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Date : 19991021


Dossier : T-1770-94

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 21 OCTOBRE 1999

EN PRÉSENCE DE :      MADAME LE JUGE McGILLIS

ENTRE :

     THOMAS GEORGE SCHREIBER,

     demandeur,

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

     défenderesse.


     J U G E M E N T

         L'action est rejetée avec dépens.

                                 « D. McGillis »
                             ____________________________
                                     Juge


Traduction certifiée conforme



Laurier Parenteau, LL.L.



    


     Date : 19991021

     Dossier : T-1770-94


ENTRE :

     THOMAS GEORGE SCHREIBER,

     demandeur,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

     défenderesse.


     MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE McGILLIS

INTRODUCTION

[1]      En 1992, le ministère des Transports (le ministère) a mis sur pied des services bilingues de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa, afin de s'acquitter de ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31. Le demandeur, Thomas George Schreiber, qui était unilingue anglophone à l'époque, n'a pas été autorisé à continuer à exercer les fonctions opérationnelles de son poste de contrôleur de la circulation aérienne. Son action vise notamment à obtenir une déclaration portant qu'il a été porté atteinte à ses droits du fait qu'il n'a pas été autorisé à continuer à occuper son poste après l'introduction des services bilingues.

LES FAITS

[2]      Au début de l'année 1975, l'introduction et l'utilisation de la langue française dans les services de contrôle de la circulation aérienne dans la province de Québec a suscité la controverse. Le gouvernement fédéral a nommé une Commission d'enquête et le ministère des Transports (le ministère) a procédé à une étude en simulation complète dans la région de Montréal afin d'évaluer la faisabilité de la prestation de services bilingues sécuritaires de contrôle de la circulation aérienne. À la suite de cette étude, le ministère a conclu qu'il était possible de fournir des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne de façon sécuritaire. L'une des conditions essentielles de cette conclusion était que tous les contrôleurs de la circulation aérienne qui travaillent dans un établissement offrant des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne devaient être bilingues et réussir des tests de phraséologie et de vocabulaire français. De plus, chaque contrôleur d'un tel établissement devait suivre une formation en simulation dans un milieu bilingue pour garantir qu'il avait une connaissance suffisante des procédures récentes. Enfin, les services de contrôle de la circulation aérienne dans les deux langues officielles devaient être fournis aux pilotes sur une fréquence unique commune. Le ministère a présenté son étude à la Commission d'enquête et formulé des recommandations, conformes aux conclusions de son étude, relativement à la mise sur pied de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne au Québec.

[3]      Au début de l'année 1978, la Commission d'enquête a conclu dans son rapport au Parlement que les procédures élaborées et recommandées par le ministère constituaient une façon de procéder sécuritaire et que l'introduction de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne ne porterait pas atteinte à la sécurité ni à l'intégrité du système.

[4]      À la fin de l'année 1978, le ministère a commencé à introduire des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne sur une fréquence unique au Québec.

[5]      Le 9 juillet 1983, quelques années après avoir obtenu son diplôme d'études secondaires, M. Schreiber a été nommé à un poste de durée indéterminée en qualité de contrôleur de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa au sein de la Direction du service de la circulation aérienne du ministère. La licence de contrôleur de la circulation aérienne de M. Schreiber comportait une [Traduction] « annotation de qualification pour un aéroport » qui ne lui permettait de travailler qu'à la Tour de contrôle d'Ottawa. Comme tous les contrôleurs de la circulation aérienne, M. Schreiber ne pouvait travailler à aucune autre tour de contrôle à moins d'avoir reçu une formation additionnelle et satisfait aux normes de vérification de l'autre établissement. Au moment de sa nomination, M. Schreiber ne parlait pas français et n'avait suivi que des cours de base en français à l'école secondaire. Les exigences linguistiques de son poste étaient : « anglais essentiel » .

[6]      Au milieu des années 1980, le ministère a commencé à envisager la mise sur pied de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa, dans la région de la capitale nationale, afin de satisfaire aux exigences de la Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985), ch. O-3. Un examen de la situation en matière de ressources humaines a révélé que la mise sur pied de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne ne pouvait être effectuée du jour au lendemain à la Tour de contrôle d'Ottawa, car la grande majorité des contrôleurs de la circulation aérienne ne maîtrisaient pas le français. Le ministère a donc décidé qu'il devrait procéder différemment de la façon dont il procédait au Québec pour réussir à mettre sur pied le plus tôt possible des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne en conformité avec le principe prépondérant de la sécurité.

[7]      Pour comprendre la situation à laquelle le ministère faisait face en ce qui concerne la mise sur pied de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa, il faut décrire brièvement les activités des services de contrôle de la circulation aérienne dans la région de la capitale nationale.

[8]      L'objectif du système de contrôle de la circulation aérienne consiste à éviter les collisions aériennes entre les avions, ainsi que les collisions au sol entre les avions ou entre les avions et d'autres véhicules. Les services de contrôle de la circulation aérienne sont fournis à l'aéroport Macdonald-Cartier, à Ottawa, dans un ensemble situé de l'autre côté de la piste, en face de l'aérogare de passagers principal. Cet ensemble comprend une tour de contrôle indépendante, appelée la Tour de contrôle d'Ottawa, et notamment un centre de recherche et des bureaux. L'Unité de contrôle terminal, qui fonctionne exclusivement par radar, est située dans le sous-sol de l'ensemble. Le personnel de la Tour de contrôle d'Ottawa et de l'Unité de contrôle terminal est constitué de contrôleurs de la circulation aérienne, qui exercent toutefois des fonctions très différentes et non interchangeables. En d'autres termes, un contrôleur de la circulation aérienne titulaire d'une licence lui permettant de travailler à la Tour de contrôle d'Ottawa n'est pas autorisé à exécuter des tâches à l'Unité de contrôle terminal sans recevoir une formation additionnelle, et vice versa.

[9]      Les contrôleurs de la circulation aérienne de la Tour de contrôle d'Ottawa travaillent à trois postes : la transmission des autorisations, le contrôle au sol et la tour de contrôle. Il y a aussi un superviseur. Les contrôleurs de la circulation aérienne exécutent différentes fonctions dans chacun des postes. Aux fins de l'instance, il suffit de mentionner brièvement les tâches exécutées par les contrôleurs relativement aux avions qui effectuent des vols IFR (effectués conformément aux règles de vol aux instruments), qui représentent 99,9 % de tous les avions commerciaux.

[10]      Le contrôleur affecté aux autorisations est responsable de la transmission de l'information contenue dans les plans de vol aux avions qui partent d'Ottawa. L'ordinateur produit une bande de papier sur laquelle apparaissent l'identification de l'avion et sa route prévue au moment du départ. Le contrôleur affecté aux autorisations prend cette bande de papier et lit les informations qui y figurent au pilote de l'avion. Le pilote les lit à son tour au contrôleur et confirme qu'elles correspondent en tous points au plan de vol déposé. Le contrôleur lit ensuite une autorisation au pilote, qui la lui relit. Si l'information relue par le pilote est exacte, le contrôleur en accuse réception, inscrit un numéro sur la bande et dit au pilote de communiquer avec le contrôleur au sol. Le contrôleur affecté aux autorisations remet la bande au contrôleur au sol. Un pilote communique habituellement avec le poste de transmission des autorisations de 15 à 30 minutes avant l'heure prévue du départ. Au moment de la communication, l'avion est immobilisé dans une aire de stationnement située en face du terminal.

[11]      Le contrôleur de la circulation aérienne affecté au contrôle au sol a la responsabilité de donner des instructions aux avions, véhicules et personnes qui se déplacent sur une piste en service ou non ou sur une voie de circulation menant à une aire de stationnement ou à une piste. Le contrôleur au sol a en mains la bande que lui a remise le contrôleur responsable des autorisations et dispose d'un écran sur lequel il voit l'avion. Avant de déplacer l'avion, le pilote appelle le contrôleur au sol qui lui donne des instructions pour le déplacement. Lorsque l'avion commence à se déplacer, le contrôleur au sol remet la bande au contrôleur de la tour qui se trouve à côté de lui et indique sur son ordinateur que l'avion a reçu des instructions pour son déplacement et qu'il a commencé à se déplacer. Un avion qui quitte l'aéroport ne relève plus de la responsabilité du contrôleur au sol et il est pris en charge par le contrôleur de la tour.

[12]      Le contrôleur de la tour établit la communication avec le pilote et l'informe qu'il lui fournira des instructions supplémentaires en temps voulu. Le contrôleur de la tour est responsable de tout avion qui se trouve dans l'espace aérien contrôlé par la tour de contrôle d'Ottawa et des atterrissages à l'aéroport. Lorsqu'il autorise le décollage, le contrôleur de la tour donne pour instructions au pilote d'appeler l'Unité de contrôle terminal lorsque l'avion sera en vol. Il remet aussi la charge de l'avion à l'Unité de contrôle terminal en appelant à l'étage inférieur au moyen d'une ligne directe. L'avion qui quitte l'aéroport apparaît sur l'écran d'ordinateur de l'Unité de contrôle terminal. À partir de là, c'est le contrôleur de l'Unité de contrôle terminal qui contrôle l'avion, lui donne des instructions pour qu'il poursuive sa route et s'assure qu'il n'y a pas de conflit entre lui et un autre avion. L'Unité de contrôle terminal a la responsabilité de maintenir une [Traduction] « bulle de protection » de trois milles autour de l'avion pendant son vol.

[13]      Le superviseur surveille les activités de la Tour de contrôle d'Ottawa, prend en mains toutes les situations qui peuvent survenir et prend la relève des autres contrôleurs pendant les repas et les pauses. Normalement, trois contrôleurs et un superviseur sont en service, sauf pendant le quart de nuit, où un seul contrôleur travaille. Pendant un quart de travail normal, les trois contrôleurs de la circulation aérienne font la rotation, travaillant tour à tour à la transmission des autorisations, au contrôle au sol et à la tour de contrôle.

[14]      À l'occasion, des stagiaires travaillent à la Tour de contrôle d'Ottawa. Un stagiaire commence habituellement par exécuter les fonctions relativement [Traduction] « calmes » de la transmission des autorisations et s'acquitte graduellement des tâches de contrôle au sol et de la tour au fur et à mesure qu'il acquiert des habiletés. Le stagiaire travaille à un poste avec un contrôleur titulaire d'une licence qui surveille tous ses faits et gestes. Le stagiaire et le contrôleur ont chacun un casque d'écoute branché au même poste. Le stagiaire peut travailler un quart entier au même poste, y compris à la transmission des autorisations. Pendant les périodes où un stagiaire travaille à la Tour de contrôle d'Ottawa, on suspend la rotation habituelle des contrôleurs entre les trois postes.

[15]      À la Tour de contrôle d'Ottawa, le poste de la tour de contrôle est le plus exigeant et celui où le facteur temps revêt le plus d'importance, car les décisions doivent être prises au fur et à mesure que les avions se déplacent. Au poste de contrôle au sol, le contrôleur de la circulation aérienne peut imposer son rythme, car personne ne peut circuler sur les pistes et les voies de circulation sans son autorisation. Le contrôleur qui travaille à ce poste peut toutefois être très occupé. Les postes de contrôle au sol et de la tour demandent une attention et une concentration constantes. Le poste de transmission des autorisations consiste à transmettre des autorisations déjà établies en suivant une procédure stricte et uniforme. Comme le contrôleur n'est pas responsable du déplacement des avions et des véhicules, la transmission des autorisations n'exige pas le même degré de concentration que les autres postes. De plus, le poste de transmission des autorisations est celui où le facteur temps revêt le moins d'importance et son titulaire peut obtenir de l'aide d'un autre contrôleur si les contraintes de temps le permettent. Les contrôleurs de la circulation aérienne font la rotation à intervalles réguliers entre les trois postes pour varier les tâches et pour atténuer le stress engendré par le travail aux postes où le facteur temps joue un grand rôle. Les périodes les plus occupées à la Tour de contrôle d'Ottawa sont le début de l'avant-midi et la fin de l'après-midi jusqu'au début de la soirée. Les contrôleurs de la Tour de contrôle d'Ottawa ont plusieurs outils à leur disposition pour les aider à conserver l'orientation spatiale ou l'image mentale tridimensionnelle nécessaires des activités qui se déroulent : la communication radio bilatérale, l'affichage électronique des données de vol, une copie papier des fiches de progression de vol, la capacité de surveillance de la tour et le radar.

[16]      Les service de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa sont [Traduction] « intégrés » et il existe une coordination très étroite entre les trois postes de travail. Les contrôleurs de la circulation aérienne affectés aux trois postes sont assis côte à côte pour faciliter la communication et leur superviseur est assis à un bureau situé derrière eux. Il est important et utile pour un contrôleur de la circulation aérienne d'écouter les autres contrôleurs pour comprendre et surveiller ce qu'ils font. Bien que les contrôleurs ne puissent pas s'écouter mutuellement sans arrêt pendant qu'ils exécutent leurs tâches, ils saisissent des bribes d'information. Il est toujours avantageux de savoir ce que les autres disent. En ce sens, la capacité de comprendre une communication dans une autre langue serait [Traduction] « certainement utile » . Toutefois la principale responsabilité d'un contrôleur est de [Traduction] « s'acquitter des tâches reliées à son poste » . La sécurité est l'objectif prépondérant et doit passer avant toute autre considération.

[17]      Pour les contrôleurs de la circulation aérienne de la Tour de contrôle d'Ottawa, le temps supplémentaire était [Traduction] « chose courante » en raison de la pénurie de personnel, des vacances et des congés de maladie. Le temps supplémentaire avait une incidence sur leurs attentes quant à leur rémunération, car il était [Traduction] « garanti » que leur rémunération comprendrait du temps supplémentaire [Traduction] « la plupart du temps » .

