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Date : 20190606

Dossier : T‑1612‑16

Référence : 2019 CF 788

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 juin 2019

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

AUX SABLE LIQUID PRODUCTS LP,

AUX SABLE LIQUID PRODUCTS INC.

ET AUX SABLE CANADA LTD.

demanderesses

et

JL ENERGY TRANSPORTATION INC.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS RELATIFS AUX DÉPENS

[1]  La présente décision relative aux dépens fait suite au jugement et aux motifs, datés du 6 mai 2019 et figurant dans la décision 2019 CF 581, que j’ai rendus à l’issue d’un procès de 12 jours tenu dans cette affaire. Le jugement et les motifs portaient sur le bien‑fondé de l’action, et j’ai réservé ma décision sur la question des dépens. Les parties se sont vu accorder une brève période pour tenter de s’entendre sur les dépens ou pour déposer des observations écrites à l’appui de leur position respective. Elles ne sont toutefois pas parvenues à s’entendre, et chacune d’entre elles a maintenant déposé des documents écrits à l’appui de sa position sur les dépens.

[2]  Les demanderesses, Aux Sable Liquid Products LP, Aux Sable Liquid Products Inc. et Aux Sable Canada Ltd. (collectivement, Aux Sable) ont intenté la présente action afin d’invalider un brevet — lié au transport de gaz naturel par pipeline — portant le numéro de brevet canadien 2 205 670 (le brevet 670) et détenu par la défenderesse, JL Energy Transportation Inc. (JL Energy). Le brevet 670 compte 10 revendications, et ma décision sur le fond est la suivante : les revendications 1 à 8 sont valides, tandis que les revendications 9 et 10 sont invalides. Le jugement déclare donc les revendications 9 et 10 invalides et nulles, comme le prévoit le paragraphe 60(1) de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4 (la Loi). L’action intentée par Aux Sable a autrement été rejetée.

[3]  Chacune des parties est d’avis qu’elle a obtenu gain de cause dans l’action et demande que des dépens lui soient adjugés. Elles présentent aussi toutes deux des arguments liés à d’autres facteurs qui sont énoncés au paragraphe 400(3) des Règles des Cours fédérales (les Règles) et qui, selon elles, appuient le montant des dépens qu’elles demandent.

[4]  Pour les motifs expliqués plus en détail ci‑dessous, je conclus qu’aucuns dépens ne devraient être adjugés étant donné que les parties ont toutes deux obtenu partiellement gain de cause lors du procès.

[5]  Le paragraphe 400(3) des Règles énonce une liste de facteurs que la Cour peut prendre en compte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 400(1) en ce qui a trait à la détermination du montant des dépens, à leur répartition et à la désignation des personnes qui doivent les payer. Le résultat de l’instance correspond au premier de ces facteurs. Les parties ne contestent pas la règle générale selon laquelle la partie qui a gain de cause a droit à ses dépens (voir, par exemple, la décision Sanofi‑Aventis Canada Inc. c Novopharm Limitée, 2009 CF 1139, au paragraphe 8 [Sanofi‑Aventis]). Elles conviennent également que le succès ne devrait pas être mesuré en fonction du nombre de questions soulevées qui ont connu une issue favorable ou défavorable, mais plutôt en fonction de la conclusion d’ensemble de la Cour (voir la décision Sanofi‑Aventis), ainsi que du résultat final pratique de l’instance et de son effet sur les parties (voir Eurocopter c Bell Helicopter Textron Canada Limitée, 2012 CF 842, au paragraphe 24). Cependant, les parties ne s’entendent pas sur l’application de ces principes à la présente action.

[6]  Aux Sables soutient que lesdits principes jouent en sa faveur et qu’ils établissent qu’elle a eu gain de cause dans l’action. Elle souligne qu’elle a entamé la présente action dans le but d’invalider les revendications du brevet 670, en réponse, notamment, à une action en contrefaçon de brevet intentée par JL Energy devant la Cour du banc de la Reine de l’Alberta (l’action intentée en Alberta). Aux Sable affirme que le résultat de la présente action (c.‑à‑d. l’invalidation des revendications 9 et 10 du brevet 670) lui confère un avantage pratique et réalisable, puisqu’elle peut présenter une requête en radiation de l’allégation de contrefaçon visant les revendications 9 et 10 déposée par JL Energy dans l’action intentée en Alberta. Elle soutient que les revendications 9 et 10 définissent un monopole plus large que les revendications 1 à 8, et que tout avantage pratique pour JL Energy découlant du maintien des revendications 1 à 8 doit encore être démontré.

[7]  En revanche, JL Energy soutient qu’elle est la partie qui a obtenu gain de cause parce que les allégations d’invalidité faites par Aux Sable relativement aux revendications 1 à 8 du brevet 670 ont été rejetées. Elle affirme que le résultat pratique de la présente action est que le brevet 670 est valide et qu’il continuera à être le fondement de l’allégation de contrefaçon formulée dans l’action intentée en Alberta, puisque cette allégation ne vise pas une revendication précise du brevet 670.

