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Date : 20190603


Dossier : IMM‑5376‑18

Référence : 2019 CF 764

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 juin 2019

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

LIZI ZHANG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, Lizi Zhang, sollicite le contrôle judiciaire de la décision (la décision) par laquelle un agent des visas a refusé sa demande de résidence permanente présentée au titre de la catégorie des travailleurs autonomes prévue au paragraphe 100(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement). La demande de contrôle judiciaire est déposée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2]  Pour les motifs exposés ci‑dessous, la demande est accueillie.

I.  Contexte

[3]  Le demandeur est un citoyen de la Chine. En août 2017, il a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs autonomes (les activités sportives).

[4]  Le demandeur est un entraîneur de tennis de table. Il a travaillé pendant 14 ans à l’École de sport amateur pour les jeunes (l’école de sport ou l’école) dans le district de Nanshan, à Shenzhen, en Chine. De nombreux étudiants entraînés par le demandeur ont participé à des compétitions aux niveaux national et international. Avant d’être entraîneur, le demandeur a fait partie, en tant que joueur, de l’équipe de tennis de table de la province de Guangdong et de l’équipe nationale de la Chine.

[5]  À l’appui de sa demande, le demandeur a fourni une lettre de référence de l’école de sport. Il a déclaré qu’il n’avait pas de contrat officiel avec l’école, mais qu’il y travaillait en vertu d’une entente verbale. Le demandeur recevait un salaire fixe annuel de 180 000 RMB et des primes, lorsque ses étudiants remportaient des compétitions. L’école offre aussi des prestations d’assurance sociale au demandeur.

II.  Décision faisant l’objet du contrôle

[6]  La décision de l’agent des visas (l’agent) est datée du 5 septembre 2018, et est constituée : (1) d’une lettre indiquant le refus de la demande de résidence permanente du demandeur parce que, selon l’agent, il n’a pas démontré qu’il avait l’expérience requise dans un travail autonome en activités sportives, selon le paragraphe 88(1) du Règlement; (2) des notes du Système mondial de gestion de cas (le SMGC) de l’agent qui font partie de la décision (Pushparasa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 828, au paragraphe 15). Dans la lettre, l’agent a déclaré que :

[traduction]

En ce qui concerne les activités sportives, vous n’avez pas démontré de manière convaincante que vous possédez l’« expérience utile » comme l’exige le paragraphe 88(1) du Règlement. Vous êtes un employé salarié à titre d’entraîneur de tennis de table à l’École de sport amateur pour les jeunes du district de Nanshan depuis juin 2004, et cet emploi ne répond pas aux exigences de l’« expérience utile », selon la définition de l’expression « travailleur autonome » prévue au paragraphe 88(1) du Règlement.

[7]  Les notes du SMGC donnent davantage de détails sur les conclusions tirées par l’agent, ainsi qu’un aperçu de l’entrevue tenue avec le demandeur à Hong Kong. L’agent a précisé que le demandeur devait démontrer qu’il possédait deux périodes d’un an d’expérience dans un travail autonome relatif à des activités sportives depuis le 11 août 2012 (soit cinq ans avant la date où la demande de visa de résident permanent a été faite), conformément au paragraphe 88(1) du Règlement. L’agent a conclu que le demandeur n’avait pas satisfait à cette exigence. Par conséquent, l’agent a refusé la demande sur le fondement du paragraphe 100(2) du Règlement.

[8]  En ce qui concerne l’entrevue, l’agent a d’abord mentionné que l’entrevue a été menée par l’entremise d’un interprète. Le demandeur a été avisé que le rôle de l’interprète était de l’aider à répondre aux questions et que, s’il ne comprenait pas certains éléments, il devait poser des questions à l’agent.

[9]  L’agent a interrogé le demandeur sur sa première expérience à titre de sportif professionnel en Chine, laquelle s’est terminée en juin 2004, et son expérience de travail en tant qu’entraîneur de tennis de table. L’agent a demandé au demandeur de décrire son travail à l’école de sport. Le demandeur a répondu qu’il entraîne des étudiants à l’école de 16 h 30 à 19 h 30 chaque jour, assiste aux compétitions, et donne des entraînements les fins de semaine.

