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Date : 20190604


Dossier : IMM‑1827‑18

Référence : 2019 CF 781

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 juin 2019

En présence de monsieur le juge Norris

ENTRE :

FATIH YUZER

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  APERÇU

[1]  Le demandeur, Fatih Yuzer, est citoyen de la Turquie. Il est né en octobre 1989. En 2016, il a obtenu un diplôme de la Faculté d’architecture et de design de l’Université Kocaeli, en Turquie. Il vit avec ses parents dans la ville de Tatvan. (Outre ses parents, six de ses frères et sœurs vivent aussi en Turquie.) Le demandeur projette de suivre d’autres études en architecture, d’exercer sa profession en Turquie et peut-être même d’y établir sa propre entreprise. Il veut perfectionner ses compétences en anglais, car il s’agirait pour lui d’un atout professionnel, surtout pour pouvoir communiquer avec des clients étrangers. Selon lui, il n’existe en Turquie aucun programme où l’on enseigne l’anglais professionnel. Les programmes qui y sont offerts ne proposent que l’enseignement de compétences de base en matière de compréhension de l’anglais et de conversation dans cette langue.

[2]  Le demandeur affirme qu’il lui faut plus que ce genre de programmes. Il a trouvé un programme qui lui conviendrait au Canadian Language Learning College (CLLC), à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Il profiterait d’une expérience immersive complète dans un milieu anglophone. Le demandeur affirme également que le fait d’étudier à Halifax lui procurerait un avantage supplémentaire, celui d’être auprès de son frère Emrullah, qui vit à Pictou County, en Nouvelle‑Écosse. Emrullah est marié à une citoyenne canadienne et est lui-même résident permanent du Canada. Le demandeur et lui entretiennent une relation très étroite. Emrullah et son épouse sont disposés à l’accueillir chez eux le temps qu’il étudie au Canada, ce qui serait pour lui doublement avantageux, puisqu’il payerait des frais moins élevés et vivrait dans un milieu familial qui lui apporterait du soutien pendant qu’il est loin de chez lui.

[3]  En octobre 2016, le demandeur a été admis à un programme de deux ans au CLLC et, en novembre 2016, il a présenté une demande de permis d’études. Cette demande a été rejetée. Il a fait trois autres tentatives. Au fil du temps, il a rajusté ses objectifs et a demandé un permis pour pouvoir suivre un programme d’un an au CLLC à la place. Toutes les demandes ont été rejetées. La dernière l’a été le 6 avril 2018.

[4]  Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision du 6 avril 2018 sur le fondement du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Il soutient que cette décision n’est pas conforme aux exigences de l’équité procédurale et est déraisonnable. Pour les motifs exposés ci‑après, je ne saurais conclure qu’il y a eu manquement aux exigences de l’équité procédurale, mais je conviens que la décision est déraisonnable. En conséquence, la décision sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un autre décideur pour qu’il rende une nouvelle décision.

II.  LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

[5]  Le rejet de la demande de permis d’études a été communiqué au demandeur dans une lettre de la Section des visas de l’ambassade du Canada à Ankara, en Turquie. Il s’agit d’une lettre type qui indique, au moyen de cases cochées, que l’agent des visas n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à la fin de son séjour, compte tenu surtout du but de sa visite. Par ailleurs, la lettre indique que les études que le demandeur propose de suivre [traduction] « ne sont pas raisonnables » eu égard à son emploi, à ses titres de compétence, à ses études antérieures, à son degré d’établissement, à la disponibilité d’autres possibilités d’instruction ainsi qu’à ses perspectives et à ses plans d’avenir.

[6]  Dans les notes qu’il a consignées dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC) à propos de la demande, l’agent a signalé que [traduction] « des programmes et des cours semblables sont déjà offerts dans la région et à un prix nettement inférieur ». De plus, il a indiqué qu’il ne considérait pas que le voyage proposé au Canada était [traduction] « une dépense raisonnable ou abordable ». Il est arrivé à la conclusion suivante : [traduction] « Compte tenu des raisons susmentionnées, je considère que les motifs incitant le demandeur à rester au Canada peuvent l’emporter sur les liens qu’il a avec son pays de résidence. De ce fait, je ne suis pas convaincu qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Demande rejetée. »

III.  LA NORME DE CONTRÔLE

[7]  Les parties soutiennent que, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, les questions d’équité procédurale doivent être tranchées selon la norme de la décision correcte. La question de savoir s’il est logique de parler d’une norme de contrôle dans le présent contexte soulève certains doutes, mais, essentiellement, je suis d’accord avec les parties. D’un point de vue pratique, cette norme signifie qu’il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue à l’égard du décideur sur cette question. Il me faut moi-même déterminer si le processus que le décideur a suivi satisfaisait au degré d’équité requis compte tenu de toutes les circonstances (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43 [Khosa]; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, aux paragraphes 33 à 56; Elson c Canada (Procureur général), 2019 CAF 27, au paragraphe 31).