[8]  Je conviens que l’action intentée en Alberta ne définit pas lesquelles des revendications du brevet 670 en particulier constituent le fondement de l’allégation de contrefaçon. La Cour a reçu une copie de la déclaration de JL Energy dans l’action intentée en Alberta, et je crois comprendre qu’Aux Sable n’a pas encore déposé sa défense. À mon avis, il n’est pas possible pour notre Cour de déterminer l’effet pratique que le succès partagé de l’action devant la Cour fédérale aura sur les positions respectives des parties et sur leurs perspectives d’obtenir gain de cause dans l’action intentée en Alberta. Toutefois, il est clair que le succès, tel qu’il est mesuré en fonction de l’issue de l’action devant la Cour fédérale, était partagé. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un résultat obligatoire, il est courant, en cas de succès partagé, que la Cour n’accorde des dépens à aucune des parties (voir Mylan Pharmaceuticals ULC c Bristol‑Myers Squibb Canada Co., 2013 CAF 231, au paragraphe 6).

[9]  Chacune des parties fait valoir des arguments visant à établir que son succès dans le litige global, ou par rapport aux efforts déployés dans le litige global, est plus important que celui de l’autre partie. Aux Sable soutient que, bien qu’elle n’ait réussi à faire invalider que 2 des 10 revendications, il y avait globalement deux ensembles de revendications en litige (les revendications 1 à 8, et les revendications 9 et 10) et qu’elle a obtenu gain de cause à l’égard d’un ensemble, mais pas de l’autre. Elle affirme également que, même en ce qui concerne les revendications 1 à 8, pour lesquelles elle n’a pas obtenu gain de cause, elle a réussi en ce qui concerne la plupart des éléments du critère applicable à l’allégation d’évidence qu’elle faisait valoir. En outre, Aux Sable souligne que la Cour a accepté son argument selon lequel le critère de la « recherche raisonnablement diligente » ne s’applique plus à l’évaluation de l’évidence visée à l’article 28.3 de la Loi. Selon la demanderesse, cette décision constitue un précédent qui fait progresser l’état du droit.

[10]  JL Energy soutient que, bien que le critère relatif à la « recherche raisonnablement diligente » de l’analyse fondée sur l’article 28.3 de la Loi ait constitué une question importante aux fins de l’examen de la Cour et des affaires suivantes, elle n’a pas eu d’incidence sur la conclusion générale de la Cour, selon laquelle Aux Sable n’a pas réussi à établir l’évidence, et ce, même en tenant compte de l’ensemble plus large du dossier d’antériorité découlant de l’analyse relative à l’article 28.3. Elle affirme également que l’allégation d’évidence était particulièrement complexe et que les efforts déployés relativement aux revendications 1 à 8 (notamment pour l’allégation d’évidence) ont surpassé ceux déployés relativement aux revendications 9 et 10. À l’appui de cette position, JL Energy présente des observations détaillées sur la mesure dans laquelle les efforts des experts d’Aux Sable ont été axés sur les revendications 1 à 8 plutôt que sur les revendications 9 et 10.

[11]  Aucune de ces observations ne modifie la conclusion finale selon laquelle les deux parties ont partiellement obtenu gain de cause dans l’action et que leur succès était, à mon avis, à peu près égal. Il y avait deux ensembles de revendications, c.‑à‑d. deux revendications indépendantes, dont chacune était suivie d’une ou de plusieurs revendications dépendantes. Un plus grand nombre de questions d’invalidité nécessitant une analyse relative aux revendications 9 et 10 ont été soulevées qu’en ce qui a trait aux revendications 1 à 8, mais le niveau de complexité et la quantité de faits et d’éléments de preuve d’experts nécessaire pour les traiter variaient d’une question à l’autre. L’allégation d’évidence était peut‑être la plus complexe. Les arguments d’Aux Sable l’ont emporté sur la plupart des éléments du critère de l’évidence, mais l’allégation de la demanderesse n’a finalement pas été retenue. Je ne crois pas que les observations des parties concernant la partie du litige global sur laquelle chacune d’elles a obtenu eu gain de cause, ou la quantité d’efforts qui y est associée, justifient que l’on s’écarte du résultat habituel en cas de succès partagé.

[12]  Chaque partie présente également des observations selon lesquelles les autres questions, positions, éléments de preuve ou témoignages prévus qui ont finalement été retirés avant ou pendant le procès, ou les faits qui n’ont pas été admis alors qu’ils auraient dû l’être, ont nécessité que des efforts soient inutilement déployés. À mon avis, ces observations de chacune des parties ne sont pas dénuées de tout fondement. Cependant, comme ce facteur s’applique dans une certaine mesure à chaque partie, je ne suis pas convaincu que le poids à accorder à ces observations justifie que des dépens soient accordés, étant donné que les parties ont obtenu gain de cause de façon à peu près égale au procès.


JUGEMENT RELATIF AUX DÉPENS DANS LE DOSSIER T‑1612‑16

LA COUR STATUE qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour de juillet 2019

Karine Lambert, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1612‑16

INTITULÉ :

AUX SABLE LIQUID PRODUCTS LP,

AUX SABLE LIQUID PRODUCTS INC.

ET AUX SABLE CANADA LTD. c JL ENERGY TRANSPORTATION INC.

DEMANDE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

JUGEMENT ET MOTIFS RELATIFS AUX DÉPENS :

LE JUGE southcott

DATE DES MOTIFS :

le 6 juin 2019

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Timothy Ellam

Steven Tanner

Sanjaya Mendis

POUR LES DEMANDERESSES

Ariel Breitman

Jonathan Bourchier

Scott Davidson

pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Calgary (Alberta)

POUR LES DEMANDERESSES

MLT Aikins LLP

Calgary (Alberta)

 

pour la défenderesse

 

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