n’y a, à ce stade, aucun traitement exagérément disproportionné.

  • Les questions relatives à la Charte sont déjà résolues par le régime administratif :

  1. Selon les paragraphes 44(1) et (2) de la LIPR, l’agent ou le délégué du ministre a le pouvoir discrétionnaire de décider d’entreprendre ou non l’enquête;

  2. À l’inverse, si, à l’enquête, la SI décide que le demandeur est interdit de territoire, elle doit alors prononcer une mesure d’expulsion dans le cas d’un résident permanent;

  3. Il est bien établi en droit qu’un agent de l’ASFC est tenu d’examiner le dossier du demandeur à la lumière de la Charte. De plus, la Cour fédérale peut examiner les droits que la Charte garantit au demandeur dans le cadre d’une requête en ordonnance de sursis. Il est donc prématuré de la part du demandeur de soulever à ce stade la question d’une violation des droits garantis par la Charte.

[7]  La SI a conclu qu’elle ne devait pas réserver la décision jusqu’à ce que la Cour d’appel fédérale ait tranché l’affaire Revell, car elle est tenue de traiter les demandes sans délai, et on ignore à quel moment la Cour d’appel fédérale rendra sa décision.

[8]  Se fondant sur le casier judiciaire du demandeur, la SI a finalement conclu que ce dernier était interdit de territoire au Canada pour grande criminalité et elle a prononcé une mesure d’expulsion à son endroit.

IV.  Le cadre législatif applicable

[9]  Les dispositions suivantes de la Loi et de la Charte s’appliquent en l’espèce :

Grande criminalité

Serious criminality

36 (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

36 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

 

Décision

Decision

45 Après avoir procédé à une enquête, la Section de l’immigration rend telle des décisions suivantes :

45 The Immigration Division, at the conclusion of an admissibility hearing, shall make one of the following decisions:

a) reconnaître le droit d’entrer au Canada au citoyen canadien au sens de la Loi sur la citoyenneté, à la personne inscrite comme Indien au sens de la Loi sur les Indiens et au résident permanent;

(a) recognize the right to enter Canada of a Canadian citizen within the meaning of the Citizenship Act, a person registered as an Indian under the Indian Act or a permanent resident;

b) octroyer à l’étranger le statut de résident permanent ou temporaire sur preuve qu’il se conforme à la présente loi;

(b) grant permanent resident status or temporary resident status to a foreign national if it is satisfied that the foreign national meets the requirements of this Act;

c) autoriser le résident permanent ou l’étranger à entrer, avec ou sans conditions, au Canada pour contrôle complémentaire;

(c) authorize a permanent resident or a foreign national, with or without conditions, to enter Canada for further examination; or

d) prendre la mesure de renvoi applicable contre l’étranger non autorisé à entrer au Canada et dont il n’est pas prouvé qu’il n’est pas interdit de territoire, ou contre l’étranger autorisé à y entrer ou le résident permanent sur preuve qu’il est interdit de territoire.

(d) make the applicable removal order against a foreign national who has not been authorized to enter Canada, if it is not satisfied that the foreign national is not inadmissible, or against a foreign national who has been authorized to enter Canada or a permanent resident, if it is satisfied that the foreign national or the permanent resident is inadmissible.

 

Fonctionnement

Procedure

162 (2) Chacune des sections fonctionne, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et avec célérité.

162 (2) Each Division shall deal with all proceedings before it as informally and quickly as the circumstances and the considerations of fairness and natural justice permit.

 

Articles 7 et 12 de la Charte :

Vie, liberté et sécurité

Life, liberty and security of the person

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

Cruauté

Treatment or punishment

12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.

12. Everyone has the right not to be subjected to any cruel and unusual treatment or punishment.

V.  Les questions en litige

[10]  Dans la présente demande, les questions en litige sont les suivantes :

  1. Le régime d’interdiction de territoire fait‑il entrer en jeu l’article 7 de la Charte?

  2. Le régime d’interdiction de territoire contrevient‑il à l’article 7 de la Charte?

  3. Y a‑t‑il des raisons justifiant de s’écarter de l’arrêt Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Chiarelli [1992] 1 RSC 711, [1992] ACS no 27?

