Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20020110

Dossier : T-1212-00

                                                         Référence neutre : 2002 CFPI 28

ENTRE :                                                                                                        

                                 ELI LILLY CANADA INC.

                                                                                          demanderesse

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                  défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

Introduction

[1]    Eli Lilly Inc. (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 8 juin 2000 du Ministre de la Santé (le ministre) de radier ses lettres patentes canadiennes no 1, 249, 969 (le brevet 969) du registre des brevets (le registre). La demanderesse sollicite une ordonnance portant annulation de la décision du ministre et enjoignant à celui-ci de rétablir l'inscription du brevet 969 au registre.


Historique

[2]    Le brevet 969 comporte des revendications pour des compositions pharmaceutiques renfermant de la ceftazidime pentahydratée (ceftazidime) associée à du lactose amorphe et à une base pharmaceutiquement acceptable. Ce brevet a été inscrit au registre des brevets en 1993, conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (Règlement de 1993), pour les produits pharmaceutiques suivants contenant de la ceftazidime :

TAZIDIME, poudre pour solution en fiole de 500 mg, 1 g et 6 g; et

TAZIDIME ADD-VANTAGE, poudre pour solution en fiole de 1 g et 2 g.

[3]    Le brevet 969 a été vérifié après la modification du règlement en 1998. Le représentant du ministre responsable de la vérification a conclu que le brevet 969 n'était pas conforme. Le 26 avril 2000, le ministre a fait parvenir à la demanderesse une lettre l'avisant que conformément au pouvoir que lui conférait le nouveau Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/98-166 (le Règlement sur les ADC), et sous réserve de toutes représentations écrites soumises dans les 30 jours, le brevet 969 serait supprimé du registre. Le ministre a écrit ceci :


[traduction] Pour déterminer si un brevet peut être inscrit au registre des brevets, le PPT peut, conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) DORS/93-133 (le Règlement), vérifier si un brevet comporte une revendication pour un médicament ou une revendication pour l'utilisation d'un médicament en ce qui a trait au médicament décrit dans la demande d'avis de conformité (ADC). Tel qu'indiqué dans la ligne directrice relative au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), « la Division comparera le brevet et la demande pour déterminer si le médicament décrit dans le brevet est destiné à être utilisé ou peut être utilisé pour la drogue décrite dans la demande pour laquelle l'avis de conformité est délivré. Le brevet doit être pertinent en ce qui a trait à la forme posologique, à la concentration et à la voie d'administration de la drogue décrite dans la demande d'avis de conformité » .

Le médicament présent dans le produit pharmaceutique est la ceftazidime. Il est clair toutefois que le lactose amorphe est absent des formulations pharmaceutiques résumées dans les monographies de produit de TAZIDIME et de TAZIDIME ADD-VANTAGE.

Le brevet 969 s'intitule « Formulations pharmaceutiques de ceftazidime » et contient 9 revendications. Les revendications 1 à 9 s'appliquent aux formulations pharmaceutiques composées de ceftazidime, de lactose amorphe et d'une base pharmaceutiquement acceptable, le carbonate de sodium.

Le brevet 969 contient des revendications pour le médicament, la ceftazidime, lorsque ce dernier est présent dans une composition renfermant également du lactose amorphe. Le brevet 969 ne s'applique donc pas au médicament décrit dans la demande d'ADC, comme on peut le constater en consultant les monographies de produits connexes. Ce brevet ne devrait pas être inscrit au registre des brevets pour les produits pharmaceutiques susmentionnés.

[4]                 Le 25 mai 2000, la demanderesse a répondu au ministre, lui faisant valoir que la décision de retirer le brevet 969 du registre était contraire au Règlement et à la jurisprudence établie. Voici un extrait de la lettre de l'avocat de la demanderesse :

[traduction] [... ] Dans votre lettre, vous avez indiqué que le brevet relatif aux formulations de ceftazidime contient des revendications pour des formulations pharmaceutiques renfermant le médicament ceftazidime, lorsque ce dernier est associé à une base pharmaceutiquement acceptable et à du lactose amorphe. Le ministre n'a pas exprimé l'opinion que le brevet pour les formulations de ceftazidime n'était pas pertinent en ce qui a trait à la forme posologique ou à la voie d'administration de la ceftazidime vendue par Lilly. La seule raison qui a été donnée pour expliquer la suppression de la liste est le fait que la formulation commerciale de Lilly pour TAZIDIME, telle qu'elle est énoncée dans la monographie du produit, ne contient pas de lactose amorphe contrairement à la revendication du brevet.