[10]  L’agent a fait observer que le demandeur n’avait pas de contrat officiel avec l’école de sport. Il travaille à l’école en vertu d’une entente verbale, reçoit un salaire annuel, des primes et des prestations d’assurance sociale, y compris de l’assurance médicale. Lorsque le demandeur a été avisé des préoccupations de l’agent selon lesquelles il était un employé salarié à l’école de sport et qu’il y avait une preuve insuffisante qu’il était un travailleur autonome, le demandeur a ajouté qu’il recrutait des élèves et organisait des activités de marketing pour le compte de l’école, en plus de son travail d’entraîneur de tennis de table.

III.  Questions en litige et norme de contrôle applicable

[11]  Le demandeur soutient que la décision était déraisonnable pour deux raisons. Premièrement, le demandeur fait valoir que l’agent a tiré des conclusions factuelles erronées en concluant qu’il n’est pas un travailleur autonome aux fins du Règlement. Deuxièmement, il fait valoir que l’agent n’a pas pris en compte la définition de l’« expérience utile » (les activités sportives) prévue à la division 88(1)a)(B) du Règlement ni l’exigence de participation à des activités sportives à l’échelle internationale qui y est énoncée, vu l’expérience du demandeur en matière d’entraînement.

[12]  La norme de contrôle de la décision d’un agent des visas relativement à l’admission d’un étranger au titre de la sous‑catégorie des travailleurs autonomes de la catégorie de l’immigration économique est celle de la décision raisonnable, car l’évaluation de l’agent est une question mixte de fait et de droit (Al‑Katanani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1053, au paragraphe 11; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 904, au paragraphe 10). La Cour n’interviendra que si la décision manque de justification, de transparence ou d’intelligibilité et qu’elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits de l’espèce et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[13]  Le demandeur affirme aussi que l’agent a violé son droit à l’équité procédurale en omettant de s’assurer qu’il avait compris et répondu à la préoccupation selon laquelle il n’était pas un travailleur autonome. J’effectuerai le contrôle de cette question selon la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, aux paragraphes 34 à 56 (Canadien Pacifique)).

IV.  Question préliminaire – admissibilité de l’affidavit

[14]  Le demandeur a déposé un affidavit à l’appui de la présente demande, par l’entremise d’un avocat en Chine, Me Wang Cheng. Le défendeur s’est opposé à l’admission de l’affidavit, car celui‑ci contient des renseignements dont l’agent ne disposait pas avant de rendre la décision. (Samsonov c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1158, au paragraphe 7; Farid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 579, au paragraphe 22).

[15]  Le demandeur a reconnu à l’audience que l’affidavit n’était pas admissible dans le cadre de la présente demande, et, en rendant ma décision, je n’ai pas tenu compte des déclarations du souscripteur de l’affidavit.

V.  Dispositions législatives

[16]  Le texte complet des dispositions applicables de la LIPR et du Règlement est énoncé à l’annexe A du présent jugement.

VI.  Analyse

1.  La décision était‑elle raisonnable?

Cadre législatif

[17]  Afin d’effectuer une analyse adéquate de la décision, j’exposerai d’abord un sommaire des dispositions législatives applicables.

[18]  Le paragraphe 11(1) de la LIPR dispose que l’étranger doit présenter une demande de visa préalablement à son entrée au Canada. Conformément au paragraphe 12(2) de la LIPR, la sélection de l’étranger à titre de membre de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de sa capacité à réussir son établissement économique au Canada.

[19]  Le paragraphe 100(1) du Règlement décrit la catégorie des travailleurs autonomes comme une catégorie de personnes (1) qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada et (2) qui sont des travailleurs autonomes au sens du paragraphe 88(1) du Règlement. Si l’étranger qui présente une demande au titre de la catégorie des travailleurs autonomes n’est pas un travailleur autonome, sa demande doit être rejetée (paragraphe 100(2) du Règlement). En août 2017, le demandeur a présenté une demande de visa de résident permanent à titre de travailleur autonome.

