Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190528


Dossier : T‑1673‑17

Référence : 2019 CF 749

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 mai 2019

En présence de monsieur le juge Phelan

RECOURS COLLECTIF – ENVISAGÉ

ENTRE :

CHERYL TILLER, MARY ELLEN COPLAND ET DAYNA ROACH

demanderesses

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

ORDONNANCE PROVISOIRE ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une requête sur consentement visant à faire autoriser un recours collectif à des fins de règlement, à faire approuver l’avis d’autorisation et d’audience d’approbation du règlement et à faire approuver le plan d’avis, conformément à la partie 5.1 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], qui régit les recours collectifs. De plus, les demanderesses désirent obtenir une ordonnance enjoignant au Canada de divulguer de l’information à propos des membres possibles du groupe aux sociétés qui administrent l’avis, à l’assesseur et à l’administrateur du groupe.

[2]  La Cour n’est pas prête à rendre son ordonnance en ce qui concerne l’autorisation avant que les parties aient eu la possibilité de se pencher sur des observations supplémentaires et de les présenter de la façon indiquée aux présentes.

II.  Contexte

[3]  Dans la décision Merlo c Canada, 2017 CF 51, 276 ACWS (3d) 281 [Merlo], la Cour fédérale a autorisé un recours collectif pour les besoins d’une entente de règlement concernant les membres féminins de la Gendarmerie royale du Canada [la GRC] qui avaient été victimes de harcèlement pendant leur service au sein de la GRC. L’entente de règlement a été subséquemment approuvée dans la décision Merlo c Canada, 2017 CF 533, 281 ACWS (3d) 702.

[4]  Le présent recours collectif envisagé a pour objet de conclure une entente de règlement avec des femmes qui n’étaient pas membres de la GRC, mais qui ont été victimes du même genre de harcèlement dans des circonstances semblables que les membres du groupe en cause dans la décision Merlo. La difficulté qui se présente est le fait que ce groupe de non‑membres de la GRC est diversifié et est composé de personnes allant de travailleuses dans un détachement à des bénévoles lors d’activités qui comportaient une certaine participation de la GRC.

[5]  La question commune qui est mentionnée est semblable à celle en cause dans la décision Merlo : « La défenderesse est‑elle responsable envers le groupe? ». Inhérent à cette question, est l’enjeu de la responsabilité envers un vaste groupe dont le degré de relations avec la GRC varie.

[6]  La définition proposée du groupe est la suivante :

Membres du groupe principal : Toutes les personnes vivantes de sexe féminin ou qui s’identifient publiquement comme femmes qui sont ou ont été des employées municipales, des employées de districts régionaux, des employées d’organismes à but non lucratif, des bénévoles, des commissionnaires, des constables spéciales surnuméraires, des consultantes, des sous‑traitantes, des employées de la fonction publique, des étudiantes, des membres des unités de police intégrée, d’organismes extérieurs et de forces policières ainsi que les personnes dans une situation similaire qui ont travaillé à la GRC pendant la période visée, à l’exclusion des personnes qui sont des membres du groupe principal en cause dans Merlo et Davidson c Sa Majesté la Reine, dossier numéro T‑1685‑16 de la Cour fédérale, et des membres du groupe Ross, Roy and Satalic c Her Majesty the Queen, dossier numéro T‑370‑17 de la Cour fédérale, ou de l’Association des membres de la police montée du Québec inc., Gaétan Delisle, Dupuis, Paul, Lachance, Marc c R., dossier numéro 500‑06‑000820‑163 de la Cour supérieure du Québec. La période visée va du 16 septembre 1974 à la date à laquelle l’entente de règlement sera approuvée par la Cour.

Membres du groupe secondaire : Toutes les personnes pouvant faire valoir une demande par filiation en raison d’un lien familial avec une membre du groupe principal, conformément au droit familial applicable.

[7]  La requête contient également une demande visant, dans un premier temps, l’obtention d’une ordonnance exigeant que le Canada produise une liste de membres possibles du groupe principal qui ont été titulaires d’une carte d’identité du SIGRH de la GRC. Ces renseignements ont pour but d’aider à la communication de l’avis aux membres du groupe.

[8]  Dans un deuxième temps, une ordonnance supplémentaire est demandée afin d’exiger que le Canada produise une liste de membres du groupe principal qui ont été payées dans le cadre d’un autre mécanisme pour du harcèlement semblable à celui qui fait l’objet de la demande. Ces renseignements visent à aider à déterminer si une demanderesse a droit à une indemnisation.

III.  Affaires en cours

[9]  En ce qui concerne la définition du groupe, les parties ont eu de la difficulté à s’entendre sur une description valable. Les groupes décrits sont extrêmement diversifiés et ont eu affaire à la GRC dans diverses circonstances. Il semble n’y avoir aucun point commun ni lien au sein des groupes avec la GRC.

[10]  La définition du groupe semble insuffisamment précise, ce qui rend l’enjeu commun trop général.