[...]

Il est bien établi en droit qu'une allégation pour une formulation pharmaceutique renfermant un ingrédient médicinal actif est une « revendication pour le médicament en soi » , aux termes du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) [...]

[...]

Nul ne contestera le fait que le brevet pour les formulations de ceftazidime revendique des formulations de ceftazidime et comporte une revendication pour le médicament en soi, au sens du Règlement. Il reste uniquement à déterminer si le Règlement exige que le brevet pour les formulations de ceftazidime contienne une revendication s'appliquant à la formulation commerciale vendue par Lilly [...]


[5]                 Le 8 juin 2000, en réponse à la lettre de la demanderesse du 25 mai 2000, le ministre confirme le retrait du brevet 969 du registre et dit ceci :

[traduction] [...] Étant donné que votre formulation pharmaceutique pour TAZIDIME et TAZIDIME ADD-VANTAGE ne contient manifestement pas de lactose amorphe, je vous ai avisé, dans ma lettre du 26 avril 2000, que le brevet 969 ne peut pas être inscrit au registre puisqu'il n'est pas pertinent pour le médicament décrit dans la demande d'avis de conformité (ADC).

Vous estimez que le brevet 969 figure avec raison au registre pour TAZIDIME et TAZIDIME ADD-VANTAGE vu qu'il contient une revendication pour le médicament ceftazidime en soi ou une revendication pour l'utilisation de la ceftazidime, et que le brevet est pertinent en ce qui a trait à la forme posologique, à la concentration et à la voie d'administration du médicament décrit dans les demandes d'avis de conformité. Vous affirmez en outre « qu'aucune disposition du Règlement ne précise qu'un brevet pour une formulation inscrit au registre doit contenir des revendications pour la formulation vendue par le titulaire du brevet » [...]

[...]

Le brevet 969 satisfait à toutes les exigences nécessaires pour être inscrit au registre des brevets, sauf qu'il contient des revendications pour une formulation à l'égard de laquelle Eli Lilly n'a pas présenté de demande d'approbation.

[...]

Le PPT s'oppose à l'inscription au registre du brevet 969 parce que TAZIDIME et TAZIDIME ADD-VANTAGE ne sont pas des médicaments contenant la formulation revendiquée dans votre brevet. La société Eli Lilly n'a pas demandé ni obtenu l'approbation nécessaire pour les médicaments à l'égard desquels elle pourrait vouloir inscrire le brevet.

Si Eli Lilly décidait de déposer une demande d'avis de conformité relativement à l'objet du brevet 969 et obtenait un tel avis, le brevet pourrait alors être inscrit de nouveau au registre des brevets, sous réserve des dispositions du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, modifié.

  

Questions en litige

[6]                 Essentiellement, aucun fait n'est en litige dans la présente procédure. Les parties ne s'entendent pas sur les circonstances dans lesquelles le ministre peut radier un brevet portant sur une formulation en vertu du Règlement sur les ADC.

La rétroactivité

[7]                 La demanderesse fait valoir que, pour parvenir à sa décision de radier le brevet inscrit au registre des brevets en 1993, le ministre a appliqué les modifications apportées en 1998 au Règlement sur les ADC . La demanderesse soutient que cela est contraire à la présomption bien établie selon laquelle une loi ne doit pas être appliquée de façon rétroactive.

  

La pertinence

[8]                 La demanderesse allègue également que le brevet 969 est un brevet portant sur une formulation; il revendique le médicament ceftazidime associé à des ingrédients inactifs. Selon la demanderesse, un brevet portant sur une formulation étant une « revendication pour le médicament en soi » , le brevet 969 devrait être inscrit au registre.


[9]                 Le ministre reconnaît qu'un brevet portant sur une formulation entre dans la définition de « revendication pour le médicament en soi » . Toutefois, il estime que le brevet 969 n'est pas pertinent pour le médicament à l'égard duquel un avis de conformité a été délivré et ne répond donc pas aux exigences du Règlement sur les ADC.

[10]            Le ministre allègue que TAZIDIME et TAZIDIME ADD-VANTAGE, approuvés par lui, ne contiennent pas de lactose amorphe, qui est un ingrédient contenu dans la formulation pharmaceutique couverte par le brevet 969. En conséquence, le ministre estime que le brevet 969 ne s'applique pas aux médicaments TAZIDIME et TAZIDIME ADD-VANTAGE.