[20]  La définition de travailleur autonome prévue au paragraphe 88(1) du Règlement comporte trois exigences. Les exigences sont cumulatives et l’étranger doit satisfaire à chacune d’elles. L’étranger doit établir qu’il a :

1.  l’expérience utile, telle qu’elle est définie au paragraphe 88(1);

2.  l’intention et est en mesure de créer son propre emploi au Canada;

3.  l’intention et est en mesure de contribuer de manière importante à des activités économiques déterminées au Canada.

[21]  L’expression « activités économiques déterminées » s’agissant d’un travailleur autonome s’entend, d’une part, des activités culturelles et sportives et, d’autre part, de l’achat et de la gestion d’une ferme.

[22]  En l’espèce, la question déterminante que l’agent devait trancher était celle de savoir si le demandeur possédait l’expérience utile pour être admissible à titre de travailleur autonome aux fins du Règlement. L’expression « expérience utile » relativement aux activités sportives est définie au paragraphe 88(1) de la manière suivante :

expérience utile

relevant experience, in respect of

(a) S’agissant d’un travailleur autonome ... s’entend de l’expérience d’une durée d’au moins deux ans au cours de la période commençant cinq ans avant la date où la demande de visa de résident permanent est faite et prenant fin à la date où il est statué sur celle‑ci, composée : …

(a) a self‑employed person ... means a minimum of two years of experience, during the period beginning five years before the date of application for a permanent resident visa and ending on the day a determination is made in respect of the application, consisting of …

(ii) relativement à des activités sportives :

(ii) in respect of athletics activities,

(A) soit de deux périodes d’un an d’expérience dans un travail autonome relatif à des activités sportives,

(A) two one‑year periods of experience in self‑employment in athletics,

(B) soit de deux périodes d’un an d’expérience dans la participation à des activités sportives à l’échelle internationale,

(B)  two one‑year periods of experience in participation at a world class level in athletics, or

(C) soit d’un an d’expérience au titre de la division (A) et d’un an d’expérience au titre de la division (B),

 

(C) a combination of a one‑year period of experience described in clause (A) and a one‑year period of experience described in clause (B), and

[...]

[...]

Analyse de la décision

[23]  Le demandeur fait valoir deux arguments distincts à l’appui de sa prétention selon laquelle la décision n’était pas raisonnable. Dans ses observations écrites, le demandeur soutient que l’agent a erronément conclu qu’il n’était pas un travailleur autonome, en tant qu’entraîneur de tennis de table en Chine. Cet argument est centré sur la définition de l’expérience utile (les activités sportives) prévue à la division (A). À l’audience qui s’est tenue devant moi, le demandeur a fait valoir que l’agent a déraisonnablement méconnu la définition de la division (B), et n’a pas examiné si son travail à titre d’entraîneur de haut niveau satisfaisait aux exigences de participation à des activités sportives à l’échelle internationale pendant la période pertinente (cinq ans avant la date où la demande de visa est faite). En ce qui concerne ce dernier élément, l’accent n’était pas mis sur la carrière sportive du demandeur à proprement parler, laquelle est grandement antérieure à la période pertinente, mais plutôt sur sa participation aux activités sportives en tant qu’entraîneur.

(A) Travail autonome

[24]  Pour les motifs exposés ci‑dessous, j’estime que les arguments avancés par le demandeur relativement à son travail autonome en Chine ne sont pas convaincants. La conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur n’avait pas établi l’expérience utile de deux ans dans un travail autonome relatif à des activités sportives est compatible avec la preuve contenue dans le dossier. L’agent ne disposait tout simplement pas de preuve selon laquelle le demandeur est un travailleur autonome en tant qu’entraîneur de tennis de table en Chine, et je conclus que l’agent a raisonnablement décidé que le demandeur n’avait pas démontré qu’il se conformait aux exigences établies dans le Règlement. La décision était amplement justifiée à cet égard, et l’agent a donné des motifs intelligibles et transparents à l’appui de la conclusion selon laquelle le demandeur n’était pas un travailleur autonome.