[11]  Pour établir un groupe identifiable, la Cour, dans la décision Paradis Honey Ltd. c Canada, 2017 CF 199, par. 23‑24, [2018] 1 RCF 275, citant l’arrêt de la Cour suprême du Canada Hollick c Toronto (Ville), 2001 CSC 68, par. 17‑20, [2001] 3 RCS 158, a déclaré que trois critères doivent être remplis : (1) le groupe doit être défini en recourant à un critère objectif; (2) le groupe doit être défini sans se référer au fond de l’action; (3) il doit exister un lien rationnel entre la définition proposée du groupe et les questions communes énoncées. Il faut démontrer que le groupe est défini de façon suffisamment précise pour satisfaire ces trois critères.

[12]  La Cour reconnaît qu’il s’agit d’un cas d’autorisation en vue d’une entente de règlement et que, comme le prévoient des précédents comme les décisions Merlo, Gariepy c Shell Oil Co, 2002 OJ no 4022, par. 27, 117 ACWS (3d) 690 (JCS), et peut‑être Bona Foods Ltd. c Ajinomoto USA Inc., [2004] OJ no 908, 129 ACWS (3d) 456 (JCS), les tribunaux se livrent généralement à une analyse moins rigoureuse des critères d’autorisation.

[13]  Toutefois, les critères d’autorisation doivent être respectés. Pour faire en sorte que le groupe reçoive un avis adéquat, il est essentiel que les demanderesses possibles sachent si elles peuvent être admissibles, que le mécanisme de règlement soit réalisable et qu’il limite équitablement le groupe approprié.

[14]  Dans la définition proposée du groupe, la phrase utilisée est « qui ont travaillé à la GRC », un terme d’une portée presque indéterminée. D’autres documents soumis à la Cour emploient des phrases semblables à « travailler pour » ou « travailler dans », lesquelles ont aussi des significations floues.

[15]  La définition proposée fait également mention de « personnes dans une situation similaire » sans décrire ce qu’est une « situation similaire ». Il n’existe aucune obligation apparente que la membre du groupe ait été supervisée ou gérée par un membre de la GRC ou ait travaillé dans un milieu contrôlé par la GRC.

[16]  Aux yeux de la Cour, il semble que ce que les parties cherchent à englober est une conduite inacceptable qui s’est produite envers des personnes qui ont travaillé dans un lieu de travail contrôlé par la GRC. Cette notion donne une meilleure définition de la phrase « personnes dans une situation similaire ».

[17]  Par conséquent, les parties doivent se pencher sur une définition qui décrit mieux les circonstances, y compris le lieu de l’inconduite.

[18]  Pour le moment, la Cour hésite à imposer une définition dans le contexte d’une entente de règlement alors que les parties partagent les mêmes opinions au sujet des personnes à inclure dans le groupe.

[19]  En ce qui concerne les listes à produire, comme l’ont admis les avocats, la deuxième n’est pas nécessaire pour l’approbation de l’autorisation et les étapes menant à l’approbation du règlement. Dans ces circonstances, la Cour n’imposerait pas une démarche qui s’inscrirait plus adéquatement dans le processus de réclamation si l’entente de règlement était approuvée.

[20]  En dernier lieu, l’entente de règlement prévoit que si elle n’est pas approuvée ou si le nombre de « retraits » atteint le seuil fixé, l’autorisation du recours sera annulée.

[21]  Même s’il se peut que ce soit ce que les parties désirent et s’il s’agit d’une conséquence inévitable, comme nous l’avons vu ci‑dessus, l’article 334.19 des Règles donne à la Cour le pouvoir discrétionnaire de retirer l’ordonnance d’autorisation d’un recours par voie de requête lorsque les conditions de l’autorisation ne sont plus respectées. Les articles 334.2 et 334.3 des Règles confèrent à la Cour le pouvoir exclusif d’autoriser la poursuite ou le désistement de l’instance.

[22]  Il serait prudent de la part des parties de mieux indiquer si elles vont présenter une requête en désistement, peut‑être sur consentement, dans leur entente de règlement si celle‑ci n’était pas approuvée.

IV.  Conclusion

[23]  Avant de prononcer une ordonnance définitive sur la présente requête, la Cour désire offrir aux parties la possibilité d’étudier de façon plus approfondie les enjeux qui sont décrits ci‑dessus.


ORDONNANCE PROVISOIRE dans le dossier T‑1673‑17

LA COUR ORDONNE que les parties aient la possibilité, dans les 30 jours, de présenter des observations, des documents et des amendements supplémentaires (y compris à l’ordonnance proposée) qui découlent de l’audition de la requête. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 4e jour de juin 2019

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1673‑17

 

INTITULÉ :

CHERYL TILLER, MARY ELLEN COPLAND ET DAYNA ROACH c SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (ColOmbiE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 MAI 2019

 

ORDONNANCE PROVISOIRE ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DE L’ORDONNANCE PROVISOIRE ET DES MOTIFS :

LE 28 MAI 2019

 

COMPARUTIONS :

Angela Bespflug

Janelle O’Connor

Patrick Higgerty, c.r.

 

POUR LES Demanderesses

 

Donnaree Nygard

Jennifer Chow

Mara Tessier

 

POUR LA Défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Klein Lawyers LLP

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LES Demanderesses,

CHERYL TILLER ET MARY ELLEN COPLAND

Higgerty Law

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE,

DAYNA ROACH

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA Défenderesse

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.