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Date : 19990617


Dossier : IMM-3384-98

ENTRE :



THEIVENDRAM THIRUVARULSELVAN,


demandeur,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.



MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE BLAIS


[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 26 juin 1998, dans laquelle l"agente principale, Maria M. Blair dans laquelle l"agente a conclu que le demandeur ne remplissait pas les conditions requises pour que sa revendication du statut de réfugié soit soumise à la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié.

LES FAITS

[2]      Le demandeur est citoyen du Sri Lanka. Craignant d"être persécuté au Sri Lanka en raison de son âge, sa race, sa nationalité et son appartenance à un groupe social particulier, [TRADUCTION] " Jeunesse des jeunes Tamouls ", le demandeur s"est enfui en Allemagne.

[3]      Le demandeur s"est vu accorder le statut de réfugié en Allemagne le 14 juin 1994.

[4]      Le demandeur allègue qu"il se faisait harceler, humilier et qu"il était persécuté en Allemagne en raison de sa couleur.

[5]      Le demandeur allègue que le 24 avril 1996, il a été attaqué par des inconnus dans un endroit appelé Hagen. Son dos l"a fait gravement souffrir. En février 1997, il dit avoir encore été attaqué, par des individus armés. Il a subi une profonde entaille au-dessus du genou droit.

[6]      Le 19 avril 1997, le demandeur a été attaqué à nouveau par les mêmes personnes qui l"avaient attaqué auparavant.

[7]      Le demandeur estimait ne pas pouvoir retourner au Sri Lanka. Le 6 août 1997, il a présenté une demande du statut de réfugié au Canada.

LA DÉCISION DE L"AGENTE PRINCIPALE

[8]      L"agente principale, Mme Blair, a conclu conformément à l"article 46.01 de la Loi sur l"immigration que le demandeur ne remplissait pas les conditions pour demander le statut de réfugié au Canada, au motif qu"il s'était déjà vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention par l"Allemagne. Il s"est donc vu refuser l"accès au processus de reconnaissance du statut de réfugié.

[9]      La conclusion que le demandeur ne remplissait pas les conditions se fonde sur le fait que le demandeur s'est déjà vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention en Allemagne et que l"Allemagne est un pays dans lequel le demandeur peut être renvoyé.

[10]      Une mesure d"expulsion a été prise contre le demandeur le 26 juin 1998.

LA POSITION DU DEMANDEUR

[11]      Il est allégué que l"agente n"a pas tenu compte de la crainte de persécution du demandeur en Allemagne. Une crainte fondée de persécution existe quand une personne s"attend raisonnablement à ce que le fait de rester dans le pays peut entraîner un grave préjudice que le gouvernement ne peut ou ne veut pas empêcher, ce qui comprend aussi bien des actes d"hostilité particuliers que des conditions de vie défavorables, comme la discrimination dans une atmosphère d"insécurité et de crainte.

[12]      L"avocat du demandeur soutient que le demandeur avait droit à une audition équitable de sa revendication par la Section du statut de réfugié, que son droit à la sécurité garanti par l"article 7 de la Charte des droits est en jeu, et que le fait de refuser d"entendre sa demande est contraire aux principes de justice fondamentale.

[13]      Le demandeur prétend que l"agente aurait dû conclure qu"il remplissait les conditions prévues au paragraphe 46(1) et que sa demande aurait dû être renvoyée à la Section du statut de réfugié.

LA POSITION DU DÉFENDEUR

[14]      Le défendeur soutient que l"article 46.01 de la Loi sur l"immigration est clair et qu"il ne fait aucun doute que le demandeur a satisfait à la première partie de la définition qui se trouve à l"alinéa 46.01(1)a ).

[15]      Le défendeur prétend que le demandeur a admis qu"il s'était déjà vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention en Allemagne.

[16]      Le défendeur fait valoir que la seule question qui reste à trancher est celle de savoir si l"Allemagne est un pays dans lequel le demandeur peut être renvoyé. Le défendeur soutient que rien n"a été présenté à l"agente qui aurait pu l"amener à conclure que les autorités de l"immigration du pays de refuge auraient refusé de réadmettre le demandeur. Le demandeur avait en sa possession un document de voyage allemand valide, à savoir un passeport. La période de validité de ce document de voyage avait déjà été prolongée.

[17]      Le défendeur allègue que selon la preuve produite dans la présente affaire, la décision de l"agente de renvoyer le demandeur en Allemagne était fondée.