  4. Le régime d’interdiction de territoire contrevient‑il à l’article 12 de la Charte?

  5. Existe‑t‑il des atteintes qui sont justifiées au regard de l’article premier de la Charte?

  6. La SI a‑t‑elle commis une erreur en refusant de réserver sa décision jusqu’à ce que la Cour d’appel fédérale ait tranché l’affaire Revell?

  7. La Cour fédérale devrait-elle faire droit à la demande du demandeur de faire certifier trois questions en vue d’un appel?

  8. La présente affaire se distingue‑t‑elle de l’affaire Revell et, dans l’affirmative, la Cour doit‑elle pour cela faire droit à la demande?

VI.  La norme de contrôle applicable

[11]  Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, s’agissant de la décision de la SI de ne pas réserver sa décision jusqu’à ce que la Cour d’appel fédérale ait tranché l’affaire Revell, et celle de la décision correcte pour ce qui est des autres questions de nature constitutionnelle.

[12]  Vu que les questions d’ordre constitutionnel concordent avec les questions énoncées dans la décision Revell, l’évaluation de la juge Catherine M. Kane, à savoir que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, s’applique.

[13]  Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 50 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a expliqué la norme de la décision correcte en ces termes :

50  [...] La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si elle est d’accord ou non avec la conclusion du décideur. En cas de désaccord, elle substitue sa propre conclusion et rend la décision qui s’impose. La cour de révision doit se demander dès le départ si la décision du tribunal administratif était la bonne.

[14]  Pour ce qui est de la norme de la décision raisonnable, « [l]e caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47).

VII.  Analyse

A.  La présente affaire se distingue‑t‑elle de l’affaire Revell et, dans l’affirmative, la Cour doit‑elle pour cela faire droit à la demande?

[15]  En général, les questions qui sont soulevées en l’espèce (lesquelles figurent aux paragraphes A à F de l’énoncé des questions en litige) sont les mêmes que celles soulevées dans l’affaire Revell. Comme je l’ai mentionné, ces questions ont été certifiées en vue de leur examen par la Cour d’appel. Elles ont été plaidées et une décision sera rendue sous peu. Les parties ont consenti à la certification d’une question en l’espèce, de sorte que M. Kooner pourrait bénéficier des résultats obtenus, dans la mesure où M. Revell obtient gain de cause en appel. Il ne sert donc à rien que j’examine à nouveau ces questions.

[16]  Le demandeur soutient néanmoins que les faits de l’espèce se distinguent de ceux dont il est question dans l’affaire Revell. Il ajoute que, contrairement aux circonstances en cause dans l’affaire Revell, où il n’y avait aucun risque de persécution ou de torture au Royaume-Uni, il s’exposerait en l’espèce à un risque de préjudice en cas d’expulsion. L’argument du demandeur est mieux décrit au paragraphe 14 de son mémoire :

[traduction]

[14]  M. Kooner indique que le prononcé d’une mesure d’expulsion aura sur lui des conséquences dévastatrices. Il est héroïnomane. Son renvoi vers l’Inde restreindra sérieusement ses chances de recevoir de la méthadone. La non‑disponibilité d’un traitement de la toxicomanie efficace ainsi que l’absence de soutien familial créeront une spirale descendante qui aura de graves conséquences sur son état de santé et son bien-être. Cela étant, les droits que lui garantit l’article 7 de la Charte, en particulier le droit à la sécurité de la personne, seront touchés.

[17]  Le demandeur cite le rapport médical de la Dre Euler. Selon le diagnostic que cette dernière a posé, le demandeur est un ancien héroïnomane qui est aux prises avec un degré élevé d’anxiété, de dépression et de détresse en raison de ses actes, ainsi que de la menace d’une expulsion. Elle prévoit que s’il était renvoyé en Inde, il serait exposé à d’incroyables difficultés et courrait un risque sérieux de rechute et de problèmes de santé mentale de longue durée, étant donné l’absence de centres de soins dans ce pays et la perte d’un soutien familial.

