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     Date : 19981202

     Dossier : IMM-5178-97

Ottawa (Ontario), le 2 décembre 1998

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE MULDOON

AFFAIRE INTÉRESSANT :      Une demande de bref de mandamus déposée par le demandeur visant à faire enjoindre au défendeur de prendre une décision sur sa demande de résidence permanente.

ENTRE

     DEWEY GO DEE,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     ORDONNANCE

         La demande présentée par le demandeur à la Cour en vue d'obtenir une ordonnance de mandamus qui enjoindrait au défendeur de prendre une décision sur sa demande de résidence permanente ayant été entendue à Winnipeg le 24 novembre 1998, en la présence de l'avocat de chaque partie, et pour les motifs prononcés à l'audience,

LA COUR ORDONNE que le défendeur prenne une décision sur la demande de résidence permanente du demandeur au plus tard le 26 février 1999.

LA COUR ORDONNE EN OUTRE au défendeur de payer les frais de la demande sur la base procureur et client sans tenir compte de la date à laquelle ceux-ci ont été engagés.

                                 F.C. Muldoon

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     IMM-5178-97

Entre

     DEWEY GO DEE,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

         Que la transcription révisée ci-jointe des motifs d'ordonnance que j'ai prononcés à l'audience, tenue à Winnipeg (Manitoba) le 24 novembre 1998, soit déposée conformément à l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.

                                     F.C. Muldoon

                                         Juge

Ottawa (Ontario)

Le 4 décembre 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     IMM-5178-97

     COUR FÉDÉRALE

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

ENTRE

     DEWEY GO DEE,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     DÉCISION RENDUE LE 24 NOVEMBRE 1998

Rapporté par :

Arlene Graham,

Sténographe judiciaire

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         La décision de monsieur le juge Muldoon a été transcrite par Arlene Graham, auditeur officiel dûment assermenté dans la province du Manitoba, à la Cour fédérale, 4e étage - 363, avenue Broadway, en la ville de Winnipeg, province du Manitoba, l'audience ayant commencé le mardi 24 novembre 1998, à dix heures.

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ONT COMPARU

Pour le demandeur :          D. Matas
                     602-255, rue Vaughan
                     Winnipeg (MB) et
                     H. Walsh, c.r.
                     WALSH MICAY & CO.

                     10 e étage - One Lombard

                     Winnipeg (MB)

Pour le défendeur :          D. Fraser

                     Ministère de la Justice

                     (Canada)

                     301-310, av. Broadway

                     Winnipeg (MB)

(24 NOVEMBRE 1998)

(L'AUDIENCE COMMENCE À 10 h

                     LA COUR : Il est tout juste plus de deux heures à l'horloge suspendue sur le mur, et la Cour est prête à prononcer des motifs et prendre une décision puisqu'il semble inutile de retarder l'affaire.

                     Malgré la tentative vaillante et professionnelle de Me Fraser, la Cour est d'avis que le demandeur doit avoir gain de cause. Dans le présent contrôle judiciaire, le demandeur Dewey Go Dee sollicite un bref ou une ordonnance de mandamus pour forcer le défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, à décider de la demande de droit d'établissement en date du 14 juillet 1995 présentée par le demandeur. La demande originaire d'autorisation et de contrôle judiciaire a été déposée au greffe de la Cour le 9 décembre 1997. Le demandeur est venu au Canada et y vit depuis 1982. Il est venu muni d'un visa de visiteur. Antérieurement à l'expiration du visa, il a tenté de revendiquer le statut de réfugié à l'encontre des Philippines, alors sous le joug du régime de Ferdinand Marcos, mais sa revendication a été écartée parce qu'elle était prématurée, son visa étant encore en vigueur. Il est retourné présenter une revendication du statut de réfugié le jour qui a suivi l'expiration de son visa, et puisqu'il était un visiteur dont le séjour a indûment été prolongé, une enquête a été ordonnée mais ajournée aux fins de la revendication du statut de réfugié. Le ministre a refusé de lui accorder le statut de réfugié, et M. Dee s'est adressé à l'ancienne Commission d'appel de l'immigration, qui a conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Quelque temps après, une mesure d'expulsion a été prise contre lui. Il a interjeté appel devant la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en vertu du paragraphe 70(2)a) de la Loi sur l'immigration de l'époque, et il a eu gain de cause pour des raisons d'ordre humanitaire. Le défendeur n'était pas content de la décision de la section d'appel, et il a saisi la Cour d'une demande de contrôle judiciaire. Cette demande a été rejetée par le juge Pinard, qui n'a certifié aucune question de portée générale. Depuis lors, c'est une longue histoire : le demandeur tente d'obtenir le droit d'établissement au Canada. La section d'appel lui a accordé un avantage en décidant, pour des raisons d'ordre humanitaire, qu'il pourrait présenter sa demande de droit d'établissement alors qu'il se trouvait au Canada. Il a fait sa demande et, en novembre 1995, le défendeur a enfin approuvé en principe sa demande de droit d'établissement. Or, le défendeur explique qu' [TRADUCTION] "en principe" signifie qu'il peut faire la demande alors qu'il se trouve au Canada, mais qu'il doit toujours remplir les autres conditions auxquelles un immigrant doit satisfaire. Le demandeur cherche à obtenir une décision du ministre. La demande du demandeur se poursuit pendant longtemps et le demandeur a reçu du défendeur toutes sortes de promesses : [TRADUCTION] "nous aurons votre décision dans quelques mois", "nous aurons votre décision dans quelques mois", et ainsi de suite.