[25]  Le demandeur a l’obligation d’établir qu’il possède deux périodes d’un an d’expérience dans un travail autonome pendant la période pertinente. Il incombe au demandeur de présenter une demande assortie de tous les documents justificatifs pertinents et de fournir, à l’appui de cette demande, une preuve crédible suffisante (Oladipo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 366, au paragraphe 24; Ramezanpour c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 751, au paragraphe 35; Singh c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 84, au paragraphe 39). Si le demandeur ne peut pas le faire, la demande doit être rejetée, conformément au paragraphe 100(2) du Règlement.

[26]  Le demandeur avance que l’agent a erronément conclu qu’il est un employé salarié, parce qu’il n’a pas d’entente de travail écrite  avec l’école de sport. Toutefois, le fait qu’une personne n’a pas d’entente de travail avec un employeur, mais travaille plutôt sous contrat, n’est pas déterminant quant à la question de savoir si la personne est un employé ou un travailleur autonome. De nombreuses personnes travaillent en vertu de contrats à long et à court termes, mais sont néanmoins des employées. Dans chaque cas, il faut prendre en compte la structure de la relation entre la personne et l’entité à laquelle elle offre des services.

[27]  La seule preuve documentaire de travail rémunéré fournie par le demandeur était une lettre de référence de l’école de sport qui n’indiquait pas si le demandeur est un employé ou un travailleur autonome. La lettre confirme que le demandeur travaillait en vertu de contrats avec l’école depuis juin 2004, et qu’il perçoit un revenu annuel et des prestations d’assurance sociale, y compris l’assurance médicale, qui font partie de son contrat. Ces faits laissent entendre qu’il existe une relation d’emploi. L’inférence que l’agent a tirée à partir de la lettre, en ce qui a trait à la nature de la relation du demandeur avec l’école, n’était pas déraisonnable.

[28]  Le demandeur n’a pas présenté de preuve à l’appui de l’affirmation selon laquelle il est un travailleur autonome qui travaille pour une période prolongée à l’école de sport. Pendant l’entrevue, il a témoigné qu’il donne des cours à ses étudiants tous les jours après l’école. Dans le dossier, rien ne laisse entendre qu’il entraîne d’autres joueurs de tennis de table, en dehors de son travail à l’école. Le fait que son rôle d’entraîneur à l’école est son unique source de rémunération est aussi compatible avec l’existence d’une relation d’emploi.

[29]  Le demandeur fait valoir que l’agent n’aurait pas dû se fonder sur la durée pendant laquelle il a travaillé à l’école de sport ni sur le fait qu’il perçoit un revenu annuel stable de l’école. À mon avis, l’agent ne s’est pas indûment fondé sur ces éléments des ententes du demandeur pour conclure que celui‑ci est un employé. Le fait que le demandeur est un entraîneur de longue date à l’école, recevant un salaire et des avantages faisant partie de son contrat, est pertinent dans le cadre d’une évaluation de la nature de sa relation avec l’école.

[30]  Dans ses observations écrites, le demandeur se fonde sur ce qu’il a dit être la pratique normale en Amérique du Nord en ce qui concerne le statut des entraîneurs de sport professionnel au sein de leurs équipes. Le demandeur renvoie à un article sur Internet au sujet des entraîneurs‑chefs de la National Basketball Association qui perçoivent un salaire fixe et des primes. Je n’ai pas retenu cet argument et avec raison. Une pratique nord‑américaine concernant la rémunération des entraîneurs de sport professionnel n’est pas pertinente eu égard à la question de savoir si le demandeur a établi qu’il était un travailleur autonome enseignant le tennis de table dans une école en Chine.