Analyse

Le cadre réglementaire

[11]            Le Règlement sur les ADC existe pour protéger les droits des détenteurs de brevet et, par le fait même, pour s'assurer qu'aucun obstacle à la mise en marché de nouveaux médicaments ne survienne une fois qu'il a été établi que ceux-ci ne contrevenaient à aucun droit attaché à un brevet. L'article 3 du Règlement sur les ADC oblige le ministre à tenir un registre des renseignements fournis. Ce faisant, le ministre peut refuser d'y ajouter ou en supprimer tout renseignement non conforme aux exigences de l'article 4 de ce Règlement.

[12]            L'article 2 du Règlement sur les ADC définit ainsi les expressions « revendication pour le médicament en soi » et « médicament » :



2. Les définitions qui suivent s'appliquent au présent règlement.

« revendication pour le médicament en soi » S'entend notamment d'une revendication, dans le brevet, pour le médicament en soi préparé ou produit selon les modes du procédé de fabrication décrits en détail et revendiqués ou selon leurs équivalents chimiques manifestes.

« médicament » Substance destinée à servir ou pouvant servir au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal, ou de leurs symptômes.

2. In these Regulations,

"claim for the medicine itself" includes a claim in the patent for the medicine itself when prepared or produced by the methods or processes of manufacture particularly described and claimed or by their obvious chemical equivalents;

"medicine" means a substance intended or capable of being used for the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or the symptoms thereof;


[13]            Bien que le mot « drogue » ne soit pas défini dans le Règlement sur les ADC, l'article 2 de la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985), ch. F-27, en donne la définition suivante :


« drogue » Sont compris parmi les drogues les substances ou mélanges de substances fabriqués, vendus ou présentés comme pouvant servir_:

a) au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal ou de leurs symptômes, chez l'être humain ou les animaux;

b) à la restauration, à la correction ou à la modification des fonctions organiques chez l'être humain ou les animaux;

c) à la désinfection des locaux où des aliments sont gardés.

"drug" includes any substance or mixture of substances manufactured, sold or represented for use in

(a) the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or its symptoms, in human beings or animals,

(b) restoring, correcting or modifying organic functions in human beings or animals, or

(c) disinfection in premises in which food is manufactured, prepared or kept;


[14]            L'article 3 du Règlement sur les ADC, modifié, énonce de la façon suivante l'obligation du ministre de tenir un registre :



3. (1) Le ministre tient un registre des renseignements fournis aux termes de l'article 4. À cette fin, il peut refuser d'y ajouter ou en supprimer tout renseignement qui n'est pas conforme aux exigences de cet article.

(2) Le registre est ouvert à l'inspection publique durant les heures de bureau.

(3) Aucun renseignement soumis aux termes de l'article 4 n'est consigné au registre avant la délivrance de l'avis de conformité à l'égard duquel il a été soumis.

(4) Pour décider si tout renseignement fourni aux termes de l'article 4 doit être ajouté au registre ou en être supprimé, le ministre peut consulter le personnel du Bureau des brevets.

3. (1) The Minister shall maintain a register of any information submitted under section 4. To maintain it, the Minister may refuse to add or may delete any information that does not meet the requirements of that section.

(2)The register shall be open to public inspection during business hours.

(3) No information submitted pursuant to section 4 shall be included on the register until after the issuance of the notice of compliance in respect of which the information was submitted.

(4) For the purpose of deciding whether information submitted under section 4 should be added to or deleted from the register, the Minister may consult with officers or employees of the Patent Office.


[15]            L'article 4 du Règlement sur les ADC, modifié, énonce les conditions auxquelles une liste de brevets peut être soumise et les renseignements requis pour son inscription au registre des brevets. Cet article dispose :



4. (1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l'égard de la drogue, accompagnée de l'attestation visée au paragraphe (7).

(2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants :

a) la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue;

b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament, et qu'elle souhaite voir inscrit au registre;c) une déclaration portant, à l'égard de chaque brevet, que la personne qui demande l'avis de conformité en est le propriétaire, en détient la licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste;

d) la date d'expiration de la durée de chaque brevet aux termes des articles 44 ou 45 de la Loi sur les brevets;

e) l'adresse de la personne au Canada aux fins de signification de tout avis d'allégation visé aux alinéas 5(3)b) ou c), ou les nom et adresse au Canada d'une autre personne qui peut en recevoir signification avec le même effet que s'il s'agissait de la personne elle-même.