[8]  Les parties soutiennent aussi – et je suis d’accord avec elles – que le fond de la décision portant sur une demande de permis d’études est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 602, au paragraphe 28). Il y a lieu de faire preuve de retenue envers l’agent en raison de son expertise relativement aux critères applicables et à la nature essentiellement factuelle de ce genre de décision discrétionnaire (Ngalamulume c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1268, au paragraphe 16; Akomolafe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 472, au paragraphe 12; Omijie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 878, au paragraphe 10 [Omijie]).

[9]  Selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision examine la décision pour déterminer si l’analyse tient à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]). Ces critères sont respectés si les motifs « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16). L’agent des visas n’est pas tenu de fournir des motifs détaillés, mais ceux qu’il fournit doivent être suffisants pour expliquer la décision (Quintero Pacheco c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 347, au paragraphe 36; Ogbuchi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 764, aux paragraphes 12 et 13 [Ogbuchi]; Omijie, aux paragraphes 22 à 28). La cour de révision ne devrait intervenir que si les motifs, considérés dans le contexte du dossier, ne satisfont pas à ce critère. Il ne lui appartient pas de soupeser de nouveau la preuve ou de substituer la solution qu’elle juge préférable (Khosa, aux paragraphes 59 et 61).

IV.  LES QUESTIONS EN LITIGE

[10]  Comme je l’expliquerai, bien que le demandeur ait contesté la décision pour plusieurs motifs, je suis d’avis que le rejet de la demande de permis d’études reposait sur la conclusion de l’agent des visas selon laquelle [traduction] « des programmes et des cours semblables sont déjà offerts dans la région et à un prix nettement inférieur ». Je vais structurer mon analyse de cette conclusion en posant deux questions :

  • a) A‑t‑on respecté les exigences de l’équité procédurale?

  • b) La décision de l’agent est‑elle déraisonnable?

V.  ANALYSE

A.  A‑t‑on respecté les exigences de l’équité procédurale?

[11]  Comme il a été mentionné précédemment, je dois déterminer si les procédures accordées au demandeur étaient équitables, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes.

[12]  Le demandeur fait valoir qu’on l’a privé de son droit à l’équité procédurale à plusieurs égards. Pour les besoins de la présente affaire, il suffit de mettre l’accent sur la conclusion de l’agent selon laquelle des programmes semblables sont offerts dans la région. Le demandeur soutient que cette conclusion repose sur des conjectures ou sur des connaissances extrinsèques et que l’agent aurait dû lui donner la chance d’y répondre avant de rendre sa décision.

[13]  Avant de me pencher sur l’observation du demandeur, il peut être utile d’en dire un peu plus sur l’obligation d’équité procédurale dans le contexte des décisions portant sur les permis d’études.

[14]  L’obligation d’équité procédurale en common law est « souple et variable » (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 21 [Baker]). Plusieurs facteurs doivent être pris en considération pour déterminer les exigences dans le contexte particulier d’une affaire donnée : 1) la nature de la décision rendue, 2) la nature du régime législatif dans le cadre duquel la décision a été rendue, 3) l’importance de la décision pour la ou les personnes visées, 4) les attentes légitimes de la partie qui conteste la décision et 5) les procédures que le décideur a lui-même suivies ainsi que ses contraintes institutionnelles (Baker, aux paragraphes 21 à 28).

[15]  Il est nécessaire d’examiner la portée des obligations procédurales sous un angle pragmatique, en raison du volume des demandes que les agents doivent évaluer. À cet égard, dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khan, 2001 CAF 345, le juge Evans a écrit ce qui suit (au paragraphe 32) :

[L’]orsqu’elle fixe le contenu du devoir d’équité qui s’impose pour le traitement des demandes de visas, la Cour doit se garder d’imposer un niveau de formalité procédurale qui risque de nuire indûment à une bonne administration, étant donné le volume des demandes que les agents des visas doivent traiter. La nécessité pour l’État de maîtriser les coûts de l’administration et de ne pas freiner le bon déroulement du processus décisionnel doit être mise en parallèle avec les avantages d’une participation de l’intéressé au processus.