[18]      Dans la décision Jekula1, le juge Evans a conclu qu"un agent n"a pas à déterminer si la personne sera ou non persécutée dans le pays lui ayant accordé refuge :

         À mon avis, les mots " peut être renvoyé " ne signifient pas que l'agent principal soit tenu d'examiner si le demandeur craint avec raison d'être persécuté dans le pays d'asile. L'abrogation en 1993 de la disposition portant expressément sur cette situation signifie qu'il ne faut pas la réincorporer implicitement dans le texte à travers les mots " peut être renvoyé " figurant à l'alinéa 46.01(1)a ). Faire à l'agent principal obligation d'examiner si un demandeur satisfait à la définition de réfugié au sens de la Convention serait incompatible avec le processus expéditif et relativement simple prévu dans ce régime légal pour écarter certaines revendications irrecevables par la section du statut.
         Cela ne veut certainement pas dire que la Loi n'accorde aucune protection aux personnes qui ont besoin de la protection du Canada parce qu'elles craignent d'être persécutées dans le pays qui leur a accordé le droit d'asile. Le paragraphe 53(1) interdit expressément que les personnes dont la revendication a été jugée irrecevable soient renvoyées dans le pays où leur vie ou leur liberté seraient menacées pour l'une des raisons prévues dans la Convention.
         Lorsque M. Snow demanda à son supérieur s'il y avait un moratoire sur les renvois en Sierra Leone, il se peut bien qu'il eût l'article 53 à l'esprit. Cependant, et il semble que les avocats des deux parties en conviennent, l'existence de pareil moratoire n'avait aucun rapport avec le verdict d'irrecevabilité.
         D'ailleurs, dans Kaberuka c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] 3 C.F. 252 (C.F. 1re inst.), en page 250, le juge suppléant Heald a conclu dans le même sens, en ces termes :
             En vertu du paragraphe 46.01(2) de la Loi sur l'immigration, les personnes dont le statut de réfugié avait été reconnu à l'étranger étaient autorisées à revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention par rapport à leur pays d'asile, mais il n'existe aucune disposition équivalente dans la version actuelle de la Loi. L'abrogation quant au fond du paragraphe 46.01(2) de la Loi sur l'immigration indique que le législateur a choisi de ne pas permettre aux personnes dont le statut de réfugié a été reconnu par un autre pays de faire valoir une crainte bien fondée d'être persécutées dans leur pays d'asile.
         Le juge Heald a encore comparé le sens de l'alinéa 46.01(1)a) et du paragraphe 53(1), pour tirer la conclusion suivante :
             L'application automatique du paragraphe 53(1) aux personnes dont la revendication est irrecevable en vertu de l'alinéa 46.01(1)a) constitue un compromis légitime entre l'intérêt qu'a l'État à éviter la quête du meilleur pays d'asile et la nécessité que les conséquences du critère de recevabilité " le renvoi du Canada " soient appréciées dans le cadre d'une évaluation obligatoire du préjudice que son pays d'asile pourrait faire subir au demandeur visé par l'alinéa 46.01(1)a ).
         Je comprends que les demandeurs d'asile puissent trouver que le processus d'appréciation du risque administré par les agents d'Immigration Canada en application du paragraphe 53(1) est moins favorable que l'audition en bonne et due forme de la revendication par une formation de jugement de la section du statut, qui applique le critère moins rigoureux de la " crainte bien fondée " À la lumière cependant de l'historique des alinéas 46.01(1)a ) et b) ainsi que du régime légal pris dans son ensemble, cette considération n'est pas impérieuse au point de me convaincre que, pour examiner si un demandeur " peut être renvoyé ", l'agent principal doit procéder à l'appréciation du risque lors de l'application de l'alinéa 46.01(1)a ).

[19]      L"avocat du défendeur a également fait valoir que le critère de d"admissibilité de l"alinéa 46.01(1)a ) ne faisait intervenir aucun des droits protégés par l"article 7 de la Charte :