(3) Sous réserve du paragraphe (4), la personne qui soumet une liste de brevets doit le faire au moment du dépôt de la demande d'avis de conformité.

(4) La première personne peut, après la date de dépôt de la demande d'avis de conformité et dans les 30 jours suivant la délivrance d'un brevet qui est fondée sur une demande de brevet dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande d'avis de conformité, soumettre une liste de brevets, ou toute modification apportée à une liste de brevets, qui contient les renseignements visés au paragraphe (2).

(5) Lorsque la première personne soumet, conformément au paragraphe (4), une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets, elle doit indiquer la demande d'avis de conformité à laquelle se rapporte la liste ou la modification, en précisant notamment la date de dépôt de la demande.

(6) La personne qui soumet une liste de brevets doit la tenir à jour mais ne peut ajouter de brevets à une liste que si elle le fait en conformité avec le paragraphe (4).

(7) La personne qui soumet une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets aux termes des paragraphes (1) ou (4) doit remettre une attestation portant que :

a) les renseignements fournis sont exacts;

b) les brevets mentionnés dans la liste ou dans la modification sont admissibles à l'inscription au registre et sont pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue visée par la demande d'avis de conformité.

4. (1)A person who files or has filed a submission for, or has been issued, a notice of compliance in respect of a drug that contains a medicine may submit to the Minister a patent list certified in accordance with subsection (7) in respect of the drug.

(2) A patent list submitted in respect of a drug must

(a) indicate the dosage form, strength and route of administration of the drug;

b)set out any Canadian patent that is owned by the person, or in respect of which the person has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list, that contains a claim for the medicine itself or a claim for the use of the medicine and that the person wishes to have included on the register;

c)contain a statement that, in respect of each patent, the person applying for a notice of compliance is the owner, has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list;

d) set out the date on which the term limited for the duration of each patent will expire pursuant to section 44 or 45 of the Patent Act; and

e)set out the address in Canada for service on the person of any notice of an allegation referred to in paragraph 5(3)(b) or (c), or the name and address in Canada of another person on whom service may be made, with the same effect as if service had been made on the person.

(3)Subject to subsection (4), a person who submits a patent list must do so at the time the person files a submission for a notice of compliance.

(4)A first person may, after the date of filing of a submission for a notice of compliance and within 30 days after the issuance of a patent that was issued on the basis of an application that has a filing date that precedes the date of filing of the submission, submit a patent list, or an amendment to an existing patent list, that includes the information referred to in subsection (2).

(5) When a first person submits a patent list or an amendment to an existing patent list in accordance with subsection (4), the first person must identify the submission to which the patent list or the amendment relates, including the date on which the submission was filed.

(6) A person who submits a patent list must keep the list up to date but may not add a patent to an existing patent list except in accordance with subsection (4).

(7) A person who submits a patent list or an amendment to an existing patent list under subsection (1) or (4) must certify that

a) the information submitted is accurate; and

b) the patents set out on the patent list or in the amendment are eligible for inclusion on the register and are relevant to the dosage form, strength and route of administration of the drug in respect of which the submission for a notice of compliance has been filed.


[16]            L'alinéa 4(7)b) exige d'un brevet qu'il soit pertinent quant au médicament visé par la demande d'ADC. La disposition contenue au Règlement modifié vise à faire en sorte qu'il y ait « une liste de brevets par médicament » , objectif qui est formulé dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation accompagnant les modifications apportées au Règlement en 1998 :

Les titulaires de brevets doivent certifier que les brevets répertoriés sur la liste correspondant à un médicament se rapportent au médicament en question, afin d'éviter que des brevets visant d'autres versions du médicament empêchent de commercialiser la version générique.

[17]            Par conséquent, même si le Règlement sur les ADC existe afin de protéger l'innovateur contre la contrefaçon de brevet, il y a lieu d'établir un équilibre entre cet objectif et l'intérêt d'assurer l'accès des fabricants de produits génériques au marché.