[18]  Le demandeur fait valoir qu’il ne dispose d’aucun moyen approprié de faire valoir ses droits garantis par la Charte, à moins que la question soit examinée à l’enquête. Dans la décision Stables c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1319, notre Cour a indiqué, au paragraphe 56, que divers « mécanismes » ont été intégrés à la LIPR afin que les préoccupations des demandeurs puissent être prises en compte pendant toute la durée du processus d’expulsion. Dans la décision Revell, la Cour s’est fondée sur ce raisonnement.

[19]  Le demandeur fait remarquer que, contrairement à la situation dont il était question dans les affaires Revell ou Stables, la disponibilité d’un examen des risques avant renvoi (ERAR) ne le protège aucunement contre ce risque, car ce processus exclut précisément les risques causés par l’incapacité du pays d’origine d’un demandeur de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats (LIPR, sous-alinéa 71(1)b)(i)) . Cet argument figure au paragraphe 42 du mémoire du demandeur :

[42]  En l’espèce, l’ensemble des mêmes étapes ou processus indiqués par le juge de Montigny dans la décision Stables, au paragraphe 56, s’offrent ou s’offraient à M. Revell. Ce dernier a présenté des observations à trois reprises, à l’étape du rapport prévu à l’article 44, et l’agent de l’ASFC a rédigé des rapports détaillés. Il a demandé un nouvel examen et un contrôle judiciaire, qui ont tous deux été refusés. Il a présenté à la SI des observations détaillées avant et après l’enquête et il a bénéficié d’une audience. Même si le processus d’ERAR, qui aurait lieu avant son expulsion, n’est pas conçu pour évaluer le genre de préjudice dont il souffrira selon lui – son déracinement et l’incidence psychologique de son renvoi – il évalue tout de même les risques contre lesquels l’article 7 de la Charte vise à assurer une protection (Stables, au paragraphe 59).

[20]  Je conviens que l’ERAR ne permet peut-être pas de traiter de questions qui découlent de l’incapacité de l’Inde de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats, mais cela ne veut pas dire qu’il n’existe aucun autre processus dans le cadre duquel ces observations pourraient être abordées. Plus précisément, le demandeur peut présenter une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire [CH] en invoquant des circonstances exceptionnelles liées à sa sécurité personnelle. Il pourrait également présenter à notre Cour une requête en vue d’obtenir un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi le concernant. Cette procédure permettrait aussi de s’assurer qu’il n’est pas renvoyé vers un pays où le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne que garantit l’article 7 de la Charte serait menacé.

[21]  À ce dernier égard, je cite un long extrait de la décision qu’a rendue ma collègue, la juge Anne L. Mactavish, dans l’affaire Atawnah c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 774, et que la Cour d’appel fédérale a confirmée dans un arrêt répertorié sous la référence 2016 CAF 144 :

 [72]  [Les demanderesses] reconnaissent aussi que la Cour a déjà jugé que l’« interdiction relative à l’ERAR » prévue à l’alinéa 112(2)b.1) de la LIPR est valide au plan constitutionnel : voir la décision Peter c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2014 CF 1073, [2014] ACF no 1132, où il s’agissait d’une contestation constitutionnelle de l’alinéa 112(2)b.1), présentée dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision d’un agent d’exécution qui avait refusé à M. Peter le report de son renvoi vers le Sri Lanka.

[73]  Les demanderesses affirment que la présente affaire est très différente de l’affaire Peter, car il n’y a eu, en ce qui les concerne, aucun examen des risques qu’elles disent courir, tandis que la demande d’asile du demandeur, dans l’affaire Peter, avait déjà été entendue, et que la question à laquelle devait répondre l’agent d’exécution était de savoir [traduction] « s’il exist[ait] une preuve nouvelle, concluante et suffisante que le demandeur serait exposé à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitements inhumains » : Peter, paragraphe 254.

