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Date : 20190610

Dossier : T-380-17

Référence : 2019 CF 795

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 juin 2019

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

AIL INTERNATIONAL INC

demanderesse

et

CANADIAN ENERGY SERVICES LP

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Il s’agit d’un appel interjeté en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), c T‑13 (la Loi) par la demanderesse, AIL International Inc. (AIL), relativement à une décision, datée du 16 janvier 2017, par laquelle le registraire des marques de commerce (le registraire) a rejeté l’opposition de la défenderesse, Canadian Energy Services L.P. (CES), à l’enregistrement de la marque de commerce SUPERCORR.

II.  Contexte

[2]  La société AIL est la propriétaire de l’enregistrement de la marque de commerce SUPER‑COR (la marque SUPER‑COR) (TMA477172) visant un « tuyau de drainage ondulé ».

[3]  Au début des années 1990, AIL et ses sociétés affiliées sous licence ont mis au point et lancé des produits et des services annoncés et vendus en liaison avec la marque SUPER‑COR, c’est‑à‑dire :

[traduction]

i) des tuyaux en acier ondulé épais ainsi que la quincaillerie et les revêtements anticorrosifs pour tuyaux en acier galvanisé connexes [les produits SUPER‑COR];

ii) les services d’ingénierie, de conception, de gestion de projet et d’assistance sur place liés aux produits SUPER‑COR [les services SUPER‑COR].

(Collectivement, les produits et les services SUPER‑COR.)

[4]  CES est une société cotée en bourse dont les activités se divisent en deux principaux domaines — celui des fluides de forage et celui des produits chimiques de production et de spécialité — qui, ensemble, représentent plus de 90 % des recettes de CES.

[5]  Le 25 avril 2013, CES a déposé une demande de marque de commerce en vue de faire enregistrer la marque SUPERCORR (la marque SUPERCORR), demande qui porte le numéro 1,624,178 (la demande SUPERCORR). La demande SUPERCORR vise les produits suivants :

inhibiteur de corrosion, à savoir revêtement protecteur pour utilisation dans les domaines de l’extraction du pétrole, de l’injection d’eau ainsi que du traitement et du transport de pétrole et de produits chimiques.

(Les produits SUPERCORR.)

[6]  La demande SUPERCORR était fondée sur l’enregistrement et l’emploi de la marque aux États-Unis par CES et Jacam Chemicals LLC, une prédécesseure en titre. Elle a été annoncée aux fins d’opposition le 12 novembre 2014.

[7]  Le 23 mars 2015, AIL a déposé une déclaration d’opposition à la demande SUPERCORR.

[8]  AIL a déposé l’affidavit de M. Wayne Ford, vice-président des Services d’ingénierie d’une société affiliée à AIL; cet affidavit, souscrit le 24 août 2015 (l’affidavit de M. Ford), qui comprenait notamment :

i) une déclaration portant qu’AIL emploie la marque SUPER‑COR au Canada en liaison avec des services de conception technique, de construction, de gestion de projet et de consultation dans les secteurs de la construction de ponts, de l’exploitation minière, de l’exploitation forestière, des travaux publics et du transport ferroviaire depuis au moins l’année 2008;

ii) une déclaration portant qu’AIL emploie la marque SUPER‑COR en liaison avec des plaques d’acier de construction ondulées et épaisses pour des applications dans de grandes infrastructures, comme des ponts, des tunnels, des ponceaux à dalot, des tunnels pour piles de stockage, des entrées de tunnel, des passages inférieurs et des arches pour routes de transport lourd depuis au moins l’année 1997;

iii) une déclaration portant que, dans une transaction caractéristique, vu la complexité des projets, les produits SUPER‑COR et les services SUPER‑COR sont offerts de manière forfaitaire, et les produits SUPER‑COR sont souvent conçus sur mesure pour des projets particuliers;

iv) des brochures et des factures de vente arborant la marque SUPER‑COR et se rapportant à des plaques d’acier de construction destinées à des projets d’infrastructure;

v) des brochures et des factures de vente décrivant les services d’ingénierie et de consultation d’AIL en liaison avec les produits SUPER‑COR;

vi) les chiffres des ventes de produits SUPER‑COR entre les années 2008 et 2015.

[9]  CES a déposé l’affidavit de M. Craig Nieboer, directeur financier de la Société; cet affidavit, souscrit le 22 décembre 2015 (l’affidavit de 2015 de M. Nieboer) faisait notamment état de ce qui suit :

i) le 1er mars 2013, CES a fait l’acquisition des actifs des « entités JACAM » (les entités Jacam, ou Jacam), dont la propriété de la marque SUPERCORR;

ii) CES et les entités Jacam ont conclu un accord de licence dans le cadre duquel les entités Jacam se sont vu accorder le droit de produire et de vendre les produits SUPERCORR et d’employer la marque SUPERCORR au Canada;

iii) un spécimen de facture faisant état de ventes de produits SUPERCORR par Jacam Manufacturing 2013 LLC;

iv) une déclaration portant que la marque SUPERCORR est employée par CES, sa division PureChem et les entités Jacam en liaison avec un produit inhibiteur de corrosion binaire, qui se présente sous la forme d’un revêtement protecteur destiné à être employé dans les domaines de l’extraction pétrolière, de l’injection d’eau ainsi que de la transformation et du transport de pétrole et de produits chimiques;

v) un spécimen de brochure de la division PureChem de CES annonçant les produits SUPERCORR.

