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Date : 20020605

Dossier : T-67-99

Référence neutre : 2002 CFPI 642

ENTRE :

                               DAVID STARR, MARTIN OKEMOW, MELANIE

                         OKEMOW (TRINDLE), GEORGE NETAWASTANUM,

             RITA OAR, HELEN STARR, JOHNNY MERRIER (OSSEMEMAS),

                    GEORGE NOSKIYE, ANDREW ORR, LOUIS J. CARDINAL,

                  SARAH SINCLAIR, HARVEY HOULE, et VICTOR CARDINAL

                                      au nom des Cris de Peerless Lake, de Trout

                     Lake et de God's Lake, de la bande indienne de Peerless Lake

                                                              et de Trout Lake

                                                                                                                                      demandeurs

                                                                         - et -

                               SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

                                                   représentée par le ministre

                                      des Affaires indiennes et du Nord canadien

                                                                                                                                  défenderesse

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

        La présente action concerne une demande collective fondée notamment sur le titre aborigène, les droits issus de traités et l'obligation de fiduciaire due aux Indiens des différentes bandes qui ont disparu du registre des Indiens après avoir été égarés dans   


la nature. Les présents motifs s'inscrivent dans le cadre des débats interlocutoires concernant des précisions que doivent fournir les demandeurs, plus précisément quant à la généalogie de quelques 720 individus qui affirment devoir être classés comme Indiens, avec les avantages qui s'y rattachent.

FAITS

        Le 20 décembre 1999, j'ai ordonné que soient fournies des précisions sous la forme de généalogies justificatives. À ce moment, les généalogies ne constituaient qu'un des aspects d'une conférence de gestion de l'instance. Les demandeurs avaient déjà en main quelques précisions prêtes à être présentées. Conscient de la difficulté qu'éprouveraient beaucoup d'entre nous à produire une généalogie complète remontant aux années indiquées dans la déclaration, soit peut-être aussi loin qu'à la Proclamation royale de 1763, mais certainement jusqu'au Traité no 6 de 1876 et au Traité no 9 de 1899, j'ai déterminé dans cette ordonnance en date du 20 décembre 1999 que les précisions devaient être fournies dans la mesure du possible.

        La défenderesse n'était pas satisfaite, avec raison, des précisions initialement soumises conformément à l'ordonnance en date du 20 décembre 1999. Elle a, par conséquent, présenté une demande péremptoire de précisions le 31 décembre 2000.


        Les deux avocats ont oublié la conférence de gestion de l'instance qui devait avoir lieu le 6 juin 2000, lors de laquelle la question des renseignements généalogiques aurait dû être résolue. Ainsi, la question est demeurée en suspens jusqu'au 24 octobre 2000, date à laquelle elle a été soumise à un collègue protonotaire qui a rendu une ordonnance en termes absolus quant aux renseignements généalogiques, incluant les lieux de résidence, les dates de naissance, de mariage et de décès de tous les ancêtres pertinents et au minimum des arrière-arrière-grands-parents maternels et paternels. Il est possible que l'avocat des demandeurs n'ait pris ni la demande initiale de précisions, ni l'ordonnance qui en a résulté avec suffisamment sérieux pour considérer leurs ramifications, et particulièrement les ramifications de la requête. Aussi, les demandeurs se sont-ils retrouvés astreints dans l'absolu à une tâche très difficile et peut-être de fait impossible.

        Les demandeurs n'ont pas réussi à présenter une preuve additionnelle en appel et ont ainsi été incapable d'obtenir l'annulation de l'ordonnance du protonotaire lors des appels subséquents. Le juge Strayer, dans ses motifs pour la Cour d'appel rendus le 8 mars 2002, a reconnu le bien-fondé de l'argument des demandeurs voulant que certaines des précisions demandées étaient impossible à fournir puisqu'il n'y avait aucun registre comportant les [traduction] « noms ainsi que les lieux et dates de naissance, de décès et de mariage de plusieurs générations de personnes » . La Cour d'appel n'était toutefois pas en mesure d'offrir une réparation directe par voie d'appel parce qu'aucun de ces éléments n'avait été soumis au protonotaire au moyen de la preuve ou lors du débat au moment de la requête initiale. Cependant, la Cour d'appel a offert une piste de solution raisonnable :