         La dernière promesse provenait d'un certain

M. Christopher Taylor du Ministère, qui a il y a quelque temps parlé de la demande de réhabilitation du demandeur, puisqu'il en a hérité en raison de certaines allégations faites aux Philippines; M. Taylor a déclaré dans son affidavit qu'au sujet de la demande de réhabilitation, [TRADUCTION] "la décision sera prise dans les trente jours suivant l'information disponible au dossier," paragraphe onze de l'affidavit de M. Taylor.

         Après un important retard, dont l'avocat du défendeur

qualifie de discussion considérable au sein du Ministère, Me Walsh, qui était alors avocat du demandeur, a demandé [TRADUCTION] "Qu'est-ce que c'est que ces questions d'extradition? Quelle est votre preuve des infractions qui peuvent donner lieu à l'extradition? Qu'est-ce qui est derrière cela? Pourquoi votre action dilatoire?" Et on lui a dit sans hésitation que le Ministère n'était pas en mesure de le dire à M. Dee. De quoi s'agit-il? Il semble qu'il s'agisse de questions qui ont été tranchées il y a longtemps et qui étaient connues du Ministère depuis 1982 ou 1983. Et le Ministère dit pourtant [TRADUCTION] "Eh bien, M. Dee, nous montrer que vous avez obtenu la réhabilitation est l'une des conditions que vous devez remplir pour devenir un immigrant ayant obtenu le droit d'établissement" et on ne serait pas surpris si M. Dee disait "Réhabilitation par suite de quoi? Quelles sont les accusations?" Il était de notoriété publique, le juge soussigné se le rappelle, qu'il y a des années, M. Dee avait été accusé par Ferdinand Marcos, d'avoir volé le gouvernement des Philippines. M. Ferdinand Marcos, l'histoire le dira, n'était pas la meilleure source d'intégrité personnelle pour porter ces accusations. Mais si elles sont là, si elles existent toujours, le défendeur, avec une timidité feinte, ne révélera pas à M. Dewey ce qu'elles sont, et ainsi donc, sa demande se poursuit, est encombrée par ces accusations, et il se peut que la décision dont le défendeur promet maintenant qu'elle sera prise vers la fin de février 1999 se fonde sur ces accusations fantôme qu'on ne peut examiner. Si on peut examiner ce qui est allégué contre soi, on ne peut guère présenter une défense. Cela relève de l'équité fondamentale même, qui est la pierre angulaire de notre système judiciaire. M. Taylor a été contre-interrogé sur son affidavit, et il a donné quelques réponses intéressantes. Par exemple, à la page dix-huit de la transcription, Me Matas lui a posé la question 94 :

         [TRADUCTION] Ainsi qu'il a été dit, si l'agent croit que la désignation de réfugié au sens de la Convention aurait empêché l'intéressé de discuter des accusations, il est alors peut-être possible qu'un agent considère l'intéressé comme ayant été réhabilité. Je vous saurais gré de faire des commentaires sur le seuil à partir duquel on pourrait s'attendre à ce qu'un présumé réfugié au sens de la Convention s'occupe des accusations pendantes.