[16]  En appliquant tous ces facteurs, les tribunaux ont systématiquement conclu que, dans le cas des demandes de permis d’études, les exigences de l’équité procédurale sont « souples » et se situent à l’extrémité inférieure du continuum (Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 791, aux paragraphes 45 à 50; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 526, au paragraphe 34 [Singh]; Hakimi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 657, au paragraphe 14). L’agent est tenu de faire preuve d’équité procédurale envers le demandeur, mais ce qui est exigé pour assurer l’équité du processus est atténué par le fait que la question en litige est une demande de permis d’études. C’est donc dire que, par exemple, un agent des visas n’est pas légalement obligé de prévenir un demandeur des lacunes de sa demande avant de rendre une décision, quand ces lacunes ont trait à des conditions juridiques préalables auxquelles il est nécessaire de répondre pour que la demande soit accueillie (Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690, au paragraphe 38).

[17]  Cela dit, le fait qu’un agent des visas se fonde sur une preuve extrinsèque sans donner au demandeur la possibilité d’y répondre serait un manquement à l’équité procédurale (Do c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1064, au paragraphe 17; Cheema c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1170, au paragraphe 12). Parallèlement, il peut être difficile de déterminer si l’agent s’est fondé sur une preuve « extrinsèque » ou non. Les agents des visas sont censés s’en remettre à leur propre expertise au sujet des conditions du pays de résidence quand ils se prononcent sur une demande de permis d’études. Comme l’a déclaré le juge Russell dans la décision Singh, au paragraphe 52 :

Les demandeurs peuvent raisonnablement s’attendre à ce que les agents utilisent leur propre expérience et leur propre expertise pour évaluer la demande et tirent des inférences et des conclusions à partir des éléments de preuve leur ayant été soumis sans nécessairement faire connaître aux demandeurs leurs interrogations. Il revient aux demandeurs de présenter des demandes qui sont convaincantes et qui prévoient les inférences défavorables qui peuvent être tirées des éléments de preuve et des conditions locales et de répondre à celles‑ci.

[18]  À mon avis, en l’espèce, l’agent a fait ce que l’on attendait de lui et s’en est remis à son expertise au sujet des conditions dans le pays de résidence pour décider si la proposition du demandeur d’étudier l’anglais au Canada était raisonnable, compte tenu de l’ensemble des circonstances (voir Duc Tran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1377, au paragraphe 32). Il n’était pas question de s’en remettre à une preuve extrinsèque ou encore moins à des conjectures. Je ne suis pas d’accord avec le défendeur pour dire que l’agent s’est simplement fondé sur un [traduction] « fait évident » qui ne l’obligeait pas à donner au demandeur la possibilité d’y répondre, mais le fait que l’agent, au moment d’évaluer la demande, a examiné si des programmes convenables étaient offerts dans le pays de résidence n’a sûrement pas dû prendre le demandeur par surprise. L’agent n’a pas manqué à l’obligation d’équité procédurale en concluant que le demandeur n’avait pas réussi à établir qu’étant donné qu’il n’y avait pas de programmes convenables dans le pays de résidence, le fait d’étudier l’anglais au Canada était une option raisonnable.

[19]  Le fait de savoir s’il était raisonnable de la part de l’agent de se fonder sur cette conclusion est une autre question, que je vais maintenant examiner.

B.  La décision de l’agent est‑elle déraisonnable?

[20]  Comme nous l’avons vu précédemment, l’agent des visas n’est pas tenu de fournir des motifs détaillés. En l’espèce, ses motifs sont très succincts, mais ils résisteront au contrôle judiciaire tant qu’ils sont suffisants pour expliquer pourquoi la demande de permis d’études a été rejetée. Le demandeur est d’avis qu’ils ne le sont pas. Sur un point essentiel, je suis d’accord avec lui.

[21]  Dans le cadre de la demande de permis d’études, la question déterminante consistait à savoir si le demandeur avait persuadé l’agent qu’il allait quitter le Canada à la fin de son séjour autorisé. Pour décider si le demandeur s’était acquitté du fardeau qui lui incombait à cet égard, l’agent devait soupeser plusieurs facteurs différents. Ces facteurs sont mentionnés dans la lettre de décision du 6 avril 2018 et dans les notes figurant dans le SMGC. Un facteur important sur lequel l’agent s’est fondé est la disponibilité de programmes semblables en Turquie. Nul ne conteste qu’il s’agit d’un facteur pertinent. Le demandeur avait tenté de faire valoir que les programmes d’apprentissage de l’anglais offerts dans son pays de résidence étaient insuffisants pour ses besoins précis. Pour évaluer cette allégation, l’agent était en droit de s’en remettre à sa connaissance des conditions du pays de résidence, comme nous l’avons déjà vu. Le problème que posent les motifs de l’agent est que le simple fait d’affirmer que [traduction] « des programmes et des cours semblables sont déjà offerts dans la région et à un prix nettement inférieur » ne me permet pas de décider s’il s’agit d’une conclusion de fait raisonnable ou non. Rien n’explique de quelle façon l’agent est arrivé à cette conclusion (voir Ogbuchi, aux paragraphes 10 à 13; Omijie, au paragraphe 22). Même le fait de mentionner simplement quelques exemples de ce que l’agent considérait comme des programmes semblables en Turquie aurait été utile. Bien que l’on s’attende à ce que je m’en remette aux connaissances et à l’expérience de l’agent, l’application de la norme de la décision raisonnable ne m’oblige pas à adhérer aveuglement à l’évaluation que fait l’agent (Lake c Canada (Ministre de la Justice), 2008 CSC 23, au paragraphe 41).