[74]  Toutefois, une lecture de la décision Peter montre que, au moment d’examiner si l’alinéa 112(2)b.1) de la LIPR portait atteinte aux droits conférés à M. Peter par l’article 7, la Cour s’est attardée sur le rôle exercé par les agents d’exécution lorsqu’ils évaluent la preuve nouvelle d’un risque allégué au stade du renvoi, notamment celle se rapportant à des risques qui n’avaient pas jusque‑là fait l’objet d’un examen des risques en bonne et due forme : voir par exemple les paragraphes 246‑247, 254, 262 et 266.

[75]  L’un des points à décider dans l’affaire Peter était de savoir si l’évolution de la situation au Sri Lanka après la fin de la guerre civile avait fait naître un risque nouveau et différent, plus élevé que celui qu’avait examiné la Section de la protection des réfugiés. La question était donc de savoir si le demandeur était exposé à un risque au Sri Lanka en raison des conditions qui avaient cours à ce moment‑là dans le pays. Certes, M. Peter avait eu droit à une audience sur sa demande d’asile, mais la SPR n’avait pas étudié la situation des Tamouls au Sri Lanka à la date de la demande de contrôle judiciaire.

[76]  Qui plus est toutefois, pour ce qui nous concerne, M. Peter avait aussi, dans sa demande de report de son renvoi, fait état d’un facteur de risque qu’il n’avait pas soulevé devant la SPR et qui n’avait donc pas été examiné par la Commission. Plus précisément, M. Peter affirmait pour la première fois dans sa demande de report qu’il serait exposé à un grave préjudice au Sri Lanka parce qu’il avait travaillé comme chauffeur pour une organisation non gouvernementale. Prétendument sur les conseils de son interprète, M. Peter n’avait pas, dans son FRP ni au cours de l’audience, évoqué son emploi au sein de l’ONG ni les difficultés qu’il avait rencontrées en conséquence de cet emploi : Peter, précité, au paragraphe 14.

[77]  Ainsi, contrairement à ce qu’ont affirmé les demanderesses devant moi, le juge Annis a bel et bien considéré un scénario où un agent d’exécution agirait comme l’unique examinateur d’un facteur de risque. La SPR avait examiné certains des risques allégués par le demandeur dans l’affaire Peter, mais il n’y avait jamais eu, avant que la question ne soit soulevée devant l’agent d’exécution, d’examen du risque auquel M. Peter disait être exposé au Sri Lanka en conséquence de son travail de chauffeur pour une ONG.

[78]  Ayant conclu que l’alinéa 112(2)b.1) de la LIPR ne portait pas atteinte aux droits visés à l’article 7 de la Charte, la Cour a fait observer dans la décision Peter que les agents d’exécution pouvaient examiner une preuve nouvelle de risque et que [traduction] « de façon générale, l’existence des processus de renvois apporte une réponse définitive à la contestation de la validité constitutionnelle de l’alinéa 112(2)b.1) » : précité, au paragraphe 86.

[79]  Cette conclusion s’accorde avec la jurisprudence relative au rôle que jouent les agents d’exécution lorsqu’ils examinent des risques allégués qui n’ont pas déjà été examinés. Ainsi, dans l’arrêt Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Shpati, 2011 CAF 286 aux paragraphes 43‑44, [2012] 2 RCF 133, la Cour d’appel fédérale a jugé que les agents d’exécution étaient tenus d’examiner les risques qui ne l’avaient pas déjà été si tels risques exposaient le demandeur « à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain » : voir aussi la décision Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148 au paragraphe 48, [2001] 3 CF 682.