Cette question se trouve dans un mémoire versé au dossier du tribunal, et c'est Me Matas qui l'a posée à M. Taylor. Et voici la réponse de M. Taylor à la question 95 :

         [TRADUCTION] Je rechercherais une sorte d'initiative ou d'action de la part de l'intéressé pour qu'il s'occupe des accusations pendantes dans son pays d'origine, savoir -- vous savez, il n'est pas nécessaire de retourner à ce pays, mais il suffit, vous savez, d'engager un cabinet d'avocat, ou de tenter d'obtenir sa disculpation, ou de faire tomber les accusations par des voies de droit dans son pays d'origine, et il n'est pas nécessaire d'y retourner physiquement.

Donc, les accusations que M. Taylor a reçu l'instruction de ne pas révéler sont celles, d'après lui, que M. Dee devrait déterrer, et ce dernier devrait retenir les services d'un avocat aux Philippines en vue de sa disculpation. Cela n'est simplement pas satisfaisant selon les normes du droit canadien, simplement pas, et signifie davantage de retard, davantage de retard. Or, on pourrait faire état des divers documents qui ont été mentionnés dans cet épais dossier, le dossier du tribunal, le dossier épais du demandeur. Mais on pourrait en premier lieu examiner le mémoire déposé par le ministre. Tout d'abord, à la page 6 des neuf pages, partie II, le point litigieux, le ministre dit [TRADUCTION] "Le demandeur a-t-il droit à un bref de mandamus enjoignant au défendeur de décider de sa demande de résidence permanente?" Et l'argument du défendeur est une merveille de brièveté, un paragraphe, paragraphe 15 : [TRADUCTION] "Le défendeur reconnaît que le demandeur a droit à une décision sur sa demande de résidence permanente, mais dit que puisqu'il traite activement la demande de résidence permanente du demandeur et qu'une décision est attendue dans les quatre prochains mois," en date du 5 novembre, [TRADUCTION] "un bref de mandamus n'est pas approprié, et le défendeur demande respectueusement que cette demande de bref de mandamus soit rejetée". La lecture du dossier, qui n'est pas, même si on est un lecteur rapide, affaire de seulement quelques minutes, indique que, depuis un temps prodigieusement long, le demandeur fait pression pour avoir une décision sur sa demande de statut d'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement présentée pendant qu'il se trouvait au Canada. Cela indique que le défendeur a une attitude dilatoire. Le défendeur, qui devrait être le Ministère, qui devrait être l'expert prééminent dans le domaine du droit de l'immigration au Canada, semble ne pas savoir quoi faire dans les circonstances de M. Dee. Donc, au sein du ministère, il y a eu de part et d'autre un échange de correspondance et des examens et, en fait, on repousse M. Dee en disant [TRADUCTION] "oui, oui, oui, eh bien, nous aurons une décision pour vous" "eh bien, nous aurons une décision pour vous, mais ils n'ont jamais obtenu une décision pour M. Dee. Or, il semble bien entendu que le Ministère lui-même, le ministre, puisse donner une décision vers la fin de février 1999. Mais la question que, en toute justice, la Cour pose dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire à cet égard est pourquoi M. Dee devrait donc compter sur cette promesse? Il semble qu'il n'y ait pas de bonnes raisons de le faire. D'autre part, si un bref de mandamus enjoignait au ministre de prendre une décision vers la fin de février, cela ne causerait apparemment pas de préjudice au ministre parce que ce dernier semble indiquer qu'une décision pourrait être prise vers la fin de février.

