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Date : 20050329

Dossier : IMM-4925-04

Référence : 2005 CF 422

Ottawa (Ontario), le 29 mars 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL                   

ENTRE :

                                                       MAGDALENA MHANDO

et GIBBONS JOHANNES MLOWE

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue en date du 12 mai 2004 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), selon laquelle les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ou des « personnes à protéger » au sens des articles 96 et 97, respectivement, de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). Les demandeurs souhaitent que cette décision soit déclarée invalide et soit annulée et que leur demande d'asile soit renvoyée à un tribunal différemment constitué afin qu'elle fasse l'objet d'une nouvelle décision.

QUESTION EN LITIGE

[2]                La Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a conclu que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ou des « personnes à protéger » au sens des articles 96 et 97, respectivement, de la Loi?

CONCLUSION

[3]                Sur la foi de l'analyse qui suit, il faut répondre par l'affirmative à cette question. La présente demande de contrôle judiciaire est donc accueillie.

CONTEXTE


[4]                Magdalena Mhando (Mme Mhando ou la demanderesse principale) et son mari, Gibbon Johannes Mlowe (M. Mlowe ou le demandeur) (collectivement, les demandeurs), sont des citoyens de la Tanzanie. Mme Mhando appartient à la tribu Mpare et M. Mlowe, à la tribu Mbena. Les demandeurs craignent d'être persécutés par le père et surtout par la mère de M. Mlowe, ainsi que par les aînés de la tribu Mbena, étant donné que Mme Mhando a refusé de subir une mutilation génitale féminine (MGF), une coutume de la tribu Mbena, après son mariage avec M. Mlowe. Ils craignent également de subir un préjudice si on les force à retourner en Tanzanie en raison des pratiques de sorcellerie auxquelles se livrent les aînés de la tribu.

[5]                Quelques mois après le mariage des demandeurs en juin 2001, la belle-mère de Mme Mhando a commencé à exercer des pressions sur celle-ci pour qu'elle subisse une MGF. Contrairement à la tribu de Mme Mhando, la tribu de M. Mlowe pratique des MGF. Or, une femme devient membre de la tribu de son mari au moment de son mariage. Mme Mhando ne voulait pas subir une telle intervention, et elle avait le soutien de son mari à cet égard. Sa belle-mère et les aînés de la tribu ont cependant continué à exercer des pressions sur elle. Finalement, après avoir appris que Mme Mhando était enceinte en avril 2002, sa belle-mère lui a dit que, si elle avait une fille, celle-ci allait devoir subir une MGF (de même que Mme Mhando elle-même).

[6]                Les demandeurs ont quitté la Tanzanie séparément en octobre et en novembre 2002 afin de ne pas éveiller les soupçons de la famille de M. Mlowe. Le 21 octobre 2002, M. Mlowe est parti pour les États-Unis sous prétexte d'étudier dans ce pays. Au début de novembre (10 jours après le départ de son mari), Mme Mhando est partie pour le Canada sous le même prétexte. Elle a demandé l'asile après la naissance de sa fille, au début de février 2003. Quant à M. Mlowe, il est arrivé au Canada au début de mai 2003, après avoir passé quelques mois aux États-Unis. Il a demandé l'asile à son arrivée à Edmonton (Alberta). Mme Mhando et sa petite fille habitaient dans cette ville avec un ami.


DÉCISION FAISANT L'OBJET DU CONTRÔLE

[7]                Les demandes d'asile des demandeurs ont été réunies et entendues le 17 février 2004. Le 12 mai suivant, la Commission a fait savoir que, après avoir examiné les demandes des demandeurs et la preuve documentaire sur la Tanzanie et les MGF, la crainte de persécution des demandeurs en Tanzanie n'était pas fondée, ni en ce qui concerne le risque de MGF ni pour ce qui est des pratiques de sorcellerie.