[5]            De plus, l'avocate des appelants-demandeurs avance maintenant (même si, de toute évidence, aucun élément de preuve admissible à cet effet n'a encore été présenté) que, par leurs efforts tant avant qu'après le prononcé de l'ordonnance du protonotaire, les demandeurs ont fourni tous les renseignements exigés qu'ils étaient en mesure de réunir. Dans ce cas, la question n'a pas à être examinée dans le cadre du présent appel, mais devrait plutôt faire l'objet d'une autre procédure devant le protonotaire ou le juge responsable de la gestion de l'instance, y compris, peut-être, une requête visant à faire modifier l'ordonnance du 24 octobre 2000 en application de l'alinéa 399(2)a) des règles. Il faudrait évidemment étayer cette requête d'une preuve par affidavit précise quant aux efforts déployés pour satisfaire aux modalités de l'ordonnance et de détails expliquant pourquoi il est impossible de respecter certains aspects de celle-ci. Les assertions générales faites par des avocats ou des experts au sujet des difficultés qu'ils éprouvent ne sauraient être suffisantes.

Les instructions sont précises. Le juge fait référence à la modification de l'ordonnance initiale, en date du 24 octobre 2002, en vertu de l'alinéa 399(2)a) qui prévoit la modification en raison de faits nouveaux qui sont survenus ou ont été découverts après que l'ordonnance a été rendue. La requête ainsi présentée devra être étayée par une preuve par affidavit détaillée démontrant pourquoi les renseignements n'ont pu être fournis. Le juge Strayer a affirmé de façon très catégorique que des assertions générales faites par des avocats ou des experts seraient insuffisantes.

ANALYSE

Requête en modification des demandeurs

        Dans ses motifs, la Cour d'appel fédérale a invité les demandeurs à demander un réexamen en vertu de l'alinéa 399(2)a) des Règles de la Cour fédérale (1998). Cette demande doit être fondée sur des assertions précises, et non sur des assertions générales.


        La requête des demandeurs vise l'annulation ou la modification de l'ordonnance rendue le 24 octobre 2000. Puisque les demandeurs n'ont pas produit de projet d'ordonnance, je présume qu'ils demanderont soit l'assouplissement des exigences relativement aux précisions à fournir, l'application en fait de la norme des efforts voulus, une conclusion de conformité avec cette norme, soit une modification portant la conclusion que les demandeurs ont fait tout ce qui leur était possible. Je note que les demandeurs font valoir qu'ils se sont substantiellement conformés à l'ordonnance existante. Le bien-fondé de ces arguments dépend de la preuve par affidavit des demandeurs.

Portée de l'alinéa 399(2)a) des Règles


        Dans l'ensemble, il ne faut pas perdre de vue que la présente affaire n'est ni un nouvel examen de la preuve et des arguments présentés lors de la requête initiale et des appels subséquents, ni une tribune pour entendre les arguments qui auraient pu ou dû être présentés lors de la requête initiale et des appels. Malheureusement, une partie substantielle des arguments écrits des demandeurs se range dans cette catégorie d'arguments qui ont soit été présentés lors de la requête initiale ou auraient pu l'être. Admettre et examiner de tels arguments serait aller au-delà de la portée de l'alinéa 399(2)a) parce qu'elle constitue une exception restreinte au principe du caractère définitif des décisions judiciaires : voir par exemple Zolfiqar c. Canada (1999), 48 Imm. L.R. (2e) 149, une décision du juge Rothstein, tel était alors son titre :

Il est de règle générale que les décisions judiciaires sont définitives. Le réexamen est une exception restreinte à la règle de l'irrévocabilité. Les faits nouveaux survenus par suite de la prise d'une décision ou découverts ultérieurement à la prise d'une décision peuvent donner lieu à un réexamen. [...] Voir les Règles de la Cour fédérale (1998), paragraphe 399(2). Toutefois, la partie qui cherche à obtenir un réexamen doit faire preuve de diligence raisonnable pour obtenir tous les renseignements pertinents antérieurs à la prise de la décision initiale. De plus, les nouveaux renseignements doivent en fait être nouveaux et ne doivent pas être les mêmes renseignements qui étaient auparavant disponibles, qui ont été présentés sous une autre forme ou donnés par l'entremise d'un autre témoin. (page 152)

        En règle générale, la requête en modification d'une ordonnance doit être présentée devant le juge ou le protonotaire qui a rendu l'ordonnance initiale. Toutefois, ce n'est pas une règle absolue ou quasi absolue comme dans le cas d'une ordonnance ex parte. En l'espèce, il n'est pas raisonnable de renvoyer l'affaire pour une nouvelle audition devant le protonotaire de Toronto qui a rendu l'ordonnance initiale, en partie en raison de la distance, mais principalement parce que la charge de travail actuelle du protonotaire de Toronto est telle que l'affaire ne serait pas entendue avant plusieurs mois. Ainsi, il est plus expéditif et moins coûteux que cette affaire soit entendue dans le contexte d'une conférence spéciale de gestion de l'instance.


