Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040506

Dossier : IMM-6292-02

Référence : 2004 CF 660

ENTRE :

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                                          MANJIT KAUR SOHAL

                                                                                                                                        défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF


[1]                Manjit Kaur Sohal est citoyenne canadienne. Elle tente de parrainer l'admission de son époux au Canada. La demande de résidence permanente présentée par son époux a été rejetée pour raison de grande criminalité. Mme Sohal a déposé à titre de répondante un appel à l'égard de ce rejet. L'appel était en instance devant la Section d'appel de l'immigration lorsque la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), L.C. 2001, ch. 27, est entrée en vigueur le 28 juin 2002. La question en litige dans la présente instance est celle de savoir si les dispositions transitoires de la LIPR ont mis fin au droit d'appel de Mme Sohal. J'ai conclu qu'elles ne l'ont pas fait.

Les faits

[2]                En 1992, la défenderesse Manjit Kaur Sohal, son époux Parmjit Singh Kharud et leurs deux jeunes fils, alors âgés de dix ans et de trois ans, sont entrés au Canada en provenance de Grande-Bretagne.

[3]                En 1993, les quatre membres de la famille se sont établis en tant que résidents permanents du Canada.

[4]                En 1997, M. Kharud a été déclaré coupable d'agression sexuelle et a été condamné à une peine d'emprisonnement de trente mois.

[5]                En mars 1999, M. Kharud a été expulsé vers la Grande-Bretagne, le pays duquel il était citoyen.

[6]                Le 7 septembre 1999, Mme Sohal, qui était alors devenue citoyenne canadienne, a présenté une demande de parrainage de la demande de résidence permanente de son époux.

[7]                Le 14 novembre 2000, la demande de résidence permanente présentée par M. Kharud a été rejetée pour deux motifs distincts, à savoir : (a) en raison de sa déclaration de culpabilité, il a été jugé non admissible suivant l'alinéa 19(1)c) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (l'ancienne loi); et (b) il n'a pas obtenu l'autorisation du ministre pour pouvoir revenir au Canada, comme l'exige l'article 55 de l'ancienne loi.                       

[8]                Le 6 décembre 2000, Mme Sohal a déposé un appel à la Section d'appel de l'immigration à l'égard du rejet de la demande de résidence permanente de son époux.

[9]                Le 1er novembre 2001, la LIPR a reçu la sanction royale. Même si la loi n'était pas encore en vigueur, ses dispositions ont été connues aussi tôt qu'en novembre 2001.

[10]            Le 15 février 2002, la Section d'appel de l'immigration a fixé la date de l'audition de l'appel de Mme Sohal au 28 juin 2002, date à laquelle la LIPR est entrée en vigueur. Au cours de cette courte instruction préliminaire, personne n'a mentionné le fait que le 28 juin 2002 était la date de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

[11]            Le décret fixant la date de l'entrée en vigueur de la LIPR a été publié le 11 juin 2002 : TR/2002-97. Cependant, la Cour peut admettre d'office que l'intention du gouvernement de fixer au 28 juin 2002 la date de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi a été connue publiquement au moins quelques semaines avant le 11 juin 2002.


[12]            Le 7 mars 2002, le demandeur a présenté une requête devant la Section d'appel de l'immigration en vue d'obtenir le rejet de l'appel présenté par Mme Sohal, requête fondée sur l'absence de compétence compte tenu de l'alinéa 77(3.01)b) de l'ancienne loi. Selon cet alinéa, un appel ne pouvait pas être interjeté devant l'ancienne Section d'appel à l'égard du dossier de M. Kharud parce que le ministre avait émis un avis selon lequel il constituait un danger pour le public au Canada.

[13]            Le 22 avril 2002, le demandeur a retiré sa requête fondée sur l'absence de compétence en citant l'arrêt Wishart c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 4 C.F. 495 (C.A.), 2001 CAF 235, et a demandé que l'appel déposé par la défenderesse soit entendu. En agissant ainsi, le demandeur reconnaissait la compétence de l'ancienne Section d'appel d'entendre l'appel déposé par la défenderesse sous le régime de l'ancienne loi. Cette reconnaissance est survenue environ dix-huit mois après que la LIPR eut reçu la sanction royale et environ neuf semaines avant la date prévue pour l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

[14]            L'audience du 28 juin 2002 a été reportée afin de permettre que soient présentées des observations écrites à l'égard de l'article 196 de la LIPR, une disposition transitoire qui met soi-disant fin à certains appels portés devant la Section d'appel de l'immigration avant l'entrée en vigueur de la LIPR.