[10]  AIL n’a pas déposé d’éléments de preuve en réponse. Ni l’un ni l’autre des auteurs de ces affidavits n’a été contre‑interrogé.

III.  La décision faisant l’objet du présent contrôle

[11]  Le 7 décembre 2016, les parties ont participé à une audience devant le registraire.

[12]  Le 16 janvier 2017, le registraire a rejeté l’opposition d’AIL au motif que la marque SUPERCORR et la marque SUPER‑COR ne créaient pas de confusion (la décision).

[13]  Le registraire a tout d’abord rejeté trois arguments reposant sur des allégations de non‑conformité à l’article 30 de la Loi. AIL ne conteste pas les conclusions visées dans le cadre de l’appel.

[14]  Le registraire a ensuite étudié la question de la confusion entre la marque SUPERCORR visée par la demande et la marque SUPER‑COR d’AIL. Il a passé en revue les cinq facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi :

a) le caractère distinctif inhérent et acquis : Le registraire a estimé que les deux marques possédaient un faible caractère distinctif inhérent. Il a conclu que la marque SUPER‑COR d’AIL avait acquis un certain caractère distinctif en raison des ventes qu’AIL avait faites sous sa marque et de la promotion de sa marque depuis 2008, mais il a fait remarquer qu’il était difficile de quantifier le caractère distinctif acquis en raison de la nature générale de la preuve d’AIL, plus particulièrement le manque de renseignements sur la question de savoir si les ventes annuelles déclarées résultaient de quelques projets d’ingénierie seulement ou de nombreux projets de ce type. Il n’a pu attribuer un caractère distinctif acquis à la marque SUPERCORR de CES à cause d’un manque de preuves d’emploi, en particulier le manque de preuves que l’accord de licence conclu entre Jacam et CES prévoyait que cette dernière exercerait un contrôle sur la qualité des produits de Jacam (conformément au paragraphe 50(1) de la Loi), ainsi que le manque de preuves qu’un avis public de la licence de Jacam ou de la propriété, par CES, de la marque SUPERCORR (conformément au paragraphe 50(2) de la Loi) avait été donné. Il a conclu que le premier facteur favorisait AIL, mais pas de manière importante.

b) la période pendant laquelle les marques ont été en usage : Le registraire a estimé qu’AIL avait prouvé l’emploi de la marque SUPER‑COR depuis 2008 et que CES n’avait pas établi l’emploi de la marque SUPERCORR au Canada à l’une quelconque des dates pertinentes. Il a conclu que ce facteur favorisait AIL.

c) et d) le genre de produits et d’entreprises et la nature du commerce : Le registraire a estimé que la preuve d’AIL établissait qu’elle exerçait ses activités dans un certain nombre de secteurs liés à la construction, et qu’elle avait des clients avertis qui achetaient des solutions sur mesure pour des tunnels et des ponts. Il n’y avait toutefois aucune preuve qu’AIL exploitait ou vendait des produits et des services dans l’industrie pétrolière et gazière. Le registraire a jugé que la preuve de CES établissait qu’elle exerçait ses activités « exclusivement dans l’industrie pétrolière et gazière, et plus précisément en lien avec le forage ». De plus, rien ne donnait à penser que le genre des marchandises et des services ou la nature du commerce des deux parties se recouperaient de quelque façon. Le registraire a donc conclu que les troisième et quatrième facteurs favorisaient nettement CES.

e) le degré de ressemblance : Le registraire a estimé que les marques des parties se ressemblaient dans une très large mesure, et il a conclu que le cinquième facteur favorisait AIL « de manière très significative ».

[15]  Le registraire a conclu que, à toutes les dates pertinentes, la marque SUPERCORR visée par la demande ne créait pas de confusion avec la marque SUPER‑COR d’AIL. Il a donc rejeté l’opposition de cette dernière (la décision).

[16]  Le 26 mars 2017, AIL a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire de la décision.

IV.  Les questions en litige

[17]  Les questions en litige sont les suivantes :

i) Quelle est la norme de contrôle appropriée?

ii) La marque SUPERCORR est-elle susceptible de créer de la confusion avec la marque SUPER‑COR d’AIL?

iii) Le registraire a‑t‑il commis une erreur en rejetant les arguments qu’AIL a invoqués relativement au paragraphe 16(2) et à l’article 2 de la Loi?