[8]                La Commission a d'abord fait remarquer que les demandeurs sont demeurés en Tanzanie pendant plus d'un an après que la question des MGF se fut posée la première fois. De plus, Mme Mhando [traduction] « n'a jamais subi de préjudice grave [...] et on n'a pas tenté d'enlever la demanderesse ou de la forcer à subir une MGF avant son départ » (à la page 3 de la décision de la Commission). La Commission a déterminé que, s'ils l'avaient vraiment voulu, la mère de M. Mlowe et les aînés de la tribu avaient eu [traduction] « largement l'occasion » de causer un préjudice grave aux demandeurs avant que ces derniers quittent la Tanzanie. Elle a constaté en outre, après avoir examiné les documents produits en preuve, que l'incidence des MGF avait diminué. Pour ces motifs, elle a estimé que la crainte des demandeurs concernant le risque de MGF n'était pas fondée.


[9]                En ce qui a trait à la crainte des demandeurs concernant les pratiques de sorcellerie, la Commission a conclu que, non seulement les aînés de la tribu avaient eu amplement la possibilité de persécuter les demandeurs avant leur départ de la Tanzanie (ce qui ne s'est pas produit), mais elle n'était [traduction] « pas disposée à ajouter foi au témoignage des demandeurs selon lequel les personnes pratiquant la sorcellerie étaient incapables de s'en prendre à eux s'ils se trouvaient au Canada, alors qu'ils ont aussi indiqué qu'ils pourraient être victimes de sorcellerie, peu importe l'endroit où ils se trouvent en Tanzanie ou ailleurs en Afrique » (à la page 4 de la décision de la Commission).

[10]            Finalement, la Commission a conclu que les demandeurs avaient de toute façon une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Lindi ou à Tanga. Elle a décidé qu'il n'existait [traduction] « pas plus qu'une simple possibilité » que les demandeurs soient retrouvés dans ces villes par ceux qui voulaient peut-être s'en prendre à eux.

[11]            Pour les mêmes motifs, la Commission a conclu que les demandeurs n'étaient pas non plus des personnes à protéger puisque leur vie ne serait pas en danger et qu'ils ne seraient pas exposés au risque de traitements ou peines cruels et inusités s'ils étaient renvoyés en Tanzanie.

PRÉTENTIONS

Les demandeurs

[12]            Les demandeurs prétendent que la Commission a commis trois erreurs lorsqu'elle a étudié leur demande : elle n'a pas tenu compte de certains éléments de preuve pertinents; elle n'a pas expliqué de manière appropriée pourquoi elle rejetait certains éléments de preuve; elle a commis une erreur dans son examen de la question de la PRI.


[13]            Les demandeurs ont produit, au soutien de leurs demandes d'asile, de nombreux documents qui corroboraient leurs craintes, notamment des lettres et des courriels des frères et soeurs de M. Mlowe et de Mme Mhando, une lettre de menaces envoyée à M. Mlowe par les aînés de la tribu et la copie d'un rapport de police confirmant que celle-ci avait refusé d'intervenir. La Commission a également entendu par téléphone le témoignage d'une soeur et d'un frère de M. Mlowe sur les problèmes vécus par les demandeurs en Tanzanie et sur le risque qu'ils courraient s'ils devaient retourner dans ce pays. Selon les demandeurs, la Commission a fixé une norme de preuve trop rigoureuse en déclarant que le fait que l'on a pas tenté d'enlever Mme Mhando ou de la forcer à subir une MGF avant son départ rendait son récit moins crédible. Enfin - et c'est peut-être le plus important -, la Commission a mis l'accent sur une seule déclaration figurant dans la preuve documentaire, qui indiquait que le nombre de MGF diminuait, alors que l'ensemble de la preuve traitant de la question des MGF révèle qu'il s'agit encore d'un problème local grave auquel la police s'intéresse très peu.

[14]            Ensuite, en rejetant la preuve des demandeurs concernant les pratiques de sorcellerie, la Commission n'a pas tenu compte des différences entre les croyances et pratiques culturelles du Canada et de la Tanzanie. D'autres éléments de preuve confirmaient que, comme les demandeurs le croyaient, ils pouvaient être victimes de sorcellerie n'importe où en Afrique, en particulier en Tanzanie, mais non au Canada. La Commission n'a pas expliqué pourquoi elle rejetait ces éléments de preuve.