[80]  La Cour d’appel fédérale relevait, dans l’arrêt Shpati, que le demandeur n’avait pas apporté la preuve d’un risque nouveau qui n’avait pas été examiné dans l’ERAR. Elle en a déduit que « si M. Shpati avait présenté de nouveaux éléments de preuve, l’agent se serait demandé si ces éléments de preuve justifiaient un report et [...] il aurait exercé son pouvoir discrétionnaire en conséquence » : paragraphe 41. Elle a fait observer qu’une telle approche s’accordait avec son arrêt antérieur, Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 RCF 311, et qu’il s’agissait là « d’un énoncé exact du droit » : Shpati, précité, au paragraphe 42.

[81]  La Cour d’appel fédérale a donc conclu qu’il incombait aux agents d’exécution d’évaluer la suffisance des éléments de preuve produits par un demandeur d’asile souhaitant le report de son renvoi, de manière à permettre un examen intégral des risques dans les cas où est allégué un risque nouveau qui n’a pas été déjà examiné. D’ailleurs, comme le juge Zinn le faisait observer dans la décision Etienne c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2015 CF 415, [2015] ACF no 408, le risque que l’agent d’exécution doit examiner ne se limite à un « nouveau » risque, c’est‑à‑dire un risque allégué après une décision relative à la demande d’asile ou après une autre instance. L’agent d’exécution « est également tenu de prendre en compte [...] les risques qui n’ont jamais été examinés par un organe compétent » : paragraphe 54. Voir aussi la décision Toth, précitée, au paragraphe 23.

[82]  L’agent d’exécution peut donc reporter un renvoi pour permettre un examen complet des risques lorsqu’un demandeur sur le point d’être renvoyé apporte une preuve suffisante de l’existence d’un risque sérieux dans son pays d’origine et que ce risque n’a pas déjà été examiné. En revanche, si l’agent d’exécution refuse de reporter le renvoi et que le demandeur estime qu’il s’est fourvoyé dans son évaluation de la preuve d’un risque nouveau, ou qu’il l’a par ailleurs traité injustement de telle sorte qu’il y a eu violation des droits qu’il tire de l’article 7 de la Charte, il peut introduire devant la Cour une procédure de contrôle judiciaire de la décision de l’agent et déposer une requête en sursis d’exécution de la mesure de renvoi jusqu’à ce que la Cour ait statué sur la demande de contrôle judiciaire.

[83]  Cette approche est maintenant intégrée dans le Bulletin opérationnel de l’ASFC, PRG‑2014‑22, intitulé Procédures relatives à la considération de nouvelles allégations de risque par un agent dans le cadre d’une demande pour reporter un renvoi. Selon ce bulletin, l’agent d’exécution ne doit pas procéder à un examen approfondi du risque allégué, mais plutôt examiner les éléments de preuve qui lui ont été présentés, pour décider si un report est nécessaire afin de permettre un examen fondé sur des raisons d’ordre humanitaire aux termes de l’article 25.1 de la LIPR.

[84]  La preuve sera difficile à apporter pour la plupart des demandeurs cherchant à faire reporter leur renvoi, car les risques qu’ils invoqueront auront déjà été examinés d’une manière approfondie par la Section de la protection des réfugiés (et peut‑être aussi par la Section d’appel des réfugiés), ou par un agent d’ERAR, ou les deux : Peter, précitée, au paragraphe 256. La preuve d’une importante évolution de la situation ou de l’apparition d’un risque entièrement nouveau sera donc en général requise pour que soit établie la nécessité d’un examen complet des risques.

[85]  Toutefois, ceux dont les risques allégués n’ont jamais été examinés (telles les demanderesses dans la présente espèce) n’auront pas autant de difficulté à démontrer que les faits qu’ils invoquent constituent un risque nouveau. Lorsqu’un examen des risques n’a pas déjà été effectué, quasiment tout risque allégué par un tel demandeur pourrait être considéré comme « nouveau ». C’est à l’agent d’exécution qu’il appartiendra de dire si la preuve de ce risque est « suffisante ».