         Il se trouve cependant que dans ce contexte, les principes de justice fondamentale n'entrent en jeu que si l'action administrative porte atteinte au droit de la demanderesse à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Il s'agit donc de savoir si une décision rendue en application de l'alinéa 46.01(1)a) a cet effet. Je ne le pense pas. En premier lieu, s'il est vrai qu'un verdict d'irrecevabilité dénie à la demanderesse l'exercice d'un droit important, ce droit n'est pas compris dans " le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne "; v. Berrahma c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 132 N.R. 202, page 213 (C.A.F.); Nguyen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 1 C.F. 696 (C.A.F.).
         En second lieu, il peut y avoir atteinte aux droits protégés par l'article 7 si le gouvernement renvoie une non-citoyenne dans un pays où elle craint d'être probablement violentée ou emprisonnée. Cependant, la conclusion que la revendication n'est pas recevable n'est qu'une étape dans le processus administratif qui pourrait aboutir au renvoi hors du Canada. L'étape suivante, c'est-à-dire la procédure d'appréciation du risque, à laquelle la demanderesse aura droit en application de l'article 53 avant qu'elle ne soit renvoyée, se prête au contrôle au regard des garanties constitutionnelles afin de garantir l'observation des principes de justice fondamentale, bien que cette procédure ne soit prévue ni dans la Loi ni dans les règlements pris pour son application; v. Kaberuka c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] 3 C.F. 252, page 271 (C.F., 1re inst.). De surcroît, tout en jugeant que la Loi sur l'immigration n'allait pas à l'encontre de l'article 7 en limitant la recevabilité, le juge Marceau, J.C.A., a encore fait observer ce qui suit dans Nguyen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 1 C.F. 696, pages 708 et 709 (C.A.F.) :
             Je serais toutefois d'avis que le ministre violerait carrément la Charte s'il prétendait exécuter une mesure d'expulsion en forçant l'intéressé à retourner dans un pays où, selon la preuve, il sera torturé et peut être mis à mort. Il me semble que ce serait ["] à tout le moins, commettre un outrage aux principes de justice fondamentale visés à l'article 7 de la Charte.
         Pour récapituler, les droits garantis par l'article 7 n'entrent pas en jeu à l'étape de la décision sur la recevabilité et de la mesure d'exclusion. Cependant, la demanderesse ne peut être légalement renvoyée hors du Canada sans une appréciation des risques auxquels elle peut s'exposer une fois de retour en Sierra Leone. Et les modalités de cette appréciation doivent être conformes aux principes de justice fondamentale.2

[20]      Le défendeur soutient qu"en vertu de l"article 53(1) de la Loi sur l"immigration, le demandeur a droit à ce que le danger qu"il courrait s"il était renvoyé soit évalué. Le demandeur est au courant de cela et il a l"intention de se prévaloir de la protection de l"article 53, comme l"indique une lettre écrite par son ancien avocat.

ANALYSE

[21]      L"alinéa 46.01(1)a ) et l"article 53 de la Loi sur l"immigration sont rédigés en des termes très clairs. À mon avis, le demandeur peut légitimement former une demande en vertu de l"article 53 de la Loi sur l"immigration et du " principe de l"existence d"un autre recours approprié ", et c"est ce qu"il devrait faire, comme l"explique le juge Joyal dans C.P. Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1992] J.C.F. no 927, confirmé par la Cour suprême en 19953. Le juge Joyal a dit :

         Il faut cependant préserver la caractéristique fondamentale du contrôle judiciaire, qui est celle d'un recours exceptionnel ou extraordinaire. Ce recours ne peut être exercé qu'en l'absence de toute autre voie de droit utile. Sauf incompétence prévue par un texte de loi, tel l"article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale , le redressement que peut accorder une cour par voie de contrôle judiciaire demeure essentiellement discrétionnaire. Saisie d'un recours à cet effet, la cour doit examiner tous les faits et circonstances de la cause et décider s'il n'y a pas quelque autre recours ou voie de droit.

[22]      Souscrivant aux motifs du juge Joyal, la Cour suprême a fait les remarques suivantes :

         Les intimées avaient le droit de demander le contrôle judiciaire à la Section de première instance de la Cour fédérale. Cela ne comportait toutefois pas le droit d'exiger que la cour procède effectivement à ce contrôle. [...]
         Le fait que le par. 18.1(3) crée une faculté plutôt qu'une obligation conserve la nature discrétionnaire traditionnelle du contrôle judiciaire. En conséquence, les juges de la Section de première instance de la Cour fédérale, dont fait partie le juge Joyal, jouissent d'un pouvoir discrétionnaire pour déterminer s'il y a lieu à contrôle judiciaire.
         En exerçant son pouvoir discrétionnaire, le juge Joyal s'est fondé sur le principe de l'existence d'un autre recours approprié. Selon lui, les procédures de contestation établies en vertu de la loi offraient aux intimées des possibilités adéquates de poursuivre leur contestation en matière de compétence et d'obtenir un redressement. Il a décidé en conséquence de ne pas procéder au contrôle judiciaire. [...]
         Me fondant sur ce qui précède, je conclus que les cours de justice doivent considérer divers facteurs pour déterminer si elles doivent entreprendre le contrôle judiciaire ou si elles devraient plutôt exiger que le requérant se prévale d'une procédure d'appel prescrite par la loi. Parmi ces facteurs figurent : la commodité de l'autre recours, la nature de l'erreur et la nature de la juridiction d'appel (c.-à-d. sa capacité de mener une enquête, de rendre une décision et d'offrir un redressement). Je ne crois pas qu'il faille limiter la liste des facteurs à prendre en considération, car il appartient aux cours de justice, dans des circonstances particulières, de cerner et de soupeser les facteurs pertinents.