[15]            Le 29 novembre 2002, la Section d'appel de l'immigration a rejeté la demande présentée par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration afin que, suivant l'article 196, il soit mis fin à l'appel. La présente instance est la demande de contrôle judiciaire présentée par le ministre à l'égard de la décision de la SAI.

[16]            La défenderesse a prétendu que la présente demande de contrôle judiciaire était prématurée : voir l'arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Varela, 2003 CAF 42. Cependant, la décision de la Section d'appel de l'immigration n'était pas [TRADUCTION] « une simple décision relative à la preuve » comme dans l'arrêt Varela. Sa décision était attributive de compétence par sa nature. Il se peut que la présente demande de contrôle judiciaire n'ait pas été nécessaire si la Section d'appel de l'immigration avait eu la possibilité de traiter du bien-fondé de l'appel. Cependant, dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, j'ai conclu que la question de la compétence soulevée par le demandeur devrait maintenant être tranchée : voir l'arrêt Zündel c. Canada (Commission des droits de la personne), [2000] 4 C.F. 255 (C.A.), aux paragraphes 10 et 15.

La norme de contrôle


[17]            La seule question en litige dans la présente instance est une question d'interprétation législative : l'article 196 s'applique-t-il aux appels à l'égard des parrainages? Il s'agit d'une question de droit. Les deux avocats ont soutenu que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte : voir l'arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982. Le fait de simplement qualifier une question de question de droit ou de question de compétence, cependant, ne signifie pas nécessairement que la norme de contrôle est celle de la décision correcte : voir l'arrêt Dynamex Canada Inc. c. Mamona, 2003 CAF 248, au paragraphe 26. Cependant, il n'est pas nécessaire dans la présente instance d'examiner plus à fond la norme de contrôle appropriée étant donné que j'ai conclu que la décision faisant l'objet du contrôle est correcte.

Les dispositions législatives pertinentes

[18]            Les dispositions transitoires pertinentes de la LIPR énoncent ce qui suit :



190. La présente loi s'applique, dès l'entrée en vigueur du présent article, aux demandes et procédures présentées ou instruites, ainsi qu'aux autres questions soulevées, dans le cadre de l'ancienne loi avant son entrée en vigueur et pour lesquelles aucune décision n'a été prise.

[...]

192. S'il y a eu dépôt d'une demande d'appel à la Section d'appel de l'immigration, à l'entrée en vigueur du présent article, l'appel est continué sous le régime de l'ancienne loi, par la Section d'appel de l'immigration de la Commission.

[...]

196. Malgré l'article 192, il est mis fin à l'affaire portée en appel devant la Section d'appel de l'immigration si l'intéressé est, alors qu'il ne fait pas l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi, visé par la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64 de la présente loi.

197. Malgré l'article 192, l'intéressé qui fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi et qui n'a pas respecté les conditions du sursis, est assujetti à la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64 de la présente loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable.

190. Every application, proceeding or matter under the former Act that is pending or in progress immediately before the coming into force of this section shall be governed by this Act on that coming into force.

...

192. If a notice of appeal has been filed with the Immigration Appeal Division immediately before the coming into force of this section, the appeal shall be continued under the former Act by the Immigration Appeal Division of the Board.

...

196. Despite section 192, an appeal made to the Immigration Appeal Division before the coming into force of this section shall be discontinued if the appellant has not been granted a stay under the former Act and the appeal could not have been made because of section 64 of this Act.

197. Despite section 192, if an appellant who has been granted a stay under the former Act breaches a condition of the stay, the appellant shall be subject to the provisions of section 64 and subsection 68(4) of this Act.


[19]            L'article 64 de la LIPR mentionne la grande criminalité :


64.(1) L'appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou l'étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée, ni par dans le cas de l'étranger, son répondant.

Grande criminalité

(2) L'interdiction de territoire pour grande criminalité vise l'infraction punie au Canada par un emprisonnement d'au moins deux ans.

Fausses déclarations

(3) N'est pas susceptible d'appel au titre du paragraphe 63(1) le refus fondé sur l'interdiction de territoire pour fausses déclarations, sauf si l'étranger en cause est l'époux ou le conjoint de fait du répondant ou son enfant.

64.(1) No appeal may be made to the Immigration Appeal Division by a foreign national or their sponsor or by a permanent resident if the foreign national or permanent resident has been found to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality.