      Le paragraphe 399(2) des Règles prévoit notamment :

(2) Annulation - La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l'un ou l'autre des cas suivants :

a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l'ordonnance a étérendue;

Pour un commentaire sur le paragraphe 399(2), l'avocat des demandeurs renvoie à l'arrêt Saywack c. Canada [1986] 3 C.F. 189 (C.A.F.), aux pages 201 et suivantes. Dans Annacis Auto Terminals (1997) Ltd. c. Cali (Le) (2000), 178 F.T.R. 40, à la page 46, j'ai résumé le droit sur ce point en reprenant les trois volets du critère applicable dont la Cour d'appel avait traité dans l'arrêt Saywack :

[20]          Comme le souligne l'avocat d'Annacis Terminals, les tribunaux ont hésité à modifier une ordonnance ou un jugement définitif : voir, par exemple, Rostamian c. M.E.I., (1992), 129 N.R. 394 (C.A.F.). La règle 399 prévoit une exception, mais la partie qui présente la requête doit satisfaire un critère très rigoureux pour obtenir la modification ou l'annulation d'une ordonnance. Le critère est à trois volets : premièrement, il doit y avoir de nouveaux faits établis ou découverts après le prononcé de l'ordonnance; deuxièmement, la partie qui présente la requête doit démontrer que les nouveaux faits n'auraient pu être découverts plus tôt malgré qu'elle ait exercé une diligence raisonnable; et, troisièmement, il faut établir que si les nouveaux faits avaient été mis en preuve dans l'action, l'ordonnance aurait probablement été différente : voir Re Saywack c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1986] 3 C.F. 189 (C.A.F.), à la p. 201 et suivantes, approuvant Dumble v. Cobourg and Peterbrough R.W. Co. (1881), 29 Gr. 121 (Ont. Ch.) et Canada c. Palmier (1998), 137 F.T.R. 71, à la page 73.


Selon le critère énoncé dans cet extrait, qui a été repris par le juge Blais dans la décision Watson c. The Queen, une décision inédite rendue le 28 mai 2002 dans le dossier T-1227-00, il doit y avoir en premier lieu de nouveaux faits établis ou découverts après le prononcé de l'ordonnance; en deuxième lieu, la partie qui présente la requête doit démontrer que les nouveaux faits n'auraient pu être découverts plus tôt malgré qu'elle ait exercé une diligence raisonnable; et en troisième lieu, il faut établir que si les nouveaux faits avaient été mis en preuve dans l'action, l'ordonnance aurait probablement été différente.

      Dans l'arrêt Saywack (précité), la Cour d'appel était d'avis qu'un fait découvert après le prononcé de l'ordonnance peut englober davantage qu'un fait nouveau (page 201).

Application de la Règle 399(2)a)


      Pour satisfaire à l'exigence de l'alinéa 399(2)a) les demandeurs doivent d'abord établir qu'un fait nouveau a été établi ou découvert depuis le prononcé de l'ordonnance en date du 24 octobre 2000. Comme le critère est rigoureux et que l'exception au caractère définitif de l'ordonnance est restreinte, j'estime qu'il est approprié d'élargir la portée du premier volet du critère afin d'inclure les matières que devaient rechercher les requérants aux termes de l'ordonnance, particulièrement lorsqu'il s'agit d'une preuve par la négative, en ce sens que certains renseignements n'existent pas. Cela ressort à la fois des directives du juge Strayer relativement à l'application du paragraphe 399(2) et à l'utilisation d'une preuve par affidavit précisant quels aspects de l'ordonnance allaient au-delà de la capacité des demandeurs de s'y conformer. Comme les demandeurs doivent démontrer l'inexistence de certains documents, il faut examiner attentivement la preuve qu'ils présentent et lui accorder le poids qui convient pour établir, selon la prépondérance des probabilités, l'existence ou l'inexistence des documents. Ce concept a été énoncé par le juge Laskin dans l'arrêt Continental Insurance Co. c. Dalton Cartage Co., [1982] 1 R.C.S. 164, à la page 171 où, après avoir rejeté le concept d'une norme de preuve variable, il affirme :

Je n'estime pas que ce point de vue s'écarte du principe d'une norme de preuve fondée sur la prépondérance des probabilités ni qu'il appuie une norme variable. La question dans toutes les affaires civiles est de savoir quelle preuve il faut apporter et quel poids lui accorder pour que la cour conclue qu'on a fait la preuve suivant la prépondérance des probabilités.