         Donc, en résumé, la Cour est disposée à accorder un bref de mandamus au demandeur pour forcer le ministre à prendre une décision vers la fin de février au plus tard, à la fin de février 1999. Cela dit, la Cour préférerait que les avocats respectifs des parties rédigent une forme convenue d'ordonnance. S'ils ne peuvent s'entendre à cet égard, la Cour va prendre sa propre forme d'ordonnance. Quant à une question grave de portée générale, les deux avocats semblent convenir qu'il n'y a pas lieu à cela, pas à l'occasion d'un bref de mandamus, parce que bien que l'avocat du défendeur ait plaidé, clairement et bien, contre le décernement d'un bref de mandamus, néanmoins, ce dernier n'est pas la question de fond, le mandamus n'est pas la décision. Il s'agit, de bien des façons, d'un type banal de mandamus d'où ne découle aucune question grave de portée générale. Cela dit, et les frais? Il y a toute une longue et triste histoire de douces réponses et parfois de dures réponses données à M. Dee pour repousser sa tentative d'avoir une décision sur sa demande de droit d'établissement en tant qu'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement au Canada, et M. Dee n'est pas responsable de ce retard. En fait, le retard a été si long que la santé de sa femme s'est détériorée, ainsi que ses forces. Il pourrait craindre qu'il ne meure sans avoir le statut d'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement au Canada s'il se conformait au rythme avec lequel le Ministère parvenait à une décision. Et il a donc le sentiment d'avoir un véritable grief, pas simplement un sentiment du grief, mais il a un véritable grief contre le Ministère au cours des années, particulièrement depuis 1995, l'année où il a présenté sa dernière demande de droit d'établissement, en vue de se voir adjuger les dépens, d'obtenir un dédommagement, au moins à cet égard. Il n'a pas intenté une action pour sentiments blessés, ce qui semble populaire de nos jours, et le Ministère devrait peut-être s'estimer heureux qu'il ne l'ait pas fait. Mais il devrait être dédommagé des frais qu'il a engagés au cours de ces années. La Cour serait disposée à lui accorder les frais sur la base procureur et client. Il s'agit, selon la Cour, d'une circonstance spéciale. On a causé à M. Dee de prodigieux frais que Me Matas et Me Walsh ne s'attendent jamais à percevoir, mais on lui a causé des dépenses pendant longtemps, pendant un temps long et dur. La Cour lui adjuge donc des frais sur la base procureur et client pour cette demande de mandamus. Or, cette demande de mandamus repose sur la négligence historique du défendeur, et il me semble qu'une partie des frais précède la demande de mandamus puisque le grief de M. Dewey ne commence pas en juillet 1995, mais qu'il a déjà pris naissance bien avant cette date. La Cour va maintenant demander à M. Dee de faire preuve d'une certaine retenue. Il s'agit d'une demande de mandamus. Si le ministre avait la semaine dernière pris une décision, c'eût été une demande de mandamus qui est sans intérêt pratique, et on peut se demander pourquoi le ministre n'a pas pris cette décision, mais préfère attendre, préfère reprendre les anciennes accusations portées par Ferdinand Marcos, ou quelqu'un, et la Cour conseillerait de la modération dans la fixation du moment, dans le passé, à partir duquel des frais sur la base procureur et client pourraient être réclamés. Et l'officier taxateur sait peut-être que la Cour recommande un peu de modération. Mais la Cour ne recommande aucune modération à partir du 14 juillet 1995 pour les frais procureur et client. Ils sont clairement susceptibles d'adjugés au demandeur. Cela tranche probablement toutes les questions pendantes, sauf à dire ceci : la Cour fait l'éloge des avocats des deux parties, de l'avocat de chaque partie, pour leur degré élevé de professionnalisme louable dans la représentation de leur client. Aucune partie, particulièrement le défendeur, ne devrait se sentir de quelque façon que ce soit affligée par l'excellente représentation que le défendeur a reçue de Me Fraser, permettez-moi de le nommer. Les clients ne sont pas tous des gagnants , mais tous les avocats sont tenus de faire avancer la cause de chaque client. Si un avocat prend une partie comme client, alors il doit faire les choses jusqu'au bout, et la vraie épreuve d'un avocat consiste dans le professionnalisme avec lequel il défend la cause du client. La Cour respecte certainement Me Fraser à cet égard. S'il existe des questions, la Cour serait heureuse d'y répondre, mais il semble que tous les points litigieux aient été tranchés. N'est-ce pas?

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-5178-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Dewey Go Dee c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :              Winnipeg (Manitoba)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 24 novembre 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE MULDOON

EN DATE DU                      4 décembre 1998

ONT COMPARU :

    David Matas
    Harry Walsh, c.r.                  pour le demandeur
    Duncan Fraser                      pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    David Matas                      pour le demandeur
    Winnipeg (Manitoba)
    Morris Rosenberg
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour le défendeur

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