Serious criminality

(2) For the purpose of subsection (1), serious criminality must be with respect to a crime that was punished in Canada by a term of imprisonment of at least two years.

Misrepresentation

(3) No appeal may be made under subsection 63(1) in respect of a decision that was based on a finding of inadmissibility on the ground of misrepresentation, unless the foreign national in question is the sponsor's spouse, common-law partner or child.


[20]            Il est également utile de mentionner certaines dispositions de l'ancienne loi afin de mieux comprendre les dispositions transitoires de la LIPR. Les paragraphes 70(1) et 77(3) prévoyaient respectivement des appels à l'égard des mesures de renvoi et des parrainages. Les paragraphes 73(1) et 77(4) énonçaient la manière selon laquelle ces différents appels pouvaient être tranchés par la Section d'appel de l'immigration.




70.(1) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), les résidents permanents et les titulaires de permis de retour en cours de validité et conformes aux règlements peuvent faire appel devant la section d'appel d'une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel en invoquant les moyens suivants:

a) question de droit, de fait ou mixte;

b) le fait que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada.

[...]

73.(1) Ayant à statuer sur un appel interjeté dans le cadre de l'article 70, la section d'appel peut :

a) soit y faire droit;

b) soit le rejeter;

c) soit, s'il s'agit d'un appel fondé sur les alinéas 70(1)b) ou 70(3)b) et relatif à une mesure de renvoi, ordonner de surseoir à l'exécution de celle-ci;

d) soit, s'il s'agit d'un appel fondé sur les alinéas 70(1)b) ou 70(3)b) et relatif à une mesure de renvoi conditionnel, ordonner de surseoir à l'exécution de celle-ci au moment où elle deviendra exécutoire.

[...]

77.(3)    S'il est citoyen canadien ou résident permanent, le répondant peut, sous réserve des paragraphes (3.01) et (3.1), en appeler devant la section d'appel en invoquant les moyens suivants :

a) question de droit, de fait ou mixte;

b) raisons d'ordre humanitaire justifiant l'octroi d'une mesure spéciale

[...]

77.(4)    La section d'appel peut faire droit à l'appel visé au paragraphe (3) ou le rejeter. Elle fait part de sa décision et de ses motifs au ministre et à l'appelant.

70.(1) Subject to subsections (4) and (5), where a removal order or conditional removal order is made against a permanent resident or against a person lawfully in possession of a valid returning resident permit issued to that person pursuant to the regulations, that person may appeal to the Appeal Division on either or both of the following grounds, namely,

(a) on any ground of appeal that involves a question of law or fact, or mixed law and fact; and

(b) on the ground that, having regard to all the circumstances of the case, the person should not be removed from Canada.

...

73.(1) The Appeal Division may dispose of an appeal made pursuant to section 70

      (a) by allowing it;

      (b) by dismissing it;

      (c) in the case of an appeal pursuant to paragraph 70(1)(b) or 70(3)(b) respecting a removal order, by directing that execution of the order be stayed; or

(d) in the case of an appeal made pursuant to paragraph 70(1)(b) or 70(3)(b) respecting a conditional removal order, by directing that execution of the order on its becoming effective be stayed.

...

77.(3) Subject to subsections (3.01) and (3.1), a Canadian citizen or permanent resident who has sponsored an application for landing that is refused pursuant to subsection (1) may appeal to the Appeal Division on either or both of the following grounds:

(a) on any ground of appeal that involves a question of law or fact, or mixed law and fact; and

(b) on the ground that there exist compassionate or humanitarian considerations that warrant the granting of special relief.

...

77.(4) The Appeal Division may dispose of an appeal made pursuant to subsection (3) by allowing it or by dismissing it, and shall notify the Minister and the person who made the appeal of its decision and the reasons therefor.


Analyse

[21]            La décision de la Section d'appel de l'immigration a été rendue par un seul commissaire qui a conclu que l'article 196 ne s'appliquait pas aux appels à l'égard des parrainages. Je partage l'opinion du commissaire, mais pour des motifs quelque peu différents. J'ai eu l'avantage d'examiner le récent arrêt de la Cour d'appel Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Medovarski, 2004 CAF 85. L'arrêt Medovarski a été rendu après la tenue de l'audience dans la présente affaire. Les avocats ont déposé des observations écrites additionnelles à l'égard des conséquences, le cas échéant, de l'arrêt Medovarski sur la présente instance.