[31]  Enfin, le demandeur fait valoir que l’agent a mal interprété les paragraphes 100(1) et 88(1) du Règlement. Il soutient que les paragraphes en question mettent l’accent sur l’intention du demandeur et le fait que celui‑ci soit en mesure de créer son propre emploi au Canada, et non pas sur les dispositions juridiques ou financières précises selon lesquelles il est rémunéré. Toutefois, au paragraphe 88(1) du Règlement, le critère pour le travailleur autonome comporte trois exigences, chacune d’elles devant être remplie :

1.  l’expérience utile, telle qu’elle est définie au paragraphe 88(1);

2.  l’intention et être en mesure de créer son propre emploi au Canada;

3.  l’intention et être en mesure de contribuer de manière importante à des activités économiques déterminées au Canada.

[32]  Le demandeur fait valoir en fait que l’absence d’expérience utile en tant que travailleur autonome ne peut pas être déterminante dans une demande de résidence permanente si l’étranger a l’intention et est en mesure de créer son propre emploi au Canada. Cet argument ne peut pas aboutir. Premièrement, il ne tient pas compte du libellé clair du paragraphe 88(1) du Règlement et du caractère conjonctif des exigences du critère. Deuxièmement, le paragraphe 100(1) du Règlement établit la catégorie des travailleurs autonomes pour les personnes qui ont la capacité à réussir leur établissement économique au Canada et « qui sont des travailleurs autonomes au sens du paragraphe 88(1) ».

[33]  Le demandeur invoque la décision Guryeva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1103, pour faire valoir qu’un demandeur peut occuper un poste à temps plein dans un emploi non lié à des activités sportives, mais peut néanmoins satisfaire à l’exigence de l’expérience utile en se livrant à des activités sportives durant ses loisirs. La question litigieuse dans le cas du demandeur est que, selon sa preuve, son seul poste rémunéré est à l’école de sport. Il n’y a pas de preuve que le demandeur a effectué du travail en tant qu’entraîneur de tennis de table indépendamment de son travail à l’école.

(B) Participation à des activités sportives à l’échelle internationale

[34]  Le demandeur affirme que l’agent n’a pas pris en compte la division (B) de la définition de l’« expérience utile » (les activités sportives) prévue au paragraphe 88(1) du Règlement qui permet à l’étranger de satisfaire à l’exigence de l’expérience utile en tant que travailleur autonome, lorsqu’il a « deux périodes d’un an d’expérience dans la participation à des activités sportives à l’échelle internationale ». Le demandeur renvoie à sa lettre de référence de l’école de sport dans laquelle sont énumérées les réalisations d’un certain nombre de ses étudiants aux niveaux national et international de compétitions de tennis de table. Il invoque aussi un article de journal contenu dans le dossier qui nomme l’un de ses étudiants en tant que membre de l’équipe nationale de Singapour. Le demandeur déclare que, comme l’agent n’a pas évalué cette preuve eu égard aux exigences de la division (B), cela a entraîné une décision déraisonnable devant être annulée.

[35]  Le défendeur met l’accent sur le fait que la norme de contrôle de la décision est celle de la décision raisonnable, et il soutient qu’il était raisonnable que l’agent conclue que l’entraînement n’équivaut pas à la participation à des activités sportives à l’échelle internationale. Le défendeur se fonde sur le fait que l’agent a soulevé cette question vers la fin de l’entrevue avec le demandeur de la manière suivante :

[traduction]

Votre participation à des activités sportives à l’échelle internationale en tant que membre de l’équipe nationale de tennis de table de la Chine remonte à plus de 15 ans; cette expérience se situe à l’extérieur de la période visée par l’évaluation.

[36]  L’argument du demandeur est centré sur le fait que la division (B) exige que l’étranger établisse une participation à des activités sportives à l’échelle internationale pendant la période pertinente. Elle n’exige pas que l’étranger établisse une participation à des activités sportives en tant que sportif à l’échelle internationale pendant cette période. Bien que le demandeur n’ait pas été en mesure d’invoquer un précédent qui tient compte de l’étendue de la division, il est raisonnable de supposer que le législateur a choisi de rédiger la disposition en utilisant une terminologie très générale et n’a pas eu l’intention de limiter sa portée aux sportifs actuels qui participent à des activités à l’échelle internationale. En fait, dans le contexte du plan d’autosuffisance du demandeur au Canada, la participation à des activités sportives à l’échelle internationale peut, de toute évidence, contribuer à la viabilité des idées du demandeur pour la création de son propre emploi au Canada.