[86]  L’examen par un agent d’exécution d’une demande de report n’est pas non plus la seule voie qui s’offre aux personnes qui se trouvent dans la position des demanderesses. Elles peuvent aussi compter sur le pouvoir de surveillance que la Cour exerce par le biais de la procédure de sursis d’exécution. Comme le faisait observer le juge Annis dans la décision Peter, précitée, [traduction] « la fonction de surveillance exercée par la Cour fédérale rend d’autant plus fiables les décisions de l’agent d’exécution » : paragraphe 271. Le juge Annis a conclu que cette fonction de surveillance [traduction] « atténue dans une grande mesure les doutes que peut avoir le demandeur en ce qui concerne la compétence ou les normes juridiques » : Peter, précitée, au paragraphe 271. Comme le faisait observer la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Shpati, précité, au paragraphe 51, la Cour est souvent en mesure d’étudier une demande de sursis d’exécution d’une manière plus approfondie qu’un agent d’exécution ne sera en mesure d’étudier une demande de report.

[87]  En outre, comme le faisait observer le juge Annis dans la décision Peter, le rôle de la Cour fédérale [traduction] « s’étend non seulement à l’examen de points de droit, telle la nature théorique de la procédure introduite, ou encore des questions relatives à la Charte, mais aussi, de toute évidence, à la question de savoir si la décision de l’agent concernant le risque est ou non raisonnable » : paragraphe 175.

[88]  Comme le juge Zinn le faisait également observer dans la décision Toth, précitée, au paragraphe 24, si des preuves claires et convaincantes que le demandeur court un risque réel de préjudice ont été présentées au soutien d’une demande de report, le demandeur « peut persuader un juge de la Cour du fait que sa demande de contrôle judiciaire visant le rejet de sa demande de report est susceptible d’être accueillie ». Subsidiairement, le demandeur « peut convaincre un juge qu’il dispose d’une preuve prima facie établissant que son renvoi portera atteinte à son droit à la liberté, à la sécurité et peut‑être à la vie qui est garanti à l’article 7 de la Charte ». Le juge Zinn concluait qu’« aucune de ces options n’implique que la limitation du droit à un ERAR prévue à l’alinéa 112(2)b.1) de la LIPR est inconstitutionnelle ». À son avis, « le fait qu’un demandeur qui ne peut se prévaloir du processus d’ERAR à cause de l’interdiction de 12 mois [ou de 36 mois dans le cas qui nous occupe] dispose de ces autres solutions permet fortement de croire au contraire que l’alinéa 112(2)b.1) de la LIPR n’est pas inconstitutionnel » : paragraphe 24 (italiques ajoutés).

[89]  Biens que les commentaires du juge Zinn dans la décision Toth s’inscrivent dans le contexte d’une ordonnance rejetant une requête en sursis d’exécution et qu’ils doivent être considérés dans ce contexte, je suis d’avis que le raisonnement du juge Zinn est convaincant.

[90]  Comme le juge Annis le faisait observer dans la décision Peter, les agents d’exécution sont tenus d’évaluer la suffisance de la preuve fournie relativement au risque de préjudice auquel serait exposé le demandeur : paragraphes 247 et 266. Si un demandeur est en mesure d’apporter des preuves convaincantes d’un risque qui n’a pas été déjà fait l’objet d’un examen, un report du renvoi sera accordé afin que le risque en question puisse être dûment évalué.

[91]  C’est logique. On peut facilement imaginer les risques d’abus qu’engendrerait le fait que les demandeurs aient automatiquement le droit de faire reporter leur renvoi du Canada pour permettre la tenue d’un ERAR dès lors qu’ils allègueraient un risque nouveau qui n’a pas déjà fait l’objet d’un examen. Ce droit automatique aurait pour effet d’inciter les demandeurs d’asile à alléguer des risques à la pièce, plutôt que d’une manière globale au cours du processus de détermination du statut de réfugié, ou du processus d’ERAR, et cela pour retarder leur renvoi du Canada. Il est donc tout à fait raisonnable d’exiger que ceux qui allèguent des risques nouveaux à la toute dernière minute soient en mesure de fournir des preuves suffisantes avant que leur renvoi du Canada ne soit reporté.