V.  Analyse

A.  Quelle est la norme de contrôle appropriée?

[18]  Le paragraphe 56(5) de la Loi permet aux parties de soumettre à la Cour de nouveaux éléments de preuve :

(5) Lors de l’appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

[19]  La norme de contrôle qui s’applique à une décision du registraire est généralement celle de la décision raisonnable. Toutefois, lorsque la Cour est saisie de nouveaux éléments de preuve qui auraient eu un effet important sur les conclusions de fait du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit en venir à sa propre conclusion quant à la justesse de la décision du registraire (Brasseries Molson c John Labatt Ltée, [2000] 3 CF 145, au paragraphe 51 (CAF), le juge Rothstein, autorisation d’interjeter l’appel devant la CSC refusée, [2000] 2 RCS xi [Brasseries Molson]).

[20]  Dans l’arrêt Seara Alimentos Ltda c Amira Enterprises Inc, 2019 CAF 63, au paragraphe 25 [Seara], le juge Gauthier a récemment énoncé la question fondamentale à laquelle la Cour doit répondre :

[traduction]

[25] La question est donc la suivante : du fait de leur importance et de leur valeur probante, ces nouveaux éléments de preuve auraient‑ils pu avoir eu une incidence sur une conclusion de fait de la COMC, ou sur l’exercice, par celle-ci, de son pouvoir discrétionnaire? Autrement dit — dans le contexte de la présente analyse relative à la confusion —, ces éléments seraient-ils susceptibles de donner lieu à une conclusion différente à l’égard d’un ou de plusieurs des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi, et de modifier l’exercice de pondération servant d’assise à la conclusion relative à la probabilité de confusion?

[Non souligné dans l’original.]

[21]  L’évaluation de l’importance constitue une étape préliminaire dans l’analyse de nouveaux éléments de preuve produits en appel; elle vise à déterminer si la Cour devra réévaluer la preuve relative à une question donnée, et non à établir si les nouveaux éléments de preuve pourraient, en définitive, modifier le résultat ou l’issue (arrêt Seara, précité, au paragraphe 23). Autrement dit, ce n’est pas forcément parce qu’elle aura jugé de nouveaux éléments de preuve importants que notre Cour ne pourra arriver à la même conclusion que celle du registraire.

[22]  AIL a produit devant la Cour l’affidavit de M. Stephen MacKinnon, vice‑président d’une société affiliée d’AIL, souscrit le 21 août 2017 (l’affidavit de M. MacKinnon). Monsieur MacKinnon n’a pas été contre-interrogé. Quant à elle, CES a produit un second affidavit de M. Nieboer, souscrit le 13 octobre 2017 (l’affidavit de 2017 de M. Nieboer). Monsieur Nieboer a été contre-interrogé sur cet affidavit.

[23]  AIL soutient que les nouveaux éléments de preuve ont une incidence importante sur certains facteurs faisant partie de l’analyse relative à la confusion fondée sur le paragraphe 6(5). Il me faut donc examiner de nouveau la question de la probabilité de confusion. Voici donc mon examen et mon analyse.

(1)  Le caractère distinctif inhérent et acquis

[24]  Comme il a été indiqué plus tôt, le registraire a attribué un certain caractère distinctif acquis à la marque SUPER‑COR en raison des ventes réalisées par AIL sous sa marque et de la promotion qui a été faite de cette dernière depuis 2008. Cependant, le registraire a fait remarquer qu’il était difficile de quantifier le caractère distinctif acquis de cette marque en raison du manque de renseignements quant à savoir si les ventes annuelles déclarées d’AIL résultaient d’un grand nombre de projets d’ingénierie, ou de quelques-uns seulement.

[25]  L’affidavit de M. MacKinnon comprend des éléments de preuve attestant des ventes enregistrées depuis 2004 auprès de l’industrie pétrolière et gazière canadienne. Cette preuve remonte à une période antérieure à celle visée par la preuve soumise au registraire; elle renferme aussi des détails sur les ventes annuelles qui n’ont pas été fournis au registraire.

[26]  Je signale que l’affidavit de M. MacKinnon comporte également des éléments de preuve liés à des clients uniques et à des projets particuliers d’AIL datant de 1990, ainsi que des preuves relatives à des revenus bruts annuels et des dépenses publicitaires qui remontent à 2001. Toutefois, vu la nature de la demande SUPERCORR, ainsi que les produits qui y sont énumérés, la présente analyse porte principalement sur l’emploi de la marque dans l’industrie pétrolière et gazière.

[27]  Le registraire a pris en compte les éléments de preuve présentés par CES dans l’affidavit de 2015 de M. Nieboer, mais il a conclu que ces éléments ne permettaient d’attribuer aucun caractère distinctif acquis à la marque SUPERCORR de CES, faute d’une preuve d’emploi suffisante. En particulier, le registraire a indiqué qu’il n’y avait aucune preuve que l’accord de licence conclu entre Jacam et CES prévoyait que cette dernière exercerait un contrôle sur la qualité des produits de Jacam (conformément au paragraphe 50(1) de la Loi), ni qu’un avis public de la licence de Jacam ou de la propriété qu’avait CES de la marque SUPERCORR avait été donné (conformément au paragraphe 50(2) de la Loi).