[18]            L'article 3 du Règlement sur les ADC oblige le ministre à tenir un registre des brevets et lui confère expressément le pouvoir discrétionnaire de supprimer les brevets non conformes. Ce pouvoir s'harmonise bien avec l'objectif de protéger les droits conférés par le brevet à l'innovateur, sans entraver de façon déraisonnable l'accès des fabricants de produits génériques au marché. Le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation contient les observations suivantes :

Les modifications envisagées renforceront l'équilibre entre l'assurance d'un mécanisme qui permet véritablement de faire respecter les droits conférés par les brevets et la garantie que les médicaments génériques soient commercialisés aussitôt que possible.

La rétroactivité

[19]            La présomption selon laquelle la loi n'est pas censée s'appliquer de façon rétroactive est bien établie. Ce principe a été souligné par le juge Dickson, alors juge puîné de la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Gustavson Drilling (1964) Ltd. c. Le ministre du Revenu national, [1977] 1 R.C.S. 271, à la page 279 :

[...] Selon la règle générale, les lois ne doivent pas être interprétées comme ayant une portée rétroactive à moins que le texte de la Loi ne le décrète expressément ou n'exige implicitement une telle interprétation [...]

[20]            Toujours à la page 279, le juge Dickson poursuit en expliquant qu'une application rétroactive de la loi aurait pour effet de modifier des droits acquis :

[...] la disposition abrogative démontre qu'elle n'a aucune portée rétroactive dans le sens qu'elle modifie des droits acquis, bien qu'elle porte incontestablement atteinte aux transactions passées [...] [l'article] ne cherche pas à s'immiscer dans le passé et ne prétend pas signifier qu'à une date antérieure, il faille considérer que le droit ou les droits des parties étaient ce qu'ils n'étaient pas alors.

[21]            En l'espèce, la prétention de la demanderesse selon laquelle le ministre s'est trompé en appliquant le Règlement sur les ADC de façon rétroactive est non fondée. En appliquant les dispositions de 1998 aux renseignements fournis en vertu du Règlement antérieur, le ministre ne modifie ni le droit applicable aux événements passés ni un droit acquis. Le ministre a l'obligation permanente de tenir un registre des brevets de sorte que toutes les listes de brevets soient conformes au Règlement en vigueur. À mon avis, en appliquant le Règlement modifié sur les ADC, le ministre applique le Règlement en vigueur aux faits qui existent à ce moment-là. En conséquence, je suis convaincue qu'en l'espèce on ne peut assimiler la décision du ministre à une application rétroactive du Règlement sur les ADC.

[22]            Il importe de souligner le libellé du paragraphe 4(1) du Règlement de 1993 :


La personne qui dépose ou qui, avant la date d'entrée en vigueur du présent règlement, a déposé une demande d'avis de conformité à l'égard d'une drogue qui contient un médicament ou a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets.

A person who files, or before the coming into force of these Regulations has filed a submission for or has been issued, a notice of compliance in respect of a drug that contains a medicine may submit to the Minister a patent list.


[23]            De même, le Règlement de 1993 contient la même disposition que le paragraphe 3(3) du Règlement modifié sur les ADC :


Aucun renseignement soumis aux termes de l'article 4 n'est consigné au registre avant la délivrance de l'avis de conformité à l'égard duquel il a été soumis.

No information submitted pursuant to section 4 shall be included on the register until after the issuance of the notice of compliance in respect of which the information was submitted.



[24]            Donc, la demande d'avis de conformité à l'égard du brevet 969 a effectivement été déposée conformément au Règlement de 1993. La modification apportée en 1998 a précisé davantage cette exigence de pertinence du brevet à l'égard d'un médicament approuvé en ajoutant trois critères à l'alinéa 4(7)b) : forme posologique, concentration et voie d'administration. Maintenant, non seulement le brevet doit être pertinent quant au médicament à l'égard duquel l'ADC a été délivré, mais il doit également être pertinent quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de cette drogue. L'alinéa 4(7)b) modifié dispose :


(7) La personne qui soumet une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets aux termes des paragraphes (1) ou (4) doit remettre une attestation portant que :

[...]

b) les brevets mentionnés dans la liste ou dans la modification sont admissibles à l'inscription au registre et sont pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue visée par la demande d'avis de conformité.

(7) A person who submits a patent list or an amendment to an existing patent list under subsection (1) or (4) must certify that

[...]

(b) the patents set out on the patent list or in the amendment are eligible for inclusion on the register and are relevant to the dosage form, strength and route of administration of the drug in respect of which the submission for a notice of compliance has been filed.