[37]  L’agent a soulevé la question de la participation du demandeur à des activités sportives à l’échelle internationale, mais il l’a fait uniquement dans le contexte de son statut en tant que sportif. Il est clair que l’agent n’a pas examiné la question de savoir si l’expérience du demandeur en entraînement pendant la période pertinente pouvait satisfaire aux exigences de la division (B) de la définition de l’expérience utile (les activités sportives).

[38]  La preuve de l’expérience du demandeur en tant qu’entraîneur de sportifs ayant obtenu du succès à l’échelle nationale et internationale à des compétitions de tennis de table était clairement exposée à l’agent dans la lettre de référence de l’école de sport. Je conclus qu’il était déraisonnable que l’agent n’ait pas examiné cette preuve au regard des exigences de la division (B). Il incombait à l’agent de trancher la question de savoir si la preuve du demandeur satisfaisait en réalité aux exigences de la division et établissait l’expérience utile du demandeur aux fins du Règlement, et il reviendra à un autre agent des visas d’examiner cette question dans le cadre d’une nouvelle décision devant être rendue dans la présente affaire.

2.  L’agent a‑t‑il violé le droit du demandeur à l’équité procédurale en ne s’assurant pas que le demandeur comprenait et répondait à la préoccupation selon laquelle il n’était pas un travailleur autonome?

[39]  Le demandeur soutient que l’agent ne lui a pas donné de possibilité véritable de répondre à sa préoccupation selon laquelle il n’était pas un travailleur autonome. Le demandeur affirme que l’agent a résumé la préoccupation à la fin de l’entrevue et, une fois qu’il a donné une réponse, l’agent a mis fin à l’entrevue sans autre question. Le demandeur souligne aussi qu’il n’a donné aucune réponse à la question de l’agent quant à savoir s’il était un employé à l’école de sport, malgré le fait qu’il n’avait pas de contrat de travail.

[40]  Je conclus que l’agent n’a pas violé le droit du demandeur à l’équité procédurale. Avant l’entrevue, le demandeur a été dûment informé qu’il devrait démontrer qu’il satisfaisait aux critères de sélection applicables à la catégorie des travailleurs autonomes. Dans une lettre datée du 21 juin 2018, on lui a demandé de fournir des documents à l’appui de sa demande. Le demandeur a reçu une seconde lettre datée du 3 août 2018, dans laquelle il était question de sa responsabilité d’établir qu’il satisfaisait aux critères, et dans laquelle il était invité à fournir les documents nécessaires à l’entrevue. Les critères de sélection ont été expliqués au demandeur et la définition de l’« expérience utile » était jointe à la lettre. À l’entrevue, le demandeur a eu droit à un interprète et n’a soulevé aucune question relativement à la compétence et à l’exactitude des services d’interprétation qui lui ont été fournis.

[41]  Les notes du SMGC indiquent que l’agent a résumé la préoccupation précise concernant le manque de preuve du travail autonome du demandeur et lui a donné la possibilité de répondre (Verghese c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 748, au paragraphe 8; voir également par exemple la décision Lv c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 935, aux paragraphes 22 à 27). L’agent n’a pas simplement demandé au demandeur s’il avait quelque chose à ajouter. Le demandeur a répondu à la préoccupation de l’agent et celui‑ci n’avait pas d’obligation de poser d’autres questions. Il incombait au demandeur de fournir une réponse complète. S’il n’avait pas compris la question, ce qui n’est pas évident vu la réponse qu’il a donnée, le demandeur avait la possibilité de demander des précisions.

VII.  Conclusion

[42]  La demande sera accueillie.