[15]            Enfin, la Commission a eu tort de supposer que les demandeurs seraient en sécurité à Lindi et à Tanga simplement parce qu'il s'agit de grandes villes. Les demandeurs (et les autres témoins) ont indiqué dans leur témoignage que M. Mlowe a de la famille un peu partout en Tanzanie et que l'endroit où se trouveraient les demandeurs serait facilement découvert et révélé au père et à la mère de M. Mlowe et aux aînés de la tribu. La Commission n'a pas tenu compte de ces témoignages.

Le défendeur

[16]            En réponse, le défendeur soutient que, comme les conclusions contestées en l'espèce sont toutes des conclusions de fait, la Cour doit faire montre de la plus grande retenue. Selon lui, aucune des conclusions de la Commission n'est manifestement déraisonnable lorsqu'on considère la preuve dans son ensemble. Le défendeur soutient également que la Commission n'est pas tenue de mentionner chacun des éléments de preuve dans ses motifs.


[17]            Le défendeur reconnaît cependant dans ses prétentions orales (mais pas dans son mémoire des faits et du droit) que la Commission n'a pas bien examiné la question de savoir si une PRI existait vu qu'elle n'a pas donné tous les motifs justifiant sa conclusion à cet égard. Il admet seulement que cet aspect de la décision est incorrect. Toutefois, comme cette conclusion n'avait aucun lien avec l'analyse que la Commission a faite de la question de la crainte de persécution des demandeurs en Tanzanie et la conclusion qu'elle a tirée concernant l'absence d'une telle crainte, le défendeur prétend que ces erreurs ne sont pas suffisantes en soi pour vicier la décision.

ANALYSE

Norme de contrôle

[18]            Les deux parties ont convenu que la norme de contrôle applicable aux demandes reposant en grande partie sur les faits est celle de la décision manifestement déraisonnable :

... la norme quant à la révision des conclusions de fait d'un tribunal administratif exige une extrême retenue : Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825, le juge La Forest aux pp. 849 et 852. Les cours de justice ne doivent pas revoir les faits ou apprécier la preuve. Ce n'est que lorsque la preuve, examinée raisonnablement, ne peut servir de fondement aux conclusions du tribunal qu'une conclusion de fait sera manifestement déraisonnable...

(Voir SCFP, section locale 301 c. Montréal, [1997] 1 R.C.S. 793, au paragraphe 85. Voir aussi Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, au paragraphe 52.)

[19]            En outre, on a également considéré que la norme de la décision manifestement déraisonnable s'appliquait aussi aux décisions de la Section de la protection des réfugiés concernant l'existence d'une PRI (voir Mohammed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] C.F. 954, Sivasamboo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 1 C.F. 741 (1re inst.), et Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982). Par conséquent, la décision contestée en l'espèce doit être examinée en fonction de la norme de la décision manifestement déraisonnable.


Décision de la Commission

[20]            La Commission doit répondre à deux questions lorsqu'elle détermine si un demandeur est un réfugié au sens de la Convention :

(a)         Le demandeur a-t-il réellement une crainte subjective de persécution fondée sur l'un des motifs mentionnés dans la Convention?

(b)         Existe-t-il « une possibilité raisonnable que le requérant soit persécuté s'il retournait dans son pays d'origine? » (Il s'agit d'un critère objectif.) Voir les commentaires formulés par le juge McGuigan au nom de la Cour d'appel fédérale dans Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 680 (C.A.), aux paragraphes 6 et 7.

[21]            La norme de la décision manifestement déraisonnable oblige la cour de révision à ne pas intervenir à la légère dans une décision de la Commission, mais un certain nombre d'erreurs, quoique mineures lorsqu'on les considère individuellement, peuvent, une fois regroupées, rendre plutôt déraisonnable une décision qui serait autrement raisonnable. Je crois que c'est le cas ici.