[28]  L’affidavit de 2017 de M. Nieboer contient l’accord de licence conclu entre les entités Jacam et CES, lequel accord renferme une disposition prévoyant que CES exercera un contrôle sur la qualité des produits de Jacam. Il comporte également une preuve d’avis public.

[29]  Même si l’accord de licence prévoit une [traduction] « date d’entrée en vigueur », soit le 1er mars 2013, M. Nieboer a précisé, lors du contre-interrogatoire, que cet accord avait été ébauché au début d’octobre 2017. Il a toutefois ajouté que cet accord ne faisait qu’officialiser une entente entre CES et les entités Jacam qui était en place depuis le 1er mars 2013.

[30]  En conséquence, il ressort maintenant de la preuve de CES que les entités Jacam emploient effectivement la marque SUPERCORR, en vertu d’une licence consentie par CES, depuis le 1er mars 2013.

[31]  CES soutient également que, compte tenu de la copie certifiée de l’enregistrement aux États‑Unis de la marque SUPERCORR, qui, comme l’a admis le registraire, montrait que Jacam avait employé pour la première fois la marque SUPERCORR en 1998, le fait que Jacam ait employé la marque SUPERCORR depuis 1998 devrait s’appliquer au profit de CES. Toutefois, comme cet enregistrement n’a pas été soumis à la Cour, rien n’étaye pareille conclusion. Et, en tout état de cause, cette question n’a pas d’incidence sur l’issue de la présente décision.

[32]  Dans sa décision, le registraire a conclu que le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)a) — le caractère distinctif inhérent et acquis — favorisait AIL, mais pas de manière importante. Comme il a été décrit dans l’arrêt Seara, la question soumise à la Cour consiste à savoir si les nouveaux éléments de preuve en l’espèce seraient susceptibles de donner lieu à une conclusion différente à l’égard d’un ou de plusieurs des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi, et de modifier l’exercice de pondération servant d’assise à la conclusion relative à la probabilité de confusion.

[33]  Je conclus que les nouveaux éléments de preuve qui ont été soumis au sujet du caractère distinctif acquis auraient pu avoir eu une incidence sur la conclusion que le registraire a tirée au sujet de l’alinéa 6(5)a) de la Loi, car chacune des parties a produit des preuves qui répondent à des lacunes précises sur le plan de la preuve soulignées par le registraire.

(2)  La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[34]  Le registraire a conclu qu’AIL avait établi l’emploi de sa marque depuis 2008, mais que CES, elle n’avait pas établi l’emploi de sa marque au Canada à l’une quelconque des dates pertinentes et que, de ce fait, ce facteur favorisait AIL. Comme il a été discuté plus tôt, devant la Cour, chacune des parties a étoffé sa preuve en élargissant la période pendant laquelle sa marque a été employée. AIL a maintenant établi l’emploi de la marque SUPER‑COR dans l’industrie pétrolière et gazière canadienne depuis 2004, tandis que CES a établi l’emploi de la marque SUPERCORR depuis 2013.

[35]  Même si chacune des parties a étoffé sa preuve d’emploi, je conclus que, tout compte fait, les nouveaux éléments de preuve ne démontrent pas de façon suffisante qu’ils auraient pu avoir eu un effet sur la conclusion du registraire selon laquelle l’alinéa 6(5)b) favorisait AIL.

(3)  Le genre de produits et d’entreprises et la nature du commerce

[36]  Dans sa décision, au paragraphe 38, le registraire a cité et fait siennes les observations écrites de CES :

Le genre des Produits de la Requérante [CES] et celui des marchandises et des services de l’Opposante [AIL] sont complètement différents. L’Opposante semble exercer ses activités exclusivement dans les domaines de l’exploitation minière, de la construction de ponts et de routes, de l’exploitation forestière et des chemins de fer. La preuve produite par l’Opposante indique clairement que celle‑ci est une firme d’ingénierie ayant des clients avertis qui achètent des solutions sur mesure pour des tunnels et des ponts. Les factures indiquent que le coût des produits et des services de l’Opposante est considérable. Elle n’a fourni aucune preuve qu’elle exerce des activités ou qu’elle vend des produits et des services dans l’industrie pétrolière et gazière. En revanche, la Requérante exerce ses activités exclusivement dans l’industrie pétrolière et gazière, et plus précisément en lien avec le forage. Les clients de la Requérante sont également des acheteurs avertis qui sont des spécialistes du forage et de la complétion de puits. Les Produits de la Requérante sont des produits chimiques pour la production pétrolière et gazière et ne sont pas offerts dans des points de vente au détail ou en gros, mais sont plutôt vendus conjointement avec des services. Aucune preuve n’a été produite pour donner à penser que le genre des marchandises et des services ou la nature du commerce des deux parties se recouperaient de quelque façon que ce soit.