[25]            En conclusion, l'argument de la demanderesse au sujet de la rétroactivité est sans fondement. Quoi qu'il en soit, le Règlement de 1993 contenait la même obligation que le Règlement modifié sur les ADC quant à la délivrance d'un avis de conformité à l'égard d'un médicament pertinent.

La pertinence


[26]            La demanderesse allègue qu'il est bien établi en droit qu'une revendication portant sur une formulation pharmaceutique comprenant un ingrédient actif et des ingrédients inactifs constitue une « revendication pour le médicament en soi » . Dans Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 62 C.P.R. (3d) 58, confirmé (1995), 67 C.P.R. (3d) 25 (CAF), le juge Noël a fait le commentaire suivant à la page 74 :

Compte tenu de ce qui précède, il semble manifeste que les mots « drogue » et « médicament » , utilisés au paragraphe 4(1) du Règlement, ne se contredisent pas l'un l'autre et n'ont pas pour objet d'établir une distinction entre un ingrédient actif et une préparation ou une composition comportant un ingrédient actif. Les deux types de substances, lorsqu'elles sont destinées à servir ou qu'elles peuvent servir au traitement ou à la prévention d'une maladie, constituent un « médicament » au sens du Règlement, et une revendication pour le médicament en soi, qu'elle se présente sous la forme d'un seul ingrédient actif ou sous la forme d'une composition, est visée par le Règlement.

[...] Si l'on garde à l'esprit que le Règlement a pour objet de prévenir la contrefaçon, et que la définition du mot « médicament » indique qu'il s'agit d'une ou de plusieurs substances ayant un effet thérapeutique, je dois conclure qu'une revendication pour une ou plusieurs de ces substances sous la forme d'une composition est « une revendication pour le médicament en soi » .

[27]            Le ministre convient qu'un brevet portant sur une formulation est une « revendication pour le médicament en soi » . En outre, même si le ministre ne conteste pas que le brevet 969 contient une « revendication pour le médicament en soi » au sens du paragraphe 4(2), il fait valoir que le brevet 969 n'est pas pertinent pour un médicament à l'égard duquel un avis de conformité a été obtenu.


[28]            Le Règlement sur les ADC exige d'une personne soumettant une liste de brevets qu'elle remette une attestation portant que les brevets sont « sont pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue visée par la demande d'avis de conformité » (alinéa 4(7)b)). En outre, le paragraphe 3(3) du Règlement sur les ADC interdit qu'un brevet soit consigné au registre avant la délivrance de l'avis de conformité à l'égard duquel ce renseignement a été soumis.

[29]            La vérification ministérielle du registre et la comparaison entre les revendications du brevet et les monographies des produits TAZIDIME et TAZIDIME ADD-VANTAGE révèlent qu'aucun avis de conformité n'a été sollicité à l'égard de la formulation du brevet 969 contenant de la ceftazidime et du lactose amorphe. Cependant, la demanderesse a obtenu des avis de conformité pour la ceftazidime et un autre composé. Elle affirme que la présence de ceftazidime dans les médicaments suffit à établir que le brevet est admissible à l'inscription au registre.


[30]            Au coeur de cette affirmation se trouve la question de savoir si la ceftazidime ne contenant pas de lactose amorphe répond à la définition de « médicament en soi » . La demanderesse reconnaît que la ceftazidime a tendance à se polymériser, c'est-à-dire à se dégrader et à se lier à d'autres molécules de ceftazidime dégradées. Lors de tests effectués sur des animaux, le procédé chimique a donné lieu à des effets toxicologiques nocifs. Le brevet 969 expose la solution mise à la disposition du public par la demanderesse pour régler ce problème de polymérisation, en l'occurence la formulation composée de ceftazidime, de lactose amorphe et d'une base pharmaceutiquement acceptable. Toutefois, la demanderesse n'emploie pas cette formulation dans ses produits pharmaceutiques TAZIDIME et TAZIDIME ADD-VANTAGE et n'a pas obtenu d'ADC à l'égard de la formulation du brevet 969.

