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Date : 20040115

Dossier : T-632-03

Référence : 2004 CF 50

MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 15E JOUR DE JANVIER 2004

Présent :          L'HONORABLE JUGE MARTINEAU

ENTRE :

                                                       FRÉDÉRIC TERREAULT

                                                                                                                                         Demandeur

                                                                          - et -

                                    LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

                                                                             et

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                             

                                                                                                                                         Défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire aux termes de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 à l'encontre de l'adoption le 17 octobre 2001 de la Directive du Commissaire 566-4 intitulée le « Dénombrement des détenus » (la directive 566-4). Au moment où il a déposé sa demande, le demandeur purgeait une peine de pénitencier à l'établissement Cowansville (l'établissement). Depuis, il a été transféré à l'Institut Archambault à Ste-Anne-des-Plaines.

LES FAITS

[2]                En 1998, le Service correctionnel du Canada (SCC), a pris la décision de consolider toutes les directives en matière de sécurité préventive en une seule directive accompagnée de sous-directives. En janvier 1999, un groupe de travail comprenant des responsables de chaque région a consolidé toute l'information en une seule ébauche de politique.

[3]                En septembre 1999, la première ébauche de la politique a été envoyée aux administrateurs régionaux en matière de sécurité et aux directeurs et directrices des unités opérationnelles (pénitenciers) pour une première consultation. Les défendeurs allèguent que l'ébauche tenait compte des recommandations découlant des enquêtes nationales et régionales du SCC relatives au dénombrement des détenus.

[4]                En janvier 2001, lorsque l'ébauche finale a été complétée, elle a été acheminée pour une dernière consultation auprès de toutes les unités opérationnelles, de tous les syndicats et de l'enquêteur correctionnel.

[5]                En avril 2001, le plan de communication (en annexe à l'affidavit de Julie Lévesque-Kéravel) a été remis aux unités opérationnelles pour fins de formation du personnel et d'information des détenus en anticipation de la promulgation de la Directive du Commissaire 566, intitulée « Prévention des incidents de sécurité » (la directive mère) et des sous-directives qui s'y rattachent, dont la directive 566-4.

[6]                Le demandeur allègue que le 28 avril 2001, le Comité consultatif de l'extérieur (CCE) a rencontré les comités de détenus. C'est à ce moment que ces derniers ont pris connaissance du fait que le SCC était sur le point d'instaurer une nouvelle directive de dénombrement. Le demandeur allègue que le CCE était en désaccord avec cette nouvelle directive en raison de ses conséquences trop restrictives et inusitées pour les détenus. Par conséquent, le CCE a recommandé aux comités de détenus de participer aux consultations sur l'élaboration de la directive 566-4.

[7]                Le demandeur soutient que le 30 mai 2001, la direction a remis l'ébauche de la directive 566-4 à tous les comités de détenus tout en indiquant à ces derniers que cette ébauche serait mise en application dans les jours suivants. C'est à ce moment, que le demandeur a indiqué à la direction de l'établissement que l'ébauche n'était pas signée n'y datée par le Commissaire et par conséquent celle-ci était pour simple consultation.

[8]                Le demandeur a demandé aux autorités du SCC de consulter les détenus avant l'adoption de la directive 566-4. De plus, le demandeur a demandé de recevoir les documents en vue de cette consultation. Le demandeur a reçu certains documents pertinents à l'adoption de la directive contestée.

[9]                Le 17 juin 2001, le demandeur a déposé une demande d'accès à l'information afin d'obtenir de plus amples renseignements concernant les règles et procédures suivies par le SCC dans le cadre de l'élaboration d'une Directive du Commissaire. Le 4 septembre 2001, le demandeur a avisé la directrice de l'établissement qu'il désirait se faire entendre. Par la suite, le 21 septembre 2001, le demandeur procéda à une nouvelle demande d'accès à l'information dans le but d'obtenir de plus amples renseignements concernant le processus de consultation.

[10]            Le 17 octobre 2001, la directive 566-4 a été adoptée.

[11]            Par la suite, le 18 mars 2003, le démandeur a été informé du fait que le SCC ne mène pas de consultations avec les détenus lorsque les décisions portent sur des questions de sécurité. Néanmoins, le comité des détenus de l'établissement a quand même été consulté quant à l'heure où aurait lieu le dénombrement pour les fins de la mise en oeuvre de la directive.