[22]  Les agents des visas jouissent d’un vaste pouvoir discrétionnaire lorsqu’ils apprécient la preuve et parviennent à une décision, tant que cette dernière repose sur des conclusions de fait raisonnables (Zhang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1493, au paragraphe 7). Comme elle m’empêche de déterminer si une conclusion de fait importante est raisonnable ou non, la décision qu’a rendue l’agent en l’espèce est dénuée de justification, de transparence et d’intelligibilité. Par conséquent, elle doit être annulée.

[23]  Enfin, je devrais signaler que l’affidavit souscrit par le demandeur le 12 juin 2018 à l’appui de la présente demande de contrôle complète à certains égards importants les renseignements dont disposait l’agent des visas. La règle générale est que, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de nature administrative, le dossier de preuve se limite à celui dont disposait le décideur (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, au paragraphe 19 [Access Copyright]; Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263, au paragraphe 13 [Bernard]). La justification de cette règle est fondée sur les rôles respectifs du décideur administratif et de la cour de révision (Access Copyright, aux paragraphes 17 et 18; Bernard, aux paragraphes 17 et 18). Le décideur tranche l’affaire sur le fond. La cour de révision ne peut qu’examiner la légalité générale de ce que le décideur a fait. Il est possible de faire exception à cette règle (comme l’indique l’arrêt Access Copyright, au paragraphe 20, et l’arrêt Bernard, aux paragraphes 19 à 28), mais aucune ne s’applique en l’espèce. Par conséquent, je ne me suis nullement fondé sur les nouveaux renseignements que renferme l’affidavit du demandeur.

VI.  LES DÉPENS ET AUTRES MESURES DE REDRESSEMENT

[24]  Le demandeur a sollicité les dépens afférents à la présente demande.

[25]  L’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, prévoit qu’aucuns dépens ne devraient être adjugés dans des affaires comme la présente, sauf si des raisons spéciales le justifient. Bien que la situation qu’a vécue le demandeur depuis 2016 en essayant d’obtenir un permis d’étude ait sans aucun doute été source de frustration et de stress, la seule décision dont je suis saisie en l’espèce est celle du 6 avril 2018. Rien dans cette décision ou dans les motifs que j’ai exposés pour l’annuler ne justifie une adjudication de dépens.

[26]  De plus, dans ses observations orales lors de l’instruction de la présente affaire, le demandeur m’a demandé d’ordonner, dans l’éventualité où sa demande serait accueillie, que la demande de permis d’études soit examinée par un bureau des visas différent de celui d’Ankara. À mon avis, il suffit que sa demande soit examinée de nouveau par un autre décideur. Je n’ai aucune raison de croire que cette personne, même si elle exerce ses fonctions à l’ambassade du Canada à Ankara, n’évaluera pas la situation du demandeur en gardant l’esprit ouvert ou ne tranchera pas la demande en se fondant sur les renseignements présentés et le droit applicable.

VII.  CONCLUSION

[27]  Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision rendue par l’agent des visas le 6 avril 2018 est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour qu’il rende une nouvelle décision.

[28]  Les parties n’ont proposé aucune question grave de portée générale à certifier sur le fondement de l’alinéa 74d) de la LIPR, et je conviens qu’il ne s’en pose aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑1827‑18

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de l’agent des visas, datée du 6 juin 2018, est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour nouvelle décision.

  3. Aucune question de portée générale n’est énoncée.

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« John Norris »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 28e jour de juin 2019.

Mylène Boudreau, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1827‑18

 

INTITULÉ :

FATIH YUZER c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 NOVEMBRE 2018

 

JUGeMENT ET MOTIFS :

LE JUGE NORRIS

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 4 JUIN 2019

 

COMPARUTIONS :

Pantea Jafari 

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Gordon Lee

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pantea Jafari

Jafari Law

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto, Ontario

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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