[Souligné dans l’original.]

[37]  Comme il est indiqué dans le passage qui précède, le registraire a estimé qu’il n’y avait aucune preuve que le genre de produits et de services ou la nature du commerce des deux parties pourraient se recouper de quelque façon que ce soit. Il a donc jugé que les troisième et quatrième facteurs de l’analyse fondée sur le paragraphe 6(5) favorisaient nettement CES.

[38]  Dans l’affidavit de M. MacKinnon, AIL indique que les produits et les services SUPER‑COR sont vendus dans le secteur pétrolier et gazier canadien depuis 2004. En particulier, entre 2004 et 2015, AIL a vendu les produits et les services SUPER‑COR à 15 entités uniques actives dans l’industrie pétrolière et gazière en ce qui concerne 57 projets uniques. AIL a également présenté des propositions écrites relatives à 119 projets potentiels.

[39]  De plus, même si l’enregistrement de la marque SUPER‑COR ne vise que des [traduction] « tuyaux de drainage ondulés », l’affidavit de M. MacKinnon fait état de l’emploi et de la promotion de la marque SUPER‑COR en liaison avec des [traduction] « revêtements anticorrosifs pour tuyaux en acier galvanisé », de même qu’avec des services d’ingénierie.

[40]  AIL fait valoir que ces éléments de preuve attestent l’existence d’un important recoupement et d’une grande probabilité de confusion entre les produits et services SUPER‑COR et les produits SUPERCORR destinés au secteur pétrolier et gazier canadien, et qu’il aurait pu avoir, et aurait eu effectivement une incidence importante sur les conclusions du registraire au sujet des alinéas 6(5)c) et 6(5)d), mais aussi sur la décision de ce dernier dans son ensemble.

[41]  CES reconnaît qu’AIL a maintenant produit une preuve selon laquelle elle a bel et bien des clients dans l’industrie pétrolière et gazière. Cependant, CES soutient, d’une part, qu’il s’agit seulement là d’une considération signalée par le registraire lorsqu’il a tranché, en définitive, que les troisième et quatrième facteurs de l’analyse fondée sur le paragraphe 6(5) favorisaient nettement CES; et, d’autre part, que le registraire a également admis les faits suivants :

[traduction]

(i) les produits de CES et les produits et les services d’AIL sont d’un genre complètement différent;

(ii) AIL est une firme d’ingénierie ayant des clients avertis qui achètent des solutions sur mesure pour des tunnels et des ponts;

(iii) le coût des produits et services d’AIL est considérable;

(iv) CES exerce ses activités exclusivement non seulement dans l’industrie pétrolière et gazière, mais en particulier dans le volet « forage et complétion de puits » de cette industrie;

(v) les produits de CES sont des produits chimiques destinés à la production pétrolière et gazière et ils ne sont pas offerts dans des points de vente au détail ou en gros, mais plutôt vendus conjointement avec des services;

(vi) aucune preuve n’a été produite qui donne à penser que le genre des marchandises et des services ou la nature du commerce des deux parties se recouperaient de quelque façon.

[42]  Néanmoins, AIL a fourni des éléments de preuve qui viennent combler une lacune soulignée par le registraire sur ce plan, et je suis d’avis que ceux-ci sont importants pour les besoins du présent appel. Ces nouveaux éléments de preuve d’AIL touchent la nature même des produits et des services SUPER‑COR qui sont commercialisés et vendus dans l’industrie pétrolière et gazière; aussi suis-je d’avis qu’ils auraient amené le registraire à tirer une conclusion différente quant aux facteurs énoncés aux alinéas 6(5)c) et 6(5)d).

(4)  Le degré de ressemblance

[43]  La Cour ne dispose d’aucune preuve nouvelle qui serait susceptible d’avoir eu une incidence sur la conclusion du registraire selon laquelle ce facteur favorisait AIL dans une grande mesure.

(5)  Conclusion

[44]  Les nouveaux éléments de preuve soumis à la Cour auraient pu amener le registraire à tirer une conclusion différente à l’égard des facteurs énoncés aux alinéas 6(5)a), 6(5)c) et 6(5)d), tout comme c’est le cas pour la conclusion générale à propos de la probabilité de confusion. J’examinerai donc à nouveau la preuve, puis j’évaluerai le processus général de pondération des facteurs énoncés au paragraphe 6(5), de même que les circonstances liées à la probabilité de confusion.

B.  La marque SUPERCORR est-elle susceptible de créer de la confusion avec la marque SUPER‑COR d’AIL?

[45]  Aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, une marque de commerce est enregistrable si elle ne crée pas de confusion avec une marque de commerce déposée. Pour évaluer la confusion au regard de cette disposition, la date pertinente est celle à laquelle le juge des faits rend sa décision. Lorsque de nouveaux éléments de preuve déposés en appel sont importants, de sorte qu’il est nécessaire de procéder à un nouvel examen, la date pertinente est celle du jugement de la Cour (Thymes, LLC c Reitmans Canada Limited, 2013 CF 127, au paragraphe 15).