ANALYSE

[12]            L'article 74 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. (1992), ch. 20 (la Loi) se lit comme suit :


74. Le Service doit permettre aux détenus de participer à ses décisions concernant tout ou partie de la population carcérale, sauf pour les questions de sécurité.

[nos soulignés]

74. The Service shall provide inmates with the opportunity to contribute to decisions of the Service affecting the inmate population as a whole, or affecting a group within the inmate population, except decisions relating to security matters.


[13]            Le demandeur reproche au SCC d'avoir interprété l'article 74 de la Loi de façon à se dispenser d'effectuer des consultations auprès des détenus préalablement à l'adoption de la directive 566-4. Par conséquent, le SCC aurait omis, préalablement à la promulgation de la directive 566-4, de consigner par écrit les résultats de consultations et de transmettre aux détenus intéressés cette documentation pour fins de révision ou de contestation dans le cadre d'un processus de consultation qui n'a pas eu lieu. Par conséquent, le demandeur allègue que la directive est invalide en raison du défaut de consultation. Les défendeurs maintiennent que la directive 566-4 a bel et bien trait à une question de sécurité et que l'exception prévue à l'article 74 de la Loi s'applique.

[14]            La directive 566-4 prévoit ce qui suit :

OBJECTIFS DE LA POLITIQUE

1. Établir des normes régissant les dénombrements officiels et non officiels des détenus et des délinquants dans les établissement et les centres correctionnels communautaires.

2. Surveiller les allées et venues des détenus et des délinquants en tout temps.

3. S'assurer que tous les détenus et les délinquants sont vivants au moment du dénombrement.


INSTRUMENT HABILITANT

4. Directive du commissaire noo 566 - Prévention des incidents de sécurité.

DÉFINITIONS

5. Dénombrement officiel: processus qui consiste à compter chaque détenu individuellement, pendant lequel aucun déplacement n'est permis et dont les résultats sont consignés dans un registre officiel.

6. Dénombrement non officiel: processus qui consiste à compter individuellement les détenus qui se trouvent dans différents secteurs de l'établissement sans interrompre les activités en cours.

7. Dénombrement debout: comptage des détenus qui doivent se tenir debout, à l'intérieur ou à l'extérieur de leur cellule ou de l'emplacement de leur lit.

RESPONSABILITÉS DU DIRECTEUR DE L'ÉTABLISSEMENT

8. Le directement de l'établissement doit veiller à ce que soit établi un ordre permanent régissant les dénombrements officiels et non officiels dans l'établissement et précisant la procédure à suivre en cas d'écarts dans les résultats.

9. Le directeur de l'établissement doit veiller à ce qu'au moins quatre dénombrements officiels soient effectués au cours d'une période de vingt-quatre heures, dont un dénombrement debout. Dans le cas d'un centre correctionnel communautaire, au moins deux dénombrements officiels doivent être effectués au cours d'une période de vingt-quatre heures.

10. Le directeur de l'établissement doit veiller à ce que soient effectués au cours d'une période de vingt-quatre heures au moins quatre dénombrements officiels des détenus et de leurs visiteurs occupant les unités de visites familiales privées. Ces dénombrements auront lieu à des heures raisonnables et qui respecteront les détenus et leurs visiteurs. Ils devront se faire visuellement et sans obstruction.

11. Le directeur de l'établissement doit veiller à ce que soit tenu un registre de tous les détenus qui sont confinés à l'établissement. Ce registre doit comprendre le nom du détenu, son numéro SED et l'emplacement de sa cellule ou de son lit.

12. Le directeur de l'établissement doit veiller à ce que soit tenue une liste des détenus qui figurent au registre mais qui ne sont pas dans l'enceinte de l'établissement (ex.: les détenus hospitalisés à l'extérieur, en permission de sortir ou en liberté sous condition, ceux qui se trouvent à l'extérieur en vertu d'une ordonnance du tribunal ou ceux libérés sous caution, en isolement dans un autre établissement ou illégalement en liberté).

13. Le directeur de l'établissement doit veiller à ce que soit tenue une liste à jour des détenus affectés à chaque secteur de travail ou d'activité.