Ensuite, les demandeurs doivent démontrer qu'ils n'auraient pas pu, en dépit de leur diligence raisonnable, découvrir antérieurement le fait nouveau sur lequel ils s'appuient maintenant. Enfin, les demandeurs doivent démontrer que, si le fait nouveau avait été examiné en octobre 2000, l'ordonnance rendue aurait probablement été différente.

      Comme je l'ai indiqué, l'ordonnance qui doit être examinée de nouveau est celle du 24 octobre 2000. À l'appui de la présente demande de réexamen, les demandeurs ont produit les affidavits de Edward Van Dyke, assermenté le 29 octobre 2000 et le 5 avril 2002, ainsi que l'affidavit de Mme Dawn Repchinski, assermentée le 7 mai 2002.


      M. Van Dyke est un anthropologue qui possède une expérience pertinente considérable. La preuve qu'il présente en date du 29 octobre 2000 peut être résumée ainsi :

1.          Avant 1940, les dates de naissance des demandeurs n'étaient pas consignées et certaines dates, attribuées à certains individus, n'étaient qu'approximatives;

2.          Pour ce qui est des dates généalogiques et des lieux afférents, des parents jusqu'aux arrière-arrière-grands-parents Cris, leurs concepts et leurs institutions ne concordent pas avec les concepts usuels au Canada en ce sens que :

-     Les Cris assimilent les grands-parents et les générations antérieures à des frères et des soeurs.

-     Avant 1940, un individu cri pouvait avoir plus d'un mari ou d'une femme à la fois.

-     Avant 1940, les dates et les lieux de décès sont en grande partie inconnus, ou sont connus mais l'endroit est désigné par un nom cri qui ne peut être associé à un nom de lieu canadien.


-     Le Cris vivent au rythme d'un calendrier lunaire.

Un diagramme d'arbre généalogique typique a été joint à l'affidavit du 29 octobre 2000. Tous ces renseignements, à l'exception de l'arbre généalogique, sont présentés sous la forme d'assertions générales, lesquelles ne devaient pas étayer la présente requête selon le juge Strayer.


      Dans l'intervalle, M. Van Dyke a effectué d'autres recherches et présente maintenant, en date du 5 avril 2002, l'information suivante : premièrement, il a discuté avec le directeur administratif du service des revendications territoriales des autochtones pour la province d'Alberta, qui l'a informé du fait que Susan Weston, du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, avait préparé, avant la présente action, une base de données des Cris de Trout Lake, de Peerless Lake et de God's Lake qui, selon M. Van Dyke, contiendrait des renseignements qu'il ne possède pas, mais ni lui ni les demandeurs n'ont accès à ces renseignements; deuxièmement, le ministère des Affaires indiennes est en possession d'autres documents pertinents datant d'environ 1985 relatifs au rétablissement prévu par le projet de loi C-31, mais ces documents ne sont pas accessibles aux demandeurs; troisièmement, certaines naissances, mariage et décès sont consignés dans les registres de l'Église catholique de McLennan en Alberta, mais les demandeurs ne peuvent obtenir ces renseignements parce que l'Église exige qu'ils fournissent les dates précises des naissances, mariages et décès, ce qu'ils ne possèdent pas, en plus de frais considérables pour eux et, enfin, les Archives nationales ont en leur possession des listes de paie indiquant le nombre de membres de la bande indienne de Bigstone, sur lesquelles, selon la déclaration modifiée, un petit nombre de demandeurs ont le sentiment d'avoir été erronément inscrits à titre de membres, mais M. Van Dyke a encore une fois été incapable d'obtenir les documents de la bande. Le premier point, au sujet de l'existence d'une base de données de la Couronne fédérale, est nouveau, précis et pertinent.