[46]  Le paragraphe 6(2) de la Loi décrit ainsi ce qui constitue de la confusion :

(2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[47]  Le critère relatif à la confusion a été énoncé en ces termes par le juge Rothstein dans l’arrêt Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, au paragraphe 40 [Masterpiece] :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[48]  Le consommateur dont il faut adopter le point de vue n’est pas toujours aussi pressé; dans une affaire comme la présente, qui met en cause des produits coûteux ou axés sur des créneaux particuliers, il prendra naturellement plus de précautions (Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au paragraphe 58 [Mattel]).

[49]  Comme il a été indiqué plus tôt, au paragraphe 14, qui précède, le paragraphe 6(5) de la Loi dresse une liste non exhaustive de facteurs qu’il faut prendre en considération lorsqu’on applique le critère relatif à la confusion.

[50]  Le degré de ressemblance est le facteur d’origine législative qui est souvent susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion (arrêt Masterpiece, précité, au paragraphe 49). Si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion, même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. Dans ce contexte, ces autres facteurs ne deviennent importants qu’une fois que l’on conclut que les marques sont identiques ou fort semblables, comme c’est le cas en l’espèce (arrêt Masterpiece, au paragraphe 49).

[51]  Dans une analyse relative à la confusion, il convient de s’attacher aux produits employés, tels qu’ils sont décrits dans l’enregistrement de la marque invoquée, pour les comparer avec les produits visés par la demande contestée. Cela dit, on peut aussi prendre en considération l’emploi véritable, par l’opposante, de produits ou de services (arrêt Mattel, précité, au paragraphe 53).

[52]  Dans une instance d’opposition, il incombe au demandeur (CES, en l’occurrence) de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité de confusion (arrêt Mattel, au paragraphe 54).

(1)  Les facteurs énoncés au paragraphe 6(5)

  i.  Le degré de ressemblance

[53]  Le registraire a estimé que les marques des parties étaient quasi identiques, et que ce facteur favorisait donc nettement AIL. Ni l’une ni l’autre des parties ne conteste cette conclusion, et les nouveaux éléments de preuve n’ont aucune incidence sur ce facteur dans mon examen de la probabilité de confusion. Je conclus que ce facteur favorise nettement AIL.

  ii.  Le genre de produits et d’entreprises et la nature du commerce

[54]  Le registraire a conclu que les facteurs énoncés aux alinéas 6(5)c) et 6(5)d) favorisaient nettement CES, car il n’existait aucune preuve de recoupement.

[55]  Dans l’affidavit de M. MacKinnon, AIL a produit des éléments de preuve faisant état de ventes de produits et de services SUPER‑COR effectuées auprès de l’industrie pétrolière et gazière canadienne. En particulier, elle a produit des documents indiquant des ventes réalisées auprès de 15 entités uniques dans l’industrie pétrolière et gazière entre 2004 et 2015, relativement à 57 projets uniques. AIL a aussi produit en preuve des documents promotionnels portant sur les produits et les services SUPER‑COR, qui ont été présentés relativement à 119 occasions de ventes potentielles uniques auprès d’entités actives dans l’industrie pétrolière et gazière.

[56]  Ces nouveaux éléments de preuve démontrent clairement qu’AIL exerce ses activités, effectue des ventes et fait la promotion des produits et des services SUPER‑COR auprès de l’industrie pétrolière et gazière.

[57]  CES fait valoir qu’il n’y a aucun recoupement possible de produits, de services ou d’entreprises, car les nouveaux éléments de preuve ne changent rien au fait que le genre des produits SUPERCORR consiste en un revêtement protecteur anticorrosif que l’on applique sur les conduites de gazoduc et d’oléoduc, tandis que le genre des produits SUPER‑COR consiste en un tuyau de grande taille (encore qu’il soit régulièrement vendu recouvert d’un revêtement protecteur) à utiliser dans le cadre de projets d’infrastructure à grande échelle.

[58]  C’est toutefois l’état déclaratif des produits tel qu’il a été soumis au registraire qui demeure le point central de l’analyse relative à la confusion (arrêt Seara, au paragraphe 41; arrêt Mattel, au paragraphe 53). Bien que l’on puisse prendre en compte l’emploi véritable d’une marque, il s’agit là d’un facteur moins important.

[59]  L’état déclaratif des produits qui figure dans la demande SUPERCORR vise un [traduction] « inhibiteur de corrosion, à savoir un revêtement protecteur pour utilisation dans les domaines de l’extraction du pétrole, de l’injection d’eau ainsi que de la transformation et du transport de pétrole et de produits chimiques ». Bien que cette description se limite à l’industrie pétrolière et gazière, comme il en sera question plus loin, elle ne prévoit aucune limite quant aux emplois précis que l’on peut faire du revêtement protecteur au sein de l’industrie pétrolière et gazière.