[18]      Les contrôleurs de la circulation aérienne ont été classifiés au niveau A13, jusqu'à ce qu'ils soient reclassifiés au niveau A14 en 1991. Avant la mise sur pied de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne, aucun contrôleur de la circulation aérienne au niveau A12 n'avait déjà travaillé à la Tour de contrôle d'Ottawa.

[19]      En août 1985, le ministère a annoncé son intention de fournir des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa. À la suite de cette annonce, M. Schreiber a commencé à envisager la possibilité d'une mutation dans une autre région où le bilinguisme ne serait pas obligatoire pour [Traduction] « éviter d'avoir des problèmes avec le temps » .

[20]      En 1986, le ministère a commencé la planification et le travail préparatoire nécessaires pour mettre sur pied des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne en 1988 à la Tour de contrôle d'Ottawa. Dans tous les cas, c'est au pilote que reviendrait le choix de la langue utilisée dans les communications relatives à la circulation aérienne.

[21]      Au moment de choisir comment procéder pour élaborer son plan de mise en oeuvre, le ministère s'est retrouvé dans un dilemme, qui ne se posait pas dans la plupart des autres institutions fédérales, en raison du milieu dans lequel sont fournis les services de contrôle de la circulation aérienne. En d'autres termes, le ministère devait soupeser l'obligation de fournir des services bilingues en regard de la nécessité de préserver la sécurité et l'intégrité absolues de ses services de contrôle de la circulation aérienne. Pour garantir la sécurité, le ministère a décidé d'exiger le bilinguisme dans les langues officielles comme condition d'embauche des contrôleurs de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa et il a modifié le profil linguistique des postes existants. Le ministère a également décidé d'introduire graduellement les services bilingues en utilisant deux fréquences, l'une pour les services de contrôle de la circulation aérienne dispensés en français, l'autre pour l'anglais. Au cours de cette période d'introduction graduelle, 50 p. 100 des contrôleurs de la circulation aérienne devaient connaître les deux langues.

[22]      Le ministère a reconnu que l'emploi de deux fréquences distinctes, soit une fréquence pour chacune des deux langues officielles, ne constituait pas une solution idéale, car elle exigeait une coordination très étroite entre les deux contrôleurs de la circulation aérienne responsables du même avion et de la même piste. La complexité de cet arrangement créait un risque d'erreur accru. Bref, l'emploi de deux fréquences n'assurait pas le même niveau de sécurité qu'un milieu utilisant une fréquence unique. Toutefois, l'emploi de deux fréquences devait permettre au ministère d'offrir des services bilingues dans le délai le plus court possible et de s'acquitter ainsi des obligations que lui imposait la Loi sur les langues officielles. L'emploi de deux fréquences n'a jamais été envisagé comme une solution permanente, compte tenu du risque qu'il comportait. Par ailleurs, les pilotes et les contrôleurs de la circulation aérienne s'opposaient à l'emploi de deux fréquences à la Tour de contrôle d'Ottawa. Par conséquent, le plan de mise en oeuvre du ministère prévoyait l'emploi de fréquences distinctes pour chaque langue officielle pendant une période initiale d'introduction graduelle de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa, étant entendu que la pratique courante d'emploi d'une seule fréquence pour toutes les communications relatives à la circulation aérienne serait rétablie dès que le nombre de personne qualifiées serait suffisant pour combler les besoins en personnel.

[23]      Le 17 janvier 1986, les exigences linguistiques du poste de M. Schreiber ont été modifiées, ce poste étant désormais [Traduction] « bilingue » , et on lui a attribué un nouveau profil linguistique, savoir « BBB-BBB » . Le 20 janvier 1986, le rythme d'apprentissage du français de M. Schreiber a été évalué et a reçu la cote [Traduction] « moyen à lent » ; on a alors estimé qu'il devrait recevoir 1 160 heures de formation linguistique.

[24]      Dans son examen de rendement annuel de février 1986, M. Schreiber a manifesté le souhait de travailler en qualité de contrôleur de la circulation aérienne dans la région de North Bay.

[25]      En mai 1986, après avoir consulté la Commission de la fonction publique, le ministère a pris la décision d'exiger des contrôleurs de la circulation aérienne de la Tour de contrôle d'Ottawa le niveau de compétence C en communication orale en français et en anglais.

[26]      M. Schreiber a fait l'objet d'une évaluation visant à vérifier s'il pouvait satisfaire au nouveau profil linguistique de son poste. Dans une note de service datée du 7 juillet 1986, émanant de la Direction générale de la formation linguistique de la Commission de la fonction publique, M. Schreiber a été informé qu'il ne possédait pas [Traduction] « ... les aptitudes requises pour atteindre le niveau exigé de connaissance de sa langue seconde d'ici la fin de la période maximale de formation linguistique autorisée en suivant un cours continu à temps plein. » M. Schreiber a demandé un nouvel examen. Le 28 août 1986, il a été informé de nouveau qu'il ne possédait pas les aptitudes requises pour satisfaire aux exigences linguistiques de son poste.

[27]      Dans une lettre datée du 7 janvier 1987, les gestionnaires responsables des services de la circulation aérienne ont avisé M. Schreiber qu'il ne serait vraisemblablement pas muté avant le 1er janvier 1989, car le programme de formation en vue de la qualification des contrôleurs bilingues de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa avait duré beaucoup plus longtemps que prévu. En conséquence, il y avait pénurie de contrôleurs bilingues de la circulation aérienne et il fallait conserver un certain nombre de contrôleurs unilingues pour répondre aux besoins en personnel. La direction a précisé qu'elle tiendrait M. Schreiber au courant du moment où il pouvait s'attendre à être libéré pour être muté à un autre endroit. En résumé, sa demande de mutation a été refusée pour cause de [Traduction] « nécessité » , afin d'assurer la poursuite des activités normales à la Tour de contrôle d'Ottawa. Les membres du personnel avaient habituellement droit à une mutation en fonction de leur ancienneté. Toutefois, comme le ministère ne parvenait pas à réaliser ses objectifs de mise en oeuvre du bilinguisme dans la prestation de services de contrôle de la circulation aérienne, il ne pouvait plus libérer aussi facilement ses contrôleurs de la circulation aérienne pour leur permettre de se qualifier et de travailler à un autre endroit.

[28]      Dans une note de service datée du 22 mars 1987, M. Schreiber a informé le gestionnaire dont il relevait qu'il désirait être muté à London plutôt qu'à North Bay. Sa mutation à London n'a pas été autorisée à l'époque.

[29]      Peu après, M. Schreiber a décidé, pour des raisons personnelles et familiales, qu'il ne voulait plus quitter la région d'Ottawa. Par conséquent, il a envoyé une note de service le 14 novembre 1987 pour retirer sa demande de mutation à London. Il a toutefois demandé d'être muté de la Tour de contrôle d'Ottawa à l'Unité de contrôle terminal, où les postes n'exigeaient pas encore le bilinguisme. Dans une lettre datée du 18 février 1988, M. Schreiber a été informé qu'il ne pouvait pas être libéré pour recevoir la formation voulue pour occuper un poste à l'Unité de contrôle terminal en raison de [Traduction] « problèmes de dotation en personnel » à la Tour de contrôle d'Ottawa. Ces problèmes de « dotation en personnel » étaient reliés au nombre insuffisant de contrôleurs bilingues de la circulation aérienne.

[30]      Le ministère avait sous-estimé le temps qu'il lui faudrait pour se doter d'un nombre suffisant de contrôleurs bilingues de la circulation aérienne. En particulier, ses efforts de recrutement de personnel bilingue au Québec n'ont pas été très fructueux et il lui a fallu beaucoup de temps pour recruter et former de nouveaux employés, car une période additionnelle de 12 à 18 mois a dû être ajoutée à la période de formation initiale pour qu'ils se qualifient comme contrôleurs de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa. De plus, le ministère avait pris l'engagement et était tenu de permettre à son personnel existant de la Tour de contrôle d'Ottawa de recevoir une formation linguistique à temps plein. Le départ des employés qui sont allés suivre des cours de français a créé des pénuries de personnel. Pour atteindre ses objectifs de mise en oeuvre dans le délai prévu, le ministère a envoyé ses contrôleurs de la circulation aérienne suivre des cours de langue en se basant sur l'estimation du temps qu'il leur faudrait pour satisfaire aux exigences linguistiques de leur poste. Autrement dit, ceux qui avaient besoin de la période de formation la plus courte ont reçu leur formation en premier, tandis que ceux qui avaient besoin de la période de formation la plus longue ont dû attendre.

[31]      En mai 1989, l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien a adopté, lors de son congrès national, une résolution par laquelle elle s'opposait à la mise en oeuvre de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne à Ottawa [Traduction] « ... à moins qu'ils puissent être mis en oeuvre en toute sécurité avec un personnel complet de contrôleurs bilingues compétents entièrement qualifiés... » L'Association s'est également opposée à l'emploi de deux fréquences distinctes.

[32]      Dans une note de service datée du 22 juin 1989, M. Schreiber a demandé à passer de nouveaux tests aux fins de sa formation en français.

[33]      Selon une note de service datée du 21 décembre 1989, le rythme d'apprentissage de M. Schreiber a été évalué comme [Traduction] « moyen à lent » et la durée de sa formation estimée à 1 800 heures. Il a également été noté qu'il faudrait peut-être que M. Schreiber suive un [Traduction] « rythme d'apprentissage plus lent lors de sa formation » .

[34]      Le 20 juin 1990, le ministère a commencé à fournir des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne, sur des fréquences distinctes en anglais et en français, 16 heures par jour, sept jours par semaine. Ces services ont été fournis seulement 16 heures par jour à l'origine en raison du nombre insuffisant de contrôleurs bilingues de la circulation aérienne pour en affecter à tous les quarts de travail. Le quart de nuit, qui ne demandait qu'un minimum de contrôle de la circulation aérienne, n'était donc pas assuré par un employé bilingue.

[35]      Le ministère avait l'intention d'employer temporairement des fréquences distinctes pour l'anglais et le français afin de fournir des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne le plus tôt possible. Compte tenu de la pénurie de contrôleurs bilingues de la circulation aérienne titulaires d'une licence leur permettant de travailler à la Tour de contrôle d'Ottawa, le ministère a fait appel, temporairement, à des personnes bilingues qui ne détenaient pas une licence les autorisant à travailler à tous les postes, mais qualifiées pour travailler au poste de transmission des autorisations. En d'autres termes, le ministère a eu recours à des personnes qui avaient les [Traduction] « compétences professionnelles et linguistiques » nécessaires pour la prestation de services au poste de transmission des autorisations. Ces personnes étaient classifiées au niveau A12. Pendant la période au cours de laquelle deux fréquences ont été employées, M. Schreiber et les autres contrôleurs unilingues de la circulation aérienne ont travaillé uniquement aux postes de contrôle au sol et de la tour, sans effectuer de rotation avec le poste de transmission des autorisations.

[36]      Le 31 mars 1991, le ministère a étendu les services bilingues de contrôle de la circulation aérienne de façon à les offrir 24 heures par jour à la Tour de contrôle d'Ottawa.

[37]      Le 10 février 1992, M. Schreiber a rencontré M. N. Odynski, le directeur des services de la circulation aérienne à Ottawa, de nomination relativement récente. Au cours de leur entretien, ils ont parlé de la mise en oeuvre imminente de services bilingues complets de contrôle de la circulation aérienne sur une fréquence unique et de son incidence sur les anglophones unilingues comme M. Schreiber. M. Odynski a dit que M. Schreiber pouvait être muté à un autre endroit ou recevoir une formation en français. M. Schreiber a répondu qu'une troisième possibilité s'offrait à lui, soit celle de conserver son poste comme anglophone en raison de ses « droits de titulaire » . M. Odynski a dit à M. Schreiber que conserver son poste en qualité de contrôleur unilingue de la circulation aérienne ne faisait [Traduction] « pas partie des possibilités » qui lui étaient offertes. M. Schreiber a demandé à travailler à l'Unité de contrôle terminal, mais sa demande a été refusée compte tenu de la mise en oeuvre imminente du bilinguisme dans cette section. Le lendemain, M. Odynski a envoyé une note de service à M. Schreiber pour lui confirmer l'annulation des [Traduction] « listes de promotion par ancienneté » pour les postes de l'Unité de contrôle terminal en ce qui concernait les candidats ne satisfaisant pas aux [Traduction] « exigences linguistiques actuelles » . M. Schreiber était en tête de la liste de promotion par ancienneté depuis plusieurs années.

[38]      En mai 1992, M. Schreiber a commencé à suivre des cours de langue privés au Berlitz Language Centre of Canada, Ltd. (Berlitz), à Ottawa. Il était inscrit à un programme de quatre jours par semaine à 399 $ par jour, payé par le ministère. Pour conserver sa licence de contrôleur de la circulation aérienne, il est demeuré inscrit sur la liste opérationnelle, ce qui lui permettait de travailler quelques quarts, le vendredi et la fin de semaine, et de faire du temps supplémentaire. Autrement, s'il n'avait pas travaillé pendant une période de trente jours, un autre contrôleur aurait dû surveiller son rendement à son retour pour s'assurer que sa synchronisation et sa rapidité n'étaient pas compromises. En fréquentant une école de langue privée, il pouvait demeurer inscrit sur la liste opérationnelle et travailler à l'occasion, grâce à la flexibilité des cours privés. Le ministère a choisi d'envoyer M. Schreiber chez Berlitz dans l'espoir qu'il acquerrait les compétences linguistiques requises plus rapidement en suivant des cours privés.