[22]            Il est peut-être vrai que les aînés de la tribu et la mère de M. Mlowe ont eu largement l'occasion de s'en prendre à Mme Mhando avant son départ de la Tanzanie - sans le faire cependant -, mais le critère juridique qui s'applique à la persécution n'exige pas que l'on ait réellement tenté de s'en prendre au demandeur. Le juge Décary (alors juge à la Section de première instance de la Cour fédérale) a écrit, à la page 558 de Salibian c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 C.F. 250 (1re inst.), que, pour déterminer si une personne satisfait à la définition de « réfugié au sens de la Convention » (ce qui implique nécessairement de se demander si des incidents de persécution sont survenus), il faut tenir compte d'un certain nombre de facteurs, notamment :

(1) que le requérant n'a pas à prouver qu'il avait été persécuté lui-même dans le passé ou qu'il serait lui-même persécuté à l'avenir;

(2) que le requérant peut prouver que la crainte qu'il entretenait résultait non pas d'actes répréhensibles commis ou susceptibles d'être commis directement à son égard, mais d'actes répréhensibles commis ou susceptibles d'être commis à l'égard des membres d'un groupe auquel il appartenait;

[...]

(4) que la crainte entretenue est celle d'une possibilité raisonnable que le requérant soit persécuté s'il retournait dans son pays d'origine.

Ainsi, un demandeur du statut de réfugié doit avoir une crainte subjective de persécution et cette crainte doit être raisonnable; il n'est cependant pas nécessaire qu'il soit réellement persécuté. Le caractère raisonnable d'une crainte est souvent évalué au moyen de la preuve documentaire et de tout autre élément de preuve corroborant, par exemple les déclarations des autres témoins. Cela n'a pas été fait en l'espèce.


[23]            Il est vrai que la Commission n'est pas tenue de mentionner chacun des éléments de preuve et qu'elle est présumée avoir tenu compte de l'ensemble de la preuve, à moins que le contraire ne soit établi (voir Akram c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 629, au paragraphe 15); en l'espèce cependant, vu la nature et l'importance éventuelle des éléments de preuve qu'elle n'a pas mentionnés ou sur lesquels elle n'a pas fait de commentaires, la Commission avait l'obligation d'expliquer les motifs de sa décision de les rejeter. Or, elle a plutôt choisi de ne rien dire au sujet de son appréciation d'une grande partie de la preuve corroborante (par exemple les témoignages du frère et de la soeur de M. Mlowe, le rapport de police et la lettre des aînés de la tribu). De plus, il ressort d'un examen du dossier du tribunal que la Commission aurait dû faire référence à certains des documents produits en preuve car ses conclusions étaient contraires à bon nombre de ces documents.

[24]            Par exemple, certains des documents parlent de la sorcellerie comme d'un système de croyances en Tanzanie (voir, par exemple, le Country Reports on Human Rights Practices for Tanzania publié par le Département d'État américain en 2002 (voir en particulier la page 242 du dossier du tribunal) et la demande d'information de la Commission sur la Tanzanie intitulée Tanzania : Situation of women, and state protection available for female victims of rape and violence (1995-July 2000), datée du 2 août 2000 (voir en particulier la page 279 du dossier du tribunal)).


[25]            Plus importante encore est la grande quantité d'éléments de preuve concernant les MGF et les droits des femmes contenus dans le dossier auxquels la Commission a choisi de ne pas faire référence (par exemple, les pages 254 à 256 du dossier du tribunal, où est cité un extrait du Country Report du Département d'État américain (dont il a été question ci-dessus) traitant des droits des femmes; la demande d'information de la Commission sur la Tanzanie datée du 2 août 2000 (dont il a été question ci-dessus, aux pages 278 à 280 du dossier du tribunal) et sa mise à jour du 1er juin 2001 (aux pages 275 et 276 du dossier du tribunal); la demande d'information de la Commission intitulée Tanzania : Update to TZA34272.E of 8 May 2000 on female genital mutilation (FGM) in Tanzania and available state protection, datée du 11 juillet 2003 (aux pages 294 à 297 du dossier du tribunal); un article sur la campagne contre les MGF en Tanzanie ( « FGM campaign gains acceptance in Tanzania » ) par Alpha Nuhu, d'IPP Media, daté du 15 décembre 2003 (aux pages 299 et 300 du dossier du tribunal). La demande d'information de la Commission du 11 juillet 2003 semble particulièrement instructive en ce qui concerne le nombre de MGF effectuées en Tanzanie et les mesures de protection offertes aux femmes qui tentent d'y échapper. J'estime que cette information est importante, en particulier quand la conclusion de la Commission contredit directement la façon dont ces documents traitent la question des MGF. Dans les circonstances, la Commission aurait dû expliquer et motiver sa conclusion.