14. Le directeur de l'établissement doit veiller à ce que soient prise les mesures prévues dans les plans de mesure d'urgence de l'établissement lorsqu'un détenu manque à l'appel.

15. Le directeur de l'établissement doit veiller à ce que les dénombrements dans les établissements pour femmes soient effectués conformément au Protocole national de dotation mixte.

PROCÉDURES

16. Durant les dénombrements, les détenus doivent être vêtus convenablement et le personnel doit s'efforcer de respecter leur intimité et leur dignité.

17. Les agents qui procèdent aux dénombrements doivent s'assurer que chaque personne qu'ils comptent est en vie.

18. Dans le cas d'un dénombrement officiel, tous les détenus doivent retourner à leur cellule, à moins qu'un ordre permanent ne prévoie d'autres dispositions.

19. Au cours d'un dénombrement officiel, les détenus qui ne trouvent pas dans leur cellule ou à l'emplacement de leur lit doivent rester sur place jusqu'à ce que le dénombrement de l'établissement soit vérifié et confirmé.

20. Les dénombrements officiels doivent être effectués par deux agents de correction.

21. Les résultats des dénombrements officiels doivent être consignés par écrit et approuvés par les agents qui procèdent au dénombrement.

22. Les écarts dans les dénombrements officiels et non officiels doivent être signalés immédiatement à l'agent responsable de l'établissement.

23. L'agent responsable doit procéder à une vérification du dénombrement.


[15]            Le SCC a l'obligation légale de permettre aux détenus de participer aux décisions concernant la population carcérale à l'exception des questions traitant de sécurité (William Head Institution c. Canada (Service Correctionnel), [1993] A.C.F. no 821 (C.F. 1re inst.) (QL); Alcorn v. Canada (Commissaire du service correctionnel), [1999] A.C.F. no 330 au para. 100 (C.F. 1re inst.) (QL)). D'une part, il faut donner à l'article 74 de la Loi une interprétation large et libérale. D'autre part, il faut le reconnaître que le droit de participation des détenus n'est pas absolu mais qu'il est assorti d'une restriction importante lorsqu'une « question de sécurité » est en cause. Or, il incombe au SCC d'assurer la prise en charge et la garde des détenus et de prendre à cet égard toutes les mesures utiles pour que le milieu de vie et de travail des détenus et les conditions de travail des agents soient sains, sécuritaires et exempts de pratiques portant atteinte à la dignité humaine.

[16]            Les articles 3, 4 et 5 de la Loi sont pertinents en l'espèce :


3. Le système correctionnel vise à contribuer au maintien d'une société juste, vivant en paix et en sécurité, d'une part, en assurant l'exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines, et d'autre part, en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois.                               

3. The purpose of the federal correctional system is to contribute to the maintenance of a just, peaceful and safe society by

(a) carrying out sentences imposed by courts through the safe and humane custody and supervision of offenders; and

(b) assisting the rehabilitation of offenders and their reintegration into the community as law-abiding citizens through the provision of programs in penitentiaries and in the community.


4. Le Service est guidé, dans l'exécution de ce mandat, par les principes qui suivent_:

a) la protection de la société est le critère prépondérant lors de l'application du processus correctionnel;

b) l'exécution de la peine tient compte de toute information pertinente dont le Service dispose, notamment des motifs et recommandations donnés par le juge qui l'a prononcée, des renseignements obtenus au cours du procès ou dans la détermination de la peine ou fournis par les victimes et les délinquants, ainsi que des directives ou observations de la Commission nationale des libérations conditionnelles en ce qui touche la libération;

c) il accroît son efficacité et sa transparence par l'échange, au moment opportun, de renseignements utiles avec les autres éléments du système de justice pénale ainsi que par la communication de ses directives d'orientation générale et programmes correctionnels tant aux délinquants et aux victimes qu'au grand public;

d) les mesures nécessaires à la protection du public, des agents et des délinquants doivent être le moins restrictives possible;

e) le délinquant continue à jouir des droits et privilèges reconnus à tout citoyen, sauf de ceux dont la suppression ou restriction est une conséquence nécessaire de la peine qui lui est infligée;

f) il facilite la participation du public aux questions relatives à ses activités;

g) ses décisions doivent être claires et équitables, les délinquants ayant accès à des mécanismes efficaces de règlement de griefs;