[39]      Le 8 juin 1992, le directeur de Berlitz a écrit au ministère pour l'informer de certaines [Traduction] « lacunes » dans la formation linguistique de M. Schreiber. À la suite de l'évaluation effectuée la première semaine, on s'attendait que M. Schreiber, classé comme un [Traduction] « vrai débutant » , [Traduction] « suive un processus de formation moyen à satisfaisant » . Toutefois, le directeur a noté que M. Schreiber avait tendance à [Traduction] « prolonger ses pauses » et à [Traduction] « arriver souvent de 20 à 30 minutes en retard à ses cours. » De plus, il n'avait fait aucun de ses devoirs. Enfin, le directeur demandait au ministère de [Traduction] « régler ce problème, car nous ne voulons pas le prendre à rebrousse-poil. »

[40]      Par une note de service datée du 22 juin 1992, M. Odynski a avisé M. Schreiber que la mise en oeuvre imminente de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne sur une fréquence unique à la Tour de contrôle d'Ottawa aurait une incidence sur son statut et qu'il ne pourrait pas fournir des services de contrôle de la circulation aérienne à moins d'être sous la surveillance d'un contrôleur bilingue.

[41]      Le 26 juin 1992, le ministère a commencé à offrir des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne sur une fréquence unique à la Tour de contrôle d'Ottawa, car le nombre d'employés bilingues qualifiés était suffisant. En conséquence, il n'était plus nécessaire d'utiliser une fréquence distincte pour les communications en français et on a interrompu l'utilisation du système à deux fréquences.

[42]      L'instauration de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne a eu des conséquences sur les activités normales à la Tour de contrôle d'Ottawa, car les postes de transmission des autorisations ont été confiés à des personnes bilingues qualifiées pour exécuter seulement ces fonctions et non les tâches reliées aux postes de contrôle au sol ou de la tour. En d'autres termes, les contrôleurs de la circulation aérienne titulaires d'une licence complète les autorisant à travailler à la Tour de contrôle ne travaillaient qu'aux postes de contrôle au sol ou de la tour. En conséquence, la rotation normale entre les trois postes ne pouvait plus se faire, car les contrôleurs de la circulation aérienne qui travaillaient au poste de transmission des autorisations ne détenaient pas de licence pour exécuter les tâches des postes de contrôle au sol et de la tour à la Tour de contrôle d'Ottawa. Le ministère devait procéder ainsi pour mettre en oeuvre ses services bilingues de contrôle de la circulation aérienne, car il ne disposait pas d'un nombre suffisant de contrôleurs bilingues de la circulation aérienne titulaires d'une licence les autorisant à travailler à la Tour de contrôle d'Ottawa. Toutefois, la situation était [Traduction] « loin d'être idéale » , car les contrôleurs ne pouvaient pas faire la rotation entre tous les postes et certains devaient se résigner à travailler plus souvent pendant le quart de nuit.

[43]      À la suite de la mise en oeuvre de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa, M. Schreiber n'a plus été inscrit à l'horaire de travail pour assurer un quart en qualité de contrôleur de la circulation aérienne parce qu'il ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques de son poste. M. Schreiber a demandé à exécuter ses tâches sous la surveillance d'une personne bilingue, mais sa demande a été rejetée.

[44]      Lorsqu'il fréquentait l'école de langue Berlitz pendant l'été 1992, M. Schreiber n'était pas [Traduction] « dans un très bon état d'esprit » , car il [Traduction] « avait le sentiment de subir des pressions, il se sentait harcelé mentalement et il éprouvait du ressentiment. » En clair, il se était stressé, tendu et malheureux. Il éprouvait aussi du ressentiment du fait qu'on l'obligeait à suivre des cours de langue. Son état d'esprit négatif s'est reflété dans sa piètre performance lors de ses cours de langue privés. Qui plus est, M. Schreiber refusait d'étudier et de faire des devoirs pendant ses loisirs à moins que le ministère lui paie des heures supplémentaires.

[45]      M. Schreiber a persisté à demander au ministère de lui verser des heures supplémentaires pour son étude après les heures de classe chez Berlitz, malgré le refus du ministère.

[46]      Un moment donné, pendant l'été 1992, M. Schreiber a rencontré M. Odynski et Joel Morin, le responsable de la mise en oeuvre du programme de bilinguisme, concernant ses piètres résultats chez Berlitz. M. Schreiber a qualifié cette rencontre de [Traduction] « problématique » , au cours de laquelle il aurait senti de la pression exercée sur lui. M. Odynski a dit s'attendre que M. Schreiber atteigne un certain niveau de compétence en français dans un certain délai et l'a menacé de le [Traduction] « sortir de chez Berlitz » et de l'envoyer suivre le programme de formation linguistique de la Commission de la fonction publique. En résumé, le ministère estimait que c'était [Traduction] « gaspiller les deniers publics » que de laisser M. Schreiber suivre des cours chez Berlitz, compte tenu de son attitude et de ses résultats inacceptables.

[47]      Le 8 septembre 1992, M. Schreiber a abandonné ses cours de langue chez Berlitz et demandé l'autorisation de poursuivre sa formation linguistique en suivant les cours offerts par la Commission de la fonction publique. Le ministère a versé environ 15 000 $ pour les cours de langue que M. Schreiber a suivi sans succès chez Berlitz à l'été 1992. Lorsque M. Schreiber a abandonné le programme chez Berlitz, le ministère a essayé de l'inscrire sur une liste prioritaire de façon que sa formation débute dans un délai raisonnable. Toutefois, il s'attendait à ce qu'il faille attendre plusieurs mois. Entre-temps, M. Schreiber a conservé son statut opérationnel d'employé de la Tour de contrôle d'Ottawa, mais il n'était pas en mesure d'exécuter quelque tâche que ce soit en qualité de contrôleur de la circulation aérienne après la mise en oeuvre de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne. En conséquence, la directrice de la formation pour les services de la circulation aérienne lui a indiqué qu'elle [Traduction] « essaierait de lui assigner d'autres tâches » .

[48]      Le 10 septembre 1992, la directrice de la formation a demandé que des arrangements soient pris pour que M. Schreiber passe un « test diagnostique » d'apprentissage linguistique de la Commission de la fonction publique et qu'il participe à un cours de langue le plus tôt possible, car il n'était [Traduction] « en mesure d'exécuter aucune de ses tâches régulières et devait être remplacé par du personnel travaillant en temps supplémentaire. »

[49]      Le 25 septembre 1992, M. Schreiber a été évalué comme ayant les aptitudes nécessaires pour acquérir le niveau de compétence requis en français pendant la période de formation linguistique maximale autorisée. On a estimé la durée de sa formation à 1 860 heures.

[50]      Une lettre datée du 6 octobre 1992 a informé M. Schreiber qu'il était inscrit à un programme de formation linguistique qui devait commencer le 19 octobre 1992.

[51]      Dans une note de service datée du 13 octobre 1992, M. Schreiber a écrit à M. Odynski concernant son statut en qualité d'employé suivant des cours de langue. Dans sa note, M. Schreiber a réitéré qu'il était [Traduction] « disposé à continuer à suivre des cours de langue » mais qu'il avait le sentiment que M. Odynski exerçait des [Traduction] « pressions indues » sur lui quant aux progrès qu'il avait réalisés chez Berlitz. M. Schreiber a souligné qu'il avait été évalué comme ayant les aptitudes nécessaires pour apprendre le français, mais à un rythme plus lent que ses collègues. Cette note avait pour but de clarifier le statut de M. Schreiber pendant la durée de sa formation linguistique. En résumé, il ne voyait pas pourquoi il ne pouvait pas conserver son statut opérationnel pendant qu'il suivait des cours de langue dans le cadre du programme de la Commission de la fonction publique. Il ne voyait pas pourquoi son statut devrait changer simplement parce qu'il suivrait des cours à un endroit différent. Sur ce point, il a souligné que les employés de l'Unité de contrôle terminal étaient autorisés à conserver leur statut opérationnel pendant leur formation linguistique, ce qui signifiait qu'ils pouvaient exécuter des tâches à différents postes de travail. Il a demandé à M. Odynski de clarifier les raisons pour lesquelles les employés de la Tour de contrôle d'Ottawa n'avaient pas les mêmes droits que les contrôleurs travaillant à l'Unité de contrôle terminal. Il a ajouté qu'en vertu [Traduction] « des droits du titulaire et du bilinguisme » , l'employé ne devait pas être [Traduction] « pris à partie ni pénalisé » par la mise en oeuvre de services bilingues. Il a aussi insisté sur le fait qu'il accepterait de suivre tous les cours que la direction lui demanderait de suivre, mais qu'il tenait à conserver son statut opérationnel. Enfin, s'il pouvait conserver ce statut seulement pendant ses cours chez Berlitz, il désirait y retourner pour y recevoir sa formation linguistique.

[52]      M. Schreiber a demandé à conserver son statut opérationnel pendant sa formation linguistique pour pouvoir travailler quelques quarts au poste de transmission des autorisations, qui ne comportait que des communications avec des avions qui sont immobiles, au sol. S'il recevait une communication en français, il proposait de répondre au pilote par le mot « standby » et de demander à un superviseur ou à un contrôleur de la circulation aérienne travaillant au poste de contrôle au sol de répondre à sa place en donnant les instructions relatives à l'autorisation en français. Il estimait que cette solution était réalisable car le facteur temps ne jouait pas un grand rôle dans le poste de transmission des autorisations, puisque les avions qui demandent les autorisations sont immobiles. M. Schreiber croyait que cette proposition n'aurait pas d'incidence sur la sécurité des opérations. Toutefois, lors de son contre-interrogatoire, M. Schreiber a avoué candidement qu'il était [Traduction] « préférable » que tous les contrôleurs soient bilingues, plutôt que de faire travailler un contrôleur unilingue qui aurait besoin d'aide pour communiquer en français.

[53]      Dans une note de service datée du 13 octobre 1992, M. Odynski a confirmé à M. Schreiber son [Traduction] « statut non opérationnel » pour la durée de sa formation linguistique. De plus, dès qu'il aurait terminé avec succès sa formation linguistique, M. Schreiber recouvrerai son statut opérationnel à la Tour de contrôle d'Ottawa et recevrait une nouvelle formation pour satisfaire aux normes applicables. Enfin, M. Schreiber devrait faire tout ce qu'on lui demanderait de faire pour [Traduction] « suivre le reste de la classe » , y compris faire ses devoirs et fournir des efforts personnels à l'extérieur de la classe. Selon la clause 13.08 de la convention collective, le ministère a conclu qu'il pouvait lui attribuer le statut non opérationnel, étant donné qu'il s'absenterait pour suivre des cours de langue à temps plein.

[54]      Dans une note de service datée du 16 octobre 1992, M. Schreiber a confirmé sa conversation avec M. Odynski selon laquelle il recouvrerait son statut opérationnel à son retour des cours de langue, qu'il les ait réussis ou non. En outre, pendant qu'il suivrait ses cours de langue, M. Schreiber aurait le statut non opérationnel aux fins de son traitement et de ses heures de travail, mais il conserverait son statut opérationnel aux fins de son régime de retraite. En résumé, M. Schreiber n'a pas été autorisé à travailler en qualité de contrôleur de la circulation aérienne pendant sa formation linguistique. .

[55]      Pendant le mois et demi qui s'est écoulé entre son départ de Berlitz, le 8 septembre 1992, et le début de ses autres cours de langue, le 19 octobre 1992, M. Schreiber devait se présenter tous les jours à la Tour de contrôle d'Ottawa pour signer le registre d'entrée et de sortie, mais il n'était pas autorisé à rester dans les locaux où se faisait le contrôle de la circulation aérienne et aucune tâche ne lui était assignée.

[56]      Le 19 octobre 1992, M. Schreiber a commencé à suivre des cours de langue à plein temps administrés par la Commission de la fonction publique à Formation linguistique Canada.

[57]      Dans une note de service datée du 22 juillet 1993, M. Odynski a avisé M. Schreiber qu'il était nécessaire de réviser son programme de formation et de faire le point sur [Traduction] « les attentes actuelles » à son égard. Il a demandé à M. Schreiber de se présenter à une rencontre à laquelle lui-même et d'autres personnes participeraient. Il a souligné que cette rencontre [Traduction] « ne constituait pas un processus disciplinaire » , mais qu'il avait demandé au syndicat, l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien, d'y assister pour que M. Schreiber soit [Traduction] « représenté » , car elle pouvait avoir d'éventuelles [Traduction] « implications sur [sa] carrière » .

[58]      Le 28 juillet 1993, M. Schreiber et son représentant syndical ont assisté à une rencontre avec M. Odynski et d'autres personnes. M. Odynski a avisé M. Schreiber qu'un problème se posait du fait que le ministère avait mal calculé son nombre maximum d'heures de formation autorisé parce qu'il avait omis de prendre en compte les 300 heures de formation qu'il avait reçues chez Berlitz. Il devrait donc passer son examen deux mois plus tôt que les autres élèves de sa classe. Cette nouvelle a bouleversé M. Schreiber.

[59]      Dans une lettre datée du 27 septembre 1993, Formation linguistique Canada a recommandé au ministère que la période de formation de M. Schreiber soit prolongée de 210 heures pour lui permettre d'atteindre le niveau de compétence linguistique visé.

[60]      Le 7 octobre 1993, M. Schreiber a passé son test linguistique, environ deux mois avant les autres élèves de sa classe. Il a obtenu une note de CBB. En d'autres termes, il a atteint le niveau C de compétence en lecture et le niveau B en interaction écrite et orale. Il ne satisfaisait donc pas aux exigences de son poste.

[61]      Le 20 octobre 1993, M. Odynski a approuvé la prolongation de 210 heures de la formation linguistique de M. Schreiber conformément à la demande qui lui avait été faite. M. Schreiber a continué à suivre des cours de langue.

[62]      Le 10 décembre 1993, M. Schreiber a passé un deuxième test pour évaluer sa compétence en français. Il a obtenu à nouveau la cote B en interaction écrite. Il a raté la cote C d'un seul point dans son test d'écriture. En interaction orale, M. Schreiber n'a pas réussi, cette fois non plus, à obtenir une cote supérieure à B.