[60]  Pour ce qui est de la nature du commerce, CES fait valoir qu’il n’y a aucun recoupement potentiel dans les voies commerciales, parce qu’elle exerce ses activités précisément dans un volet restreint de l’industrie pétrolière et gazière, soit celui du forage et de la complétion de puits. Elle ajoute que cela diffère grandement des projets de construction à grande échelle dans le cadre desquels on emploie les produits et les services SUPER‑COR d’AIL. CES ajoute que, même si les produits respectifs des deux parties étaient vendus à la même entreprise, ils seraient vendus à des services tout à fait différents de celle-ci; ces services seraient formés d’employés ayant des rôles et des domaines d’expertise tout à fait distincts.

[61]  Je ne puis souscrire à ces arguments, et ce, pour deux raisons. Premièrement, bien que je sois sensible à l’argument de CES selon lequel les produits respectifs des parties peuvent être commercialisés et vendus auprès de groupes distincts de personnes au sein de l’industrie pétrolière et gazière, la preuve qui m’est soumise n’établit pas ce point. Je n’y trouve rien qui me convainque que ce sont des secteurs et des employés distincts au sein d’une même entreprise pétrolière et gazière qui s’occuperaient de l’achat et de l’emploi, par les clients, des produits respectifs des parties.

[62]  Deuxièmement, comme il a été décrit plus tôt, l’état descriptif des produits visés par la demande SUPERCORR demeure l’élément central de l’analyse relative à la confusion. Je ne puis faire abstraction du libellé de la demande SUPERCORR simplement parce que les produits réels arborant la marque SUPERCORR pourraient se retrouver dans des secteurs commerciaux de l’industrie pétrolière et gazière qui diffèrent de ceux dans lesquels se retrouveraient les produits et les services SUPER‑COR offerts à cette industrie.

[63]  Le libellé de la demande SUPERCORR a trait à des inhibiteurs de corrosion [traduction] « pour utilisation dans les domaines de l’extraction du pétrole, de l’injection d’eau ainsi que du traitement et du transport de pétrole et de produits chimiques ». Cette formulation est de nature générale, et elle permet d’employer la marque en liaison avec les produits en question dans l’industrie pétrolière et gazière dans son ensemble. Elle ne limite pas les emplois de l’inhibiteur de corrosion à un secteur distinct de l’industrie pétrolière et gazière qui ne risquerait pas de recouper les produits et les services SUPER‑COR d’AIL dans cette même industrie.

[64]  Il ressort de la preuve que CES et AIL exercent toutes deux leurs activités dans l’industrie pétrolière et gazière, et qu’il est possible que leurs voies commerciales se recoupent. De plus, tant les produits et les services SUPER‑COR que les produits SUPERCORR font intervenir des revêtements protecteurs que l’on appose sur des tuyaux, même si ces derniers sont destinés à des fins différentes.

[65]  Je conclus donc que les facteurs énoncés aux alinéas 6(5)c) et 6(5)d) favorisent AIL.

  iii.  La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[66]  Comme il a été décrit plus tôt, AIL a maintenant établi l’emploi de la marque SUPER‑COR dans l’industrie pétrolière et gazière depuis 2004, de même qu’un emploi antérieur dans un secteur autre que l’industrie pertinente, un aspect auquel j’attribue un poids négligeable. CES, pour sa part, a démontré que les entités Jacam emploient effectivement la marque SUPERCORR, en vertu d’une licence consentie par CES, depuis le 1er mars 2013.

[67]  J’en arrive à la conclusion que le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)b) favorise AIL.

  iv.  Le caractère distinctif inhérent et acquis

[68]  Je traiterai tout d’abord du caractère distinctif inhérent. Le registraire a conclu que les deux marques possédaient un faible caractère distinctif inhérent :

La marque SUPER‑COR de l’opposante possède un faible caractère distinctif inhérent, étant donné qu’elle se compose d’un préfixe laudatif et d’un suffixe qui, en lien avec les produits de l’opposante, est suggestif d’un produit « corrugated » [ondulé]. De même, la marque SUPERCORR visée par la demande possède un faible caractère distinctif inhérent, étant donné qu’elle se compose d’un préfixe laudatif et d’un suffixe qui, en lien avec les produits de la requérante, est suggestif de produits liés à la « corrosion ». Les marques des parties sont par conséquent intrinsèquement faibles.

[69]  Les deux marques sont des mots inventés, et chacune a un certain caractère distinctif inhérent. Les marques étant quasi identiques, le facteur du caractère distinctif inhérent ne favorise aucune des deux parties.

[70]  Comme il s’agit d’un nouvel examen fondé sur de nouveaux éléments de preuve importants, il n’est pas nécessaire que je relève une erreur dans les conclusions que le registraire a tirées sur ce point. Cependant, AIL soutient, avec raison, que ce dernier a commis une erreur en décomposant les marques en fonction de leurs éléments constitutifs.