[43]  Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et il ne s’en pose aucune en l’espèce.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5376‑18

LA COUR STATUE que :

1.  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 19e jour de juin 2019.

L. Endale, traductrice


ANNEXE A

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Visa et documents

Application before entering Canada

11 (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11 (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

Immigration économique

Economic immigration

12 (2) La sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

12 (2) A foreign national may be selected as a member of the economic class on the basis of their ability to become economically established in Canada.

[...]

[...]

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227

Définitions et champ d’application

Interpretation

88. (1) Définitions ‑ Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente section.

88. (1) Definitions ‑ The definitions in this subsection apply in this Division.

expérience utile

relevant experience, in respect of

(a) S’agissant d’un travailleur autonome autre qu’un travailleur autonome sélectionné par une province, s’entend de l’expérience d’une durée d’au moins deux ans au cours de la période commençant cinq ans avant la date où la demande de visa de résident permanent est faite et prenant fin à la date où il est statué sur celle‑ci, composée :

(a) a self‑employed person, other than a self‑employed person selected by a province, means a minimum of two years of experience, during the period beginning five years before the date of application for a permanent resident visa and ending on the day a determination is made in respect of the application, consisting of

[...]

[...]

(ii) relativement à des activités sportives :

(ii) in respect of athletics activities,

(A) soit de deux périodes d’un an d’expérience dans un travail autonome relatif à des activités sportives,

(A) two one‑year periods of experience in self‑employment in athletics,

(B) soit de deux périodes d’un an d’expérience dans la participation à des activités sportives à l’échelle internationale,

(B) two one‑year periods of experience in participation at a world class level in athletics, or

(C) soit d’un an d’expérience au titre de la division (A) et d’un an d’expérience au titre de la division (B),

(C) a combination of a one‑year period of experience described in clause (A) and a one‑year period of experience described in clause (B), and

[...]

[...]

« travailleur autonome » Étranger qui a l’expérience utile et qui a l’intention et est en mesure de créer son propre emploi au Canada et de contribuer de manière importante à des activités économiques déterminées au Canada.

“self‑employed person” means a foreign national who has relevant experience and has the intention and ability to be self‑employed in Canada and to make a significant contribution to specified economic activities in Canada.

« activités économiques déterminées »

"specified economic activities", in respect of 

(a) S’agissant d’un travailleur autonome, autre qu’un travailleur autonome sélectionné par une province, s’entend, d’une part, des activités culturelles et sportives et, d’autre part, de l’achat et de la gestion d’une ferme;

(a) a self‑employed person, other than a self‑employed person selected by a province, means cultural activities, athletics or the purchase and management of a farm; and

(b) s’agissant d’un travailleur autonome sélectionné par une province, s’entend au sens du droit provincial.

(b) a self‑employed person selected by a province, has the meaning provided by the laws of the province. 

Travailleurs autonomes

Self‑employed persons

Qualité

Members of the class

100. (1) Pour l’application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie des travailleurs autonomes est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada et qui sont des travailleurs autonomes au sens du paragraphe 88(1).

100. (1) For the purposes of subsection 12(2) of the Act, the self‑employed persons class is hereby prescribed as a class of persons who may become permanent residents on the basis of their ability to become economically established in Canada and who are self‑employed persons within the meaning of subsection 88(1).

Exigences minimales

Minimal requirements

(2) Si le demandeur au titre de la catégorie des travailleurs autonomes n’est pas un travailleur autonome au sens du paragraphe 88(1), l’agent met fin à l’examen de la demande et la rejette.

(2) If a foreign national who applies as a member of the self‑employed persons class is not a self‑employed person within the meaning of subsection 88(1), the application shall be refused and no further assessment is required.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5376‑18

 

INTITULÉ :

LIZI ZHANG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 mai 2019

 

Jugement et motifS :

La juge WALKER

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 3 juin 2019

 

COMPARUTIONS :

Max Chaudhary

Pour le demandeur

Catherine Vasilaros

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chaudhary Law

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

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