[63]      Le 16 décembre 1993, M. Schreiber a été informé de ses résultats. Il a immédiatement demandé des cours de langue supplémentaires. Il a aussi répété sa demande d'affectation à la Tour de contrôle d'Ottawa, au poste de transmission des autorisations, étant entendu qu'un autre contrôleur s'occuperait des communications en français. Dans une note de service datée du 17 décembre 1993, Dennis Malloy, qui avait remplacé M. Odynski, a rejeté la demande de cours de langue supplémentaires de M. Schreiber. M. Schreiber a reçu pour instructions de se présenter pour recevoir la formation requise pour le poste d'entrée des données de vol » à l'Unité de contrôle terminal, après quoi il y serait affecté. Bien que cela ne ressorte pas de cette note de service, M. Malloy a dit à M. Schreiber, à plusieurs reprises, qu'il ne serait pas autorisé à travailler au poste de transmission des autorisations à la Tour de contrôle d'Ottawa. M. Schreiber ne parvenait pas à comprendre pourquoi le ministère ne pouvait pas composer avec la situation en lui permettant de travailler au poste de transmission des autorisations, alors qu'il le permettait à des contrôleurs bilingues qui n'étaient pas titulaires d'une licence complète les autorisant à travailler à tous les postes de la Tour de contrôle d'Ottawa.

[64]      Le travail d'entrée des données de plan de vol, assigné à M. Schreiber, était requis en raison d'un problème de fonctionnement du système de radar découlant de l'incapacité des systèmes informatiques de Toronto et de Montréal à transmettre des données aux ordinateurs des installations radar. En conséquence, l'information produite par les ordinateurs de Toronto et de Montréal concernant l'identification et l'acheminement réel des avions devait être transcrite et entrée dans le système radar. Le travail d'entrée des données de vol était normalement effectué par des commis et d'autres employés qui n'étaient pas des contrôleurs de la circulation aérienne. M. Schreiber n'avait pas d'autres tâches que celles relatives à l'entrée des données de plan de vol.

[65]      Le 21 décembre 1993, M. Schreiber a reçu une copie de la note de service décrivant son horaire. Cette note de service indiquait que M. Schreiber ne devait pas être utilisé pour faire des heures supplémentaires à la Tour de contrôle d'Ottawa ni à l'Unité de contrôle terminal. On n'a donc pas demandé à M. Schreiber de faire des heures supplémentaires.

[66]      Le 20 janvier 1994, M. Schreiber a reçu une lettre de Formation linguistique Canada lui confirmant qu'il n'avait pas atteint le niveau de compétence voulu pendant la période de formation maximale. Le même jour, une note ministérielle interne précisait que M. Schreiber n'avait pas réussi à atteindre le niveau requis de compétence en français, qu'il n'avait plus droit à de la formation et qu'il travaillait [Traduction] « en vertu de ses droits de titulaire » .

[67]      Le 3 février 1994, M. Schreiber a dit ce qui suit dans une note de service adressée à la directrice intérimaire des services de contrôle de la circulation aérienne, Nicole Barclay :

         [Traduction] Lors de conversations précédentes, j'ai demandé des prolongations de ma formation linguistique. À ce jour, je n'ai reçu aucune réponse écrite de votre bureau concernant cette demande. Par le passé, l'unité a généreusement accordé des prolongations à des personnes qui le demandaient, mais, à ce que je comprends, vous n'êtes pas disposés à prolonger la formation dans mon cas. Je vous prie de m'aviser du moment auquel je peux m'attendre à recevoir une confirmation écrite à cet égard. Je vous remercie à l'avance de l'attention que vous porterez à ma demande, de votre collaboration et de votre réponse écrite.

[68]      Dans une note de service datée du 8 février 1994, Mme Barclay a informé M. Schreiber qu'il était [Traduction] « inadmissible à recevoir toute formation linguistique supplémentaire. » Elle lui a remis une copie d'une note de service datée du 24 janvier 1994, rédigée par Francine Hamel, la conseillère ministérielle en matière de langues officielles. Dans cette note de service, Mme Hamel disait que M. Schreiber avait reçu au total 2 057 heures de formation linguistique et que le nombre maximal d'heures autorisé par le Conseil du Trésor pour l'atteinte du niveau C était de 1 860 heures. Elle ajoutait que M. Schreiber avait bénéficié d'une prolongation exceptionnelle de la durée de sa formation linguistique. Compte tenu des circonstances, il avait reçu toute la formation à laquelle il avait droit.

[69]      Le 17 février 1994, M. Schreiber a écrit à Mme Barclay, directrice intérimaire, en lui soulignant qu'il était reconnaissant de son affectation temporaire à l'Unité de contrôle terminal. Il demandait toutefois à être réaffecté à son « poste d'attache » à la Tour de contrôle d'Ottawa en qualité de contrôleur opérationnel de la circulation aérienne. Dans la réponse qu'elle a adressée à M. Schreiber le même jour, Mme Barclay lui a dit qu'il n'avait pas été [Traduction] « démis » de son poste « d'attache » . Toutefois, comme il ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques de son poste, il serait affecté aux tâches d'entrée des données de plan de vol jusqu'à nouvel ordre.

[70]      Le 23 février 1994, M. Schreiber a demandé à recevoir une [Traduction] « formation de refamiliarisation » qui lui permettrait de réintégrer ses fonctions normales en qualité de contrôleur de la circulation aérienne.

[71]      Le 3 mars 1994, il a écrit à Dennis Malloy, le directeur intérimaire des services de la circulation aérienne pour lui demander une réponse à une lettre qu'il lui avait apparemment écrite auparavant. Il mentionnait que sa situation lui avait déjà causé, ainsi qu'à sa famille, des [Traduction] « difficultés excessives » . Il demandait une réponse écrite au plus tard le 4 mars 1994.

[72]      Le 5 mars 1994, M. Malloy a répondu aux lettres antérieures de M. Schreiber, qui n'ont pas été produites en preuve. Il lui a notamment dit, dans cette réponse :

         [Traduction] Vous avez épuisé votre droit à des cours de langue à temps plein [de la Commission de la fonction publique], mais si vous êtes intéressé à poursuivre votre formation linguistique pendant vos temps libres pour atteindre le niveau « C » , il se peut que vous puissiez être remboursé de vos frais de scolarité et de vos livres. Il vous faudrait alors présenter votre demande de remboursement avant le début de vos cours. L'Unité ferait les arrangements nécessaires pour que vous passiez un test [de la Commission de la fonction publique] à la fin de vos cours. Je vous encourage à envisager cette option.

[73]      M. Schreiber n'a pas envisagé sérieusement l'offre de suivre une formation linguistique pendant ses temps libres. Selon sa perception, l'environnement lui était [Traduction] « hostile » et il ne comprenait pas pourquoi des contrôleurs bilingues qui n'étaient qualifiés que pour travailler à la transmission des autorisations avaient été autorisés à travailler à la Tour de contrôle d'Ottawa pendant quatre ans à la suite de la mise en oeuvre de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne, alors que lui ne pouvait l'être.

[74]      Dans une lettre datée du 9 mars 1994, M. Schreiber a écrit à M. Malloy pour lui dire qu'aucune réponse précédente du ministère n'avait répondu à la question qu'il avait posée, soit celle de savoir s'il pouvait entreprendre une [Traduction] « formation de refamiliarisation » à son poste en qualité de contrôleur de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa. Il demandait qu'il lui soit répondu [Traduction] « oui ou non » par écrit avant 10 h le lendemain.

[75]      Dans une note de service datée du 10 mars 1994, M. Malloy a avisé M. Schreiber que sa demande d'entreprendre une [Traduction] « formation de refamiliarisation » était rejetée parce qu'il ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques du poste nécessaires pour qu'il soit en mesure de fournir des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne. Toutefois, M. Malloy a noté qu'en qualité de titulaire d'un poste à la Tour de contrôle d'Ottawa, il bénéficiait de [Traduction] « certaines protections prévues par le Décret d'exclusion de la Loi sur les langues officielles » . Par conséquent, M. Schreiber n'avait pas été démis de son poste d'attache et [Traduction] « ... ne subirait aucune perte de salaire ou d'avantages du fait qu'il n'avait pas acquis la compétence requise dans sa langue seconde » . Il a confirmé que M. Schreiber était affecté au poste d'entrée des données de plan de vol à l'Unité de contrôle terminal jusqu'à nouvel ordre.

[76]      En mars 1994, le problème empêchant les ordinateurs de partager leur information a été corrigé et il n'était plus nécessaire d'entrer manuellement les données de plan de vol dans le système radar informatisé à l'Unité de contrôle terminal. À partir de ce moment, ce sont fondamentalement des tâches administratives qui ont été assignées à M. Schreiber. Par exemple, il devait compter les différentes bandes produites par les ordinateurs pour déterminer le nombre d'avions qui étaient passés dans le secteur. Il faisait visiter l'ensemble, repérait les chaises brisées à réparer, faisait des courses et des photocopies. Toutefois, ces tâches n'occupaient que trois ou quatre pour cent de son temps. Le reste du temps, il essayait de suivre les instructions de son gestionnaire qui lui ordonnait de [Traduction] « trouver un endroit où il n'encombrerait personne » . En résumé, il n'avait en fait rien à faire.

[77]      M. Schreiber se sentait comme un [Traduction] « lépreux » , la direction ne sachant que faire de lui. En fait, d'autres employés faisaient des remarques selon lesquelles il ne travaillerait plus jamais à la Tour de contrôle parce qu'il était anglophone. Il existait des [Traduction] « tensions linguistiques » entre M. Schreiber et certains autres contrôleurs.

[78]      Pendant tout ce temps, M. Schreiber n'a pas cessé d'affirmer catégoriquement que [Traduction] « la loi est claire » et lui permettait de retourner travailler à la Tour de contrôle d'Ottawa. M. Schreiber ressentait une tension énorme. En plus de demander à retourner à son poste d'attache en qualité de contrôleur de la circulation aérienne, M. Schreiber avait présenté une [Traduction] « demande permanente » de formation relativement à l'un des postes unilingues de l'Unité de contrôle terminal, car tous les postes d'exploitation de ce secteur n'étaient pas encore bilingues.

[79]      Le 14 mars 1994, M. Schreiber a présenté un grief en vertu de la convention collective du contrôle de la circulation aérienne liant le Conseil du Trésor et l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien (la convention collective). Dans son grief, M. Schreiber disait :

         Je formule un grief contre la décision prise par la direction en réponse à ma lettre datée du 9 mars 1994, de refuser de m'autoriser à retourner à la tour pour entreprendre une formation de refamiliarisation qui me permettrait de réintégrer mes fonctions normales en qualité de contrôleur opérationnel de la tour. Cette décision va à l'encontre de mes droits de titulaire reconnus par la Loi sur les langues officielles.

[80]      Comme mesure correctrice, M. Schreiber demandait à retourner à la Tour de contrôle d'Ottawa pour entreprendre une [Traduction] « formation de refamiliarisation » qui lui permettrait de réintégrer ses fonctions en qualité de contrôleur de la circulation aérienne.

[81]      Le 6 avril 1994, le directeur des services de la circulation aérienne a rendu une décision défavorable au premier palier de règlement des griefs parce que la Tour de contrôle d'Ottawa fournissait des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne et que M. Schreiber n'avait pas réussi à atteindre le niveau de bilinguisme requis pour exécuter ces tâches. De plus, on lui avait assigné d'autres tâches sans perte de salaire ni d'avantages.

[82]      Le 4 mai 1994, le directeur régional des services de la circulation aérienne a rendu une décision défavorable au deuxième palier de règlement des griefs pour les motifs suivants :

         [Traduction] Voici la réponse à votre grief au deuxième palier de règlement des griefs. Comme il l'a été souligné au premier palier, tous les postes de la Tour de contrôle d'Ottawa fournissent des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne à temps plein. Un niveau « C » est requis pour exécuter les tâches de contrôle et vous n'avez pas atteint ce niveau. La direction vous a assigné d'autres tâches qui n'exigent que la connaissance de l'anglais, sans perte de salaire ni d'avantages.
         En ce qui concerne votre demande d'entreprendre une formation de refamiliarisation, je n'ai d'autre choix que de la rejeter pour des raisons liées à la sécurité du service que nous devons fournir et, de plus, parce que vous ne satisfaites pas aux exigences linguistiques requises pour fournir un service bilingue qui garantisse la sécurité du public des voyageurs.

[83]      M. Schreiber n'a jamais soumis son grief à l'arbitrage.

[84]      Dans une note de service datée du 25 juillet 1994, G. Chenier, le directeur de l'exploitation de l'unité a avisé M. Schreiber des dispositions prises relativement à l'identité de son [Traduction] « supérieur hiérarchique et à [son] horaire » . Il a précisé, notamment, que M. Schreiber relèverait directement du directeur de l'exploitation de l'unité qui lui [Traduction] « assignerait des tâches et des fonctions, s'il y en avait à attribuer » . Il n'y a pas eu de tâches à attribuer à M. Schreiber, hormis celles décrites au paragraphe 76 ci-dessus. Le jour même, M. Schreiber a introduit la présente instance.

[85]      Dans une note de service datée du 28 juillet 1994, M. Schreiber a informé M. Malloy qu'il réclamerait [Traduction] « l'égalisation du temps supplémentaire » si son grief était accueilli. Selon la convention collective, le temps supplémentaire était divisé le plus également possible entre les contrôleurs de la circulation aérienne. En d'autres termes, M. Schreiber a manifesté l'intention de réclamer, dans le cadre de son grief, la perte de la possibilité de faire des heures supplémentaires que lui a causée le refus du ministère de le réintégrer dans son poste en qualité de contrôleur de la circulation aérienne. M. Schreiber a formulé exactement la même demande dans l'action introduite quelques jours plus tôt. Toutefois, aux fins de l'action, il a choisi d'appuyer sa demande de temps supplémentaire sur ses « droits de titulaire » .