[22]            L'interprétation des dispositions transitoires de la LIPR devrait suivre le cadre analytique énoncé comme suit par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au paragraphe 21( par M. le juge Iacobucci) :

Bien que l'interprétation législative ait fait couler beaucoup d'encre [...], Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l'interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit :

[TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.


[23]            L'utilisation de la méthode contextuelle pour l'interprétation législative devrait prendre en compte les objectifs parfois concurrents de la nouvelle loi. De plus, ces objectifs concurrents peuvent avoir des conséquences différentes sur les dispositions de fond et sur les dispositions transitoires de la nouvelle loi.

[24]            Le ministre souhaite donner effet aux dispositions relatives à la grande criminalité contenues à l'article 64 de la LIPR en refusant aux criminels l'accès au Canada, l'un des objectifs de la nouvelle loi. Quant à elle, Mme Sohal tente de parrainer le retour de son époux au Canada où elle et ses enfants sont établis. La réunification de cette famille ne serait pas incompatible avec l'objectif énoncé à l'alinéa 3(1)d) de la LIPR.

[25]            L'article 192 est la règle transitoire qui régit tous les appels en instance devant la Section d'appel de l'immigration en date du 28 juin 2002, date de l'entrée en vigueur de la LIPR. Il prévoit que ces appels seront continués par la Section d'appel de l'immigration de la Commission sous le régime de l'ancienne loi. Si cette disposition transitoire était la seule disposition qui existait, il n'est pas contesté que l'appel de Mme Sohal en tant que répondante canadienne serait continué.


[26]            Cependant, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration s'appuie sur l'exception prévue à l'article 196 qui prévoit que, malgré l'article 192, il est mis fin à l'affaire portée en appel devant la Section d'appel de l'immigration si : (a) l'intéressé n'a pas fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi; et (b) l'intéressé est visé par la restriction au droit d'appel prévue par l'article 64 de la LIPR.

[27]            Mme Sohal a un droit d'appel à la Section d'appel de l'immigration suivant l'article 192. Si le législateur voulait lui enlever son droit d'appel prévu par l'article 192, il devait le faire dans un langage clair et non équivoque. L'article 196 ne fournit pas cette clarté. Par exemple, voir Ruth Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4th ed. (Markham, Ontario : Butterworths, 2002), aux pages 156 et 157.

[28]            En tant que citoyenne canadienne, Mme Sohal ne peut remplir la première condition de l'article 196. Très simplement, en tant que répondante canadienne, elle n'aurait pas pu faire « [...] l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi [...] » . Selon mon avis respectueux, le fait qu'un sursis n'ait jamais été envisagé pour une personne qui comme Mme Sohal dépose un appel indique l'intention du législateur d'enlever ce droit d'appel seulement aux personnes qui déposent des appels à l'égard des mesures de renvoi suivant l'article 70 de l'ancienne loi. La mention à l'article 196 de la LIPR d'un « [...] intéressé [...] [qui] ne fait pas l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi [...] » ne peut pas avoir d'application dans le cas d'une personne, citoyenne canadienne, qui dépose un appel.


[29]            Si le législateur voulait enlever à Mme Sohal le droit d'appel prévu par l'article 192 et mettre fin aux appels à l'égard des parrainages dans les cas où un étranger a participé à de la grande criminalité, il aurait pu et il aurait dû l'énoncer dans une « disposition très claire » : voir l'arrêt Abbott Laboratories et al. c. Ministre de la Santé et al., 2004 CAF 154, au paragraphe 31. Il ne l'a pas fait. C'est pour ce motif que je rejetterai la présente demande de contrôle judiciaire.

[30]            En outre, selon l'opinion de la majorité des juges dans l'arrêt Medovarski, lorsque les articles 192, 196 et 197 sont lus ensemble dans le cadre d'un régime transitoire cohérent, les mots « qui fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi » devraient avoir le même sens aux articles 196 et 197, selon ce qu'a déclaré M. le juge Evans, aux paragraphes 29 et 30. Suivant l'ancienne loi, ce n'était qu'à l'égard des mesures de renvoi ou des mesures de renvoi conditionnel que la Section d'appel de l'immigration pouvait ordonner un sursis suivant le paragraphe 73(1). Une fois de plus, suivant l'arrêt Medovarski (au paragraphe 29), la phrase « [...] l'intéressé qui fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi [...] » dans l'article 197 ne peut pas signifier un intéressé qui a obtenu un sursis d'origine législative parce qu'un tel intéressé n'aurait pas pu omettre de respecter une condition.