      Mme Repchinski fait valoir qu'elle a, le 2 mai 2002, fourni à la défenderesse une mise à jour de la liste généalogique et, le 28 août 2001, un arbre généalogique de 36 pieds de long de la bande de Peerless Lake. Bien que, dans son affidavit du 29 octobre 2000, M. Van Dyke fasse référence à la liste généalogique sous forme de diagramme comme étant celle de tous les demandeurs, il n'est pas précisé dans la preuve par affidavit de Mme Repchinski si l'arbre généalogique qu'elle a présenté concerne tous les demandeurs ou seulement la bande de Peerless Lake. Les arbres généalogiques sont nouveaux, précis et pertinents.


      De plus, s'agissant des autres renseignements manquants, l'avocat des demandeurs a informé la Cour que l'expression « One Cree » que mentionne le paragraphe 34 de la déclaration signifie uniquement l'inscription d'un individu cri de façon générique. Toutefois, ceci ne peut être considéré comme un élément de preuve. Qui plus est, ce n'est pas nouveau. En ce qui concerne les certificats, les demandeurs affirment clairement dans leur déclaration qu'il n'y a aucune trace enregistrée de certificats prouvant les paiements faits aux ancêtres des demandeurs. Si je saisis bien ce que dit l'avocat des demandeurs, l'arpenteur auquel il est fait référence la déclaration au paragraphe 46 est ce J.J. Steele qui est nommé dans ce paragraphe. Le paragraphe 53 et les précisions requises au sujet de l'inscription incorrecte des demandeurs auprès de la bande de Bigstone sont traités dans l'affidavit de M. Van Dyke.

      Malheureusement, l'ensemble de la nouvelle preuve, exception faite des arbres généalogiques précis et l'existence précise de la base de données du gouvernement fédéral concernant les Cris qui intentent l'action en l'espèce, est présentée par des experts d'une manière générale. Le juge Strayer affirme clairement dans ses motifs que « [l]es assertions générales faites par des avocats ou des experts au sujet des difficultés qu'ils éprouvent ne sauraient être suffisantes » , mais qu'il faut plutôt chercher à étayer cette requête « ...d'une preuve par affidavit précise quant aux efforts déployés pour satisfaire aux modalités de l'ordonnance et de détails expliquant pourquoi il est impossible de respecter certains aspects de celle-ci. »

      Je ne m'attendais pas à ce que soient présentés quelques 700 affidavits individuels, mais j'estime que, compte tenu des instructions précises du juge Strayer, des affidavits collectifs de plusieurs demandeurs, faisant état des problèmes éprouvés pour obtenir de plus amples précisions, particulièrement en ce qui touche les trous apparents dans la généalogie, auraient dus être présentés à la Cour.


      Je suis par conséquent saisi de deux matières nouvelles et pertinentes. Premièrement, il y a les deux arbres généalogiques détaillés : l'avocat de la défenderesse affirme que le deuxième, la version avec des codes de couleurs, préparé par les demandeurs bien après la requête du 24 octobre 2000, n'a été reçu qu'en copie noir et blanc. Deuxièmement, la découverte de l'existence de la base de données de l'État pour les Cris de Peerless Lake, de Trout Lake et de God's Lake. L'existence de cette base de données, à laquelle fait référence l'affidavit de M. Van Dyke en date du 5 mai 2002, est confirmée par l'affidavit du 21 mai 2002 de Mme Susan Weston, une agente de la politique pour la Reine, représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. L'affidavit, déposé par la Couronne, porte que Mme Weston s'est appuyée sur une liste de 460 Cris que lui avait remis M. Van Dyke en 1995. Mme Weston ajoute qu'elle a effectué davantage de recherche et a travaillé sur cette liste au moins de 1995 à 2000. J'admets que la base de données, maintenant en possession du ministère public, peut ne pas être encore complète.


      Bien que nouveaux, les arbres généalogiques des demandeurs auraient pu être confectionnés à une étape précédente si les demandeurs avaient été raisonnablement diligents, et donc ne s'inscrivent pas dans les paramètres de l'alinéa 399(2)a). Je suis convaincu que la base de données généalogiques du ministère public constitue un fait nouveau qui, selon la prépondérance des probabilités, n'aurait pas été recherché par des demandeurs raisonnablement diligents avant qu'on n'indique à leur avocat qu'il devait prouver l'inexistence de certaines données généalogiques. Certes, l'expert des demandeurs, M. Van Dyke, a, il y a environ sept ans, fourni à la Couronne les données de base pour effectuer des recherches et à partir desquelles constituer une base de données, mais aucun document, y compris ceux de la liste de documents de la défenderesse déposée le 29 septembre 2000 dans l'instance parallèle et similaire de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta, n'indique qu'il y ait eu accusé de réception des données de base en 1995 ou l'existence d'une base de données plus vaste, actuellement en la possession de la Couronne.