[86]      Après que M. Schreiber a intenté son action, le ministère a exploré [Traduction] « toutes les avenues possibles » qui seraient adaptées à la situation de M. Schreiber et qui répondraient en tous points à ses exigences en matière de sécurité, [Traduction] « tout en reconnaissant les obligations directes que lui impose la Loi sur les langues officielles et son obligation envers les employés relativement aux droits des titulaires. »

[87]      L'une des solutions proposées par M. Schreiber, soit l'autorisation d'exécuter ses tâches sous la surveillance d'un contrôleur bilingue de la circulation aérienne, n'était pas acceptable de l'avis du ministère, car elle compromettrait la sécurité. En particulier, les contrôleurs de la circulation aérienne devaient conserver une image mentale de la situation et du plan d'action proposé. Le fait de demander à quelqu'un d'intervenir au pied levé pour exécuter des décisions et contrôler les actions n'était pas réalisable, pratique ni conforme à la sécurité des opérations. Il en allait autrement de la surveillance d'un stagiaire, car le stagiaire et le surveillant étaient tous les deux pleinement au courant de tout ce qui ce passait et de ce qui avait été planifié.

[88]      Quant à la suggestion qu'il serait possible de composer avec la situation de M. Schreiber en lui fournissant un interprète, qui ne serait pas contrôleur de la circulation aérienne, mais qui lui traduirait les communications en français, le ministère a conclu que cette solution n'était pas non plus acceptable dans un milieu dynamique et tactique où il faut parfois prendre des décisions dans une fraction de seconde lorsque survient une situation imprévisible. De plus, étant donné les nuances de la langue et les particularités du vocabulaire du contrôle de la circulation aérienne, il serait impossible de se fier à un tiers sans risque d'erreur. Bref, de l'avis du ministère, il n'était pas possible ne serait-ce que d'envisager d'avoir recours à un interprète.

[89]      Enfin, le ministère a aussi examiné comme solution la proposition de M. Schreiber de travailler au poste de transmission des autorisations avec l'aide d'un autre contrôleur pour les communications en français. De l'avis du ministère, cette façon de procéder n'était pas souhaitable. Cependant, le ministère a décidé de la proposer, à titre temporaire, dans le but de [Traduction] « trouver un moyen de sortir de l'impasse » . Cette solution devait être temporaire, le ministère reconnaissant que les actes accomplis dans la transmission des autorisations n'avaient pas « la même incidence sur la sécurité que sur l'efficacité et la rentabilité » des activités. Toutefois, le ministère estimait que cet arrangement ne pouvait être maintenu à long terme parce qu'il pourrait avoir des incidences sur la sécurité compte tenu du caractère intégré des activités. En fait, le ministère percevait le fait que [Traduction] « chacun doit comprendre ce qui se passe dans le milieu de travail » comme un [Traduction] « élément clé » de [Traduction] « l'étroite coordination et de la connaissance générale » par chaque contrôleur du niveau d'activité et de ce qui se passe dans le secteur. Cette solution perturberait aussi le travail des autres contrôleurs qui devraient aider M. Schreiber pour les communications en français. En outre, la présence d'un contrôleur unilingue de la circulation aérienne obligerait toutes les personnes de l'unité à fonctionner dans la langue qu'il comprend. En d'autres termes, il n'y aurait pas de cohésion dans l'effort de groupe requis dans le milieu complexe du contrôle de la circulation aérienne. L'impossibilité des contrôleurs d'effectuer une rotation entre les trois postes et l'incapacité de M. Schreiber de travailler la nuit auraient aussi posé des problèmes à long terme. Du point de vue du ministère, cette solution n'était [Traduction] « pas très attrayante » , surtout que suffisamment de contrôleurs bilingues qualifiés étaient sur le point de terminer leur formation. Toutefois, il a décidé de la proposer comme mesure temporaire.

[90]      Dans une lettre datée du 18 août 1994, M. Malloy a proposé les solutions suivantes à M. Schreiber dans l'espoir de [Traduction] « trouver une solution mutuellement satisfaisante à [sa] situation » :

         [Traduction] La première solution consisterait à vous muter à une unité de contrôle d'aérodrome située ailleurs au Canada pour laquelle vous pourriez vous qualifier. Le lieu de votre mutation serait déterminé en fonction de vos préférences à cet égard. Cette solution donnerait lieu à l'application des avantages et dispositions applicables à ce genre de réinstallation conformément à vos droits de titulaire.
         La deuxième solution consisterait à vous faire reprendre votre formation linguistique à temps plein dans le programme de formation du ministère qui convient, aux frais du ministère. La durée de votre formation serait déterminée au moyen d'une évaluation linguistique effectuée par l'organisme gouvernemental pertinent. Cela vous permettrait d'essayer à nouveau de satisfaire au profil linguistique requis, malgré que vous ayez déjà épuisé le nombre fixe d'heures de formation qui devaient vous être accordées. Cette solution est une variante de ma proposition antérieure selon laquelle, pour vous aider à retourner à la Tour, le ministère assumerait vos frais de scolarité et le coût de vos livres si vous suiviez des cours de langue supplémentaires pendant vos temps libres.
         La troisième solution constituerait une solution transitoire temporaire qui ne porterait pas atteinte à vos droits de titulaire. Elle vous permettrait de travailler au poste de transmission des autorisations à la Tour de contrôle d'Ottawa sous réserve des considérations suivantes :
         1.      Vous ne vous requalifierez que pour le poste de transmission des autorisations.
         2.      Vous communiquerez en anglais avec les pilotes qui demandent à communiquer dans cette langue.
         3.      Vous recevrez les transmissions en français, y répondrez par le mot « stand-by » et demanderez à un contrôleur travaillant à un autre poste ou au superviseur du quart de s'occuper de ces transmissions. Ce poste précis a été choisi parce que c'est le seul auquel vous puissiez travailler à la Tour sans porter atteinte à la prestation sûre et efficace des services de contrôle de la circulation aérienne.
         4.      Cet arrangement éventuel modifiera la situation actuelle en ce qui concerne la coordination entre les contrôleurs et la répartition des responsabilités des postes à la Tour; il pourrait réduire l'accès des autres contrôleurs à ce poste pendant votre quart. Je crois que vous seriez bien avisé de consulter votre association à ce sujet pour vous assurer qu'il ne porte pas atteinte aux droits des tiers. Il sera donc absolument nécessaire de surveiller cet arrangement de près de façon qu'il n'ait pas d'effets négatifs sur les activités sur le plan de la sécurité, des opérations et des ressources humaines.


[91]      Pour des raisons personnelle, M. Schreiber ne pouvait accepter la première solution, soit la mutation. Lui et son épouse avaient un jeune enfant et ils étaient bien établis dans la communauté. De plus, son épouse, qui était originaire d'Ottawa, affirmait clairement qu'il n'était pas question qu'elle quitte la région. Enfin, M. Schreiber avait démarré une petite entreprise et s'était engagé financièrement à Ottawa.

[92]      La troisième solution ne lui semblait pas plus acceptable. Certes, elle était fondée sur la proposition qu'il avait faite quelque temps auparavant de travailler à la transmission des autorisations avec l'aide d'un autre contrôleur pour les communications en français, mais cette solution était décrite dans la lettre comme une [Traduction] « solution transitoire temporaire » . M. Schreiber ne voulait pas d'une solution temporaire et le ministère n'avait pas l'intention de renoncer à cette condition. En outre, M. Schreiber interprétait le paragraphe 4 de la troisième solution comme l'obligeant à [Traduction] « régler » le problème des préoccupations des autres contrôleurs de la circulation aérienne. M. Schreiber croyait que la majorité des contrôleurs de la circulation aérienne ne voyaient pas sa situation d'un oeil compatissant et des dissensions avaient surgi à l'intérieur même de son syndicat, l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien, relativement à la ligne de conduite qu'il avait adoptée. M. Schreiber avait l'impression d'être un [Traduction] « indésirable » à la Tour de Contrôle. Il ne pouvait donc accepter la troisième solution, compte tenu des conditions auxquelles elle était assujettie. Tout compte fait, M. Schreiber ne faisait pas confiance au ministère et estimait qu'il [Traduction] « valait mieux à long terme » qu'il poursuive sa formation linguistique afin de satisfaire aux exigences linguistiques de son poste. Il a donc décidé d'accepter la deuxième solution, soit de retourner suivre des cours de langue à temps plein aux frais du ministère.

[93]      Compte tenu des problèmes soulevés par la première et la troisième solutions, M. Schreiber a choisi la deuxième solution et accepté de retourner suivre des cours de langue à temps plein.

[94]      À l'automne 1994, M. Schreiber a poursuivi sa formation linguistique en suivant des cours privés à l'Unité de contrôle terminal. Il n'était pas autorisé à effectuer des heures supplémentaires pendant ses cours de langue.

[95]      En février 1996, M. Schreiber a réussi a satisfaire aux exigences linguistiques de son poste en qualité de contrôleur de la circulation aérienne. Il a eu besoin de quatre à cinq semaines de recyclage pour se qualifier à nouveau comme contrôleur de la circulation aérienne titulaire d'une licence à la Tour de contrôle d'Ottawa.

[96]      Le 22 avril 1996, M. Schreiber a réintégré ses fonctions en qualité de contrôleur à la Tour de contrôle d'Ottawa. À partir de cette date, il a recommencé à faire régulièrement des heures supplémentaires. De la date à laquelle les services bilingues de contrôle de la circulation aérienne ont été mis en oeuvre à la Tour de contrôle d'Ottawa, soit le 26 juin 1992, jusqu'à la date à laquelle il a réintégré ses fonctions, le 22 avril 1996, M. Schreiber n'a pas effectué d'heures supplémentaires. Il a toutefois toujours reçu sa rémunération et ses avantage réguliers.

[97]      Entre la date de la mise en oeuvre de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa, soit le 26 juin 1992, et le moment où il a accepté de retourner suivre des cours de langue à temps plein, au mois d'août 1994, M. Schreiber a toujours maintenu sa demande de recommencer à travailler à son poste opérationnel de contrôleur de la circulation aérienne en soutenant que ses « droits de titulaire » le lui permettaient. Subsidiairement, il a demandé à travailler uniquement au poste de transmission des autorisations, avec l'aide d'un autre contrôleur pour les communications en français.

[98]      Du mois de mai 1992 au mois de février 1996, M. Schreiber a suivi des cours de langue à temps plein, sauf pendant la période d'environ un mois et demi, vers le mois de septembre 1992, qui s'est écoulée entre les cours qui lui ont été donnés par Berlitz et par Formation linguistique Canada, et pendant une période d'environ neuf mois s'échelonnant entre le 16 décembre 1993, lorsqu' il n'a pas réussi à obtenir les résultats voulus, et l'automne 1994, lorsqu'il a repris ses cours de langue pour la dernière fois.

[99]      M. Schreiber travaille actuellement comme superviseur des contrôleurs de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa.

LA QUESTION EN LITIGE

[100]      La principale question que la Cour est appelée à trancher en l'espèce est celle de savoir si M. Schreiber a droit à une déclaration portant qu'il a été porté atteinte à ses droits.

ANALYSE

[101]      Pour déterminer si M. Schreiber a droit à une déclaration portant qu'il a été porté atteinte aux droits que lui confère le Décret d'exclusion sur les langues officielles dans la Fonction publique, DORS/81-787 (le Décret d'exclusion), il faut se reporter au régime constitutionnel et législatif régissant l'interaction entre les droits linguistiques et les droits en matière d'emploi.

[102]      L'article 20 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, S.R.C. 1970, ch. P-32, exigeait des fonctionnaires qu'ils possèdent, en ce qui concerne la connaissance et l'usage soit du français, soit de l'anglais, soit des deux langues, les qualifications que « la Commission estime nécessaires » . Cette disposition, entrée en vigueur le 13 mars 1967, prévoit1 :

            

20. Employees appointed to serve in any department or other portion of the Public Service, or part thereof, shall be qualified in the knowledge and use of the English or French language or both, to the extent that the Commission deems necessary in order that the functions of the department, portion or part can be performed adequately and effective service can be provided to the public.

20. Les fonctionnaires affectés à un ministère ou à un autre secteur de la fonction publique, ou à une partie seulement de l'un de ceux-ci, doivent posséder, en ce qui concerne la connaissance et l'usage soit du français, soit de l'anglais, soit des deux langues, les qualifications que la Commission estime nécessaires pour que leur organisme d'affectation puisse remplir son office et fournir au public un service efficace.

[103]      Lorsqu'il a édicté la version originale de la Loi sur les langues officielles, S.R.C. 1970, ch. O-2, le gouvernement a élargi la portée du droit, garanti constitutionnellement par l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, à l'usage du français ou de l'anglais au Parlement et devant les tribunaux en s'engageant à assurer l'égalité de statut du français et de l'anglais quant à leur usage dans toutes les institutions fédérales. La Loi sur les langues officielles a été sanctionnée le 9 juillet 1969 et elle est entrée en vigueur 60 jours plus tard.

[104]      Pour établir un équilibre entre, d'une part, les droits linguistiques conférés par la Loi sur les langues officielles et les obligations imposées par l'article 20 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et, d'autre part, les réalités parfois discordantes de l'emploi dans la fonction publique, le gouvernement a pris certaines mesures pour aider le titulaire unilingue d'un poste de durée indéterminée dont les exigences linguistiques ont été modifiées pour rendre le bilinguisme obligatoire. Le 6 juin 1973, la Chambre des communes et le Sénat du Canada ont adopté conjointement une résolution (la résolution conjointe) (Débats de la Chambre des communes, 6 juin 1973, no 97). Voici les dispositions pertinentes de cette résolution conjointe :


         Que la Chambre,
         (i) sachant que, comme le stipule la loi sur les langues officielles, les langues française et anglaise ont un statut, des droits et des privilèges égaux quant à leur emploi dans toutes les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada;
         sachant qu'il incombe aux ministères et organismes du gouvernement du Canada de veiller à ce que, conformément à ladite loi, le public puisse communiquer avec eux et obtenir leurs services dans les deux langues officielles; tout en
         reconnaissant que les fonctionnaires devraient pouvoir, en règle générale, et sujet aux dispositions de la loi sur les langues officielles relatives aux services à donner au public, accomplir leurs fonctions au sein du gouvernement du Canada dans la langue officielle de leur choix;
         reconnaisse et approuve par les présentes les principes suivants en vue d'atteindre les objectifs susmentionnés :

     ...