[22]  Je conclus donc que, même s’il est possible de distinguer jusqu’à un certain point la présente affaire des faits dont il est question dans l’affaire Revell, rien ne permet de conclure qu’il n’existe aucun autre moyen approprié d’examiner les arguments relatifs à la Charte soulevés par le demandeur.

B.  La SI a‑t‑elle commis une erreur en refusant de réserver sa décision jusqu’à ce que la Cour d’appel fédérale ait tranché l’affaire Revell?

[23]  Dans la décision Ospina Velasquez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 273, au paragraphe 9, notre Cour a conclu qu’un appel en instance dans une affaire connexe ne confère pas à une partie le droit d’obtenir un ajournement, dans la mesure où la question en litige dans son affaire pourrait être examinée par le tribunal d’instance supérieure. La Cour a fait référence à la décision Poggio Guerrero c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 937, au paragraphe 22 [Guerrero], où le juge Near a dit :

[22]  Bien que la Cour d’appel fédérale n’ait pas encore répondu aux questions certifiées proposées par le demandeur, le principe général en cause veut qu’une décision soit valide tant qu’elle n’est pas infirmée en appel. Le fait qu’un appel est en instance ou qu’il existe une question certifiée n’altère en rien le caractère définitif de la décision. Il ne s’agit pas d’une affaire où la cour d’appel a accordé l’autorisation de faire appel et où on peut donc inférer que l’appel est susceptible de changer le droit; en l’espèce, rien n’indique comment la Cour d’appel fédérale va répondre aux questions certifiées.

[24]  Bien que le juge Near ait fait remarquer que le demandeur dans cette affaire aurait pu demander que l’audition de sa demande d’asile soit ajournée en attendant que l’on rende une décision sur la question certifiée dans une autre affaire, il reste que la décision quant à savoir s’il convient d’ajourner une affaire ou de réserver une décision appartient au tribunal administratif. Comme l’a reconnu la Cour suprême : « ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux » et « l’ajournement de leurs procédures relève de leur pouvoir discrétionnaire » Prassad c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 RSC 560, [1989] ACS no 25, au paragraphe 17.

[25]  Dans les décisions Revell et Moretto, la Cour fédérale a rendu une décision définitive, en bénéficiant de dossiers de preuve complets ainsi que d’observations détaillées de la part des parties. L’existence de questions certifiées ainsi que d’audiences et de décisions en instance de la Cour d’appel fédérale ne crée pas d’incertitude. À ce stade‑ci, comme dans la décision Poggio, au paragraphe 22 : « rien n’indique » que l’état du droit sur les questions en litige qui sont soulevées changera.

[26]  La SI n’a donc pas commis d’erreur en refusant de réserver sa décision quant à l’interdiction de territoire du demandeur.

C.  La Cour fédérale devrait‑elle faire droit à la demande du demandeur de faire certifier trois questions en vue d’un appel?

[27]  Le critère visant à permettre qu’une question certifiée soit examinée dans le cadre d’un appel a récemment été énoncé dans l’arrêt Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, au paragraphe 36 [Lewis] :

  1. la question doit être déterminante quant au contrôle judiciaire;

  2. la question doit transcender les intérêts des parties au litige;

  3. la question doit porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale;

  4. la question doit découler de l’affaire elle-même.

[28]  La Cour d’appel fédérale a de plus indiqué que, « pour qu’une question soit d’importance générale aux termes de l’article 74 de la LIPR, elle ne peut pas avoir déjà été tranchée dans la jurisprudence » (Lewis, au paragraphe 39).

[29]  Le demandeur a demandé que l’on certifie les questions suivantes en vue d’un appel :

1.  L’article 7 s’applique‑t‑il à l’étape où il faut déterminer si un résident permanent est interdit de territoire au Canada et, le cas échéant, s’applique‑t‑il au moment où l’atteinte à la liberté et à la sécurité d’une personne qui détient la résidence permanente provient de la perte de son statut, et non de la possible persécution ou torture dans le pays d’origine?