[71]  Pour ce qui est du caractère distinctif acquis, l’affidavit de M. MacKinnon établit que 738 ventes uniques réalisées en employant la marque SUPER‑COR l’ont été auprès de 293 clients uniques entre l’année 1990 et le 30 juin 2017. De plus, entre 2001 et 2016, les ventes des produits et des services SUPER‑COR au Canada ont atteint en tout 83 millions de dollars. Au cours de la même période, AIL a dépensé environ 4,8 millions de dollars pour la promotion des produits et des services SUPER‑COR. En ce qui concerne l’industrie pétrolière et gazière précisément, entre 2004 et 2015 AIL a effectué 57 ventes uniques de produits et de services SUPER‑COR à 15 clients uniques dans l’industrie pétrolière et gazière, et elle a aussi transmis des propositions écrites et des documents promotionnels arborant la marque SUPER‑COR relativement à 119 projets potentiels dans cette même industrie.

[72]  Tous ces éléments de preuve donnent à penser que la marque SUPER‑COR a acquis un caractère distinctif important pour ce qui est des produits et des services offerts par AIL en liaison avec cette marque, tant de façon générale qu’en ce qui a trait précisément à l’industrie pétrolière et gazière.

[73]  Par contraste, comme nous l’avons vu plus tôt, la preuve de CES démontre seulement que la marque SUPERCORR est employée à l’égard des produits SUPERCORR depuis 2013. Les chiffres de vente inclus dans l’affidavit de 2015 M. Nieboer font état de recettes découlant de la vente des produits SUPERCORR qui totalisent des sommes d’environ 275 000 $ en 2013, 747 000 $ en 2014, et 900 000 $ entre les mois de janvier et de novembre 2015.

[74]  Tout bien considéré, je conclus que, même si chaque marque possède un certain caractère distinctif inhérent, la marque SUPER‑COR a un caractère distinctif acquis nettement supérieur. Ce facteur favorise donc AIL.

  v.  Conclusion

[75]  La question qui m’est soumise consiste à savoir si, d’après les facteurs pertinents énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi et les circonstances de l’espèce, et ainsi que l’a décrété la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Masterpiece, précité, il existe un degré suffisant de ressemblance entre les marques SUPERCORR et SUPER‑COR pour que, sur le plan de la première impression laissée, le consommateur ordinaire, quelque peu pressé et ayant un souvenir imparfait de la marque SUPER‑COR, confonde vraisemblablement la source des produits SUPERCORR que vend CES (arrêt Masterpiece, au paragraphe 41).

[76]  Je conclus qu’il existe une probabilité de confusion à la date pertinente. Chacun des facteurs énoncés au paragraphe 6(5), si on les considère séparément et dans leur ensemble, de pair avec les circonstances de l’espèce, milite en faveur d’une conclusion de probabilité de confusion. Plus particulièrement, les nouveaux éléments de preuve qui m’ont été soumis, et dont le registraire n’a pas eu l’avantage de prendre connaissance, démontrent qu’il existe une réelle possibilité de recoupement quant au genre des produits, des services ou des entreprises respectifs de l’une et l’autre des parties. En outre, il existe un recoupement évident dans les voies commerciales des parties, car les deux exercent des activités de vente et de commercialisation au sein de l’industrie pétrolière et gazière canadienne. Ces conclusions, de pair avec les autres facteurs énoncés au paragraphe 6(5) et les circonstances de l’espèce, permettent de conclure à une probabilité de confusion.

[77]  De ce fait, la marque SUPERCORR n’est pas enregistrable, par application de l’alinéa 12(1)d) de la Loi.

[78]  Compte tenu des conclusions que j’ai tirées, CES n’a pas droit à l’enregistrement de la marque SUPERCORR, conformément à l’article 2 et à l’alinéa 16(2)a) de la Loi.

VI.  Conclusion

[79]  La présente demande est accueillie. Les dépens sont adjugés à la demanderesse.


JUGEMENT dans le dossier T‑380‑17

LA COUR statue que :

1. La présente demande est accueillie, et la décision du registraire est infirmée.

2. Il est ordonné au registraire de rejeter la demande no 1,624,178 de la défenderesse.

3. Les dépens adjugés à la demanderesse seront taxés conformément à la colonne III du tarif B.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 23e jour de juillet 2019.

Julie‑Marie Bissonnette, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑380‑17

 

INTITULÉ :

AIL INTERNATIONAL INC c CANADIAN ENERGY SERVICES LP

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 29 mai 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge MANSON

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

le 10 juin 2019

 

COMPARUTIONS :

Ken MacKay

Andrew Jones

 

pour la demanderesse

 

Loni de Costa

Marion Unrau

pour lA défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marks and Clerk Law, s.e.n.c.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

pour la demanderesse

Borden Ladner Gervais

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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