h) ses directives d'orientation générale, programmes et méthodes respectent les différences ethniques, culturelles et linguistiques, ainsi qu'entre les sexes, et tiennent compte des besoins propres aux femmes, aux autochtones et à d'autres groupes particuliers;

i) il est attendu que les délinquants observent les règlements pénitentiaires et les conditions d'octroi des permissions de sortir, des placements à l'extérieur et des libérations conditionnelles ou d'office et qu'ils participent aux programmes favorisant leur réadaptation et leur réinsertion sociale;

j) il veille au bon recrutement et à la bonne formation de ses agents, leur offre de bonnes conditions de travail dans un milieu exempt de pratiques portant atteinte à la dignité humaine, un plan de carrière avec la possibilité de se perfectionner ainsi que l'occasion de participer à l'élaboration des directives d'orientation générale et programmes correctionnels.

4. The principles that shall guide the Service in achieving the purpose referred to in section 3 are

(a) that the protection of society be the paramount consideration in the corrections process;

(b) that the sentence be carried out having regard to all relevant available information, including the stated reasons and recommendations of the sentencing judge, other information from the trial or sentencing process, the release policies of, and any comments from, the National Parole Board, and information obtained from victims and offenders;

(c) that the Service enhance its effectiveness and openness through the timely exchange of relevant information with other components of the criminal justice system, and through communication about its correctional policies and programs to offenders, victims and the public;

(d) that the Service use the least restrictive measures consistent with the protection of the public, staff members and offenders;

(e) that offenders retain the rights and privileges of all members of society, except those rights and privileges that are necessarily removed or restricted as a consequence of the sentence;

(f) that the Service facilitate the involvement of members of the public in matters relating to the operations of the Service;

(g) that correctional decisions be made in a forthright and fair manner, with access by the offender to an effective grievance procedure;

(h) that correctional policies, programs and practices respect gender, ethnic, cultural and linguistic differences and be responsive to the special needs of women and aboriginal peoples, as well as to the needs of other groups of offenders with special requirements;

(i) that offenders are expected to obey penitentiary rules and conditions governing temporary absence, work release, parole and statutory release, and to actively participate in programs designed to promote their rehabilitation and reintegration; and

(j) that staff members be properly selected and trained, and be given

(i) appropriate career development opportunities,

(ii) good working conditions, including a workplace environment that is free of practices that undermine a person's sense of personal dignity, and

(iii) opportunities to participate in the development of correctional policies and programs.



5. Est maintenu le Service correctionnel du Canada, auquel incombent les tâches suivantes_:

a) la prise en charge et la garde des détenus;

b) la mise sur pied de programmes contribuant à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale;

c) la préparation des détenus à leur libération;

d) la supervision à l'égard des mises en liberté conditionnelle ou d'office et la surveillance de longue durée de délinquants;

e) la mise en oeuvre d'un programme d'éducation publique sur ses activités.

[nos soulignés]

5. There shall continue to be a correctional service in and for Canada, to be known as the Correctional Service of Canada, which shall be responsible for

(a) the care and custody of inmates;

(b) the provision of programs that contribute to the rehabilitation of offenders and to their successful reintegration into the community;

(c) the preparation of inmates for release;

(d) parole, statutory release supervision and long-term supervision of offenders; and

(e) maintaining a program of public education about the operations of the Service.


[17]            D'autre part, l'article 70 de la Loi prévoit :



70. Le Service prend toutes mesures utiles pour que le milieu de vie et de travail des détenus et les conditions de travail des agents soient sains, sécuritaires et exempts de pratiques portant atteinte à la dignité humaine.

70. The Service shall take all reasonable steps to ensure that penitentiaries, the penitentiary environment, the living and working conditions of inmates and the working conditions of staff members are safe, healthful and free of practices that undermine a person's sense of personal dignity.


[18]            La position du SCC selon laquelle la directive 566-4 est liée à une question de sécurité m'apparaît raisonnable dans les circonstances. En effet, la Loi ne définit pas l'expression « question de sécurité » et il n'est pas déraisonnable de prétendre que le dénombrement des détenus est lié directement à la surveillance des détenus et à leur bien-être, donc à des questions de « sécurité » au sens large. Ainsi, le SCC n'a pas agi de façon ultra vires en adoptant la directive 566-4 et en ne consultant pas les détenus (bien qu'ultérieurement il puisse y avoir eu une certaine consultation quant à des aspects particuliers touchant la mise en oeuvre de la directive).