         (6) tout titulaire unilingue d'un poste bilingue peut choisir d'entreprendre une formation linguistique et de devenir bilingue, ou d'être muté à un autre poste dont le salaire maximal est le même que celui du poste dont il était titulaire; ou encore, s'il devait refuser une telle mutation, de conserver son poste même si celui-ci a été désigné comme bilingue;

[105]      L'intention du Parlement, exprimée dans la résolution conjointe, a été intégrée dans les termes suivants à la politique énoncée dans la circulaire 1973-88 du Conseil du Trésor, datée du 29 juin 1973 :

         20. Les titulaires unilingues des postes identifiés comme bilingues se verront offrir un stage de formation linguistique pouvant aller jusqu'à douze mois, afin de leur permettre de devenir bilingues. S'ils choisissent de ne pas devenir bilingues, ou s'ils ne réussissent pas à le devenir, on leur offrira une mutation à un poste unilingue dont le salaire maximum se situe au moins à une augmentation statutaire près du poste qu'ils occupaient précédemment. S'ils refusent cette mutation, ils conservent le droit de demeurer dans leur poste, même si celui-ci a été désigné comme bilingue. Lorsque, dans les circonstances précitées, un employé unilingue occupe un poste désigné comme bilingue, le ministère en cause devra prendre les dispositions administratives qui s'imposent afin de répondre aux exigences linguistiques du poste. Le Conseil du Trésor fournira les sommes et les années-homme nécessaires à la mise en oeuvre de ces dispositions.

[106]      Le 27 octobre 1977, le Décret d'exclusion, DORS/77-886 a été pris sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Le Décret d'exclusion permettait de soustraire certains fonctionnaires aux exigences linguistiques de leur poste. Ce décret a été remplacé plus tard par le décret DORS/81-787, mais les modification apportées en 1981 ne sont pas pertinentes à la question soulevée en l'espèce. Les dispositions pertinentes du Décret d'exclusion, dans sa version actuelle, sont reproduites ci-dessous2 :


Whereas the Public Service Commission has decided that it is not practicable nor in the best interest of the Public Service to apply the provisions of the Public Service Employment Act respecting language requirements to certain persons and positions prescribed in the Order annexed hereto;

And Whereas the Public Service Commission is of the opinion that it is desirable to make the annexed Regulations respecting the appointment of persons qualified in the knowledge and use of only one of the official languages to positions requiring the knowledge and use of both official languages.

Therefore, His Excellency the Governor General in Counsel, on the recommendation of the Public Service Commission, is pleased hereby, effective October 1, 1981,

(a) pursuant to section 39 of the Public Service Employment Act, to approve the annexed Order approving the exclusion of certain persons from language requirements for positions under the Public Service Employment Act; ...

6. Subject to section 7, the following persons are hereby excluded from the operation of section 20 of the Act, in so far as the knowledge and use of both official languages is required for a bilingual position, for the period during which he occupies that bilingual position, namely,

(a) any person who occupies a position, to which he was appointed for an indeterminate period, that he occupied at the time it was identified by the deputy head as requiring the knowledge and use of both official languages; ...

Vu que la Commission de la Fonction publique a décidé qu'il n'est ni praticable ni dans les meilleurs intérêts de la Fonction publique d'appliquer les dispositions de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique relatives aux exigences linguistiques dans le cas de certains candidats et de certains postes décrits dans le décret ci-après;

Et vu que la Commission de la Fonction publique estime qu'il est souhaitable d'établir le Règlement concernant la nomination de personnes ayant la connaissance et l'usage d'une seule langue officielle, à des postes exigeant la connaissance et l'usage des deux langues officielles, ci-après.

À ces causes, sur avis conforme de la Commission de la Fonction publique, il plaît à son Excellence le Gouverneur général en conseil,

a) d'approuver, en vertu de l'article 39 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, le Décret soustrayant certaines personnes des exigences linguistiques de postes sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, ci-après, ...

6. Sous réserve de l'article 7, les personnes suivantes sont exclues de l'application de l'article 20 de la Loi, en ce qui concerne la connaissance et l'usage des deux langues officielles requis pour un poste bilingue, pour la période où elles occupent ce poste:

a) toute personne qui occupe un poste auquel elle a été nommée pour une période indéterminée et qu'elle occupait au moment où il a été identifié par le sous-chef comme nécessitant la connaissance et l'usage des deux langues officielles, ...

[107]      L'application du cadre législatif et stratégique régissant les droits linguistiques et les droits en matière d'emploi applicable à l'époque a été examinée dans l'affaire Kelso c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 199. Ce pourvoi concernait un contrôleur unilingue anglais de la circulation aérienne travaillant au Québec, dont le poste a été identifié comme bilingue à la suite du début du programme établi en 1975 afin de mettre graduellement en oeuvre des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne dans la province de Québec. M. Kelso avait refusé de suivre les cours de français qui lui étaient offerts et demandé une mutation. Par la suite, il a changé d'idée et avisé le ministère qu'il retirait sa demande de mutation et se prévalait de son droit de demeurer en poste à Montréal. Son superviseur lui a dit qu'il n'avait que deux choix, c'est-à-dire être muté ou être libéré de son poste pour incapacité. M. Kelso a accepté d'être muté sous toute réserve et il a introduit une action en vue d'obtenir une déclaration portant qu'il avait le droit de demeurer en poste à Montréal.

[108]      Le juge Dickson (devenu plus tard juge en chef) a décidé que le Décret d'exclusion conférait à M. Kelso droit de conserver son poste même s'il ne satisfaisait pas à ses exigences linguistiques. Dans les motifs qu'il a rédigés au nom de la Cour, il a tenu les propos suivants, aux pages 207 et 208 :

         Je conviens que M. Kelso n'a aucun droit acquis au poste TACQ-0274 ni n'a de statut permanent à long terme. Il n'existe pas de droits acquis à un poste donné de la Fonction publique; le statut permanent existe au sein de la Fonction publique, plutôt qu'à l'égard d'un poste donné. Personne ne conteste le droit général du gouvernement de répartir les ressources et les effectifs comme il le juge approprié. Mais ce droit n'est pas illimité. Son exercice doit respecter la loi. Le droit du gouvernement de répartir les ressources ne peut l'emporter sur une loi telle que la Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, chap. 33, ou sur un règlement tel que le Décret d'exclusion. À mon avis, de par le sens et la portée de ce Décret, un employé a le droit de demeurer dans un poste même s'il ne répond pas aux exigences linguistiques pertinentes.
         Même si la Résolution conjointe de la Chambre des communes et du Sénat, adoptée en juin 1973, peut ne lier personne en droit, en ce sens qu'elle ne créerait pas de droits ni d'obligations exécutoires juridiquement, elle indique néanmoins l'intention du législateur. La résolution prévoit explicitement que tout titulaire unilingue d'un poste bilingue a le droit de « conserver son poste même si celui-ci a été désigné comme bilingue » . La circulaire no 1973-88 du Conseil du Trésor va dans le même sens.
         En bref, je conclus que le Décret d'exclusion interdit au gouvernement d' « enlever » un poste à son titulaire sur le seul fondement de la langue. Ceci comprend une mutation involontaire de même qu'un renvoi pour incapacité en vertu de l'art. 31 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.


[109]      Après avoir conclu que le ministère avait enfreint les droits conférés à M. Kelso par le Décret d'exclusion, la Cour suprême du Canada a déclaré que M. Kelso avait le droit de conserver ou de réintégrer son poste en qualité de contrôleur de la circulation aérienne à Montréal, même s'il ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques fixées.

[110]      Depuis le prononcé de l'arrêt Kelso c. La Reine, précité, des changements constitutionnels et législatifs sont survenus. En 1982, le paragraphe 16(1) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) a garanti que le « français et l'anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada » . De plus, le paragraphe 20(1) de la Charte garantit le droit du public « ... à l'emploi du français ou de l'anglais pour communiquer avec le siège ou l'administration centrale des institutions du Parlement ou du gouvernement du Canada ou pour en recevoir les services ... » Pour ce qui est des modifications législatives, la version initiale de la Loi sur les langues officielles a été abrogée en entier et remplacée par la Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985), 4e suppl., ch. 31, qui a été promulguée le 15 septembre 1988, à l'exception de certaines dispositions qui ne sont pas pertinentes en l'espèce.

[111]      La nouvelle Loi sur les langues officielles a corrigé certaines lacunes apparentes de la loi antérieure par l'ajout de dispositions relatives à l'exécution forcée et d'une disposition générale conçue pour en confirmer la primauté sur les autres lois fédérales. Pour trancher la présente instance, il faut se reporter à plusieurs dispositions de la Loi sur les langues officielles de 1988 et à la jurisprudence subséquente afin de déterminer si le fondement de l'arrêt Kelso, précité, a changé.

[112]      Dans son préambule, la Loi sur les langues officielles reconnaît les principes fondamentaux qui sous-tendent son édiction, dont le fondement constitutionnel de l'égalité du français et de l'anglais et du droit du public à l'emploi de l'une ou l'autre langue pour communiquer avec les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada ou pour en recevoir les services. Le préambule met aussi en relief différents engagements pris par le gouvernement du Canada, y compris ceux de réaliser la pleine participation des Canadiens d'expression française et d'expression anglaise à ses institutions « dans le strict respect du principe du mérite en matière de sélection » , de favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones et de promouvoir le caractère bilingue de la région de la capitale nationale. L'article 2 de la Loi sur les langues officielles souligne l'importance accordée à la prestation de services bilingues par les institutions fédérales, en décrivant l'objet de la Loi dans les termes suivants :


2. The purpose of this Act is to

(a) ensure respect for English and French as the official languages of Canada and ensure equality of status and equal rights and privileges as to their use in all federal institutions, in particular with respect to their use in parliamentary proceedings, in legislative and other instruments, in the administration of justice, in communicating with or providing services to the public and in carrying out the work of federal institutions;

(b) support the development of English and French linguistic minority communities and generally advance the equality of status and use of the English and French languages within Canadian society; and

(c) set out the powers, duties and functions of federal institutions with respect to the official languages of Canada.

2. La présente loi a pour objet :

a) d'assurer le respect du français et de l'anglais à titre de langues officielles du Canada, leur égalité de statut et l'égalité de droits et privilèges quant à leur usage dans les institutions fédérales, notamment en ce qui touche les débats et travaux du Parlement, les actes législatifs et autres, l'administration de la justice, les communications avec le public et la prestation des services, ainsi que la mise en oeuvre des objectifs de ces institutions;

b) d'appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et, d'une façon générale, de favoriser, au sein de la société canadienne, la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais;

c) de préciser les pouvoirs et les obligations des institutions fédérales en matière de langues officielles.

[113]      La partie IV de la Loi sur les langues officielles, intitulée « Communications avec le public et prestation des services » , crée certains droits et obligations correspondantes relativement aux communications et à la prestation de services dans les deux langues officielles. L'article 21 confère plus particulièrement au public le droit de communiquer avec les institutions fédérales et d'en recevoir les services dans l'une ou l'autre langue conformément à la partie IV. Les articles 22 à 26 inclusivement visent à mettre en oeuvre ce droit général et à lui donner un effet pratique en imposant différentes obligations aux institutions fédérales. Aux fins de la présente instance, seul l'article 22 est pertinent. Il exige que les communications avec les institutions fédérales et la prestation de leurs services se fassent dans les deux langues officielles dans certaines régions du pays, dont celle de la capitale nationale. L'article 22 impose l'obligation suivante aux institutions fédérales :


22. Every federal institution has the duty to ensure that any member of the public can communicate with and obtain available services from its head or central office in either official language, and has the same duty with respect to any of its other offices or facilities

(a) within the National Capital Region; or

(b) in Canada or elsewhere, where there is significant demand for communications with and services from that office or facility in that language.

22. Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leur siège ou leur administration centrale, et en recevoir les services, dans l'une ou l'autre des langues officielles. Cette obligation vaut également pour leurs bureaux auxquels sont assimilés, pour l'application de la présente partie, tous autres lieux où ces institutions offrent des services situés soit dans la région de la capitale nationale, soit là où, au Canada comme à l'étranger, l'emploi de cette langue fait l'objet d'une demande importante.

[114]      Les autres dispositions de la partie IV ne sont pas directement pertinentes en l'espèce, mais elles soulignent la nécessité pour les institutions fédérales de prendre les mesures nécessaires pour garantir, en pratique, que les communications et la prestation de services se fassent d'une manière qui favorise le respect et la promotion des droits linguistiques créés par la loi. Ainsi, les articles 28 à 30 régissent la signalisation et les autres mesures prises pour informer le public que les services sont offerts dans l'une ou l'autre des langues officielles.