[31]            La demanderesse soutient que le lactose amorphe est un ingrédient non médicinal ou inactif. En soi, la suppression du lactose amorphe de la formulation du médicament ne devrait pas avoir d'incidence sur l'admissibilité du brevet 969 à l'inscription sur le registre. Toutefois, vu le problème de polymérisation, il semble clair que sans lactose amorphe, la ceftazidime ne répondrait pas à la définition de médicament. À cause des effets nocifs de la ceftazidime sans lactose amorphe, il serait impossible de considérer celle-ci comme une « substance destinée à servir ou pouvant servir au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal, ou de leurs symptômes » au sens de l'article 2 du Règlement sur les ADC. Qui plus est, le brevet 969 ne contient pas de revendication visant le « médicament » ceftazidime. Il ne contient qu'une revendication portant sur la ceftazidime lorsqu'elle est associée avec du lactose amorphe et une base pharmaceutiquement acceptable.


[32]            En conséquence, je ne peux souscrire à l'argument de la demanderesse selon lequel le fait que TAZIDIME et TAZIDIME ADD-VANTAGE contiennent de la ceftazidime justifie l'inscription du brevet 969 au registre, même si leur formulation ne contient pas de lactose amorphe. L'article 2 du Règlement dispose qu'un brevet comportant « une revendication pour le médicament en soi » s'entend « notamment d'une revendication, dans le brevet, pour le médicament en soi préparé ou produit selon les modes du procédé de fabrication décrits en détail et revendiqués ou selon leurs équivalents chimiques manifestes. » Je suis donc d'avis que TAZIDIME et TAZIDIME ADD-VANTAGE ne contiennent pas « le médicament en soi » décrit au brevet 969. On ne peut que supposer que TAZIDIME et TAZIDIME ADD-VANTAGE sont fabriqués grâce à une formulation ou à un procédé différent, dont les détails se trouvent dans le document confidentiel intitulé Présentation de nouvelle drogue déposé auprès du ministre. Aucun avis de conformité n'a été délivré à l'égard de la revendication contenue au brevet 969 : ceftazidime, lactose amorphe et une base pharmaceutiquement acceptable.

[33]            La demanderesse se fonde sur les motifs du juge McGillis dans Apotex Inc. c. Ministre de la santé et al. (1999), 87 C.P.R. (3d) 271. Elle soutient que dans cette décision, notre Cour a statué qu'on ne peut assujettir l'inscription d'un brevet à la question de savoir si son titulaire utilise la formulation brevetée pour préparer la formulation commerciale d'un produit particulier. La demanderesse estime que le fondement de cette conclusion est qu'un brevet relatif à une formulation devrait être inscrit s'il peut être utilisé par un fabriquant de médicaments génériques pour produire une formulation pharmaceutiquement équivalente à un produit vendu par le titulaire du brevet.


[34]            À mon avis, les faits dans Apotex, précité, peuvent être distingués des faits en l'espèce. La demanderesse, Apotex, soutenait que le ministre aurait dû radier le brevet de la liste parce qu'il n'était pas pertinent pour la drogue à l'égard de laquelle il avait été délivré. Le juge McGillis a cependant estimé que le brevet était pertinent pour la drogue à l'égard de laquelle un ADC a été délivré. Le brevet contenait une revendication pour le médicament paroxétine et pour le procédé de fabrication des comprimés de paroxétine, ainsi qu'une revendication portant sur une formulation de comprimés de paroxétine préparés sans eau. Des avis de conformité avaient été délivrés à l'égard des comprimés PAXIL, une drogue contenant le médicament paroxétine. L'argument de la demanderesse sur ce point était différent de celui qui est soumis en l'espèce : dans Apotex, précité, la drogue à l'égard de laquelle un ADC avait été délivré était fabriquée par un procédé différent de celui précisé dans le brevet. En conséquence, le médicament paroxétine revendiqué dans le brevet était le même que celui présent dans la drogue PAXIL, à l'égard de laquelle un ADC avait été délivré.


[35]            Suivant les faits en l'espèce, le médicament revendiqué dans le brevet est la ceftazidime associée à du lactose amorphe et à une base pharmaceutiquement acceptable. Le médicament présent dans TAZIDIME et TAZIDIME ADD-VANTAGE, à l'égard desquels des ADC ont été délivrés, est la ceftazidime sous une autre formulation. Comme je l'ai dit précédemment, la ceftazidime en soi ne peut répondre à la définition de médicament et, en particulier, n'est pas « le médicament en soi » revendiqué dans le brevet 969. Donc, même si le juge McGillis a statué, avant la modification de 1998, que le procédé employé pour fabriquer une drogue à l'égard de laquelle un ADC a été délivré n'a pas besoin d'être identique à celui spécifié dans le brevet pour que celui-ci soit inscrit au registre, elle n'a pas conclu que le médicament n'a pas besoin d'être identique.