[23]      Je remarque, à la page 6 du dossier de la demande, que l"avocat du demandeur a demandé que la cause de son client soit examinée dans le cadre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié, conformément à l"article 53. La lettre expose aussi que :

         [TRADUCTION] Une description détaillée de la persécution subie sera présentée en même temps que les observations que je ferai, dans le mois suivant la date de la présente demande.

[24]      Malheureusement, je n"ai pas eu connaissance d"une décision rendue par le Comité de révision des revendications refusées dans le dossier.

[25]      L"article 53 est le recours approprié pour éviter le renvoi du demandeur s"il se sent menacé en raison de sa race.

[26]      Étant donné ces circonstances, cet autre recours est à la disposition du demandeur et la présente demande de contrôle judiciaire peut être rejetée pour ce seul motif.

[27]      On trouve dans Carswell Immigration Law Partner, 1999-Release 1, à la page 2, une analyse de la décision Kaberuka c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] 3 C.F. 252 (1re inst.) :

         [TRADUCTION] À elles seules, les exigences quant à la recevabilité de la revendication, y compris celles qu'on trouve à l'art. 46.01, n'entraînent pas l'application de l'art. 7 ou 12 de la Charte, mais elles le pourraient si elles étaient combinées avec l'art. 53. La déclaration d'irrecevabilité de la revendication était automatique et impérative dans le cas de tous les demandeurs dont le statut de réfugié a été reconnu ailleurs, le seul obstacle à l'exécution de la mesure de renvoi étant une décision rendue par application du par. 53(1), qui entraînait l'application des art. 7 et 15 de la Charte, mais non de l'art. 12. [...]
         L'objectif poursuivi par le par. 46.01(1) est d'éviter une multiplicité de revendications de la part de personnes à la recherche des meilleurs conditions d'asile. Il est modifié par l'art. 53, qui accorde le droit de ne pas être expulsé du Canada lorsque l'expulsion menacerait la vie ou la liberté pour l'un ou l'autre des motifs précisés dans la définition de réfugié au sens de la convention donnée au par. 2(1). Le droit qu'accorde l'art. 53 est destiné à donner effet à des engagements internationaux. Le paragraphe 53(1) ne prévoit aucune procédure, mais une décision rendue sous le régime de cette disposition doit être compatible, sur le plan de la procédure, avec les principes de justice fondamentale. Ces principes n'exigent pas des procédures semblables à celles exigées par l'art. 7 de la Charte pour les personnes admissibles à revendiquer le statut de réfugié en vertu de la Loi. L'évaluation des circonstances aux fins de l'art. 53 devrait être laissée à la discrétion des fonctionnaires de l'immigration.

[28]      Dans la décision McAllister c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration), le juge MacKay a dit :

         La Loi a été changée de façon significative depuis l"arrêt Singh . Un changement majeur a été l"introduction de " critères de recevabilité " selon lesquels la revendication du statut de réfugié n"est pas recevable par la section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié si l"intéressé se trouvait dans l"une ou l"autre des situations prévues à l"article 46.01, lequel est entré en vigueur le 1er janvier 1989, peu après le dépôt de la revendication du statut de réfugié de M. McAllister4.

[29]      Dans la décision Berrahma c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), le juge Marceau a dit :

         Je ne vois absolument pas comment on peut dire qu"en refusant le refuge à un ressortissant étranger, le Parlement porte atteinte à la vie ou à la sécurité de cette personne. L"article 7 de la Charte ne s"interprète pas dans l"abstrait; il définit les limites à l"action de l"autorité publique, mais ne force pas celle-ci à agir; il exige, pour entrer en jeu, un geste concret, une législation, non pas seulement une abstention. Il n"impose pas en lui-même à l"État d"assurer une protection à tous ceux dont la vie ou la liberté seraient en danger, encore moins de fournir un refuge à tous les habitants du globe qui auraient peur pour leur vie ou leur sécurité, et ce, au reste, quelle que soit la cause du danger appréhendé5.