[115]      La partie V de la Loi sur les langues officielles crée des droits et des obligations concernant la langue de travail. Le droit général conféré en matière de langue de travail est énoncé à l'article 34 qui prévoit que « [l]e français et l'anglais sont les langues de travail des institutions fédérales. Leurs agents ont donc le droit d'utiliser, conformément à la présente partie, l'une ou l'autre. » Les articles 35 et 36, qui visent à donner effet au droit conféré en matière de langue de travail, imposent certaines obligations aux institutions fédérales relativement à différentes questions, dont le milieu de travail. L'alinéa 35(1)a) oblige donc les institutions fédérales à veiller à ce que, dans la région de la capitale nationale et dans les régions désignées, « ... leur milieu de travail soit propice à l'usage effectif des deux langues officielles tout en permettant à leur personnel d'utiliser l'une ou l'autre ... » L'importance accordée à l'existence d'un milieu de travail bilingue est renforcée par les alinéas 36(1)a) et b) qui exigent que les institutions fédérales fournissent dans les deux langues officielles, à leur personnel, les outils nécessaires, et notamment les services, instruments de travail et systèmes informatiques servant au traitement et à la communication de données, pour les aider à s'acquitter de leurs tâches. L'alinéa 36(1)c) prévoit que tous les supérieurs doivent être aptes à communiquer avec leurs subordonnés dans les deux langues officielles « là où il est indiqué de le faire pour que le milieu de travail soit propice à l'usage effectif des deux langues officielles » . De plus, la haute direction doit être « en mesure de fonctionner dans ces deux langues. » Enfin, le paragraphe 36(2) impose une autre obligation aux institutions fédérales, soit celles de veiller à ce que soient prises toutes les mesures possibles « ... permettant de créer et de maintenir en leur sein un milieu de travail propice à l'usage effectif des deux langues officielles et qui permette à leur personnel d'utiliser l'une ou l'autre. »

[116]      Par souci de commodité, je reproduis ci-dessous l'alinéa 35(1)a) et l'article 36 :


35. (1) Every federal institution has the duty to ensure that

(a) within the National Capital Region and in any part or region of Canada, or in any place outside Canada, that is prescribed, work environments of the institution are conducive to the effective use of both official languages and accommodate the use of either official language by its officers and employees;

...

36. (1) Every federal institution has the duty, within the National Capital Region and in any part or region of Canada, or in any place outside Canada, that is prescribed for the purpose of paragraph 35(1)(a), to

(a) make available in both official languages to officers and employees of the institution

     (i) services that are provided to officers and employees, including services that are provided to them as individuals and services that are centrally provided by the institution to support them in the performance of their duties, and
     (ii) regularly and widely used work instruments produced by or on behalf of that or any other federal institution;

(b) ensure that regularly and widely used automated systems for the processing and communication of data acquired or produced by the institution on or after January 1, 1991 can be used in either official language; and

(c) ensure that,

     (i) where it is appropriate or necessary in order to create a work environment that is conducive to the effective use of both official languages, supervisors are able to communicate in both official languages with officers and employees of the institution in carrying out their supervisory responsibility, and
     (ii) any management group that is responsible for the general direction of the institution as a whole has the capacity to function in both official languages.

(2) Every federal institution has the duty to ensure that, within the National Capital Region and in any part or region of Canada, or in any place outside Canada, that is prescribed for the purpose of paragraph 35(1)(a), such measures are taken in addition to those required under subsection (1) as can reasonably be taken to establish and maintain work environments of the institution that are conducive to the effective use of both official languages and accommodate the use of either official language by its officers and employees.

35. (1) Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que :

a) dans la région de la capitale nationale et dans les régions ou secteurs du Canada ou lieux à l'étranger désignés, leur milieu de travail soit propice à l'usage effectif des deux langues officielles tout en permettant à leur personnel d'utiliser l'une ou l'autre;

...

36. (1) Il incombe aux institutions fédérales, dans la région de la capitale nationale et dans les régions, secteurs ou lieux désignés au titre de l'alinéa 35(1)a) :


a) de fournir à leur personnel, dans les deux langues officielles, tant les services qui lui sont destinés, notamment à titre individuel ou à titre de services auxiliaires centraux, que la documentation et le matériel d'usage courant et généralisé produits par elles-mêmes ou pour leur compte;







b) de veiller à ce que les systèmes informatiques d'usage courant et généralisé et acquis ou produits par elles à compter du 1er janvier 1991 puissent être utilisés dans l'une ou l'autre des langues officielles;


c) de veiller à ce que, là où il est indiqué de le faire pour que le milieu de travail soit propice à l'usage effectif des deux langues officielles, les supérieurs soient aptes à communiquer avec leurs subordonnés dans celles-ci et à ce que la haute direction soit en mesure de fonctionner dans ces deux langues.













(2) Il leur incombe également de veiller à ce que soient prises, dans les régions, secteurs ou lieux visés au paragraphe (1), toutes autres mesures possibles permettant de créer et de maintenir en leur sein un milieu de travail propice à l'usage effectif des deux langues officielles et qui permette à leur personnel d'utiliser l'une ou l'autre.

[117]      La partie VI de la Loi sur les langues officielles, intitulée « Participation des Canadiens d'expression française et d'expression anglaise » , traite de l'emploi dans les institutions fédérales. L'alinéa 39(1)a) confirme l'engagement pris par le gouvernement de veiller à ce que les Canadiens d'expression française et d'expression anglaise « aient des chances égales d'emploi et d'avancement dans les institutions fédérales... » . Pour concrétiser cet engagement, le paragraphe 39(2) exige que les institutions fédérales veillent « à ce que l'emploi soit ouvert à tous les Canadiens, tant d'expression française que d'expression anglaise... » Le paragraphe 39(2) oblige de plus les institutions fédérales à tenir compte « des objets et des dispositions des parties IV et V » pour l'embauche et l'avancement de son personnel et la fixation de leurs conditions de travail. En d'autres termes, les institutions fédérales doivent, dans leurs décisions concernant la dotation de leurs postes, tenir compte des droits et des obligations correspondantes créées par les parties IV et V, concernant respectivement les communications avec le public et la prestation des services et la langue de travail, ainsi que des objets visés par les droits et obligations édictés. Toutefois, le paragraphe 39(3) réitère le principe du mérite, qui constitue la pierre angulaire de la dotation en personnel des institutions fédérales : « Le présent article n'a pas pour effet de porter atteinte au mode de sélection fondé sur le mérite. »

[118]      Enfin, pour donner du poids et un sens aux droits et obligations inclus dans les parties I à V inclusivement de la Loi sur les langues officielles, l'article 82 donne prépondérance à ces parties sur les autres dispositions législatives. Voici ce que prévoit l'article 82 de la Loi sur les langues officielles :


82. (1) In the event of any inconsistency between the following Parts and any other Act of Parliament or regulation thereunder, the following Parts prevail to the extent of the inconsistency:

(a) Part I (Proceedings of Parliament);

(b) Part II (Legislative and other Instruments);

(c) Part III (Administration of Justice);

(d) Part IV (Communications with and Services to the Public); and

(e) Part V (Language of Work).

(2) Subsection (1) does not apply to the Canadian Human Rights Act or any regulation made thereunder.

82. (1) Les dispositions des parties qui suivent l'emportent sur les dispositions incompatibles de toute autre loi ou de tout règlement fédéraux :


a) partie I (Débats et travaux parlementaires);

b) partie II (Actes législatifs et autres);

c) partie III (Administration de la justice);

d) partie IV (Communications avec le public et prestation des services);

e) partie V (Langue de travail).

(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas à la Loi canadienne sur les droits de la personne ni à ses règlements.

[119]      La Cour d'appel fédérale s'est penchée sur la nature et le caractère de la Loi sur les langues officielles de 1988 dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Viola, [1991] 1 C.F. 373 (C.A.). Le juge Décary, qui a conclu que la Loi sur les langues officielles était de nature quasi constitutionnelle, a écrit, au nom de la Cour, à la p. 386 :

         La Loi sur les langues officielles de 1988 n'est pas une loi ordinaire. Elle reflète à la fois la Constitution du pays et le compromis social et politique dont il est issu. Dans la mesure où elle est l'expression exacte de la reconnaissance des langues officielles inscrite aux paragraphes 16(1) et 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés, elle obéira aux règles d'interprétation de cette Charte telles qu'elles ont été définies par la Cour suprême du Canada. Dans la mesure, par ailleurs, où elle constitue un prolongement des droits et garanties reconnus dans la Charte, et de par son préambule, de par son objet défini en son article 2, de par sa primauté sur les autres lois établies en son paragraphe 82(1), elle fait partie de cette catégorie privilégiée de lois dites quasi-constitutionnelles qui expriment « certains objectifs fondamentaux de notre société » et qui doivent être interprétées « de manière à promouvoir les considérations de politique générale qui (les) sous-tendent. »


[120]      Récemment, dans l'arrêt Beaulac c. La Reine, [1999] 1 R.C.S. 768, qui concernait l'interprétation des droits linguistiques prévus par l'article 530 du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, le juge Bastarache a décrit, dans les motifs de la majorité, le cadre d'interprétation des droits linguistiques. Dans son analyse, le juge Bastarache a désapprouvé la trilogie antérieure formée des arrêts MacDonald c. Ville de Montréal, [1986] 1 R.C.S. 460, Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick Inc. c. Association of Parents for Fairness in Education, [1986] 1 R.C.S. 549 et Bilodeau c. Procureur général du Manitoba, [1986] 1 R.C.S. 449, qui semblaient retenir une approche restrictive pour l'interprétation des garanties constitutionnelles en matière linguistique. Dans son analyse, le juge Bastarache a souligné la nature particulière des droits linguistiques dans les termes suivants, à la page 788 :

         Les droits linguistiques ne sont pas des droits négatifs, ni des droits passifs; ils ne peuvent être exercés que si les moyens en sont fournis. Cela concorde avec l'idée préconisée en droit international que la liberté de choisir est dénuée de sens en l'absence d'un devoir de l'État de prendre des mesures positives pour mettre en application des garanties linguistiques...


[121]      Le juge Bastarache a décrit les principes suivants comme devant s'appliquer à l'interprétation des droits linguistiques reconnus par une loi, aux pages 790 à 792 :

         Même si les droits linguistiques constitutionnels découlent d'un compromis politique, ceci n'est pas une caractéristique qui s'applique uniquement à ces droits. A. Riddell, dans « À la recherche du temps perdu: la Cour suprême et l'interprétation des droits linguistiques constitutionnels dans les années 80 » (1988), 29 C. de D. 829, à la p. 846, souligne que l'adoption des art. 7 et 15 de la Charte résulte aussi d'un compromis politique et soutient, à la p. 848, que l'histoire constitutionnelle du Canada ne fournit aucune raison de penser cil tel compromis politique exige une interprétation restrictive des garanties constitutionnelles. Je conviens que l'existence d'un compromis politique n'a aucune incidence sur l'étendue des droits linguistiques. L'idée que le par. 16(3) de la Charte, qui a officialisé la notion de progression vers l'égalité des langues officielles du Canada exprimée dans l'arrêt Jones, précité, limite la portée du par. 16(1) doit également être rejetée. Ce paragraphe confirme l'égalité réelle des droits linguistiques constitutionnels qui existent à un moment donné. L'article 2 de la Loi sur les langues officielles a le même effet quant aux droits reconnus en vertu de cette loi. Ce principe d'égalité réelle a une signification. Il signifie notamment que les droits linguistiques de nature institutionnelle exigent des mesures gouvernementales pour leur mise en oeuvre et créent, en conséquence, des obligations pour l'État; voir McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 229, à la p. 412; Haig c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 995, à la p. 1038; Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313; Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624, au par. 73; Mahe, précité, à la p. 365. Il signifie également que l'exercice de droits linguistiques ne doit pas être considéré comme exceptionnel, ni comme une sorte de réponse à une demande d'accommodement. Cela dit, il faut noter que la présente affaire ne porte pas sur la possibilité que des droits linguistiques d'origine constitutionnelle soient en conflit avec des droits particuliers prévus par la loi.
         Les droits linguistiques doivent dans tous les cas être interprétés en fonction de leur objet, de façon compatible avec le maintien et l'épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada; voir Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), précité, à la p. 850. Dans la mesure où l'arrêt Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick, précité, aux pp. 579 et 580, préconise une interprétation restrictive des droits linguistiques, il doit être écarté. La crainte cil interprétation libérale des droits linguistiques fera que les provinces seront moins disposées à prendre part à l'expansion géographique de ces droits est incompatible avec la nécessité d'interpréter les droits linguistiques comme un outil essentiel au maintien et à la protection des collectivités de langue officielle là où ils s'appliquent. Il est également utile de réaffirmer ici que les droits linguistiques sont un type particulier de droits, qui se distinguent des principes de justice fondamentale.


[122]      Compte tenu de la constitutionnalisation des droits linguistiques par les paragraphes 16(1) et 20(1) de la Charte, des modifications apportées à la Loi sur les langues officielles et des indications données récemment par la Cour suprême dans l'arrêt Beaulac c. La Reine, précité, relativement aux principes applicables à l'interprétation de la portée et de l'application des droits linguistiques, je crois que la décision rendue par le juge Dickson dans l'affaire Kelso c. La Reine, précitée, n'est pas déterminante quant à la question de savoir si, sous le régime législatif et constitutionnel actuel, M. Schreiber a droit à une déclaration portant qu'il a été porté atteinte à ses droits. En particulier, au moment du prononcé de l'arrêt Kelso c. La Reine, précité, les droits linguistiques en cause n'étaient pas protégés par la Constitution et la Loi sur les langues officielles ne contenait aucune disposition analogue à l'article 82 qui établit la primauté de certaines parties de la Loi, dont les parties IV et V concernant les communications avec le public et la prestation de services ainsi que la langue de travail, sur toute autre disposition législative ou réglementaire incompatible. Dans l'analyse effectuée dans l'affaire Kelso c. La Reine, précitée, le juge Dickson a conclu que le Décret d'exclusion interdisait au gouvernement de démettre le titulaire d'un poste en s'appuyant uniquement sur un motif linguistique. En formulant cette conclusion, il a notamment dit, à la page 207, que « [l]e droit du gouvernement de répartir les ressources ne peut l'emporter sur ... un règlement tel que le Décret d'exclusion. » Il est inutile de préciser que, l'article 82 de l'actuelle Loi sur les langues officielles n'étant pas en vigueur à l'époque, le juge Dickson n'était pas tenu de se demander si les dispositions de la Loi sur les langues officielles l'emportaient sur le Décret d'exclusion. De plus, sa décision a été rendue avant la proclamation de la Charte, dont les paragraphes 16(1) et 20 (1) ont garanti l'égalité du français et de l'anglais comme langues officielles du Canada et le droit du public l'emploi de l'une ou l'autre langue pour communiquer avec les institutions fédérales ou pour en recevoir les services. Dans ces circonstances, les modifications législatives et constitutionnelles effectuées après le prononcé de l'arrêt Kelso c. La Reine, précité, sont importantes et rendent, selon moi, désuète la démarche interprétative adoptée par le juge Dickson.