      J'arrive maintenant à la troisième partie du test, qui consiste à déterminer si la découverte opportune de la base de données de la Couronne, apparemment non déclarée, aurait eu pour résultat probable qu'une ordonnance différente soit rendue. À ce stade, je peux me pencher sur le fait nouveau, la base de données de la Couronne, dans le contexte de l'ensemble des faits. Dans le but d'obtenir l'ordonnance du 24 octobre 2000 enjoignant de fournir des précisions, la Couronne devait prouver la nécessité d'obtenir ces précisions pour préparer sa plaidoirie. Compte tenu de la découverte récente de la base de données de la Couronne, qui peut être incomplète, mais néanmoins contenir des renseignements qu'on ne retrouve pas dans la généalogie de M. Van Dyke, la nécessité absolue de précisions en ce qui touche la preuve d'expert, en l'espèce les précisions généalogiques, devient suspecte. Le fait que la Couronne ait été en mesure de présenter une défense intelligente dans l'instance parallèle et similaire de la Cour du Banc de la Reine d'Alberta, entre les mêmes parties, jette un doute très important en ce qui concerne la nécessité réelle que revêtent pour elle ces précisions. D'ailleurs, la Couronne est maintenant en possession de ce qui semble constituer le meilleur arbre généalogique que les demandeurs pouvaient produire, soit non seulement l'arbre auquel fait référence M. Van Dyke dans son affidavit du 29 octobre 2000, mais également la version mise à jour, peut-être sans codes de couleurs, envoyée à la Couronne le 28 août 2001. Tout ceci aurait tout probablement mené à une ordonnance différente de celle rendue le 24 octobre 2000. En tenant compte du fait nouveau, l'ordonnance devrait maintenant refléter le besoin qu'a réellement la Couronne en vue de préparer sa plaidoirie. Au mieux, ce besoin serait satisfait par les efforts dont les demandeurs font preuve présentement pour fournir les arbres généalogiques qui serviront de complément aux documents de la Couronne ayant servi à l'élaboration de la défense dans l'instance parallèle et similaire de la Cour du banc de la Reine de l'Alberta, dont la base de données de 1995 à 2000 de la Couronne nouvellement découverte.

      J'adresse toutefois une mise en garde aux demandeurs. Ils ont indiqué ne pas pouvoir trouver davantage de renseignements généalogiques. Sans trancher la question, il se pourrait bien que les demandeurs, à l'avenir, se voient empêchés d'introduire facilement de nouveaux documents généalogiques, plus détaillés, dans la présente instance.


CONCLUSION

      En raison du fait nouveau présenté, qui n'aurait pu, grâce à une diligence raisonnable être soumis à la Cour le 24 octobre 2000, l'ordonnance est modifiée. L'ordonnance indiquera que, compte tenu de l'existence de la base de données de la Couronne au sujet des Cris de Peerless Lake, de Trout Lake et de God's Lake et compte tenu des documents et de la défense de la Couronne dans l'instance de la Cour du banc de la Reine de l'Alberta, de même que des arbres généalogiques nouvellement présentés, dont une copie en couleur que les demandeurs transmettront immédiatement à la défenderesse, celle-ci possède suffisamment de documents pour se défendre intelligemment. La défenderesse disposera de 60 jours pour signifier et déposer sa défense. La présente ordonnance est rendue sous réserve de toutes précisions raisonnables que la Couronne pourra, en temps opportun, exiger aux fins de l'instruction.

      Les dépens suivent le sort de la cause.

(Signé.) « John A. Hargrave »

                                                                                                                        Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 5 juin 2002

Traduction certifiée conforme

Christine Gendreau, LL.B.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                    T-67-99

INTITULÉ :                                   David Starr et al. c. SMR

LIEU DE L'AUDIENCE :          Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :         23 mai 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Monsieur le protonotaire Hargrave

DATE DES MOTIFS :              5 juin 2002

COMPARUTIONS :

Mme Priscilla Kennedy                                                            Pour les demandeurs

M. Kevin P. Kimmis                                                                Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Parlee McLaws                                                                        Pour les demandeurs

Edmonton (Alberta)

M. Morris Rosenberg                                                              Pour la défenderesse

Sous-procureur général du Canada

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