[31]            La Section d'appel de l'immigration pouvait accueillir ou rejeter les appels à l'égard des parrainages. Le paragraphe 77(4), évidemment, n'envisageait pas de sursis. Un intéressé en tant que répondant, par conséquent, n'aurait pas pu omettre de respecter une condition d'un sursis au sens de l'article 197. Par conséquent, si Mme Sohal ne pouvait pas faire « [...] l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi [...] » au sens de l'article 197, elle ne peut pas être visée par le sens de la même phrase à l'article 196.

[32]            Dit autrement, l'article 196 ne peut pas s'appliquer aux appels à l'égard des parrainages parce que le paragraphe 77(4) de l'ancienne loi ne prévoyait pas de sursis. De ce point de vue, je ne vois pas comment on pourrait dire que le législateur avait l'intention que les personnes qui déposent des appels à l'égard des parrainages soient visées par la phrase « has not been granted a stay under the former Act » ou « ne fait pas l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi » . Comme il a été mentionné plus tôt, une disposition très claire est requise pour priver une personne du droit d'appel prévu par l'article 192.

[33]            La position du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration est que l'article 196 traite tant des appels à l'égard des mesures de renvoi que des appels à l'égard des parrainages. Si cela était l'intention du législateur, et je ne suis pas convaincu que ce l'était, il a omis de l'énoncer clairement. Il aurait été simple d'énoncer tout bonnement, peut-être dans une disposition distincte, qu'il est mis fin aux appels à l'égard des parrainages dans les cas où l'étranger a participé à de la grande criminalité.


[34]            L'autre point de vue est que l'article 196 pourrait englober les sursis autres que ceux assortis de conditions comme le prévoit l'article 197 : voir l'arrêt Medovarski, par M. le juge Pelletier, en dissidence, au paragraphe 75. Le juge Pelletier poursuit en concluant que la phrase « l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi » à l'article 196 « [...] s'applique à tous les cas où il y a sursis, que ce dernier soit automatique ou discrétionnaire (c'est-à-dire prescrit par la SAI) [...] » (au paragraphe 92). Cependant, si cette interprétation était l'interprétation correcte, en pratique il ne serait mis fin à aucun appel à l'égard d'une mesure de renvoi se rapportant à de la grande criminalité.                      

[35]            Le juge Pelletier a immédiatement reconnu que son interprétation des dispositions transitoires pertinentes ne pouvait qu'éviter de rendre l'article 196 redondant si les appels à l'égard des parrainages dans les cas de grande criminalité étaient ce que visait cette disposition. Selon l'opinion majoritaire dans l'arrêt Medovarski, évidemment, il n'y a pas une telle redondance parce que l'article 196 pourrait toujours mettre fin aux appels à l'égard d'une mesure de renvoi pouvant faire l'objet d'un sursis automatique.


[36]            Dans l'arrêt Medovarski, la principale question en litige soumise à la Cour d'appel était celle du sens des mots « [...] fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi [...] » à l'article 196 dans le contexte d'un appel à l'égard d'une mesure de renvoi suivant l'article 70 de l'ancienne loi. La majorité des juges n'a pas tranché la question de savoir si l'article 196 avait pour effet de mettre fin aux appels à l'égard des parrainages. Plutôt, le juge Evans, selon ce qu'il a déclaré (au paragraphe 43), n'était « [...] pas convaincu qu'on peut trouver un objectif convaincant qui permette d'expliquer pourquoi le législateur aurait apporté ces exceptions à ce que l'avocat de Mme Medovarski dit être la règle générale, savoir qu'un appel déposé à la SAI avant le 28 juin 2002 est continué sous le régime de l'ancienne loi [...] » . Dans la présente instance, contrairement à l'arrêt Medovarski, la principale question en litige est celle de savoir si l'article 196 s'applique aux appels à l'égard des parrainages. Selon mon respectueux avis, il ne s'applique pas.

[37]            Les dispositions transitoires de la LIPR n'ont pas été rédigées d'une façon claire. L'analyse dans l'arrêt Medovarski fait ressortir certaines des différences qui existent entre la version anglaise et la version française des articles 196 et 197 (aux paragraphes 19 à 21 et 67 à 81). De plus, pourquoi le mot « immediately » a-t-il été inclus dans les articles 190 à 193? (Voir l'arrêt Medovarski, par le juge Pelletier, aux paragraphes 93 et 94.) Y a-t-il un équivalent français au mot « immediately » dans les mêmes articles? Pourquoi les mots « the appellant » dans les articles 196 et 197 ont-ils comme équivalent français le terme plus général « l'intéressé » , qui pourrait renvoyer au répondant qui dépose un appel ou au demandeur de résidence permanente? L'article 197 déclenche-t-il l'application de l'article 64 dans les cas où la personne qui dépose un appel ne respecte pas une condition du sursis même si le crime qui a donné lieu à la mesure de renvoi a été puni par une période d'emprisonnement de moins de deux ans? Il peut y avoir d'autres anomalies.