[123]      Il faut donc examiner la question de savoir si le ministère a porté atteinte au droit conféré à M. Schreiber par le Décret d'exclusion d'être soustrait aux exigences linguistiques de son poste en tenant compte des droits légaux et constitutionnels concurrents et en appliquant les principes énoncés dans l'arrêt Beaulac c. La Reine, précité.

[124]      En l'espèce, les droits en cause tirent leur origine de la Charte, de la Loi sur les langues officielles et du Décret d'exclusion pris en vertu du pouvoir de réglementation prévu par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

[125]      Sur le plan constitutionnel, les droits linguistiques constitutionnalisés dans les paragraphes 16(1) et 20(1) de la Charte entrent en jeu en l'espèce. Quant à la Loi sur les langues officielles, les droits linguistiques en cause sont le droit de communiquer avec les institutions fédérales et d'en recevoir les services, prévu par l'article 21, et celui conféré par l'article 34, selon lequel le français et l'anglais sont les langues de travail dans les institutions fédérales et le personnel a le droit d'utiliser l'une ou l'autre des langues officielles conformément à la partie V. Les droits linguistiques prévus dans les articles 21 et 34 de la Loi sur les langues officielles font écho à ceux garantis par les paragraphes 20(1) et 16(1) de la Charte, respectivement. Les obligations correspondantes imposées aux institutions fédérales par les articles 22, 35 et 36 de la Loi sur les langues officielles sont aussi pertinentes.

[126]      En ce qui a trait aux droits en matière d'emploi, l'alinéa 6a) du Décret d'exclusion soustrait à l'application de l'article 20 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique le titulaire d'un poste à durée indéterminée dont les exigences linguistiques ont été modifiées de sorte que la connaissance et l'usage des deux langues officielles sont devenus obligatoires. Comme je l'ai déjà mentionné, l'article 20 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique impose aux fonctionnaires l'obligation de posséder, « en ce qui concerne la connaissance et l'usage soit du français, soit de l'anglais, soit des deux langues, les qualifications » que la Commission de la fonction publique estime nécessaires pour que « leur organisme d'affectation puisse remplir son office et fournir au public un service efficace. » Le seul droit en cause en matière d'emploi est donc le droit d'origine réglementaire prévu par le Décret d'exclusion d'être exempté de l'obligation légale imposée par l'article 20 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Toutefois, la résolution conjointe de 1973 et la politique énoncée en 1973 dans la circulaire du Conseil du Trésor précisent en outre que le titulaire unilingue d'un poste a trois possibilités, soit devenir bilingue, être muté à un autre poste ou conserver son poste même si celui-ci a été désigné comme bilingue. Dans l'affaire Kelso c. La Reine, précitée, la Cour suprême du Canada a statué, à la page 208, que la résolution conjointe, tout comme la circulaire du Conseil du Trésor, ne pouvait « ... lier personne en droit, en ce sens qu'elle ne créerait pas de droits ni d'obligations exécutoires juridiquement... » mais qu'elle « ... indique néanmoins l'intention du législateur. »

[127]      Si l'on applique les principes d'interprétation énoncés dans l'arrêt Beaulac c. La Reine, précité, il faut souligner que la présente instance porte sur un conflit apparent entre, d'une part, les droits linguistiques garantis par la Charte et conférés par la Loi sur les langues officielles et, d'autre part, le droit d'origine réglementaire que le Décret d'exclusion confère au titulaire d'un poste de durée indéterminée d'être exempté de l'obligation de devenir bilingue. Dans l'arrêt Beaulac c. La Reine, précité, aucun conflit entre le droit linguistique en cause et un autre droit d'origine législative n'existait. Malgré cette distinction entre les deux causes, les principes d'interprétation énoncés dans Beaulac c. La Reine, précité, doivent être appliqués, compte tenu de l'affirmation claire et sans équivoque faite par le juge Bastarache, à la page 791, selon laquelle « [l]es droits linguistiques doivent dans tous les cas être interprétés en fonction de leur objet, de façon compatible avec le maintien et l'épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada... »

[128]      Selon le raisonnement axé sur l'objet retenu dans l'arrêt Beaulac c. La Reine, précité, l'article 2 de la Loi sur les langues officielles constitue le point de départ de l'analyse à effectuer. Cet article exprime en termes forts et étoffés l'objet de la Loi, et notamment l'égalité de statut et l'égalité des droits et privilèges quant à l'usage du français et de l'anglais « ... dans les institutions fédérales... en ce qui touche... les communications avec le public et la prestation des services, ainsi que la mise en oeuvre des objectifs de ces institutions. » L'article 2 confirme donc l'égalité réelle des droits linguistiques reconnus dans cette loi. Comme l'indique l'arrêt Beaulac c. La Reine, précité, à la page 791, le principe de l'égalité réelle a une signification et signifie notamment que les droits linguistiques institutionnels « ... exigent des mesures gouvernementales pour leur mise en oeuvre et créent, en conséquence, des obligations pour l'État...".

[129]      Comme je l'ai déjà mentionné, les articles 21 et 34 de la Loi sur les langues officielles reconnaissent, respectivement, le droit du public de communiquer avec les institutions fédérales et d'en recevoir les services et le droit d'un fonctionnaire d'utiliser l'une ou l'autre des langues officielles pour effectuer son travail, le français et l'anglais étant les langues de travail des institutions fédérales. Les obligations légales correspondantes imposées par l'article 22 et par les articles 35 et 36 exigent respectivement que les institutions fédérales veillent à ce que le public puisse communiquer avec elles et en recevoir les services dans les deux langues officielles dans la région de la capitale nationale et dans les autres régions désignées, et à ce que leur milieu de travail soit propice à l'usage effectif des deux langues officielles. Ces obligations, qui incombent aux institutions fédérales en vertu de la Loi sur les langues officielles, sont conformes au principe de l'égalité réelle qui exige que le gouvernement prenne des mesures positives pour mettre en oeuvre les droits linguistiques reconnus. En d'autres termes, l'objet des obligations légales imposées aux institutions fédérales par les articles 22, 35 et 36 consiste à mettre en oeuvre les droits reconnus par les articles 21 et 34 et à leur donner un effet et une signification réels. De plus, les articles 35 et 36 reconnaissent par voie législative le fait que le droit de travailler dans l'une ou l'autre des langues officielles dans une institution fédérale est illusoire en l'absence d'un milieu qui respecte l'emploi des deux langues officielles et en favorise l'épanouissement. L'objet des articles 35 et 36 est donc de garantir la promotion et le développement de milieux de travail bilingues dans les institutions fédérales.

[130]      Pour éviter qu'un titulaire unilingue d'un poste à durée indéterminée subisse les conséquences négatives d'une modification des exigences linguistiques de son poste, le gouvernement a pris le Décret d'exclusion en 1977 et l'a modifié en 1981 avant la proclamation de la Charte, afin de prévoir une exemption du respect des exigences linguistiques. En l'espèce, M. Schreiber, en sa qualité de fonctionnaire titulaire d'un poste à durée indéterminée, s'est appuyé sur le Décret d'exclusion, ainsi que sur l'intention et la politique exprimées dans la résolution conjointe et dans la circulaire du Conseil du Trésor pour faire valoir qu'il avait le droit de travailler aux opérations en qualité de contrôleur de la circulation aérienne, malgré la mise en oeuvre par le ministère des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne dans la région de la capitale nationale.

[131]      Le droit conféré par le Décret d'exclusion au titulaire d'un poste à durée indéterminée n'entre pas nécessairement toujours en conflit avec la Loi sur les langues officielles. Par exemple, on peut imaginer une situation dans laquelle il serait possible pour un fonctionnaire unilingue de conserver son poste comportant des exigences linguistiques bilingues sans nuire à la mise en oeuvre d'un programme de prestation de services bilingues. Par conséquent, pour déterminer si, en l'espèce, il y a incompatibilité entre les droits et obligations créés par la Loi sur les langues officielles et le droit conféré par le Décret d'exclusion, il faut examiner la nature des services bilingues qui doivent être fournis.

[132]      En l'espèce, étant donné la nature intégrée des opérations de contrôle de la circulation aérienne et l'importance du fait que tous les contrôleurs soient au courant des activités et des événements qui surviennent dans le secteur, le ministère a décidé de s'acquitter des devoirs et obligations que lui impose la Loi sur les langues officielles de donner effet aux droits linguistiques prévus par les articles 21 et 34 en instaurant un milieu de travail bilingue pour la prestation sécuritaire et effective des services bilingues de contrôle de la circulation aérienne. En effet, depuis la création de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne au Québec en 1978, le ministère a toujours maintenu que tous les contrôleurs de la circulation aérienne travaillant dans une région qui offre de tels services doivent être bilingues. Le ministère croyait aussi qu'un milieu de travail entièrement bilingue était nécessaire pour promouvoir la cohésion dans l'effort de groupe requis dans le milieu complexe du contrôle de la circulation aérienne, et que la présence d'un contrôleur unilingue de la circulation aérienne [traduction] « obligerait chacun à travailler dans sa langue » , ce qui l'empêcherait d'atteindre son but. De plus, l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien s'est toujours opposée à la mise en oeuvre de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa, à moins qu'ils puissent être [traduction] « mis en oeuvre de façon sécuritaire, à l'aide d'un personnel complet de contrôleurs bilingues compétents et entièrement qualifiés. » Même M. Schreiber, au cours de son contre-interrogatoire, a reconnu qu'il était [Traduction] « préférable » que tous les contrôleurs de la circulation aérienne soient bilingues. Le ministère a donc tenté de créer un milieu de travail entièrement bilingue pour faciliter l'exercice par le public de son droit de communiquer et de recevoir des services dans l'une ou l'autre langue officielle et pour respecter le droit conféré aux employés par l'article 34 d'utiliser l'une ou l'autre des langues officielles. En fait, compte tenu de la nature unique des opérations de contrôle de la circulation aérienne, seul un milieu de travail entièrement bilingue pouvait être « ... propice à l'usage effectif des deux langues officielles tout en permettant [au] personnel d'utiliser l'une ou l'autre » , comme l'exige l'alinéa 35(1)a) de la Loi sur les langues officielles. Enfin, un milieu de travail entièrement bilingue était aussi conforme, à long terme, avec les exigences très élevées en matière de sécurité que le ministère applique à la prestation des services de contrôle de la circulation aérienne.

[133]      À mon avis, les faits en cause en l'espèce établissent l'existence d'une incompatibilité entre, d'une part, les droits linguistiques constitutionnels et les obligations correspondantes imposées au ministère par la Loi sur les langues officielles et, d'autre part, le Décret d'exclusion qui soustrait M. Schreiber à l'obligation d'être bilingue. En vertu de l'article 82 de la Loi sur les langues officielles, les dispositions des parties IV et V, concernant respectivement les communications avec le public et la prestation des services et la langue de travail, l'emportent sur les dispositions incompatibles. En l'espèce, M. Schreiber ne pouvait donc pas se prévaloir de l'alinéa 6a) du Décret d'exclusion pour se soustraire au bilinguisme obligatoire prévu par l'article 20 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. En conséquence, il n'avait pas le droit d'exercer des fonctions opérationnelles en occupant son poste de contrôleur de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa après la mise en oeuvre de services bilingues de contrôle de la circulation aérienne, tant qu'il ne répondait pas aux exigences linguistiques de son poste. En d'autres termes, compte tenu du milieu de travail unique et complexe des services de contrôle de la circulation aérienne à la Tour de contrôle d'Ottawa, le ministère avait le droit d'autoriser uniquement les contrôleurs entièrement bilingues de la circulation aérienne à travailler à cet endroit après la mise en oeuvre de services bilingues en 1992.

[134]      Étant donné que M. Schreiber a finalement terminé avec succès sa formation linguistique et est retourné travailler en qualité de contrôleur bilingue pleinement qualifié de la circulation aérienne, il n'est pas nécessaire que je décide quelles étaient les autres solutions qui s'offraient à lui, si ce n'est pour dire que le ministère aurait dû l'autoriser à être muté ou à exercer d'autres fonctions significatives correspondant à sa formation et à son expertise.

[135]      Compte tenu de ma décision sur ce point, il n'est pas nécessaire que j'examine les autres questions soulevées par les avocats.

DÉCISION

[136]      L'action est rejetée avec dépens.




                                     « D. McGillis »
                                 ____________________________
                                          Juge

OTTAWA

21 octobre 1999






Traduction certifiée conforme



Laurier Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NUMÉRO DU GREFFE :          T-1770-94

INTITULÉ DE LA CAUSE :      THOMAS GEORGE SCHREIBER c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          27, 28, 29 septembre 1999

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE McGILLIS

DATE DES MOTIFS :          21 octobre 1999



ONT COMPARU :

Me D.E. Brown              POUR LE DEMANDEUR

Me Charles Hackland          POUR LA DÉFENDERESSE

Me Daniel Boivin

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nelligan Power

1900-66, rue Slater

Ottawa (Ontario)

K1P 5H1                  POUR LE DEMANDEUR

Gowling Strathy & Henderson

Bureau 2600

160, rue Elgin

Ottawa (Ontario)

K1P 1C3                  POUR LA DÉFENDERESSE

__________________

1 La version française originale de l'article 20 a été légèrement révisée par le Comité de révision des lois avant la publication des Lois révisées du Canada de 1985. La version française reproduite dans le texte des présents motifs est celui qui figure dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique , L.R.C. (1985), c.h P-33. La version anglaise n'a jamais été modifiée depuis son édiction.

2 L'article 7 du Décret d'exclusion , mentionné à l'alinéa 6a), n'est pas pertinent en l'espèce.

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