[30]      J"ai aussi examiné l"arrêt Harbhajan Singh c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177, et je suis d"avis, avec égards, que le paragraphe 2e ) de la Déclaration des droits n"a pas été violé par la décision de l"agente.

[31]      À mon avis, l"agente n"avait pas à évaluer si le demandeur serait ou non persécuté s"il était renvoyé en Allemagne; elle devait plutôt limiter son évaluation à la question de savoir si le demandeur était admissible au statut de réfugié. L"agente a fondé son évaluation sur l"information que le demandeur s"était déjà vu octroyer le statut de réfugié, information qui a fait l"objet d"un aveu de la part du demandeur (p. 12 du dossier de la demande) et qui était inscrite dans son passeport allemand.

[32]      L"agente était convaincue, sur la base de motifs raisonnables, que le demandeur serait effectivement réadmis en Allemagne et, ce faisant, elle n"a commis aucune erreur susceptible d"examen judiciaire.

[33]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[34]      L"avocat du demandeur a soumis deux questions :

     1.      Une décision, prise en vertu de l"alinéa 46.01(1)a ) de la Loi sur l"immigration, concluant que les mots " pays dans lequel [la personne] peut être renvoyé[e] " visent un pays à l"égard duquel une demande d"asile a été formée, mais non tranchée par la Section du statut de réfugié, viole-t-elle le paragraphe 2e ) de la Déclaration canadienne des droits, étant par conséquent non exécutoire?
     2.      Une décision, prise en vertu de l"alinéa 46.01(1)a ) de la Loi sur l"immigration, concluant que l"expression " pays dans lequel [la personne] peut être renvoyé[e] " vise un pays à l"égard duquel une demande d"asile a été formée, mais non tranchée par la Section du statut de réfugié, viole-t-elle l"article 7 de la Charte des droits et libertés , étant par conséquent non exécutoire?

[35]      Ces deux questions semblent laisser entendre que l"on demande à la Cour de conclure que la décision de l"agente était contraire à la Charte des droits ou à la Déclaration des droits, comme l"allègue l"avocat du demandeur.

[36]      De toute évidence, la question de la portée de ces deux questions ne peut pas être traitée par la Cour étant donné que la seule réparation possible serait de modifier l"alinéa 46.01(1)a ).

[37]      En l"absence d"un avis de question constitutionnelle dûment signifié en vertu des Règles de la Cour fédérale , je ne peux aborder ces deux questions. Ces deux questions ne seront pas certifiées.

[38]      L"avocat du défendeur demande également la certification d"une question :

     L"agent d"immigration qui interprète le passage " pays dans lequel [la personne] peut être renvoyé[e] " de l"alinéa 46.01(1)a ) de la Loi sur l"immigration comme incluant un pays à l"égard duquel la personne appréhende un danger pour sa vie ou sa liberté en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, du fait de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, commet-il une erreur de droit? La décision de l"agent viole-t-elle l"article 7 de la Charte ou le paragraphe 2e) de la Déclaration des droits?

[39]      Il n"est pas nécessaire de répondre à cette question pour disposer de la présente affaire; par conséquent, cette question ne sera pas certifiée.


Pierre Blais

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 juin 1999



Traduction certifiée conforme


Martin Desmeules

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :                  IMM-3384-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          THEIVENDRAM THIRUVARULSELVAN

                        

                         c.

                        

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                         ET DE L"IMMIGRATION

                        

LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L"AUDIENCE :              LE 2 JUIN 1999


MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE RENDUS PAR LE JUGE BLAIS


EN DATE DU :                  17 JUIN 1999


ONT COMPARU :

M. RONALD POULTON                  POUR LE DEMANDEUR

M. DAVID TYNDALE                  POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

JACKMAN, WALDMAN AND ASSOCIATES      POUR LE DEMANDEUR

TORONTO (ONTARIO)

M. Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Jekula c. M.C.I., (C.F. 1re inst., le 20 octobre 1998, IMM-4466-97)

2      Jekula c. M.C.I. (précitée), note 1.

3      [1995] 1 R.C.S. 3.

4      [1996] 2 C.F. 190

5      132 N.R. 202.

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