[38]            Finalement, mon interprétation de l'article 196 selon laquelle cet article ne s'applique pas aux appels à l'égard des parrainages est compatible avec le comportement des parties.


[39]            Comme il a été mentionné précédemment, au paragraphe 13, le demandeur a reconnu la compétence de l'ancienne Section d'appel de l'immigration à la fin d'avril 2002 lorsque les deux parties savaient que la date de l'audience avait été fixée au 28 juin 2002.

[40]            Même le 28 juin 2002, le jour prévu pour l'audience, le représentant du gouvernement a tenu pour acquis que l'ancienne loi s'appliquait à l'appel de la défenderesse, conformément à l'article 192 de la LIPR. Il était d'avis que l'article 196 s'appliquait aux appels à l'égard des mesures de renvoi suivant l'article 70 de l'ancienne loi, mais ne s'appliquait pas aux appels à l'égard des parrainages. Il a déclaré : [TRADUCTION] « Je pense que l'article 196 traite précisément des personnes qui ne sont pas visées par l'appel prévu par l'article 77, mais par l'appel prévu par l'article 70 » . En réponse à la mention de l'article 196 par le commissaire qui présidait l'audience, l'avocat du ministre a mentionné : [TRADUCTION] « Alors je ne suis pas certain si l'article 196 qui retire la compétence s'applique à cette affaire en particulier [...] » . L'avocat de Mme Sohal était également d'avis que l'article 196 ne s'appliquait pas.


[41]            Dans la présente instance, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration prétend qu'il a été mis fin au droit d'appel de Mme Sohal suivant l'article 192 par l'article 196, une autre disposition transitoire. J'ai conclu que le point de vue du gouvernement est erroné. Bien qu'il appartienne aux tribunaux d'interpréter les lois, je suis un peu rassuré par le fait que mon interprétation soit compatible avec ce à quoi s'attendaient les deux parties le 28 juin 2002, le jour de l'audience devant la Section d'appel de l'immigration.

[42]            Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Selon l'avocat du demandeur, il n'existe pas un grand nombre de décisions de la Cour fédérale à l'égard de l'interprétation de l'article 196 dans le contexte des appels à l'égard des parrainages. À mon avis, la question de l'interprétation législative dans la présente instance n'est pas une question qui « transcende les intérêts des parties au litige, qu'elle aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale [...] » : voir l'arrêt Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1637 (QL) (C.A.). L'article 196 est une disposition transitoire d'application limitée. J'ai décidé de ne pas certifier une question grave dans la présente instance.

« Allan Lutfy »

Juge en chef

Ottawa (Ontario)

Le 6 mai 2004

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-6292-02

INTITULÉ :                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION                                                            

demandeur

c.

MANJIT KAUR SOHAL                                                        

défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 25 NOVEMBRE 2003

OBSERVATIONS

ADDITIONNELLES :                      LE 15 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE EN CHEF

DATE DES MOTIFS :                     LE 6 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Ian Hicks                                                                                   POUR LE DEMANDEUR

Lorne Waldman                                                                         POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Ministère de la Justice

Tour Exchange

130, rue King Ouest

Bureau 3400, Case postale 36

Toronto (Ontario) M5X 1K6

Lorne Waldman                                                                         POUR LA DÉFENDERESSE

Waldman & Associates                                                            

281, avenue Eglinton Est

Toronto (Ontario) M4P 1L3


Date : 20040506

Dossier : IMM-6292-02

Ottawa (Ontario), le 6 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EN CHEF

ENTRE :

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                                          MANJIT KAUR SOHAL

                                                                                                                                        défenderesse

ORDONNANCE

VU la présente demande de contrôle judiciaire de la décision rendue en date du 29 novembre 2002 par la Section d'appel de l'immigration;

VU l'examen des dossiers de demande des parties, l'audience tenue le 25 novembre 2003 à Toronto (Ontario) et les observations écrites additionnelles présentées par les parties;

LA COUR ORDONNE PAR LA PRÉSENTE QUE la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« Allan Lutfy »

Juge en chef

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.