[26]            En ce qui a trait à la question de la PRI, je suis d'accord avec les deux avocats : le raisonnement suivi par la Commission pour arriver à sa conclusion est pour le moins limité. En outre, la Commission ne dit rien de la preuve selon laquelle M. Mlowe avait de la famille dans toutes les régions de la Tanzanie et que, par conséquent, les demandeurs seraient probablement retrouvés peu importe l'endroit où ils s'établiraient. La Commission n'a même pas abordé cette question, même si elle disposait d'une preuve abondante à ce sujet. Or, une telle analyse doit être effectuée pour déterminer si une personne a besoin de la protection de l'État.

[27]            Il est vrai, comme la Commission l'a dit, que l'opinion sur les MGF est en train de changer en Tanzanie, mais le dossier du tribunal renferme incontestablement plus de documents démontrant que la police et les autorités gouvernementales hésitent à intervenir dans des coutumes tribales comme les MGF. Il n'est donc pas évident que les demandeurs pourraient même bénéficier de la protection de l'État si cette protection devenait nécessaire. Comme la Commission n'a pas analysé davantage cette question, sa décision ne peut être maintenue.

CONCLUSION


[28]            Sans une appréciation complète de la preuve documentaire dont elle disposait, la Commission ne pouvait pas tirer une conclusion raisonnable sur la crainte de persécution de Mme Mhando et de M. Mlowe en tant que membres d'une tribu pratiquant des MGF. Elle ne pouvait pas non plus déterminer correctement si les craintes inspirées par la sorcellerie aux deux demandeurs étaient raisonnables, compte tenu de la preuve (personnelle et documentaire) dont elle disposait sur cette question. M. Mlowe craignait également pour sa vie parce qu'il a refusé de forcer son épouse à subir une MGF, un fait dont la Commission n'a pas tenu compte même si elle disposait manifestement d'une preuve à ce sujet. Comme je l'ai indiqué précédemment, certaines de ces erreurs pourraient, si elles étaient prises isolément, ne pas être suffisantes en soi pour invalider la décision. Mais considérées dans l'ensemble, leur incidence sur la décision finale de la Commission ne peut être sous-estimée. En fait, la Commission n'a pas considéré toute la situation entourant la question des MGF en Tanzanie et n'a pas pris en compte les éléments de preuve les plus pertinents. L'ensemble de ces incidents fait en sorte que la décision est manifestement déraisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire doit être accueillie et les demandes d'asile des demandeurs doivent être renvoyées pour faire l'objet d'une nouvelle décision.

[29]            Les parties ont été invitées à soumettre des questions aux fins de certification. Elles ont refusé de le faire étant donné que la décision de la Commission portait davantage sur des questions de fait que sur des questions de droit.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

-          que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, sans frais;

-          que la décision rendue par la Commission en date du 12 mai 2004 soit annulée et qu'aucune question ne soit certifiée;


-          que les demandes d'asile des demandeurs, M. Mlowe et Mme Mhando, soient renvoyées à un tribunal différemment constitué afin que celui-ci apprécie la preuve correctement et rende une nouvelle décision.

                « Simon Noël »                 

             Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                             IMM-4925-04

INTITULÉ :                                                            MAGDALENA MHANDO

et GIBBONS JOHANNES MLOWE

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    LE 17 MARS 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                     LE JUGE SIMON NOËL

DATE DES MOTIFS :                                           LE 29 MARS 2005

COMPARUTIONS :

Simon K. Yu                                                             POUR LES DEMANDEURS

Brad Hardstaff                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Simon K. Yu                                                             POUR LES DEMANDEURS

Avocat

Edmonton (Alberta)

John H. Sims, c.r.                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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