2.  Est‑ce que le principe du stare decisis empêche notre Cour de réexaminer les conclusions de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Chiarelli, qui ont établi que l’expulsion d’un résident permanent ayant été déclaré coupable d’une infraction criminelle grave est en conformité avec les principes de justice fondamentale, et ce, quelles que soient les circonstances du résident permanent et l’infraction qu’il a commise? Autrement dit, [...] les critères permettant de déroger à la jurisprudence ayant force exécutoire ont-ils été satisfaits en l’espèce?

3.  La procédure de renvoi, établie par l’ensemble des paragraphes 36(1), 37(1), 44(1) et 44(2) ainsi que des articles 45 et 64 de la LIPR, concorde‑t‑elle avec les principes de justice fondamentale étant donné qu’elle ne confère pas au demandeur le droit de demander qu’il soit déterminé si son renvoi serait exagérément disproportionné, ainsi que l’exigent les articles 7 et 12 de la Charte des droits et libertés?

[30]  Le défendeur ne s’oppose pas aux deux premières questions, car ce sont les mêmes qui ont été soulevées dans la décision Revell et qu’elles font actuellement l’objet d’un examen par la Cour d’appel fédérale. Il s’oppose toutefois à la troisième question, qui, fait-il valoir, ne soulève pas une question grave de portée générale car la jurisprudence sur ce point est bien établie. Il fait également valoir que l’avocat du demandeur a soulevé des questions semblables à faire certifier dans l’affaire Revell et qu’elles ont été rejetées parce qu’elles étaient trop générales, hypothétiques et non déterminantes.

[31]  Les deux premières questions devraient être certifiées pour « préserver [les] droits procéduraux [du demandeur] au cas où une décision d’appel modifie[rait] le droit à son avantage » (Ajaj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 928, au paragraphe 70).

[32]  Pour ce qui est de la troisième question, compte tenu de l’analyse qui précède, il ressort clairement de la jurisprudence que l’enquête sur l’admissibilité ne souffre d’aucune lacune. Il n’y a donc aucune question grave. Et même si c’était le cas, cette question ne serait pas déterminante, car le demandeur fait état de lacunes à d’autres étapes du processus et non à celle qui fait l’objet du présent contrôle.

VIII.  Conclusion

[33]  Il y a lieu de rejeter la demande de contrôle judiciaire, et deux des trois questions ci‑dessus énoncées sont certifiées en vue d’un appel.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3347‑18

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. L’intitulé de la cause est changé de façon à remplacer le « ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté » par le « ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration »;

  3. Les questions suivantes sont certifiées en vue d’un appel :

  • a) L’article 7 s’applique‑t‑il à l’étape où il faut déterminer si un résident permanent est interdit de territoire au Canada et, le cas échéant, s’applique‑t‑il au moment où l’atteinte à la liberté et à la sécurité d’une personne qui détient la résidence permanente provient de la perte de son statut, et non de la possible persécution ou torture dans le pays d’origine?

  • b) Est‑ce que le principe du stare decisis empêche notre Cour de réexaminer les conclusions de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Chiarelli, qui ont établi que l’expulsion d’un résident permanent ayant été déclaré coupable d’une infraction criminelle grave est en conformité avec les principes de justice fondamentale, et ce, quelles que soient les circonstances du résident permanent et l’infraction qu’il a commise? Autrement dit, [...] les critères permettant de déroger à la jurisprudence ayant force exécutoire ont-ils été satisfaits en l’espèce?

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 3e jour de juillet 2019.

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM‑3347‑18

INTITULÉ :

MANDIP SINGH KOONER c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 FÉVRIER 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

DATE DES MOTIFS :

LE 12 JUIN 2019

COMPARUTIONS :

Lorne Waldman

Charles Steven

POUR LE DEMANDEUR

Meva Motwani

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.