[36]            En outre, il s'agissait dans Apotex, précité, du contrôle judiciaire d'une décision du ministre rendue avant la modification apportée en 1998. En l'espèce, je ne dois pas oublier que le ministre doit s'acquitter de son obligation de tenir le registre des brevets, compte tenu de l'objectif législatif du Règlement sur les ADC, tout en gardant à l'esprit que le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation a souligné qu'il est important qu'il y ait au registre des brevets « une liste de brevets par médicament » .

[37]            Après l'audition de la présente affaire, le défendeur a porté à mon attention une décision qui traite précisément de la question soulevée en l'espèce. Dans Warner-Lambert Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2001] F.C.J. no 801 (C.F.1ère inst.), le juge Pinard a confirmé la décision du ministre de radier deux brevets du registre. Les brevets contenaient tous deux des revendications portant sur un composant du médicament et précisément sur les stabilisants. Il faisait remarquer ceci aux paragraphes 17, 18 et19 :

17. Selon moi, les paragraphes 4(1), (2) et (7) du Règlement sont clairs : pour qu'un brevet compris dans une liste de brevets soit admissible à l'inclusion dans le registre, il doit s'appliquer à un médicament pour lequel une demande d'avis de conformité a été déposée. Cette exigence contribue d'une manière évidente à [ce qu'il y ait « une liste de brevets par médicament » ], qui est un objectif clairement décrit dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation accompagnant les modifications apportées à l'article 4 du Règlement [...]

18. Dans la présente affaire, la preuve montre que les brevets -023 et -024 renferment des revendications relatives à des formulations pharmaceutiques qui sont considérées, au sens du Règlement, comme des médicaments faisant état d'un ingrédient médicamenteux.


19. Toutefois, la preuve montre également que les médicaments spécifiques visés par les brevets -023 et -024 n'ont jamais fait l'objet d'une demande d'avis de conformité en vertu du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., c. 870, et ses modifications. De plus, la preuve montre que les produits médicamenteux ACCUPRIL et ACCURETIC, pour lesquels des présentations de drogue ont été soumises et approuvées par le ministre, ne contiennent ni stabilisant à l'acide ascorbique, ni acide ascorbique ou ascorbate de sodium, qui sont les stabilisants contenus dans les formulations visées par les brevets -023 et -024. Par conséquent, ces brevets ne correspondent pas aux produits médicamenteux pour lesquels le fabricant a soumis une demande d'avis de conformité. En conséquence, ils ne sont pas conformes aux exigences d'admissibilité décrites aux paragraphes 4(1), (2) et (7) du Règlement. Le ministre était donc fondé de refuser d'ajouter les brevets -023 et -024 au registre.

(Citations omises)

[38]            Les faits soumis au juge Pinard sont en tout point identiques à ceux de la présente affaire. Pour qu'un brevet demeure inscrit au registre, il faut qu'il soit pertinent pour un médicament à l'égard duquel un ADC a été délivré. Le juge Pinard a statué que lorsque la formulation pharmaceutique revendiquée dans le brevet diffère de celle du médicament, le brevet ne « s'applique » pas à ce médicament.

[39]            En l'espèce, le médicament revendiqué dans le brevet 969 n'est pas le même que celui utilisé dans TAZIDIME et TAZIDIME ADD-VANTAGE. Conséquemment, j'estime que l'interprétation que le ministre a faite du Règlement sur les ADC est bien fondée, de même que sa décision de radier le brevet 969 du registre des brevets.


Dispositif

[40]            Conséquemment, la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur du défendeur.

  

                                                                              « Dolores M. Hansen »            

                                                                                                      J.C.F.C.                      

Ottawa (Ontario)

10 janvier 2002

    

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

                      

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                             T-1212-00

INTITULÉ :                                            Eli Lilly Canada Inc. et le Ministre de la Santé

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                  9 avril 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :    Le juge HANSEN

DATE DES MOTIFS :                        10 janvier 2002

  

COMPARUTIONS :

M. James Mills

Mme Jennifer Perry                                 POUR LA DEMANDERESSE

M. Rick Woyiwada                                 POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)                                     POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenbert

Sous-procureur général du Canada        POUR LE DÉFENDEUR

Goodmans

Avocats

Toronto (Ontario)                                    POUR L'INTERVENANT ÉVENTUEL

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.