[19]            Il est spécifiquement indiqué dans la directive 566-4 que l'instrument habilitant est la directive mère. Or, l'objectif de la directive mère vise justement à établir un cadre de prévention des « incidents de sécurité » comprenant plusieurs éléments dont notamment le dénombrement des détenus pour surveiller en tout temps leurs allées et venues et leur bien-être. Tel qu'énoncé au plan de communication (pièce K-1 de l'affidavit de Julie Lévesque-Kéravel), l'examen des évasions a révélé que celles-ci résultaient entre autres de l'absence de dénombrements officiels et le fait que les dénombrements n'étaient pas toujours effectués par deux agents.


[20]            Bien que le niveau de sécurité soit relativement faible lorsqu'il s'agit d'effectuer le dénombrement debout des détenus, la Loi ne fait pas de distinction en ce qui concerne les différents niveaux de sécurité. Aussi, cette Cour ne doit pas se substituer au SCC dans le choix des mesures nécessaires à la protection en public, des agents et des détenus, à moins qu'il ne soit démontré que la mesure en cause est déraisonnable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

[21]            Dans son affidavit, Ricky Dubois, un détenu de l'établissement, indique le procédé de l'ancien système de dénombrement :

... lors de chaque dénombrement officiel, les officiers s'assuraient de notre « bien-être » en s'assurant que nous étions en vie. Au besoin, en cognant dans nos portes de cellules pour que nous bougions lorsque nous dormions. Ultimement (sic), en entrant dans la cellule de laquelle ils n'obtenaient pas de signe de vie.

[22]            La nouvelle directive prévoit notamment que parmi les dénombrements officiels au cours d'une période de 24 heures un de ces dénombrements doit s'effectuer debout pour tous les détenus. Le demandeur dans son affidavit indique que la nouvelle directive a pris naissance suite à un rapport du Coroner à l'effet qu'un grand nombre de détenus ont été découverts morts depuis plus de 24 heures dans les pénitenciers canadiens. Ricky Dubois, indique que la recommandation du Coroner est à l'effet que les détenus devraient se lever debout pour un dénombrement officiel par tranche de 24 heures. Dans son affidavit, Ricky Dubois affirme que cette recommandation est basée d'une part sur l'incompétence des officiers du SCC. C'est-à-dire, que ceux-ci lors des dénombrements ne s'assuraient pas toujours que les détenus étaient en vie. D'autre part, cette recommandation vise à ce que les détenus se protègent eux-mêmes. À ce sujet, Ricky Dubois indique comme suit:

Que ce derniers (sic) se serait simplement dit que si le SCC n'était pas capable de faire sa « job » ; on était aussi bien de demander aux détenus de se protéger eux-mêmes. En effet, pour lui, en nous levant debout quotidiennement; cela devenait impossible de dépasser le barre des 24 heures avant d'être découvert.


[23]            Comme on peut le constater, il existe un lien rationnel entre la directive 566-4 et l'atteinte des objectifs de la Loi voulant que le milieu de vie et le travail des détenus et les conditions de travail des agents soient sains, sécuritaires et exempts de pratiques portant atteinte à la dignité humaine.

[24]            En conclusion, le demandeur ne m'a pas convaincu qu'il existe ici un motif pour que la Cour intervienne en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                               « Luc Martineau »                      

                                                                                                     Juge                                


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T-632-03

INTITULÉ :               FRÉDÉRIC TERREAULT c. LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                        MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                      LE 6 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                             L'HONORABLE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                             LE 15 JANVIER 2004

COMPARUTIONS:

M. FRÉDÉRIC TERREAULT                          POUR LE DEMANDEUR

(se représentant lui-même)

ME MICHELLE LAVERGNE                          POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

M. FRÉDÉRIC TERREAULT                          POUR LE DEMANDEUR

STE-ANNE-DES-PLAINES (QUÉBEC)

MORRIS ROSENBERG                                  POUR LES DÉFENDEURS

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

MONTRÉAL (QUÉBEC)


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